29 juin 2018 - Seul le prononcé fait foi
Discours du Président de la République lors de la restitution des assises des Outre-mer
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.
Paris – Jeudi 28 juin 2018
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Elus,
Mesdames, Messieurs les Préfets,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis très élu de vous retrouver dans cette salle et je veux remercier Madame la Commissaire pour sa présence constante avec le président JUNCKER pour soutenir aussi l’ambition française d’au-delà des mers et je suis très heureux de vous avoir dans cette salle après la rencontre que nous avons pu avoir hier avec les présidents d’Exécutif, les parlementaires et les préfets, de vous avoir ici toutes et tous réunis élus de tous ces territoires.
Parce que nous sommes un pays un peu particulier, vous avez du nous découvrir Madame la Commissaire, nous sommes un pays où des Premiers ministres ont pu à un moment rêver lorsqu’ils étaient en fonction à leurs souvenirs de l’île de Bourbon et à l’océan Indien ; nous sommes un pays où les présidents du Sénat pensaient sans doute à la Guyane ; nous sommes un pays où les bataillons du Pacifique sont venus libérer des territoires qui nous sont plus familiers et où je suis né, dans le nord de la France ; nous sommes un pays où la littérature vibre encore des mots de grands écrivains caribéens, c’est la France, c’est la France - il n’y a pas d’équivalent. Donc, ce terme même d’Outremer - qui voudrait dire qu’il y a par là un centre et des territoires d’une périphérie lointaine - est toujours impur à décrire ce que nous sommes : il y a un archipel de France, c’est plutôt de cela dont il s’agit, des territoires ainsi éclatés à travers les océans et dont le centre n’est pas forcement ce lieu, même si c’est la représentation collective que nous pouvons parfois nous en faire et, donc, vous avoir ici dans cette salle, c’est vous redire aussi symboliquement, vous signifiez, que la Nation française se tient par cette unité de géographie, d’imaginaire, d’engagement et que la Nation française elle ne serait pas simplement limitée à l‘Hexagone et à des confettis d’empires que l’on pense à la fin des textes de lois pour les dispositions particulières où à certains moments quand il faut que la ministre des Outremer intervienne.
C’est l’inverse.
Cet archipel de France, auquel je crois profondément, auquel je suis attaché, c’est – et vous l’avez très bien dit – la condition même pour réussir ce qu’est l’ambition de la Nation et c’est ça cela au fond l’exercice de ces Assises. Depuis le début de quinquennat, depuis un peu plus d’un an, je me suis rendu dans trois territoires déjà, nous avons lancé en automne dernier ces Assises qui aujourd’hui n’ont pas trouvé un terme mais un point de cristallisation et, durant cette première année, l’ensemble des territoires a été parcouru par le gouvernement, l’ensemble, ça n’était jamais arrivé qu’un président se déplace ainsi trois fois durant la première année, mais que l’ensemble des territoires soit visité ; et je veux remercier les membres du gouvernement ici et en nombre, ce qui montre leur engagement aux côtés de la ministre des Outremer et ce qui vous montre aussi que ce n’est pas une question marginale et, moi-même, je me rendrai au moins une fois dans l’ensemble des territoires ultramarins.
Cette première année a donc été marquée par cet exercice, cette mobilisation collective, et je veux vous remercier Madame la Ministre pour le travail qui a été fait avec l’ensemble des élus, avec monsieur Thierry BERT, l’ensemble des rapporteurs, les équipes, les préfets et hauts commissaires, et ce travail avec les quelque 26.000 de nos concitoyens qui y ont participé a permis de dégager des limites de force. Alors je ne vais pas ici vous faire un long discours qui viendrait égrener chaque de ces points, ce serait d’abord beaucoup trop fastidieux et ce ne serait pas l’esprit même de ce qui a été pensé, l’idée n‘est pas de penser depuis ici les projets sur chacun de ces points du territoire mais c’est de responsabiliser l'ensemble des territoires : leurs élus, leurs acteurs économiques, sociaux, leurs représentants, leur jeunesse et de pouvoir dans les mois qui viennent construire les projets concrets qui permettront de porter cette stratégie.
Mais je vais vous dire une chose, ce travail qui a été fait je sais tout le doute qu'il y a pu y avoir un certain moment chez certains au début – on a déjà fait à plusieurs reprises ce genre d’exercice – et j’entendais les rumeurs disant : « tout ça ne donnera rien », il ne dépend plus que de nous que cela donne quelque chose, des propositions sont remontées, nous allons travailler maintenant pour que ces feuilles de route soient établies et elles seront - entre les préfets et hauts commissaires, les exécutifs, l’ensemble des élus, l'ensemble des élus ici présents et ceux qui n'ont pas pu venir - l'objet d'un contrat qui marquera les années à venir du quinquennat et permettra ainsi de travailler.
Je vais rapidement parcourir cette odyssée de l'archipel de France et je voudrais ensuite revenir très rapidement sur quelques lignes de force, avant que vous ne passiez les heures qui suivent à vous retrouvez à échanger avec les ministres sur ces projets concrets et que ce temps, ce lieu soit beaucoup plus dédié justement déjà à la mise en œuvre concrète de ce vers quoi nous tendons. Les reportages ou les témoignages que nous avons pu avoir ont montré quelques-uns des engagements forts que nous devons avoir et auxquels nous croyons pour l'ensemble de nos territoires, et pour passer de l'un à l’autre ainsi rapidement.
A Saint-Pierre-et-Miquelon la priorité, je l'ai entendu et j'ai compris la sollicitation sur la culture Madame la Ministre, ça nous a pas échappé, la priorité est l'économie bleue sous toutes ses formes : pêche, aquaculture, croisière, j'ai eu l'occasion dans un voyage récent au Canada de porter justement la dynamique régionale et cette plaque Atlantique, nous poursuivrons le travail en sens, mais il nous faut aujourd'hui sortir des projets concrets qui permettront de construire l'attractivité accrue de Saint-Pierre-et-Miquelon, de développer une activité économique légitime et de poursuivre justement l'ensemble des perspectives offertes par la situation géographique de Saint-Pierre.
A Wallis-et-Futuna, l'Etat va encourager l'exploitation des bioressources pour réduire la dépendance du territoire vis-à-vis du monde extérieur et porter comme cela a été très bien présenté il y a un instant les mécanismes d'un développement économique et durable, nous connaissons les contraintes de mobilité, nous connaissons tous les défis, en particulier la jeunesse, mais c'est cette stratégie seule – et j’y reviendrai – ancrée dans une stratégie régionale plus large qui seule permet des perspectives.
De façon générale dans le Pacifique, les enjeux sont propres compte tenu de l'autonomie. En Nouvelle-Calédonie, j’ai exposé le mois dernier ma vision pour ce territoire – je n'y reviendrai donc pas ici longuement – autour des priorités du quotidien : la souveraineté alimentaire, la souveraineté énergétique, l'économie verte et bleue et l'ancrage dans une stratégie indopacifique, il appartiendra aux Calédoniens de s'exprimer en novembre prochain sur leur avenir et j’ai pu vivre je dois le dire des moments uniques sur l'archipel et de lire avec beaucoup d'émotion et une conviction ici renouvelée que, à coup sûr, la France serait moins grande et moins belle sans la Nouvelle-Calédonie. Edouard PHILIPPE et moi-même sommes personnellement aux côtés de l'ensemble des élus, les Néocalédoniens, pour aborder cette période de choix et, au lendemain du 30ème anniversaire de l'Accord de Matignon, chacun mesure le chemin parcouru.
Je me rendrai en Polynésie en 2019, j’en ai pris l’engagement - et il sera tenu - parce que nous y organiserons un sommet France – Océanie. Les enjeux pour l'Etat sont triples dans ce territoire : il s'agit d'ancrer la France dans les enjeux de cette région marquée par le changement climatique, et c'est sans doute l'une des terres où cet enjeu est le plus aigu ; il s'agit de soutenir un développement économique régional qui profite à tous ancré autour de la pêche, du tourisme, du transport aérien ; et il s'agit bien évidemment dans un territoire qui a déjà fait beaucoup, s'est formidablement développé et a beaucoup investi, d'assurer la continuité dans cet archipel des archipels - qui est grand comme l'Europe - notamment en matière de numérique, de santé, et d'éducation.
L'autre immense territoire, Président, c'est la Guyane. Je me suis rendu en Guyane l'an dernier, c'est là que nous avons lancé ces Assises, j'ai donné ma vision sur le territoire, et j'ai alors fixé au gouvernement et aux préfets trois priorités : la première, tenir les engagements pris, c’est toujours de bonne politique si on veut pouvoir poursuivre, c'est une priorité, les premiers résultats sont là, notamment pour les infrastructures scolaires, routières et de télécommunications ; la deuxième, c'est de reconquérir les fondamentaux : la sécurité, l’immigration, la santé, là aussi nous sommes en train d'avancer, je m'étais engagé à la réduction des délais de demande d'asile à deux mois - le texte a été publié pour l'OFPRA qui est en train d'adapter justement nos moyens pour tenir ce délai ambitieux d'ici à la fin de l'été - j'avais demandé une politique plus active de lutte contre l'habitat illégal, plusieurs dizaines de décisions de justice de démolition qui étaient en attente depuis des années ont été exécutées depuis le début de l'année, oui les choses changent ; le troisième objectif fixé était de soutenir le développement des filières économiques : bois, or, pêche – et nous poursuivrons ce chemin - s'agissant des grandes mines, chacun sait c'est la position que nous défendons depuis longtemps, seules des exploitations exemplaires en terme environnemental et socio-économique pourront être envisagées en France, il faut permettre au territoire de se développer, permettre de créer de l'emploi et le faire de manière responsable avec le maximum de retour pour le territoire lui-même et avec l'attachement à la Charte « mines responsables » et à nos objectifs environnementaux. Sur le sujet de la mine d'or nous recevrons à l'automne les résultats du débat public, il faudra prendre position à ce moment-là.
Et enfin c'est de poursuivre le travail d’assainissement de l'économie qui passe par plus de concurrence et donc une baisse des prix, par l'ouverture de l'économie - ce qui est le cas de beaucoup de nos territoires, il faut là aussi être lucide et j’y reviendrai à chaque fois - on se bat tous et toutes contre la vie chère mais ayons cette lucidité collective de dire que nous avons organisé la vie chère, nous avons organisé la vie chère par une politique de sur-rémunération, je ne propose pas - et c'était un engagement de campagne à ce stade – d’y revenir, mais à un moment donné nous devrons collectivement, et ça devra venir de vous, proposer d'en sortir parce que c'est la sur-rémunération des uns qui créent la pauvreté des autres. Soyons lucides ! Mais nous avons aussi collectivement organisé la vie chère par un système d'économies de rente qui dans chacun des territoires fait qu'il n'y a pas une véritable offre concurrentielle. Est-ce que c'est juste qu'en Guyane il soit quatre à cinq fois plus cher de faire un bâtiment scolaire ou telle ou telle construction, c'est les chiffres qui m'avaient été donné en octobre dernier ? Mais ce que je dis là pour la Guyane est vrai pour nombre d'autres territoires. Pas tout à fait ! Et donc il faut pouvoir ouvrir les choses, permettre à nos entrepreneurs de rentrer dans une saine concurrence pour pouvoir disposer d’une économie qui fonctionne mieux ; Et nous avons avancé, de manière concrète, sur de nombreux autres projets : la biomasse avec des premiers projets sortis de terre et nous poursuivrons aussi le travail de consolidation des finances locales indispensable pour le soutien à l'économie guyanaise. Tout n'est pas réglé, nous avons résolument avancé avec un partenariat fort et qui sera poursuivi.
En Guadeloupe je ne couvrirais pas là non plus tous les sujets, mais les défis ne sont pas moindres, je veux en relever là aussi trois ou quatre : le premier c’est la santé, nous devons réussir la remise en route du CHU, le retour là aussi à la confiance - la mise en service du Cyclotron sera un bel exemple – mais nous connaissons tous les défis et je veux saluer ici l'engagement des personnels soignants et vous connaissez, Président, l’engagement de tout le gouvernement pour que ce sujet soit réglé. Parler de la santé c'est aussi parler des drames du passé et de nos responsabilités collectives et, sur la chlordécone, je serai clair pour dire que nous continuerons le travail avec lucidité et détermination car on ne peut accepter des situations dans lesquelles nous sommes.
L’environnement est évidemment le deuxième enjeu et je veux le prendre au sens large en parlant là aussi de deux sujets qui me tiennent à cœur : les sargasses et l’eau. Les sargasses : le ministre d’Etat et la ministre des Outremer se sont rendus il y a quelques semaines sur le territoire et on pu voir les drames qui s'y passent et nous avons commencé à apporter des réponses d'urgence - elles ne sont pas satisfaisantes. Pouvons-nous répondre à travers le dispositif de catastrophe naturelle ? Non ! Parce que ce risque et ce qui est advenu n'est pas exceptionnel mais est devenu récurrent, il nous faut donc construire un dispositif ad hoc pour répondre à ce qui se passe, permettre d’apporter une réponse aux populations, mais surtout de le prévenir par des dispositifs innovants pour repousser ces algues et éviter les conséquences sur la côte, les conséquences pour la santé, pour l'ensemble de l'écosystème, pour le tourisme pour la vie quotidienne.
Sur l'eau, là aussi les ministres se sont à plusieurs reprises déplacés, et il n'est pas acceptable d'avoir un territoire de la République dans cette situation, nous procéderons donc aux côtés des collectivités à l'investissement indispensable pour répondre à ce défi et pour que chaque foyer puisse avoir dans les meilleurs délais ce à quoi il a droit.
C'est enfin le développement économique, il viendra du tourisme, des filières agroalimentaires - et vous aurez d'ailleurs tout à l'heure des rendez-vous avec plusieurs acteurs économiques et les ministres pour avancer sur ce sujet. Je n'oublie pas évidemment, mais ce défi est commun avec le territoire guyanais, le défi de la sécurité, nous avons investi et nous continuerons à le faire, nos territoires sont parmi les territoires prioritaires pour notre police comme pour notre gendarmerie et, là aussi, nous serons intraitables car la sécurité est un droit premier et aucun territoire de la République ne saurait souffrir une forme d'abandon ou de désertion.
Pour ce qui est de la Martinique, les défis sont au fond assez voisins, le défi de la santé est au cœur du territoire et là aussi la remise en route, le redressement des comptes du CHU de Martinique est indispensable et fera l'objet d'un soin tout particulier du gouvernement - évidemment lorsque je parle d'environnement et des sargasses je parle aussi de la Martinique – et je souhaite aussi que nous puissions redonner une vitalité économique et un vrai développement, et une vraie attractivité économique et démographique à la Martinique. Le défi martiniquais est très voisin du défi guadeloupéen, il implique de développer cette souveraineté alimentaire et énergétique qui doit être au cœur de la stratégie que nous avons aux Antilles parce que nous avons aujourd'hui - et c'est une des explications de la vie chère - une trop grande dépendance à la production agroalimentaire extérieure ou à la production énergétique extérieure et, donc, nous devons y répondre par la structuration de filières de production, par notre capacité à produire - et il y a d'ailleurs dans l'ensemble de ces territoires des capacités à le faire – j’ai cité tout à l’heure la biomasse pour la Guyane, nous connaissons les ressources de la géothermie et tout ce que justement la production énergétique peut permettre de développer de manière locale, je souhaite qu’à travers ce livre bleu nous ayons une stratégie de souveraineté énergétique et alimentaire en Martinique comme en Guadeloupe.
Le défi martiniquais, un peu plus particulier, sera celui du vieillissement et, sur ce sujet, il nous faut pouvoir construire l'attractivité supplémentaire mais aussi les réponses - comme d'ailleurs sur bien d'autres endroits du territoire français – à ce défi, les accompagnements, les investissements indispensables. Je souhaite aussi que l'Etat puisse accompagner la revitalisation souhaitée par plusieurs collectivités qui est à la base de cette attractivité nouvelle, je pense à Fort-de-France mais également à quelques autres villes retenues dans les projets « Cœur de ville ».
Parler évidemment de nos Antilles et de cette région caribéenne c'est avoir un mot - et nous l'avons vu avec cette interpellation de la jeunesse de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy - je m'y suis rendu en septembre dernier, plusieurs déplacements ministériels, un déplacement du Premier ministre, se sont aussi tenus et j'y retournerai comme dans l’ensemble de la région en septembre prochain, c'est l'engagement que j'avais pris, il sera tenu. La priorité pour ces territoires c'est évidemment la reconstruction, la relance de l'économie touristique et, pour Saint-Martin tout particulièrement, la relance exemplaire d'une économie touristique durable, la capacité à construire sur des standards adaptés au XXIème siècle, plus sûre sur le plan climatique et sismique, plus durable, et c’est aussi la capacité à construire une stratégie partagée avec nos voisins Néerlandais et c'est ce en quoi l'accompagnement de l'Union européenne et de la Commission européenne sont particulièrement importantes.
A Mayotte Annick GIRARDIN a présenté au nom du gouvernement un plan d’actions précis et ciblé en mai dernier, c'est notre feuille de route pour le quinquennat pour le développement du territoire, elle porte la mobilisation pour le développement notamment mais aussi sur une relation nouvelle avec l'Union des Comores - dans ce territoire aussi nous devons réussir les fondamentaux immigration, santé, sécurité. Sécurité - et j'ai évidemment une pensée toute particulière pour ce territoire qui aujourd'hui encore au moment où nous parlons - et vous le savez jeune homme et vos mots ont été très touchants pour votre île, notre île - aujourd'hui encore c’est plusieurs fois par jour des tremblements de terre, moins graves que ceux que nous avons connus, mais qui terrorisent toute la population qui sont encore subis. Je condamne aussi avec beaucoup de fermeté les violences qu'on subit les gendarmes lundi dernier et j'apporte tout mon soutien aux blessés et à leurs familles. Le sénateur SOIHILI a proposé une évolution des conditions d'accès à la nationalité française, une adaptation particulière compte tenu des défis, il s'agit de préserver le droit du sol qui est l'un de nos principes fondamentaux en adaptant ses conditions d'exercice à la réalité de ce territoire, cette évolution je l’ai noté fait consensus sur le territoire, c'est pourquoi je soutiens cette démarche qui me semble adaptée et équilibrée. Nous n’avons pas fini les réponses pour Mayotte, il faut sur ce sujet être humble et nous aurons une discussion dans les prochaines semaines et les prochains mois avec l'Union des Comores qui impliquera que chacun prenne ses responsabilités, mais nous nous devons sur les sujets immigration et de sécurité apporter des réponses fermes, elles sont la condition de possibilités de toutes stratégies à venir : éducatives, culturelles, économiques, pour nos territoires.
A la Réunion les priorités de l'Etat se tournent vers l'achèvement de la Route du littoral et la structuration des filières économiques, l'antenne French Tech doit être étendue, les filières agroalimentaires peuvent continuer à se structurer davantage, le tourisme peut-être encore consolidé, les énergies marines, l'économie de la mer au sens large sera encouragée avec plusieurs projets concrets qui sont d'ailleurs soumis dans la feuille de route et me semblent particulièrement forts. Ces quatre secteurs : numérique, agroalimentaire, tourisme, stratégie de la mer pourront porter une insertion régionale réussie de la Réunion dans le grand bassin régional indopacifique et dans le voisinage plus proche du sud de l'océan Indien. Le Forum des projets accueille le projet agroalimentaire d’Urcoopa entre la Réunion et Madagascar - c'est l'exemple même de ce que nous devons réussir – et donc pour la Réunion ce sont ses projets de structuration de filières, d'encouragement d'initiatives qui sont déjà nombreuses et de réussites concrètes que je souhaite encourager. Les énergies doivent se mobiliser pour le développement économique et nous ne devons pas nous enfermer dans un débat trop politique sur la révision constitutionnelle. Je l’ai dit pendant la campagne électorale, je suis prêt à faire évoluer le régime constitutionnel de la Réunion si les Réunionnais le souhaitent et si un consensus politique est trouvé, et je pense que sur ce sujet il ne faut pas perdre une énergie indispensable sur les projets qui changeront le quotidien des Réunionnais dans des débats qui nous feront perdre collectivement du temps. Je pense qu’il y a une voie pragmatique qui permet des adaptations en préservant des équilibres auxquels chacun semble tenir.
J’ai donc confiance dans l’intelligence collective et la ministre aura à travailler pour construire ce consensus mais je suis persuadé qu’on peut trouver une évolution constitutionnelle qui donnera des opportunités, des libertés souhaitées sans bousculer des équilibres institutionnels auxquels chacun tient. Je vous fais confiance.
Je suis forcément incomplet et ce tour de piste est rapide et je ne fais qu’effleurer quelques-unes des priorités et je sais l’épaisseur du quotidien, du réel et de ce qu’il y a dans chacun des territoires et en reconnaissant les visages amis dans cette salle je n’ai que des émotions connues d’expériences vécues durant cette année ou les années qui ont précédé et j’ai forcément une frustration partagée avec vous de ne pas rentrer dans l’intimité de chacun des sujets et donc ne m’en veuillez pas pour tous ce que je n’ai pas dit.
Vous savez, il y a une très jolie lettre, il m’est arrivé de la citer une fois en campagne, je fais cette diversion pour vous dire le fond de ma pensée à ce moment de mon propos, il y a une très jolie lettre que DIDEROT écrit à Sophie VOLLAND. Il arrive chez elle, il écrit un mot, elle n’est pas là et il n’y a presque plus de bougies et il ne sait pas si la plume est encore trempée dans l’encre ni même s’il écrit sur le papier. Il finit par écrire puisque cette lettre est restée et nous est revenue, il y a un très joli passage bouleversant où DIDEROT écrit à Sophie VOLLAND « je ne sais plus exactement si je vous écris, si vous pourrez me lire encore mais là où vous ne pourrez rien lire lisez que je vous aime ». Donc sachez cela et je n’ai pas dit beaucoup de choses sur chacun d’entre vous. Il y a forcément des silences et des mots qui n’ont pas été écrits mais sachez que j’aime chacun de nos territoires, chacun, et de celles et ceux qui y vivent.
Je voudrais pour finir cette odyssée avoir quand même quelques mots pour nos compatriotes ultramarins qui vivent dans l’Hexagone parce que madame la ministre disait il y a 11 territoires, au fond il y a tout parce qu’il y a des millions d’Ultramarins qui sont à Paris, en province, dans l’Hexagone et qui sont aussi là, qui ont des préoccupations toutes particulières et je veux avoir un mot pour eux. D’abord pour dire que j’entends les préoccupations, les soucis sur l’audiovisuel public, il y aura un débat, une concertation sur France Ô et donc il ne s’agit pas d’avoir des peurs mais il s’agit aussi pour nos sujets comme pour tout ce qui touche la vie de la Nation de ne pas être indûment conservateur. Il faut faire évoluer les choses, est-ce que ça marche bien aujourd’hui ? Est-ce qu’on pense que l’audiovisuel public donne toute sa place à l’Outre-mer ? Est-ce qu’on est très content de ça ? Est-ce que ça marche bien ? Est-ce qu’il y a suffisamment de gens qui regardent France Ô ? Est-ce qu’on considère que tout ça est formidable ? Non, je vous le dis franchement, ce n'est pas vrai, ce n’est pas vrai et je ne peux pas regarder un citoyen français en général et lui dire « tout ça est très bien, on va le garder, c'est le meilleur des mondes ».
Je pense qu’on peut avoir une stratégie collective qui consiste mais c'est une concertation, donc chacun devra y apporter sa contribution, mais ce qui fait l'information, la spécificité, donc les antennes locales doivent être maintenues, c'est plutôt le pli qui a été pris, on a écouté ce qui a été proposé par chacun ! Si c'est le souhait différent qui est retenu, si certains disent « moi je ne veux que France Ô, je veux moins d’antennes locales », etc., il faudra l’entendre et on changera. Mais le doublon est ridicule aujourd'hui et donc il faut faire un choix entre est-ce qu'on veut des antennes locales avec plus de décrochage national dans les grandes chaînes et pas dans une périphérie, dans ce cas-là il faut dire « il faut qu'il y ait plus de décrochage ultramarin sur France 3, sur France 2 », c’est ça le vrai débat ! Mais n’ayons pas un débat un peu hypocrite qui consiste à dire « comme personne ne veut faire de décrochage sur l’audiovisuel public noble on a crée un audiovisuel public national périphérique qui s'appelle France Ô, personne n’en est vraiment content mais on va le garder comme ça parce que c'est un système de reconnaissance », ça n’est pas satisfaisant.
Donc je vous demande dans la concertation là aussi de faire évoluer ce dans quoi nous sommes enfermés mais avec des vraies garanties qu'il nous faut obtenir dans cette concertation, qu'il y ait une information aussi exigeante, libre, pluraliste que celle qui existe aujourd'hui sur chacun des territoires et qu'il y ait une reconnaissance, une présence ultramarine au plus haut, au meilleur dans notre audiovisuel public et il n'y aura aucun projet qui contrariera cet objectif. Mais ça n'est pas forcément dans la préservation de l'existant et on ne défend pas la cause des Outre-mer en défendant toujours l'existant, je crois même l'inverse.
Parler de nos compatriotes ultramarins c'est aussi évoquer la réforme des congés bonifiés que les ministres auront à mettre en œuvre et que nous avons engagée, elle sera effective à compter de 2020 pour ceux qui sont fonctionnaires, avec un objectif simple, un principe simple, les congés seront moins longs mais désormais tous les deux ans parce que je crois que ça répond aussi à ce qui est souhaité par l'ensemble de nos compatriotes.
C’est parler aussi de la mission sur les forces vives que le Premier ministre a confié à Olivier SERVA et dont les conclusions seront remises durant l'été pour faciliter et sécuriser la mobilité des talents entre les Outre-mer et l'Hexagone. Et c'est aussi le sens de l'action de Jean-Marc MORMECK en faveur de la mobilité des projets, je la soutiens, un jury attribuera des bons de voyage sur appel à projets et nous allons d'ailleurs la renforcer et la mettre au cœur de cette stratégie parce qu'il a fait un travail remarquable ces dernières années et nous devons maintenant pouvoir le déployer pleinement. Il permettra d'accompagner ce faisant l'ensemble des territoires dans leur stratégie de mobilité avec justement l'Hexagone. Je pense à ce qui a été fait par plusieurs collectivités dont La Réunion et je souhaite que l'Etat retrouve sa place dans l'accompagnement de ces stratégies et que nous puissions le faire dans le cadre de ces initiatives.
Cette odyssée étant terminée et étant comme je l’ai dit résolument imparfaite je voudrais simplement finir par quelques convictions partagées avec vous sur les priorités que nous devons poursuivre au-delà des spécificités irréductibles de nos territoires mais je me devais cette odyssée pour souligner à quel point quand on parle d'Outre-mer on ne parle pas d'un ensemble homogène, d’un tout auquel on devrait réduire chacun, mais j'ai quelques convictions qui vont malgré tout guider les choses. Sur chacun des territoires, vous l'avez compris, il y aura des feuilles de route qui seront déclinées d'ici à l'automne et qui seront l'objet d'un contrat entre les représentants du gouvernement et les élus et qui impliqueront la responsabilité de chacun et l'action à venir.
Mais je voudrais redonner quelques priorités essentielles, la première c'est que pour tous nos territoires la priorité sera la bataille pour la création d'emplois. Toutes les difficultés que j'ai évoquées existent, il y a des défis de sécurité et de santé qui sont plus vivaces dans tel ou tel territoire, c'est tout à fait vrai, mais il y a une bataille mère c'est celle pour la création d'emplois et l'activité économique. Elle suppose des investissements de l'Etat, l'investissement éducatif en particulier et de formation et la stratégie que nous conduisons depuis un peu plus d'un an, éducation, éducation culturelle, formation tout au long de la vie dont l'ensemble des territoires ultramarins ont particulièrement besoin pour réussir ce défi.
Mais, la ministre l'a dit, nous poursuivrons aussi une grande réforme des aides aux entreprises en faveur de l'emploi, la création d'un fonds d'intervention économique pour soutenir les initiatives privées qui mobilisera 400 millions d'euros pour les entreprises en Outre-mer, la présence renforcée de la Banque publique d'investissement pour accompagner les projets et ce combat sera gagné par les entrepreneurs de TPE-PME. Je vous le dis, je salue la présence du président ASSELIN dans cette salle, nous avons besoin de ces entrepreneurs qui dans les territoires ultramarins tout particulièrement ont un rôle essentiel à jouer. L'ensemble de nos territoires sont des territoires d'entrepreneurs, il faut donc aider nos entrepreneurs à prendre les risques, à créer davantage d'emplois et à porter cette dynamique. Et créer le cadre concurrentiel et l'ouverture de l'économie c'est bon pour eux, ce qui est mauvais pour un entrepreneur c'est la fermeture de l'économie et la complexité.
Et donc là-dessus il ne faut pas considérer que la bataille de l'emploi sera créée par de la création d'emplois publics, l'emploi public représente déjà un actif sur deux dans certains territoires. Elle sera gagnée s'il y a un engagement collectif qui passe par la bataille des compétences, éducation et formation tout au long de la vie. Notre programme d'investissements dans les compétences mobilisera 700 millions d'euros pour les Outre-mer et l'Etat propose ainsi également aux territoires un réinvestissement de l'apprentissage comme clé de succès pour nos jeunes et cette stratégie nous la poursuivrons.
Mais il faut aussi un environnement de concurrence qui soit ouvert dans le commerce, les télécommunications, les bâtiments et travaux publics, nous avons mobilisé l'Autorité de la concurrence, nous tirerons toutes les conséquences d'ici la fin de l'année de ses propositions. Le ministre de l’Economie va désigner un délégué à la concurrence outre-mer au sein de la direction générale de la concurrence du ministère de l’Economie, et ce travail sera poursuivi sans relâche.
Il faut enfin, pour gagner cette bataille de l’emploi, des collectivités publiques dont la gestion soit saine, car ce sont les donneurs d’ordres majeurs pour les entreprises. Plusieurs collectivités, et non des moindres, vont signer demain les contrats de maîtrise des dépenses, et c’est aussi un temps fort de ces quelques journées.
Nous créerons ainsi un véritable mécanisme de redressement donnant/donnant avec l’ensemble des collectivités volontaires, qu’il s’agisse du département et de la région de La Réunion, de la région Guadeloupe, de la collectivité de Mayotte, de la ville de Fort-de-France, je sais que la Guyane y travaille aussi, de ce qu’on a fait avec certaines communes comme Kourou, l’Etat mobilisera des instruments financiers pour aider les collectivités qui s’engageront dans une démarche de redressement.
Cette bataille pour l’emploi, elle sera aussi gagnée si nous parvenons à développer et structurer partout, comme je l’ai dit rapidement, sur quelques territoires, les filières économiques. La grande difficulté que nous avons dans trop de territoires, c’est que les filières ne sont pas suffisamment structurées, soit parce qu’il y a un ou deux acteurs dominants qui a capturé tout le marché, soit, parce qu’il n’y a pas suffisamment d’offres, et je sais le caractère insupportable pour certains territoires de dire : on crée des marchés, des appels à projets, il y a des développements, et derrière, ce ne sont pas les entreprises de chez moi qui viennent travailler, et l’emploi n’est pas créé chez moi.
Et donc pour y répondre, nous devons structurer des filières économiques prioritaires, et c’est un travail qui implique un cadre public que nous devons créer, mais également l’engagement de l’ensemble des entrepreneurs. Enfin, il n’y aura pas de croissance durable sans meilleure maîtrise des risques naturels, c'est pourquoi une loi pour la prévention et la protection contre les risques naturels Outre-mer portera cette préoccupation et sera présentée d'ici l'été 2019. C’est pour moi un élément extrêmement important de cette stratégie sur le plan transversal, la bataille pour l’emploi.
Le deuxième élément d'ensemble qui est essentiel, c'est l'ancrage régional, nous avons trop vu notre stratégie collective, en matière ultramarine, dans un face-à-face entre les territoires ultramarins et l’hexagone, ça a existé, c'est la République partout, mais nous devons aussi regarder que ces territoires de la République sont souvent plongés dans des régions dont la dynamique économique est bien supérieure à celle de l'hexagone. Et nous nous sommes nous-mêmes privés d'une capacité de rayonnement dans des régions bien plus larges que nous, notre diplomatie, notre action n'a d'ailleurs qu’insuffisamment pris compte de ces opportunités.
C’est pour ça que je crois très profondément que nous devons ré-ancrer régionalement à plusieurs échelles dans le grand bassin et le voisinage nos territoires ultramarins. Deux grands bassins sont concernés, les Amériques et l’Indopacifique, et plusieurs voisinages, Caraïbes, Amérique du Sud, Océan Indien, Océanie... Sur chacun, il nous faut construire une stratégie. C’est ce que j’ai commencé à décliner avec la stratégie Indopacifique, qui, de La Réunion à la Polynésie française, en passant par Wallis et la Nouvelle-Calédonie, nous permet d'avoir avec Mayotte une vraie stratégie sur l'Océan Indien, le Pacifique, de revendiquer le fait que nous avons près d’un million et demi de concitoyens dans cette région du globe, ce que tout le monde ignore. 8.000 militaires, des filières économiques d'excellence et une présence stratégique unique pour assurer la circulation maritime, c'est ça la réalité.
Notre stratégie Amérique du Sud passe par une présence technologique unique, évidemment, je pense au centre spatial, une capacité à porter une ambition économique depuis la Guyane absolument unique. Notre stratégie caribéenne, nous l’avons insuffisamment portée, et donc sur chacun de ces territoires, je souhaite que nous puissions ré-ancrer, et je le ferai à chacun de mes déplacements, un véritable objectif d’action publique, qu’elle soit diplomatique, mais aussi dans chacun des pans de l’activité du gouvernement – nous en parlions hier en matière d’Education et de culture – et nous continuerons à le développer avec aussi des stratégies diplomatiques que nous mènerons depuis les territoires.
La France porte aujourd'hui une ambition éducative et culturelle pour le monde. Il nous faut pouvoir aussi l'organiser depuis ces territoires, pour qu'elle rayonne sur le plan régional. Et cette conviction passe évidemment aussi par une re-conception de notre stratégie diplomatique. J’ai donc commencé à le faire sur l'Indopacifique, et je le poursuivrai, mais aussi une re-conception de notre stratégie en matière de mobilité ; j'évoquais tout à l'heure, la mobilité entre les territoires et l’hexagone, mais il y a la mobilité régionale qu'il faut accompagner.
Pour les étudiants et les entrepreneurs, la mobilité essentielle quand on est dans l'espace caribéen ou la Guyane, c'est aussi la mobilité entre ces deux territoires ou avec les territoires les plus proches, où on peut avoir des clients, développer plus vite son activité. Quand on est à la Réunion, la mobilité dans tout l'Océan Indien et avec l'Afrique de l'Est est essentielle sur le plan économique et pour développer ces filières. Est-ce qu'on peut continuer à avoir des projets dans l'énergie marine, dans la navale, qui sont faits, portés parfois avec nos propres acteurs industriels, par Maurice ou par d’autres territoires du continent africain ?
Nous devons le faire nous-mêmes, mais nous devons donner l'opportunité aux Réunionnais, étudiants, entrepreneurs, associatifs, de rayonner dans cet ensemble géographique et de porter, de faire vivre cette stratégie. Ce ne sont là que quelques exemples, mais cet objectif d'ancrage régional, je souhaite qu’il irrigue tous nos projets et que nous puissions pleinement le porter. Et j'ai pu voir, pour ce qui relève par exemple de la Nouvelle-Calédonie, combien cet ancrage d'ailleurs était aussi un élément de réconciliation, quelles que soient les sensibilités qui peuvent exister, parce que tout le monde a à cœur de le porter et de le vivre.
Le troisième élément, pour moi, transversal de cette stratégie que nous devons avoir et qui alimentera les travaux du gouvernement, c’est véritablement la croissance verte et bleue, cette croissance durable que vous avez évoquée Madame la Ministre, avec juste deux réflexions que je voulais vous livrer, nous sommes un territoire de biodiversité unique, 80 % de cette biodiversité est ultramarine. Nous devons avoir une vraie stratégie biodiversité, et nous avons un territoire qui est un poumon de l'Amérique du sud, de la Guyane, qui doit être au cœur de cette stratégie de biodiversité, de la pensée de celle-ci, de cette conception, il n'en a pas l'exclusivité, tous les territoires, ici, présents, la portent.
Mais je souhaite que sur la biodiversité et sa capacité justement à convaincre les partenaires régionaux, nous puissions ancrer cette stratégie, particulièrement depuis la Guyane. Et nous sommes la deuxième puissance maritime du monde, la deuxième, la première d’Europe. Et nos façades maritimes sont aux trois quarts ultramarines, c'est une richesse inouïe, et nous ne la valorisons que trop peu. J'aurai l'occasion, dans les prochains mois, de développer une stratégie de la mer revisitée, profonde, ambitieuse, qui va des sujets de Défense au sujet commerciaux, qui porte une vraie stratégie de recherche et d'innovation, qui doit passer, par là aussi, de nouvelles énergies à des innovations radicales, mais nous devons, là aussi, assumer que les territoires d'Outre-mer sont au cœur de cette stratégie maritime française, cette stratégie océanique repensée.
Et il y a une spécificité – nous en parlions avec quelques-uns d'entre vous hier – toute particulière, c'est qu'à coup sûr, nous sommes la puissance européenne et l'une des puissances au monde, qui a le plus d’îles, et on ne le dit jamais en ces termes. Et c’est pour ça que je parlais de l'archipel de France tout à l'heure.
Et si nous voulons en tirer toutes les conséquences, il faut aussi penser en termes géopolitiques, la France a une présence au monde qui est archipélagique. Et cette présence est un atout unique sur le plan géopolitique, sur le plan de l'imaginaire du monde tel qu'il est en train de se faire, les îles dans le monde sont devenues des acteurs géopolitiques contemporains uniques, ils sont des acteurs de la sécurité maritime, d'une liberté de souveraineté des mers, ils sont des acteurs uniques de la recherche des mers, de l'innovation, et ils sont des acteurs uniques par l'innovation et par les traditions qu'il y a dans chacune des îles, dans ce que chacun des peuples natifs et peuples premiers porte, des acteurs aussi de la soutenabilité du respect de la nature.
Et lorsqu'on parle d'une croissance durable, lorsqu'on parle d'un agenda durable, c’est une diplomatie des îles dont on parle ; ce sont les territoires les plus vulnérables du monde. Et ce sont les territoires qui, bien souvent, portent de manière ancestrale, comme par des innovations très contemporaines, les solutions à ces défis. Et donc la France doit revendiquer une stratégie îlienne. Et c’est pourquoi je souhaite la construire avec vous.
Je souhaite en 2020 accueillir un sommet des îles du monde sur le territoire français, mais qui ne sera pas forcément un territoire hexagonal, où nous rassemblerons l'ensemble de ces îles du monde qui portent toutes des défis comparables, en termes de vulnérabilité, d’innovation, de défi de mobilité, de défi éducatif, et cette stratégie est aussi une stratégie transversale que nous devons porter.
Enfin, c'est la différenciation, le quatrième principe que je souhaite ici revendiquer, et pour conclure. La différenciation n'est pas une fin en soi, mais elle peut être un moyen pour accélérer le développement ou prendre en compte des circonstances locales spécifiques, c'est le sens même de la modification de l'article 73 de la Constitution que le gouvernement a proposée, pour faciliter l'habilitation des collectivités qui souhaitent adapter les normes qui leur sont applicables.
Nous voulons simplifier l'appel de compétences par les collectivités qui le souhaitent, et faciliter l'adaptation des normes par les collectivités qui le souhaitent. Pourquoi ? Parce que toutes les collectivités de la République, et c'est encore plus vrai pour les collectivités ultramarines, ont des défis très différents, et aussi vrai qu'il faut préserver l'unité de la République, nous devons accepter la diversité des situations, les défis sont très différents sur le plan migratoire de la sécurité, sur le plan climatique, nous l'avons vécu, sur le plan des mobilités, des contraintes géographiques, les défis ne sont pas les mêmes aussi sur le plan des dynamiques régionales, je l'évoquais à l’instant.
Il est donc de bonne politique de permettre ces adaptations. Et je souhaite que ce texte constitutionnel puisse ainsi cheminer et permettre à chacun, sur les sujets qu'il choisira, en matière de transport, en matière d'énergie, en matière d'urbanisme ou de santé, d’adapter – de logement – d'adapter les règles pour répondre aux besoins du terrain, c'est aussi un principe transversal que je souhaite que nous portions dans cette stratégie.
Voilà les quatre principes à mes yeux, au-delà de cette rapide odyssée que nous avons faite ensemble, territoire par territoire, que je souhaitais rappeler. Et ces quatre principes guideront l'action du gouvernement, ma détermination pour mener à bien l'ensemble de ces projets. Vous allez maintenant avoir des rencontres, des réunions, un travail, et sur chacun des territoires vous allez construire ces feuilles de route, elles ne sont pas faites depuis ici, elles seront portées depuis les territoires par justement cette effervescence qui a été sollicitée, vécue, et elle marquera le début d'un engagement conjoint.
Et c’est aussi un changement de philosophie, ça n'est pas le gouvernement, l’Etat seul qui peut régler tous les problèmes, c'est une responsabilité partagée, et c'est d'ailleurs la même philosophie que je porte sur le plan constitutionnel, aussi vrai que je crois en cet archipel de France, je crois que toute politique qui est conçue, pensée, vécue comme mettant nos concitoyens ultramarins en situation de minorité ou de d'irresponsabilité est vouée à l’échec.
Je considère donc que la responsabilité partagée est la clé du succès de cette stratégie, nous aurons donc à la définir et à agir, nous avons commencé, à chaque fois que nous avons déjà fixé des lignes, l'action se poursuivra. Et je me propose, dans 18 mois, de vous réunir à nouveau pour faire ici même un point d'étape précis. Les ateliers se tiendront territoire par territoire, et nous verrons ce qui a avancé et ce qui bloque. Et nous pourrons faire ensemble, dans 18 mois, une première réunion de chantier.
Les défis sont multiples, je sais les impatiences qu'il y a, les inquiétudes sur certains territoires, les défis liés à certains votes que nous aurons dans d'autres, j'ai rappelé quelques-uns des enjeux, mais nous avons un enjeu collectif, qui est de recréer ce chemin de confiance dans la nation française, qui est de permettre à chacun de nos concitoyens de percevoir que nous lui donnons tous les moyens de réussir dans le monde qui advient, et cela c'est notre responsabilité partagée.
Et croyez-moi, je mettrai toute mon énergie à vos côtés pour que les résultats soient là, mais que, au-delà des résultats et des actions que nous conduirons, nous ayons une philosophie, une pensée commune de ce qu'est notre pays, notre nation dans ses spécificités et ses défis, dans son imaginaire contemporain, comme dans les blessures de son passé, ce que j'ai commencé à esquisser-là et dans chacun des territoires, que j'ai commencé à visiter, c'est cela, un imaginaire collectif, une ambition partagée et un travail au réel, parce que nos concitoyens l'attendent.
Je compte sur vous pour cette ambition, et vous avez compris ce qu'il faudra lire là où je n'ai pas pu le dire.
Vive la République et vive la France !