Il était le plus célèbre des couturiers japonais, le plus français aussi. Kenzo Takada, qui avait fait de la France son pays d’adoption et sa terre de création, s’est éteint dimanche.

Beaucoup de grands stylistes se font un nom. Lui s’était fait un prénom, devenu synonyme dans le monde entier d’une élégance joyeuse, fleurie et colorée.

Cinquième d’une famille de sept enfants, Kenzo Takada grandit dans un petit village près d’Osaka, loin des podiums et des paillettes. Pourtant, dès son plus jeune âge, il dévorait les magazines de mode de ses sœurs et s’immisçait dans leurs cours de dessin et de couture. Ses parents, qui tenaient une maison de thé, voyaient d’un mauvais œil cette passion qu’ils estimaient ne pas convenir à son sexe. Pour ne pas les contrarier, le jeune homme rejoignit sagement les bancs de l’Université de Kobe mais l’ennui le poussa bientôt à suivre sa pente propre. Il devint alors le premier représentant de la gent masculine à suivre les cours d’un institut de mode réputé à Tokyo, le Bunka Fashion College.

L’étudiant japonais rêvait de venir en France, pour séjourner à Paris, la capitale de la mode, là où Yves Saint Laurent, Pierre Cardin, Christian Dior et Pierre Balmain enveloppaient les femmes et les hommes dans l’étoffe de leur imagination. Il embarqua pour la France, espérant y rester six mois, et n’en repartit jamais plus. Il découvrit, ébloui, les défilés parisiens, vendit ses premiers croquis, et officia dans des maisons de prêt-à-porter en vogue.

C’est en 1970, cinq ans après son arrivée à Paris, qu’il conçut sa toute première collection dans une boutique de la galerie Vivienne, Jungle Jap, avec l’envie d’inventer un vestiaire « joyeux ». Il fit alors souffler sur le monde de la mode une bourrasque d’audace et d’énergie, par une profusion nouvelle de couleurs, de fleurs et d’imprimés graphiques qui égaient depuis 50 ans les estrades de la haute couture et la silhouette des passants.

Plusieurs boutiques plus tard, il s’installa place des Victoires, et Jungle Jap devint Kenzo. Désormais, il signait de son prénom tous les vêtements qui sortaient de son esprit cosmopolite et fertile. Sa mode était métissée, sa muse vagabonde : il s’inspirait des kimonos japonais, mais aussi des chandails salves, des boubous africains ou des robes de Maharani. Chacune de ses collections était une invitation au voyage.

Saison après saison, il a imaginé une garde-robe vivante, souple, qui laisse les corps libres de leurs mouvements, et dont le raffinement n’exclut pas l’exubérance. Ses défilés le prouvaient, qui étaient toujours de grandes fêtes, où souriaient et dansaient des mannequins qui jamais n’étaient corsetés, et où il lui est arrivé de venir saluer son public à dos d’éléphant.

Kenzo Takada avait deux mots d’ordre : l’audace et l’élégance. Et deux emblèmes : le tigre et le coquelicot. Le premier, qui symbolisait la puissance de son style, s’affichait souvent comme un blason sur ses vêtements. Le second, qui disait sa délicatesse, fleurissait sur les flacons de ses parfums, dans les salles de bain du monde entier.

Le Président de la République et son épouse saluent la carrière de ce créateur qui a su redonner des couleurs et de la liberté à nos silhouettes. Ils adressent à ses proches, à tous ceux qui ont travaillé à ses côtés, comme à tous ceux qui ont aimé ses créations, leurs sincères condoléances.

 

À consulter également

Voir tous les articles et dossiers