Il tendait son micro à tous ceux qui ont trop rarement voix au chapitre, les prolétaires, les étrangers ou les enfants des quartiers populaires. Le journaliste et documentariste Marcel Trillat nous a quittés hier après une vie passée au service du journalisme et de la télévision publique. 

Il fit ses premiers pas ou plutôt ses premières piges de journaliste dans l’emblématique émission de l’ORTF, « Cinq colonnes à la une », au milieu des années 60. C’est là, aux côtés des grands noms de la télévision publique, les Desgraupes, Dumayet, Sabbagh, qu’il apprit les principes du grand reportage, précieux savoir-faire qu’il mit ensuite au service de programmes télévisés et de documentaires, principalement consacrés à la classe ouvrière française.
 
Tout au long de sa carrière, Marcel Trillat ne dissimula jamais ses engagements. Venu du monde communiste, il assuma jusqu’au bout cette histoire et cette culture, menant au sein de la télévision publique, alors gaullienne, les combats qu’il estimait justes. Cela lui valut d’être écarté de l’ORTF, comme tant d’autres, après les événements de mai 1968. 

Pourtant, cette éviction ne refroidit ni son ardeur de journaliste ni sa ferveur militante. Sa plume s’épanouit ensuite dans les colonnes de L’Humanité. Surtout, il participa, en 1979, à l’aventure de la radio libre « Lorraine cœur d’acier » qui défendit les luttes syndicales de la CGT lors des fermetures de hauts-fourneaux de la sidérurgie. Il devint ainsi l’un des porte-voix de ceux dont les difficultés et les luttes avaient encore rarement droit d’ondes et d’écrans.

Après le 10 mai 1981, alors que l’audiovisuel public français s’ouvrait à une plus grande pluralité de voix et de tons, notamment à des journalistes venus de la sphère communiste, il rejoignit Antenne 2 et en gravit la pyramide éditoriale. De grand reporter, il passa chef du service « société » pour finir directeur adjoint de l’information. Durant toutes ces années, il s’appliqua à transmettre son savoir-faire, tout particulièrement son goût et son talent de la formule qui frappe l’oreille et l’esprit, à des générations de jeunes journalistes, leur répétant à l’envi, cigarillo à la bouche : « un commentaire n’est pas un rapport ! ».
 
Il réalisa également de grands reportages pour « Envoyé spécial » et des documentaires, sur « Les Prolos », « Les Enfants de la dalle », les « Femmes précaires » ou « Les Étranges étrangers », sur tous ceux qu’il jugeait en souffrance et injustement invisibles. Pour lui, l’engagement résidait avant tout dans le choix du sujet, mais le traitement qu’il en faisait se voulait malgré tout respectueux de la nécessaire neutralité distanciée que le journaliste se doit d’observer. Cet équilibre toujours tenu entre l'engagement militant et l'investigation journalistique lui valait l'estime et le respect de ses pairs. 

Le Président de la République salue ce journaliste engagé qui prêta sa voix et sa plume aux destins des plus humbles. Il adresse ses condoléances respectueuses à sa famille et ses proches, ses collègues, comme à tous ceux que ses articles et ses reportages ont éclairés.

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