Grand portraitiste de son siècle, dans la presse écrite comme sur les plateaux de télévision, le dessinateur Piem nous a quittés hier, le jour de son 97ème anniversaire.

Piem était son nom d’artiste, celui qu’il s’était choisi et qui lui ressemblait. Court et simple, comme son coup de crayon. Vif et sonore, comme une onomatopée. Mais son véritable patronyme était Pierre de Barrigue de Montvallon. Né en 1923 dans une vieille famille de la noblesse de robe, il en conserva toute sa vie l’héritage d’une foi catholique ardente.

La guerre qui assombrit sa jeunesse parisienne ne l’empêcha pas de poursuivre les études dont il rêvait, sur les bancs de l’École nationale supérieure des beaux-arts et de l’école Paul Colin. Il y apprit tout : la peinture, le dessin, la patience minutieuse de la gravure, l’expressivité monumentale de la fresque, l’efficacité dépouillée de l’affiche aussi, « ce télégramme adressé à l’esprit ».

Après avoir servi sous les drapeaux comme « caporal décorateur » selon sa propre boutade, en charge de peindre les murs des mess militaires, il officia dans les pages de Témoignage Chrétien et du Figaro, dont il devint l’une des grandes signatures du dessin avec Jacques Faizant. La Croix et Le Point lui firent aussi bonne place dans leurs colonnes. Lui, l’homme de gauche qui ne cachait pas ses idées, s’étonna toujours d’avoir eu plus souvent les faveurs des journaux de droite.

D’une ironie tendre, qui n’était jamais méchante ni gratuite, il croquait la société sous toutes ses facettes, des footballeurs aux prêtres, des gendarmes aux ménagères, des scènes de la vie quotidienne aux interrogations les plus existentielles.

François Mitterrand saluait son « trait dépouillé et savamment naïf », cette façon de feindre la candeur pour mieux faire saillir les travers d’une époque. Ses traits de crayons mêlaient les traits d’humour et les traits d’esprit. Il avait cet instinct de la pensée brève, de l’image forte, qui frappe l’œil et l’esprit. En quelques lignes, tout était dit. D’un même geste, il résumait son temps et le marquait.

Il n’y avait pas que sur papier que Piem était drôle. Dans les années 1960, il se produisit dans les cabarets de Paris aux côtés de Barbara, Gréco et Brassens. La télévision s’empara bientôt de son talent pour l’offrir en partage au plus grand nombre. Ses premières apparitions dans la petite lucarne datent des émissions Dim, Dam, Dom et Un trait pour tout. Mais c’est Le Petit Rapporteur, présenté par Jacques Martin, qui le fit connaître du grand public. Tous les dimanches, pendant deux saisons, il entra dans le salon des Français. Dans « La petite semaine de Piem », l’un des piliers du programme, puis dans l’émission « La Lorgnette », ce fumeur de pipe invétéré commentait l’actualité avec facétie et impertinence, en mots et en dessins, imprimant à la télévision française un nouveau ton, libre et joyeux.

Le Président de la République et son épouse saluent un artiste dont l’humour et l’intelligence contribuèrent à dessiner l’esprit français. Ils adressent à sa famille, ses proches et ses admirateurs leurs condoléances attristées.

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