Jean Gandois, grand dirigeant d’industries et ancien président du CNPF, l’ancêtre du Medef, est décédé le 7 août, à l’âge de 90 ans. 
 
Né dans le Limousin en 1930, Jean Gandois grandit entouré de parents aux profils aussi différents qu’affirmés, entre un père receveur-percepteur des finances libre penseur et une mère fille de boucher très religieuse. De la guerre, il garda le souvenir des uniformes de la division SS Das Reich, croisés alors qu’il était âgé de 14 ans le 10 juin 1944 : cette division venait de massacrer quelques heures plus tôt les habitants d’Oradour-sur-Glane. 

Après de brillantes études, le jeune polytechnicien ingénieur des Ponts et Chaussées débuta sa carrière en Guinée française, puis au Pérou et au Brésil en tant qu’expert pour les chantiers routiers. Puis il fit son entrée sur la scène de l’industrie française en intégrant le groupe Wendel en 1961. Il enchaîna dès lors les tout premiers rôles : PDG de l’aciériste Sollac en 1975, il prit la tête du groupe chimique Rhône-Poulenc quatre ans plus tard, avant d’occuper la direction du champion de l’aluminium Pechiney en 1986. 
Véritable capitaine d’industrie, il eut à affronter plusieurs tempêtes : celle qui secoua la sidérurgie française dans les années 1970, puis celle qui ballotta le secteur du textile et de l’aluminium. Son cap était fixé : défendre la compétitivité française, tout en s’engageant en faveur d’une entreprise citoyenne. 

Il n’en dévia pas lorsqu’il fut à la barre du CNPF : à 64 ans, Jean Gandois débutait en effet une autre carrière, revêtant cette fois-ci la casquette de « patron des patrons ». Il fut un président étonnant et détonnant : autoritaire mais attentif, parfois rude mais toujours franc. Insistant sur l’importance du dialogue social, il invita pour la première fois depuis longtemps la CGT à venir discuter au CNPF, se prononça en 1995, à la stupeur de ses pairs, pour une hausse des salaires, et donna raison en plein conflit social aux conducteurs de métro qui estimaient devoir prendre leur retraite plus tôt. 
Il fit retentir son plus grand coup d'éclat le 10 octobre 1997 : lorsqu’il apprit la décision du Premier ministre Lionel Jospin de rendre les 35 heures contraignantes, il quitta le sommet social furieux, assurant avoir été « berné », et démissionna avec fracas. Une décision sans précédent dans l'histoire du patronat français, qu’il prenait pour la seconde fois en signe de protestation face à l’Etat — déjà, en 1982, il avait claqué la porte de Rhône Poulenc pour s’opposer à l'interventionnisme du pouvoir. 

« Homme éclaté », ainsi que le surnommaient ses proches, toujours entre deux avions, toujours entre plusieurs missions, Jean Gandois divisait son temps entre ses différentes postes, de patron d’industries et d’administrateur de grands groupes, et partageait sa vie entre Paris et Bruxelles, aussi à l’aise dans les bureaux parisiens du CNPF que sur le terrain des usines belges de la société sidérurgique Cockerill Sambre dont il prit la direction en 1987.
Cette expérience professionnelle renforça sa foi en l’Europe, pour laquelle il militait auprès des patrons allemands et flamands, s’entretenant avec eux sans interprète, et qu’il défendait lors des débats du think tank Confrontations Europe. 

Le Président de la République salue le parcours de cet homme de parole, qui fit vivre le dialogue social et qui était resté fidèle sa vie durant à sa conviction que l’entreprise pouvait être un lieu de bien-être à condition d’être citoyenne. Il adresse à sa famille, ses proches, et à ses anciens collègues ses sincères condoléances. 

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