Au cours de l’Histoire et encore plus depuis le début du XXième siècle, un lien particulier s’est noué entre les artistes et écrivains chinois et la France.
Ce lien se concrétise par l’inauguration du Centre Pompidou West Bund Museum à Shanghai. Il s’agit de la première antenne du Centre Georges Pompidou en dehors de l’Europe.
Ce musée permettra à la France de faire rayonner jusqu’en Chine sa collection d’art moderne et contemporain. Après celle du très célèbre MoMa à New York, c’est la deuxième plus importante au monde.
(Re)voir le discours du Président de la République :
5 novembre 2019 - Seul le prononcé fait foi
Discours du Président Emmanuel Macron lors de l'inauguration du Centre Pompidou de Shanghai
Messieurs les ministres, Monsieur le Maire, Mesdames Messieurs les parlementaires, Mesdames Messieurs, chers amis, Monsieur le Président, cher Serge, vous avez tout dit et vous aussi admirablement Monsieur le Maire, je pourrais m'arrêter là et nous féliciter. Je voudrais simplement peut-être ajouter quelques remarques dans ce moment un peu particulier. Un peu particulier d'abord parce que nous sommes là dans un lieu unique, et je vais y revenir, mais rassemblant des femmes et des hommes qui composent, constituent, font vivre aussi cette relation et beaucoup de nos compatriotes qui vivent tout au long de l'année à Shanghai. Et évidemment, dans ce moment d'inauguration, d'ouverture, je veux d'abord avoir un mot d'amitié pour cette ville, votre ville, monsieur le maire, et pour tous nos compatriotes, ils sont un peu plus de 10 000 Françaises et Français qui y vivent tout au long de l'année, font vivre dans la durée cette amitié, cette présence française et cette part d'ouverture de Shanghai au Monde. Depuis des décennies et des décennies, dans le monde des affaires, de la culture, de l'éducation, vous constituez justement cette trame d'intelligence et d'ouverture à laquelle nous tenons tant. Et si la France est aujourd'hui regardée, considérée, si ces murs sont là autour de nous et ces œuvres peuvent-être admirées, c'est aussi parce que cette présence française s'est construite dans la durée. Je n'irai pas ici, peut-être le ferai-je tout à l'heure, rappeler les mânes d'André MALRAUX. Mais tout au moins pourrai-je revenir sur la présence ancienne des jésuites de l'université et sur ce que le commerce, l'art, l'intelligence ont représenté du lien entre Shanghai et la France depuis tant de décennies. Vous l'avez dit, monsieur le maire, ce matin, avec le président Xi Jinping, nous avons marqué une nouvelle étape et nous continuerons de le faire tout à l'heure et demain à Pékin, de cette relation d'amitié que vous faites vivre. Et les marques d'ouverture, la confiance réciproque, la coopération de plus en plus sûre entre la Chine et la France, entre Shanghai et la France, pour nos entreprises et les projets qui sont ici portés, continueront de bénéficier de ce choix stratégique fait par la Chine de l'ouverture, et de ce choix stratégique fait par l'Europe et la France de poursuivre un dialogue exigeant, d'une ouverture équilibrée et aussi de la construction en commun des grandes affaires du monde.
Je voulais en tout cas, en commençant ce moment et cette inauguration, avoir un mot de remerciement pour l'ensemble de nos compatriotes qui vivent ici et sans lesquels nous ne pourrions, dans la durée, construire et bâtir. Ensuite, cette visite à Shanghai puis Pékin a, je le dirais, pour la première fois depuis bien longtemps, une dominante, une tonalité qui n'est pas simplement commerciale, économique mais aussi culturelle. Ce dialogue, lui aussi ne nous a pas attendu et vous le faites vivre pour beaucoup d'entre vous depuis longtemps. Le festival Croisements en est l'un des témoignages qui dit la vitalité, la force de ces échanges. J'ai eu tout à l'heure l'immense chance de m'entretenir avec plusieurs artistes chinois ici présents et qui font vivre la force de cette relation. Mais j'ai souhaité aussi que lors de ce déplacement, nous puissions faire avancer des projets concrets. Je veux remercier l'ensemble des membres de la délégation française qui ont ainsi pu signer et faire avancer des projets extrêmement concrets : des tournées de l'Orchestre national de France ou du Bourgeois gentilhomme. L'exposition Cité de Versailles au XVIIIème siècle à la Cité interdite. Les projets du futur Musée Rodin. Le partenariat Musée national Picasso et Fondation Giacometti avec The Cube. Tant et tant de projets culturels qui font vivre la relation, qui la réinvente et qui convoquent à chaque fois la vitalité d'imaginaires croisés, de périodes passées, réinventées au présent, de la force de nos institutions culturelles et de la volonté de poursuivre ces échanges. Je ne mésestime pas les difficultés qu'il y a sur notre route. La nécessité de faciliter encore la circulation des œuvres d'art, de l'échange d'artistes. Mais nous avançons et l'étape de ce voyage est à mes yeux importante, qui permettra aussi de consacrer la coopération patrimoniale en matière de recherche sur les monuments historiques, nombre de coproductions qui sont en cours ou à venir. Les mois qui viennent doivent nous conduire, et le ministre de la Culture qui y est fortement engagé le sait ô combien, à poursuivre ce travail. À lever les petits freins qui existent et les verrous, à poursuivre le travail au quotidien que chacune et chacun menaient. Et nous avons un rendez-vous important. 2021 avec l'année franco chinoise du tourisme culturel et de nombreux projets qui, au-delà de ce que nous inaugurons aujourd'hui et des quelques projets, et j'étais incomplet, que nous consacrons par ce déplacement, cette année 2021 sera marquée par des jalons importants et des projets que je veux, que nous puissions ensemble faire fructifier. Des coproductions de films : "La colline parfumée" et l'engagement d'Abderrahmane Sissako dans cet imaginaire chinois ouvert au monde qui doit être un des grands projets, justement, entre nos pays. Le grand projet d'une nouvelle étape de notre héros français Astérix, qui doit consacrer avec justement les routes de la soie là aussi, cet imaginaire croisé, il sera à coup sûr, pour l'année 2021, un jalon important de nos regards réciproques, de l'attraction et de la force du modèle touristique chinois et français, mais aussi de la capacité à créer un imaginaire ensemble avec des artistes de grand renom et j'espère les plus grands, chère Gong Li. Et puis, ce sera aussi le rendez-vous de grands concerts. Et je souhaite que durant cette année 2021, nous puissions avoir des moments culturels forts - le projet de concert de Jean-Michel JARRE ralliant l'imaginaire culturel, la musique, l'innovation musicale et notre combat commun contre le réchauffement climatique, doit aussi en être un jalon. Et vous le voyez, aujourd'hui est un moment d'inauguration, de fête. Mais je veux aussi en faire le début d'un rendez-vous à prendre pour 2021 où des projets culturels, touristiques, cinématographiques, musicaux, littéraires doivent de part et d’autre jalonner très profondément nos projets communs, nos ambitions communes. Et nous voilà aujourd'hui forts de ce déplacement et de ces rendez-vous à venir à Shanghai pour l'ouverture de ce centre et de ce Centre Pompidou West Bund Project. Vous l'avez dit, il n'y a je crois pas de hasard en la matière et ce qui se passe aujourd'hui était en quelque sorte inscrit dans les gènes de Shanghai et du Centre Pompidou. De Shanghai, parce que cette ville a toujours été ouverte à la culture internationale, à la création. Parce que c'est ainsi que vous la concevez aujourd'hui, vous l'avez dit avec beaucoup de force. Parce que c'est ainsi que ce lieu, même, cher David Chipperfield est ainsi conçu, construit, bâti. Et c'est aussi par cette ouverture au monde et le rapport à la beauté, à l'art que Shanghai se transforme depuis maintenant quelques décennies. Et je dois le dire, les artistes français y ont pris leur part. Je revois ici des visages d'architectes amis et Jean Nouvel est là, dans la pénombre qui se dessine, mais de Jean Nouvel à Christian de Portzamparc et plusieurs autres, les architectes français ont construit et continuent de construire les grands lieux de cette ville, continuent de faire le Shanghai contemporain et de bâtir le beau. Et les artistes que j’ai vus tout à l’heure dans ce dialogue qui se poursuit continuent d’ouvrir Shanghai à l’esthétique internationale, aux échanges, à la France. Et comme je le disais, il était dans les gènes le projet initial du Centre Pompidou dès 1977, et Serge LAVIGNE a tout à l’heure cité le président POMPIDOU, dont je salue ici les membres de la famille, et dont l’ambition continue d’être portée par le Centre, c’était bien de rassembler les trésors de l’art moderne et contemporain et de le faire avec cette conscience de l’universel et cet esprit de dialogue que vous avez parfaitement rappelé. Et très tôt le Centre Pompidou s’est inscrit dans ce dialogue en construisant ses propres collections, en sachant reconnaître les talents, en devenant le premier grand musée d’art moderne d’Europe mais aussi le premier à constituer véritablement des collections chinoises, en sachant aussi, parmi les premiers, reconnaître les artistes chinois contemporains. Et je pense à l’exposition de 1989 “Les magiciens de la Terre”, puis au rendez-vous de 2003 où plus d’une cinquantaine d’artistes chinois seront alors convoqués par le centre. Et il y a en quelque sorte dans le centre que nous inaugurons aujourd’hui, dans ce lieu, et dans Shanghai, la réconciliation de deux vocations profondes, d’un dialogue qui de longue date s’est noué, tressé, et comme d’une évidence qui est ainsi révélée. Et au fond, je dois vous le dire, il y a quelque chose d’extrêmement émouvant à inaugurer un tel lieu pour un président de la République, parce que cela n’est pas une chose commune et que c’est la première fois qu’un grand musée international ouvre ses portes ici en Chine et donne à voir parmi les plus belles œuvres du 20ème siècle. Ce qu’il m’a été donné de voir avant de vous retrouver il y a quelques instants, ce qui sera ouvert au vu et au su de chacun est exceptionnel de beauté. Ce sont des œuvres qui ont profondément jalonné l’intelligence, l’esthétique, l’art du 20ème siècle de KANDINSKY jusqu’à MESSAGER, de DELAUNAY en passant par POLLOCK, il y a de l’art français, de l’art européen et l’art international rassemblé à un moment à Paris et ici reconstitué à Shanghai. Mais dans ce geste qui consiste à les rassembler dans un même lieu, il y a cette espèce de rêve fou que ni la mondialisation ni le numérique ne permette de faire qui était ce rêve pensé par MALRAUX, celui du "musée imaginaire" qui était cette capacité offerte de rapprocher des œuvres qui n’auraient jamais dû dialoguer et de le faire dans un lieu auquel ces œuvres n’étaient pas destinées, pour un public auquel initialement ces œuvres n’étaient pas adressées. Et il y a dans ce centre à la fois la réconciliation des espaces et des temps et je crois ce qui est avec le plus de force ce que nous portons, ce en quoi nous croyons, cette part d’universel qu’il y a dans la démarche de ce centre, du Centre Pompidou et de ce Centre Pompidou West Bund. Et quand je dis cette démarche universelle de ces œuvres qui d’un Hongrois, qui d’un Français il y a plus d’un siècle, se retrouvant à Shanghai aujourd’hui cela n’est pas pour dire qu’elles se retrouveraient dans un grand tout où les différences en quelque sorte s’abolissent et qui finirait par dialoguer dans un espéranto approximatif. C’est tout l’inverse. C’est de dire qu’il y a l’exigence d’un moment particulier de nos histoires qui se redit dans un lieu différent à un moment où ces œuvres prennent un sens différent. Mais en reconstituant tout à la fois des invariants et des différences profondes, et en reconstituant ce qu’il y a de très profond dans l’universel, non pas l’abolition des différences, mais la capacité à faire dialoguer des identités parfois irréconciliables, des esthétiques profondément différentes, des approches éminemment subjectives. Et c’est pourquoi il y a dans ce moment d’ouverture, d’inauguration comme tout le sens qui était pris de la démarche inaugurale du centre Pompidou et de la démarche qui est la vôtre Monsieur le maire mais qui est, je le sais aussi, celle qui est poursuivie par chacun, chacune des artistes ici présents et qui est aussi je crois au cœur de la démarche picturale qui était celle de notre ami HUANG YONG PING. Et je veux en finissant avoir un mot et une pensée pour lui. YONG PING avait quitté la Chine pour devenir l’un des plus grands artistes internationaux — SHEN YUAN est là avec nous, je ne la vois pas dans la pénombre, elle doit être quelque part ici — et il a, il nous a quittés il y a quelques jours mais il avait avec ses mots théorisé beaucoup mieux que je ne viens de le faire cette espèce de tension entre des identités, des forces culturelles profondes, des univers et des imaginaires qui n'auraient jamais dû dialoguer. Et lorsqu'il a apporté avec quelques autres ce mouvement Xiamen Dada, il a voulu essayer de dire ce qu'il y avait de commun entre ce qui était vu comme quelque chose de très traditionnel, très profond, très constitutif de l'esprit chinois et DADA qui est si constitutif de l'imaginaire européen et de la transgression européenne du début du 20ème. Et je le lis pour vous. “CHAN et DADA, DADA et CHAN, le CHAN et DADA sont connus pour être les plus directs et les plus profonds des concepts. Ils ne se fondent pas sur une quelconque importance esthétique mais davantage sur l'impossible réalité du réel ainsi que sur le doute extrême de l'incrédulité. Dans le monde de l'art tout est permis mais cette liberté et cette permission ne valent rien en elles-mêmes. Car posséder la liberté ou même la plus grande licence signifie aussi que la fausseté existe.” Et au fond ce qu'il nous dit, ce que dit ce lieu, ce que dit votre démarche Monsieur le maire, l'approche des artistes ici exposés, de ceux qui ainsi continuent, c'est qu'il y a dans ce dialogue entre deux univers qui semblaient profondément disjoints quelque chose d’éminemment fécond qui est la tension entre ces derniers. Les choses ne sont pas données, il y aura des mois, des années peut-être difficiles. Il y aura des moments où créer sera difficile, il y aura des œuvres qui seront difficiles à montrer plus que d'autres. C'est ainsi. Mais il y aura, toujours, des silences qui diront, des contournements qui aideront à faire, un art de l'esquive qui permettra d'avancer, une capacité dans ces silences, ces contournements à reconnaître les absolus profonds qu'il y a dans nos artistes : nos artistes chinois, nos artistes français, nos artistes européens, tous les artistes ici exposés qui ont fait le vingtième siècle et commencent à faire le siècle qui s'ouvre comme tous ceux qui sont ici présents ont pu m'accompagner au travail qui s’y mène. Je leur disais à quelques-uns, leur silence et leur pudeur disent aujourd'hui beaucoup de ce qui nous importe. C'est dans la tension entre ces univers, entre ces imaginaires, entre ces irréconciliables prétendument que se situe la force de notre dialogue ; que se situe précisément notre capacité collective à bâtir un peu d'universel. Alors je veux vous remercier Monsieur le maire, je veux remercier les autorités qui ont permis ce projet et je veux remercier l'ensemble des équipes, cher Serge, cher Bernard, du Centre Pompidou, celles du ministère et tous les artistes qui ont permis que cela advienne. C'est une première mondiale mais ce n'est qu'une étape. Et je souhaite qu'à travers ce regard croisé, ces silences, ces contournements nous puissions continuer de faire, d'inventer et de bâtir. Merci à vous. Vive donc le Centre Pompidou West Bund de Shanghai. Vive l'amitié entre la Chine et la France, vive la République et vive la France. Merci à vous.
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