7 février 2018 - Seul le prononcé fait foi

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Transcription du discours du Président de la République Emmanuel Macron en Corse à Bastia

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.

Bastia Centre culturel Alb’Oru – Mercredi 7 février 2018

 

Monsieur le Ministre d’Etat,

Mesdames les Ministres,

Monsieur le Ministre,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Monsieur le Président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse,

Monsieur le Président de l’Assemblée de Corse,

Monsieur le Maire,

Mesdames et Messieurs les Elus,

Messieurs les Préfets,

Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureux d’avoir l’opportunité en cet instant de partager avec vous quelques convictions après un peu plus d’un jour et demi passé en Corse parmi vous d’Ajaccio à Bastia, après des échanges nourris avec les uns et les autres. Il y a moins d’un an, j’étais à Furiani en tant que candidat à l’élection présidentielle ; aujourd’hui, c’est en tant que chef de l’Etat que je vous retrouve ici, à Bastia, et j’y viens avec les mêmes convictions et la même cohérence.

Cette conviction, c’est que la Corse est au cœur de la République, c’est aussi que la Corse doit construire son avenir au sein de notre République tout en prenant pleinement en compte ses spécificités. A Furiani, je m’étais engagé à donner à la Corse les moyens d’emprunter son propre chemin de développement économique, social, culturel et de lui donner les moyens de réussir. C’est ainsi que je souhaite l’accomplissement et l’émancipation de la Corse.

Dans notre Histoire façonnée à coups d’empire – les deux napoléoniens et l’empire colonial –, les Corses ont incarné la grandeur de la France. Pendant les guerres, de nombreux Corses ont péri sur les champs de bataille au coude-à-coude avec tous les autres Français. Face à l’Italie fasciste, ce serment prononcé ici, à Bastia, en 1938 retentit encore : « Face au monde, de toute notre âme, sur nos gloires, sur nos tombes et sur nos berceaux, nous jurons de vivre et de mourir Français. »

La Corse a eu aussi, comme le disait le général de GAULLE, « la fortune et l’honneur d’être le premier morceau libéré de la France » en 1943, avant d’ouvrir la voie à la libération de la nation. Et il a ajouté : « Dans une île où on croit plus qu’ailleurs au destin, en Corse, on ne croit jamais à la défaite. » Cette glorieuse Histoire crée une mémoire commune, une mémoire au cœur de la République dont notre avenir sera tissé.

Mais dire que la Corse est au cœur de la République, ce n’est pas faire l’éloge de l’uniformité. La Corse, c’est une Histoire, une langue, des traditions et des savoirs ; c’est aussi un territoire particulier, une île-montagne faiblement peuplée où il n’est pas aisé de circuler ; c’est un poste avancé de la France en Méditerranée, un carrefour de l’Histoire au sein de ce berceau de la civilisation européenne qui nous unit et nous nourrit encore ; c’est enfin une nouvelle collectivité qui vient d’être créée le 1er janvier 2018, la plus décentralisée de la France métropolitaine.

Ces spécificités, la République les a déjà reconnues. Depuis 1982, c’est le quatrième statut de la Corse que nous connaissons. Elle doit à présent les reconnaître pleinement et nous devons parachever ce travail non pas en considérant que ce sont des pas perpétuels pour aller sortir de la République – je viens de donner ici mes convictions –, mais trouver enfin un équilibre qui permette de construire, de faire, d’avancer.

Je suis donc venu ici pour tracer les contours de la spécificité de la Corse dans la République et, comme je l’évoquais hier, sans faux-semblant, sans ambiguïté qui nous ferait collectivement sans doute perdre beaucoup de temps.

Cette spécificité peut conférer à la Corse un rôle nouveau dans la République. Celle-ci tient une place centrale dans la vision qui est la mienne de la politique méditerranéenne de la France. Je dois vous dire ce qui m’intéresse avant tout en m’adressant à vous aujourd’hui, ce n’est pas une question juridique de statut, j’y reviendrai, je traiterai tous les sujets qui font débat parce que je pense qu’il y a très peu de Corses dont la vie changera selon qu’on tranche d’un côté ou de l’autre. Je pense que nos concitoyens attendent que nous construisions un avenir ici, dans l’île, et pour eux et qu’on le fasse à hauteur de ce qu’est l’histoire de la Corse dans la Méditerranée.

Et donc, ce qui m’importe, c’est que nous puissions ensemble répondre aux attentes légitimes des Corses sur chacun des domaines et que nous puissions construire une véritable ambition méditerranéenne de la Corse parce que si notre île métropolitaine a un atout formidable, c’est d’être ce poste avancé de la Méditerranée et c’est cela qu’il faut considérer dans cette mer qui a vu notre civilisation naître et s’étendre.

Alors, oui, si nous voulons que la Corse tienne toute sa place dans la République, assume son rôle dans cette vision méditerranéenne que nous voulons porter, il faut d’abord que la Corse réussisse pour elle-même, qu’elle surmonte les difficultés du quotidien, qu’elle réponde aux attentes légitimes des habitants avec un seul objectif qui est d’améliorer leur quotidien.

Ce défi est celui de l’Etat qui doit assurer et assumer pleinement ses responsabilités, notamment en matière de sécurité et de solidarité. C’est aussi celui de la Collectivité de Corse qui, par son statut, dispose de nombreuses compétences et moyens associés et doit aussi les assumer pleinement.

L’Etat d’abord. Il n’y aura pas de réussite de la Corse si l’Etat n’y tient pas son rôle dans toutes ses composantes. Premier rôle de l’Etat, c’est d’assurer la sécurité des habitants de l’île. La Corse et les Corses ont besoin de l’ordre républicain car rien ne sera possible si la violence et l’insécurité continuent de perturber la vie de l’île. Il y a eu pendant trop longtemps en Corse des actes de violence, des crimes de toute nature qui ont nui à la population, endeuillé les familles, parfois affaibli la confiance dans les pouvoirs publics, compliqué le développement économique et social et dégradé son image.

Cette violence, qu’elle soit d’inspiration terroriste ou de droit commun, n’est pas bonne pour la Corse et doit totalement disparaître car l’immense majorité des Corses aspirent à vivre dans la liberté, l’égalité, la fraternité au sein d’une société ouverte et apaisée. Un important chemin a été fait durant les dernières décennies et je veux ici le saluer mais il nous faut là aussi aller plus loin.

Face à la délinquance et à la criminalité organisée, notamment au trafic de drogue, l’Etat appliquera la tolérance zéro et la Corse bénéficiera des renforts d’effectifs de policiers et de gendarmes prévus sur le quinquennat, des renforts d’équipement et la mise en place de la police de sécurité du quotidien. Le ministre d’Etat s’exprimera sur ce sujet dès demain et la déclinaison, les moyens y afférent seront bien évidemment prévus pour la Corse.

La Corse sera notamment concernée par le plan de déploiement des brigades et des groupes de contact qui renforceront la présence des gendarmes sur le terrain et au contact de nos concitoyens. Lutter contre la délinquance sous toutes ses formes est une priorité pour l’Etat et nous y mettrons les moyens. Lutter contre la délinquance, c’est aussi assurer l’ordre public en matière économique et financière.

Je sais les pressions de toute nature qui peuvent s’exercer sur les élus ou sur les acteurs économiques, que ce soit dans le domaine de l’urbanisme, des marchés publics ou des relations commerciales. Le procureur général m’a sensibilisé sur ces dérives. Je veillerai à ce que les contrôles sur ces secteurs soient renforcés et qu’ils mobilisent l’ensemble des services administratifs et judiciaires et qu’une organisation ad hoc soit mise en place dans les deux mois pour pouvoir agir efficacement sur ces sujets. Les préfets sont pleinement mobilisés sur ce point. Ils soumettront au ministre d’Etat un plan spécifique dans les semaines qui viennent.

Ce que nous avons entrepris au niveau national en matière de sécurité, nous devons à tout prix le réussir ici. L’Etat se mobilisera aussi pour protéger l’île, comme il l’a fait ces derniers mois face à des incendies particulièrement virulents. Je tiens à ce titre à exprimer ma solidarité vis-à-vis de tous les sinistrés et ma gratitude pour celles et ceux qui les ont aidés. Je tiens également à remercier les services d’incendie et de secours des deux départements et les renforts de l’Etat pour leur mobilisation et vous confirmer que la solidarité nationale sera toujours au rendez-vous en pareille circonstance.

Nous avons d’ailleurs pris l’initiative de lancer au niveau européen un plan plus ambitieux qui a été repris par la Commission européenne et qui permettra également de mettre à disposition des moyens adaptés encore plus rapidement et je dirais plus efficacement que nous ne l’avons fait si de tels incendies devaient malheureusement à nouveau arriver.

L’Etat donnera enfin à l’autorité judiciaire les moyens nécessaires à ses missions et aux administrations régaliennes concernées également les moyens et l’organisation requise afin que tous les contrôles puissent être effectués. C’est une volonté aussi d’adapter notre politique de ressources humaines, de pleinement valoriser ces missions et d’avoir la réponse adéquate avec un objectif, garantir l’Etat de droit auquel les Corses, comme tous les Français, ont droit.

Dans ce contexte particulier de l’île, l’Etat assume ses devoirs régaliens avec rigueur et engagement, tout comme il l’assume en matière également de solidarité nationale. Parler de solidarité nationale, c’est évoquer plusieurs des politiques publiques sur lesquelles l’Etat doit marquer sa présence, sur lesquelles les attentes, je le sais, de nos concitoyens sont fortes.

Je songe d’abord à ce bien commun qu’est la santé. La construction du nouvel hôpital d’Ajaccio, prise en charge à 100 % par l’Etat à hauteur de 130 millions d’euros, et la première tranche de la rénovation de celui de Bastia, prise en charge également à 100 % par l’Etat, contribueront à l’amélioration de l’offre de soins sur l’île. C’est une attente forte. Elle sera comblée et complétée, s’agissant de Bastia, par le déblocage des crédits nécessaires pour la deuxième tranche de modernisation. L’Etat fera pleinement ce qui est attendu de lui.

Mais ces investissements devront s’accompagner également, d’abord, d’une gestion plus rigoureuse, ensuite, d’un travail qui consistera à compléter cette offre en consolidant une offre de soins libérale et en installant sur l’ensemble du territoire des Maisons de Santé. Le ministre de la Cohésion des Territoires est tout particulièrement attaché à ce sujet avec la ministre des Solidarités et de la Santé. L’engagement de doublement des Maisons de Santé sera évidemment conduit à terme là aussi en Corse avec un suivi spécifique.

Au-delà, je pense également à l’effort significatif qui doit être fait pour l’accompagnement des personnes âgées. Nous le savons, cette compétence est partagée entre l’Etat et les collectivités, selon qu’on parle des prestations ou de certaines formes d’organisation. Néanmoins, je considère que c’est un devoir de solidarité de l’Etat que de parachever là aussi une présence indispensable.

Le taux d’équipement de la Corse en établissements d’accueil des personnes âgées est deux fois moins élevé que sur l’ensemble du territoire national. Cette situation ne peut plus durer. C’est pourquoi nous prendrons là aussi les dispositions pour pallier cette différence qui n’est pas acceptable.

J’ai demandé à la ministre de la Santé de travailler avec les élus à l’élaboration d’un plan de modernisation des infrastructures et des équipements pour garantir l’accès aux soins en Corse, comme partout ailleurs sur le territoire français. Il sera présenté d’ici à l’été prochain.

Parler de solidarité, c’est également parlé de cohésion sociale et territoriale. Je sais que c’est une inquiétude pour beaucoup d’entre vous. Je sais que pour vous, Monsieur le Maire, à Bastia, c’est une inquiétude toute particulière car, avec la création de la Collectivité de Corse, vous pourriez craindre que tous les services publics ne se concentrent à Ajaccio. En ce qui concerne les services de l’Etat, je veux ici vous dire très clairement que nous veillerons à maintenir une présence adaptée aux besoins des usagers et que l’équilibre entre Ajaccio et Bastia sera respecté.

Parler de cohésion des territoires, c’est également parler de la ruralité et de l’accès aux services publics par la mobilité mais aussi par l’accès au numérique. Sur ce point, la Corse, comme tous les territoires de France, bénéficiera du plan négocié par le gouvernement avec les opérateurs de téléphonie mobile pour accélérer la couverture en 4G du pays afin de garantir une couverture totale du territoire d’ici 2020.

Le ministre s’est personnellement engagé sur ce point. Un accord important a été signé avec les opérateurs. L’Etat a renoncé à 3 milliards d’euros d’enchères publiques sur la vente des autorisations d’exploiter en échange d’un engagement contrôlé avec, à la clé, des sanctions sur les opérateurs afin d’assurer l’intégralité de la couverture du territoire. Au-delà, l’Etat accompagnera le projet de déploiement de la fibre en Corse via le plan France Très Haut Débit.

Dans les agglomérations de Bastia et d’Ajaccio, les déploiements ont commencé et s’accéléreront dans les prochains mois pour respecter les engagements pris par les opérateurs. Déjà 38 000 lignes ont été déployées dans les agglomérations d’Ajaccio et Bastia par les opérateurs privés et ils se sont engagés, là aussi sous contrôle, à les déployer intégralement d’ici fin 2020.

En fin d’année dernière, l’accord obtenu avec les opérateurs a conduit à modifier là aussi le cadre légal et à pouvoir prendre des sanctions opposables, sanctionnables par l’Arcep allant jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires des opérateurs. L’Etat se porte ainsi garant de la bonne réalisation des déploiements par ces derniers. Une transparence sera organisée d’ici la fin de l’été sur ces déploiements avec un observatoire très détaillé mis en place par l’Arcep pour avoir une visibilité au niveau local et de manière régulière.

Pour les zones plus rurales, la Collectivité territoriale de Corse porte un ambitieux projet de déploiement du très haut débit représentant plusieurs centaines de millions d’euros d’investissement.

Mais précisément, ici plus qu’ailleurs, la transformation et le changement du quotidien de nos concitoyens n’auront pas lieu sans l’engagement de tous et notamment des collectivités territoriales, au premier rang desquelles la Collectivité de Corse et l’ensemble des communes et des intercommunalités de l’île.

En effet, depuis le 1er janvier 2018, la Corse dispose, avec la fusion de la Collectivité territoriale et des deux départements, d’une collectivité unique avec de larges et fortes compétences, les plus importantes de toutes les collectivités de France métropolitaine. Et je dois le dire, Monsieur le Président, vous avez aujourd’hui des responsabilités, des leviers que nul autre avant vous n’a pu connaître : sur les déchets, l’environnement, l’aménagement, l’urbanisme, le logement, le développement économique, la formation professionnelle, les mobilités, la Collectivité de Corse est compétente.

C’est le résultat d’un choix assumé depuis 1982 de donner à la Corse un statut particulier très décentralisé. Il vous revient donc de les assumer pleinement et je sais votre volonté de le faire, votre volonté de réussir et vous savez pleinement toutes les responsabilités et l’exemplarité que cela implique.

L’un des défis prioritaires est l’accès au logement car, sur l’ensemble de ces politiques, si elles sont la compétence de la Collectivité, l’Etat fera le maximum pour vous y aider, pour accompagner là où il est. Le logement donc est devenu un problème endémique sur l’île, trop de personnes ne pouvant se loger décemment sur l’île, notamment les jeunes. Mais pour répondre à cet enjeu majeur, il faut se poser là aussi les bonnes questions : pourquoi construit-on en Corse moins de logements que sur le continent ? Pourquoi la proportion de logements sociaux y est en moyenne près de deux fois plus faible ? Qui profite des prix qui montent lorsqu’on vend le foncier ?

Ce sont des sujets importants et je sais que parfois des réponses ont été, face à ces sujets, esquissées et je me dois d’être très clair, comme je l’ai toujours été quant à ces dernières. La mise en œuvre d’un statut de résident pour répondre à ces questions majeures de l’accès au logement n’est pas la bonne réponse. Aujourd’hui, lorsque les prix montent et que des terrains sont vendus, ce sont rarement des gens qui ne sont pas corses qui en bénéficient, pour être honnête. Il y a des gens qui décident, parce que le prix monte, de les vendre. C’est leur choix et c’est le droit de propriété qui va avec notre Constitution et je ne crois pas d’ailleurs que qui que ce soit suggère, propose de supprimer le droit de propriété. Et il est donc important d’avoir une stratégie d’urbanisme qui permette de contrôler parfois ces effets de rente.

Mais si certains achètent ces terrains ou des résidences pour avoir leur résidence secondaire, le différentiel qui est lié, il est payé à quelqu’un, celui qui avait le terrain au début. Vouloir créer un statut de résident créerait encore plus des effets de rente, ne permettrait pas davantage de répondre à un équilibre de ce marché, ne réglerait en rien les problèmes de construction du logement en général ou du logement social, mais surtout il serait totalement contraire et à notre Constitution et à notre droit européen et la libre installation qui l’accompagne.

Je n’imagine pas que lorsqu’on propose justement de créer un statut de résident pour régler ce problème que je considère avec vous comme essentiel, que cela suppose de sortir de la République et de l’Europe qui, par ailleurs, et pour l’une et pour l’autre, apportent beaucoup. C’est une impasse juridique mais c’est surtout, comme je vous l’ai dit, pour moi une mauvaise réponse. Elle ne permettrait pas de régler le problème de fond, elle conduirait à un rationnement, la flambée des loyers et je ne connais aucune économie dans le monde qui ait prospéré sur cette base, aucune.

Pour relever le défi du logement, je souhaite que puissent être développés en Corse, d’abord, tous les outils de droit commun indispensables à une politique de logement et d’urbanisme efficace qu’on n’utilise pas encore suffisamment. Je pense notamment à la finalisation de la couverture du territoire en documents d’urbanisme pour laquelle l’Etat est prêt à apporter de l’ingénierie à toutes les collectivités territoriales qui le souhaiteront. Et je le dis c’est très clairement, je sais que beaucoup de collectivités ont aujourd’hui à ce titre des difficultés. Je souhaite donc que nous puissions adapter notre organisation, que l’Etat mette les moyens en compétences et que nous apportions l’ingénierie publique pour aider les collectivités à pouvoir prendre les décisions indispensables en matière d’urbanisme et de logement.

Je pense aussi que nous devons ensemble considérer les simplifications qui permettront là aussi de faciliter la construction de logements, de simplifier les règles d’urbanisme. Les lois sont parfois enchevêtrées qui ont accumulé les contraintes et les spécificités géographiques que j’ai rappelées tout à l’heure pour l’île ont parfois cumulé les contraintes de la montagne et les contraintes du littoral. Il s’agit, sur ce sujet, de savoir là aussi adapter nos règles et j’y suis tout à fait ouvert. Je pense que c’est une voie importante, aussi bien en matière d’urbanisme qu’en matière de développement économique. Et il importe donc à ce titre que nous puissions travailler pour modifier les lois et trouver le bon cadre pour pouvoir avancer.

Donc, pour moi, ce sujet du logement doit trouver une réponse concrète dans la mobilisation de tous et de toutes, mais en particulier des services de l’Etat, en appui des collectivités qui auront un besoin en matière d’ingénierie, et dans l’adaptation des règles pour prendre pleinement en compte la spécificité géographique de l’île et simplifier des contraintes qui sont parfois exorbitantes, compte tenu de vos caractéristiques.

Le défi de l’île est également économique et social. Le taux de chômage reste trop élevé, notamment le taux de chômage des jeunes et nous ne pouvons collectivement accepter cette situation. Là aussi, il faut créer de l’activité et de l’emploi sur l’île et je ne veux pas, tout comme vous, d’une Corse sous perfusion. La Collectivité, au travers notamment de l’Agence de développement économique de la Corse – l’Adec –, dispose d’un levier pour développer l’activité économique et je sais l’esprit d’entreprise, d’innovation qui règne ici, sur l’île, je reconnais des visages amis d’entrepreneurs qui ont formidablement réussi, j’ai vu durant ces deux jours des femmes et des hommes qui ont l’envie de faire, d’entreprendre, quel que soit le secteur.

L’Etat accompagnera donc cette politique, comme il le fait sur le reste du territoire national. Nous investissons massivement pour soutenir l’économie, l’entreprenariat, le commerce. Nous avons pris, le gouvernement d’Edouard PHILIPPE a déjà, à ce titre, porté plusieurs réformes importantes, des mesures qui ont permis d’alléger les cotisations sociales et patronales, de simplifier les règles des entreprises et un texte viendra à l’été qui permettra d’aller en ce sens et qui, sur un tissu économique où le rôle des PME et des TPE est très structurant, est absolument essentiel.

Des réponses ont été apportées mais il faut aller plus loin, les conforter. Et en lien avec les présidents des Chambres consulaires, les partenaires sociaux et les acteurs socioprofessionnels que je salue ici, j’ai demandé au ministre de l’Economie qu’un diagnostic et des propositions concrètes soient établis dans le cadre de ce dialogue, conduisant soit à des dispositifs adaptés, soit à d’éventuelles adaptations législatives et réglementaires, avec le concours de la Collectivité de Corse, et que d’ici à l’été, nous ayons, sur le sujet économique, une réponse plus ambitieuse.

Il est indispensable là aussi d’apporter un cadre qui correspond à l’esprit d’entreprise, la volonté d’initiative qui règne sur l’île et, à ce titre, pour réussir ce défi, la formation et la qualification sont un levier indispensable, comme partout sur le territoire national. On le voit là aussi quand on compare les chiffres du chômage et les métiers en tension qui demeurent et les offres d’emplois non pourvues. Ça n’est pas une spécificité corse en la matière et je souhaite que la réforme qui est en train d’être conduite en matière d’apprentissage et de formation professionnelle puisse trouver toute son application en Corse, que les 15 milliards d’euros d’investissements que nous allons conduire durant ce quinquennat en matière de qualification et de formation puissent également se déployer car ils sont des leviers essentiels pour apporter cette réponse aussi sur le plan économique et social.

Il y a des femmes et des hommes qui sont à requalifier sur les filières prioritaires qui sont des filières justement d’avenir pour l’île, qu’il s’agisse du tourisme, de l’agriculture – moi, j’ai vu ce matin un formidable exemple et j’y reviendrai –, de croissance bleue, de numérique – et je n’oublie pas Corsican Tech et les initiatives que j’avais prises naguère dans d’autres fonctions. Il y a des filières à continuer à structurer qui sont des filières d’avenir où le potentiel économique peut permettre encore de créer nombre d’emplois.

L’agriculture est bien l’un de ces défis, défi économique et de développement durable. Il nécessite de sécuriser les ressources, de diversifier et de valoriser les produits et les épisodes de sécheresse de l’an passé ont durement touché les éleveurs, avec des impacts dramatiques sur les troupeaux, sur les forages, obligeant à approvisionner du foin depuis la France continentale. La sécurisation de la ressource en eau et de la ressource alimentaire passe justement par la prise en compte de l’évolution climatique et de l’incidence environnementale des modes de production et donc, en matière d’élevage, un travail qui doit être conduit. Nous l’accompagnerons par des innovations, par une organisation de la filière. J’ai vu ce matin des acteurs du monde agricole et nous travaillerons là aussi ensemble, avec une mobilisation du ministre de l’Agriculture.

Mais il y a aussi des filières qui ont conduit leur transformation, qui sont de formidables exemples de réussite. Nous avons vu à San-Giuliano ce matin tous les bénéfices de la recherche participative et ce que, justement, les solutions adaptées en termes d’innovation, en lien entre l’INRA, le CIRAD et les filières professionnelles, les producteurs, ce qui a été permis dans les agrumes et en particulier sur la clémentine. Il n’y a donc aucune fatalité. Quand on décide d’investir, d’innover, quand les acteurs économiques s’organisent de manière exemplaire dans une filière, quand ils font les démarches, quand l’Etat est dans son rôle en apportant l’indispensable investissement en matière de recherche fondamentale et appliquée, en apportant justement la visibilité d’une indication géographique protégée, eh bien il y a une filière qui s’est organisée, qui a su monter en valeur, créer de l’emploi et stabiliser non seulement un territoire, mais aussi une activité économique.

C’est tout l’esprit des Etats généraux de l’alimentation et c’est tout l’esprit que je veux qu’ensemble, nous puissions là aussi développer en Corse pour structurer encore davantage l’agriculture, valoriser les circuits courts, le bio, l’agrotourisme encore davantage que cela n’a été fait. Et là encore, c’est dans le partenariat intelligent entre la Collectivité de Corse et l’Etat que nous arriverons à trouver les voies d’une transformation intelligente et positive pour la Corse.

Il vous appartient donc de relever ces défis puisque ce sont les compétences de la Collectivité, mais comme vous l’avez compris, tout au moins sur ces sujets-là, l’Etat sera à vos côtés et vous a confié les moyens financiers nécessaires. Le gouvernement a veillé à ce que soient donnés des moyens importants à la nouvelle Collectivité de Corse. La Corse bénéficiera, comme les autres régions, des nouvelles ressources confiées par l’Etat aux collectivités, notamment la TVA.

J’entends la demande une refonte globale du régime fiscal applicable dans l’île en allant plus loin dans le remplacement de certaines dotations par des fractions d’impôts ou des taxes prélevées en Corse. Une liberté pourrait être donnée à la Corse, de mettre en œuvre de nouvelles taxes locales dans le cadre de l’évolution institutionnelle que j’appelle de mes vœux et j’y reviendrai. Mais là aussi, nous devons collectivement être lucides et je me dois d’être clair. Plus il y aura de fiscalité transférée, moins il y aura de dotations. Etre autonome, c’est assumer ce choix.

Comment souhaiter une autonomie fiscale et, en même temps, demander encore plus à la solidarité nationale ? Comment vouloir que la ressource fiscale soit affectée à un territoire et demander la solidarité nationale pour la dotation ? Ça n’existe pas. Je ne connais pas de finance magique, il n’y a pas de République magique non plus et donc il faut que nous soyons collectivement conséquents. Si des formes de fiscalité locale peuvent être imaginées, elles iront avec des baisses de dotations parallèles. Nous ne pouvons pas souhaiter que le produit des impôts prélevés encore reste en Corse et, dans ces cas-là, ne pas garantir la même chose aux autres régions, notamment les plus riches qui contribuent déjà pleinement à la solidarité nationale dans nombre de territoires de la République et en particulier en Corse.

Demeurer dans le giron de la République, ce n’est pas perdre son âme ni son identité, c’est justement aussi bénéficier de la solidarité nationale et la Corse, aujourd’hui, en bénéficie. Et si cette solidarité est bien employée, la Corse sera plus forte, plus rayonnante et à la hauteur de ses spécificités. Ainsi, s’agissant des infrastructures et des équipements nécessaires pour améliorer les déplacements pour régler la gestion des déchets ou aménager le territoire, l’Etat continuera son effort particulier grâce au programme exceptionnel d’investissement qui sera prolonger jusqu’en 2020. Ce sont ainsi 400 millions d’euros qui restent à investir et qui doivent l’être sur les secteurs stratégiques pour le développement de la Corse. C’est un engagement important, au-delà des dotations classiques qui existent pour tous les territoires. Il est spécifique à la Corse mais il se justifie par les caractéristiques que je rappelais tout à l’heure.

A ces crédits nationaux, il faut ajouter les fonds européens dont la consommation doit être améliorée durant cet exercice. Et là-dessus, j’ai pleinement besoin de la Collectivité pour que les fonds européens soient bien programmés, appelés parce que le chef d’Etat que je suis, qui aura à négocier ces mêmes fonds européens pour les générations à venir, peut se trouver fragilisé si plusieurs collectivités ne les utilisent pas pleinement ou se trouvent avec des restes à liquider qui pourraient faire l’objet de rappels. Il est donc important que, dans les mois qui viennent – et je sais que c’est votre volonté et c’est la clé d’une bonne gestion –, il puisse y avoir une programmation qui permette une bonne consommation des fonds européens que la France a négociés pour tous ses territoires et en particulier pour la Corse.

Mais au-delà de ces fonds européens et du programme exceptionnel d’investissement, il nous faut d’ores et déjà préparer l’après, l’après-2020, et je vous propose que nous préparions ensemble un plan d’accompagnement de la Corse pour forger l’avenir de l’île dans le bassin méditerranéen. L’élaboration de ce plan sera pilotée par le préfet de Corse et suivie au niveau gouvernemental par le ministre MEZARD et la ministre GOURAULT. Pour améliorer la gestion du PEI restant et ce plan d’accompagnement qui le prolongera, nous devons collectivement travailler aux priorités sectorielles, nous devons aussi sans doute définir des règles de programmation, mais également des règles de gestion plus simples, plus rapides, plus proches du territoire, permettant de répondre aussi à des demandes qui peuvent émaner de collectivités territoriales de tout ordre, de communes qui ont besoin de porter des projets concrets.

J’étais hier à Ajaccio, j’ai vu plusieurs projets culturels, patrimoniaux, je pense, extrêmement importants pour le développement de la ville, de l’île et sa capacité là aussi à la fois à porter un héritage culturel et à développer le tourisme. Ce sont ces projets que nous devons ensemble sans doute planifier et pour lesquels nous devons avoir un outil encore plus réactif, plus adapté.

Vous l’avez compris, l’Etat s’engagera pleinement aux côtés de la Collectivité. Vous avez des compétences importantes, vous les assumerez dans les années à venir, mais l’Etat sera là, engagé à travers des simplifications normatives, à travers de l’investissement public, à travers aussi des ressources humaines adaptées soit en ingénierie publique au plus près du terrain, soit en déconcentrant davantage de pouvoirs et c’est ce que le ministre d’Etat aura à conduire dans les prochains mois pour son ministère et ce qui sera conduit plus largement pour les administrations de l’Etat.

Nous devons, en même temps que nous avons décentralisé, permettre aux représentants de l’Etat sur le terrain d’avoir plus de responsabilités, plus de pouvoirs, plus de capacité à être des interlocuteurs crédibles, réactifs pour les collectivités et les élus.

Faire réussir la Corse dans la République, c’est donc avant tout pouvoir régler les problèmes du quotidien, les attentes des Corses à travers les quelques sujets que je viens ici d’égrener et je ne suis pas exhaustif, il nous faudrait plusieurs heures, mais c’est cela la priorité qui doit collectivement être la nôtre, c’est cela ce sur quoi j’ai demandé au gouvernement, activement, de travailler pour l’île, pour les habitants. Mais faire réussir la Corse dans la République, ce n’est pas nier son identité, c’est lui permettre au contraire de l’exprimer de manière plus riche, plus ouverte car l’identité corse ne doit pas être un ferment de division, elle est une richesse de la République et c’est un territoire qui nous rattache tous aux sources mêmes de notre civilisation, mais aussi aux rives où s’invente, j’en suis profondément convaincu, notre futur, la Méditerranée.

Je souhaiterais que nous puissions ouvrir une page de notre Histoire, une page où il n’y aurait pas d’un côté les gens qui aiment la République et qui y croient et qui voudraient mécaniquement dire : « Moi, je ne reconnais pas ce qu’est la part de Corse qu’il y a en moi ou qu’il y a dans cette île », la caricature qu’on voudrait faire des républicains, et de l’autre, les gens qui aimeraient vraiment ce qui est être Corse, mais ce qui supposerait d’être contre la République. Ce n’est pas ça l’histoire de la Corse ! Ça n’est pas ça et je vous le dis très franchement ! Ça n’est même pas être fidèle à ce qu’est l’identité corse ! Elle ne s’est construite que de voyages, que de conquêtes en reconquêtes, que d’attachement profond à la nation française et à la République, que d’ouverture radicale, que de projection à travers la Méditerranée. Mais diable, il ne faudrait pas voir même les citadelles qui longent la côte et la géographie et les bâtiments pour ne pas savoir tout ce qui a fait cette Histoire ! Elle a été une Histoire de conquêtes et de reconquêtes, oui, mais elle a toujours été ouverte !

Je suis pour que chacun dans notre République puisse revendiquer son identité, sa spécificité et en Corse, bien entendu, aussi. Mais si cette spécificité, c’est être l’ennemi de la République, c’est une dérive, une erreur et je ne pourrais pas l’accepter, mais c’est surtout une trahison de ce qu’est cette identité même. Et le choix est simple aujourd’hui. Si nous voulons ouvrir cette nouvelle page, nous devons être fiers de ce qu’est notre République, nous devons savoir l’adapter aussi au monde qui est le nôtre mais nous devons considérer que le choix fondamental, c’est d’ailleurs le choix que toute la nation française a eu en mai dernier, c’est celui entre l’ouverture et la fermeture.

Est-ce que l’identité corse n’est pas méditerranéenne ? Est-ce que cette identité méditerranéenne n’est pas faite consubstantiellement d’ouverture, d’échanges, de métissage permanent ? Je crois que oui. Alors c’est un triptyque qu’il nous faut savoir collectivement organiser. Il nous faudra le faire de manière apaisée, responsable, exigeante, celui entre la République, l’identité corse et cette nécessité d’ouverture. Et c’est à ce titre que la Corse réussira tout à la fois dans la République et la Méditerranée et c’est ce que je souhaite profondément.

Alors, quand on parle d’identité de la Corse, on parle bien évidemment de sa langue. La langue corse est présente dans le cœur des Corses, dans leur mémoire, dans leur vie quotidienne et elle doit bien entendu être préservée et développée. Et d’ailleurs, elle l’est. Je regarde là aussi les chiffres. Il n’y a pas une seule autre langue dans la République qui est autant soutenue par l’Etat. Il n’y en a pas une autre. 9 millions d’euros par an de fonctionnement, 9 millions d’euros sur cinq ans d’investissement, c’est un investissement réel mais il est légitime, compte tenu de ce que je viens de dire.

L’enseignement du corse concerne 34 000 élèves. 98 % des élèves l’apprennent déjà à l’école primaire. Des classes bilangues ont été développées au collège et je veux vous le dire ici clairement, l’Etat investit pour la formation des enseignants. La première session de l’agrégation de langues régionales option corse se tiendra cette année. La langue corse est la langue régionale la plus enseignée et la plus soutenue et nous le continuerons. Je sais que les attentes sont fortes en la matière.

L’Etat a pris des engagements – et je veillerai à ce qu’ils soient respectés – en matière de nombre d’heures de cours en primaire ou de formation des enseignants, je m’y engage. Mais je regarde aussi que, malgré l’investissement fait ces dernières années, contrairement à d’autres langues dans notre République, il n’y a pas la progression qui est à la hauteur de crédits investissements. Je souhaite donc que nous puissions mener toutes les évaluations qui nous permettront de voir comment bien affecter, peut-être mieux affecter cet argent de la République pour aider de la bonne manière l’enseignement de la langue corse et trouver les bonnes méthodes ou les méthodes pédagogiques ou les méthodes de formation des maîtres, mais que nous arrivions collectivement à être plus efficaces.

Plus peut être fait aussi pour soutenir les initiatives de traduction, d’édition, de diffusion. Mais ce soutien doit s’inscrire dans une perspective d’ouverture, et non d’enfermement. Le bilinguisme, c’est le contraire de ce qui exclut ou ce qui discrimine. C’est le fait de voyager entre plusieurs univers linguistiques. C’est un enrichissement, une ouverture. La défense légitime de la langue corse ne doit donc pas relever d’une logique de l’entre-soi qui pourrait mener, par exemple, à la fermeture du marché du travail à qui n’est pas Corse ! Mais elle doit permettre de mieux s’enraciner à bon escient.

Je suis donc tout à fait favorable – j’ai d’ailleurs vu que certains le faisaient déjà – à ce qu’on puisse faire figurer comme compétence – je sais que vous y êtes attachés, Messieurs les Présidents – le fait de parler la langue corse, parce que c’est un plus ! Jamais je ne pourrai accepter qu’on réserve à celui qui parle la langue corse tel ou tel emploi ! Parce que là, ce serait un moins. Et donc c’est dans cet esprit de bilinguisme, d’enrichissement de notre République par une identité fière et totalement reconnue que nous devons ensemble œuvrer.

Mais le bilinguisme, ça n’est pas la co-officialité, et je veux ici le redire très clairement ! Le bilinguisme, ça n’est pas une nouvelle frontière dans la République ! Ça n’est pas la division qu’est la souveraineté de la Nation et de ce qu’est le peuple français ! C’est la reconnaissance d’une identité culturelle et linguistique dans la République. C’est la volonté de la faire vivre. Mais dans la République française, et d’avant même la République, il y a une langue officielle, et c’est le français. Et nous nous sommes faits comme ça. Vous savez, beaucoup d’autres grandes nations se sont faites, les unes, par les expansions territoriales, parfois par la religion, d’autres par la puissance de l’Etat. L’Etat a joué un rôle très important dans l’histoire de notre pays. Mais c’est la langue qui a été le premier sédiment de la nation française. C’est la langue.

Et donc il est indispensable que nous gardions ce qui nous constitue, ce qui nous a fait, mais ce qui est tout à la fois un socle de notre Constitution, un socle de notre Nation soit maintenu, expliqué, et que le bilinguisme soit pleinement reconnu et développé.

L’identité de la Corse, c’est également un territoire d’exception. La beauté de cette île, tout à la fois montagnes et rivages, est encore préservée. Il faut la protéger. Du parc marin, des bouches de Bonifacio à la beauté sauvage du Cap Corse, des calanques de Piana aux Aiguilles de Bavella, je sais les élus ici nombreux, j’en ai reconnu quelques-uns, qui sont en charge de ces collectivités ainsi citées. Le patrimoine naturel de la Corse, son territoire sont là et font partie de cette identité. Et donc il est évident que nous devons préserver cette beauté naturelle, en faire un atout pour le développement de l’île.

C’est pourquoi je souhaite que la Corse devienne un territoire innovant pour un développement durable intégré, associant agriculture de qualité, je l’ai évoqué, tourisme durable et préservation des sites naturels. Je pense que quand on parle justement de reconnaître, dans la République, l’identité corse, de la faire réussir dans la Méditerranée, c’est cette stratégie que nous devons pleinement avoir et que je souhaite porter, accompagner, développer.

J’ai engagé pour notre pays une politique de développement durable qui la place à la pointe du combat pour la survie de notre planète. La France, sur le plan diplomatique, européen, mais aussi national, a construit non seulement une position, mais une stratégie, un Plan climat porté par le ministre d’Etat HULOT, et je souhaite que la Corse soit à l’avant-garde de ce combat. D’abord parce que c’est son intérêt, ensuite parce que je crois profondément que c’est aussi une part de son identité, et parce que son insularité, la rareté de ses ressources naturelles le justifient pleinement.

La priorité doit bien sûr porter sur la protection des littoraux et des montagnes. Pour cela, nous mettrons fin aux situations ubuesques comme celle qui m’a été rapportée il y a quelques mois par la maire de Piana, en novembre dernier, dont la commune est entièrement contrainte par l’application totale des lois Littoral et montagne, comme je l’évoquais tout à l’heure, parfois sur le même terrain. Et je vous donnerai donc la possibilité d’adapter ces réglementations pour qu’elles soient plus intelligentes. C’est cela aussi, prendre en compte cette spécificité.

Nous agirons également pour préserver, même développer, à travers des mécanismes de protection mais également de recherche, d’innovation, la biodiversité qui est une des richesses de l’île, là aussi vues ce matin, et que nous devons encore davantage valoriser parce que c’est une source d’attraction et que nous devons pleinement développer.

Elle doit être portée également sur la protection de la ressource en eau, dont la rareté sur l’île a conduit aux difficultés majeures que j’évoquais précédemment l’été dernier. Je propose ainsi qu’une des premières séances des Assises de l’eau, dont j’ai souhaité la tenue, se déroule en Corse, afin de prendre les mesures fortes attendues par ce territoire.

Toutes ces actions permettront de préserver le capital nature et la beauté de la Corse, autant d’atouts indispensables au tourisme dont l’activité est au cœur de la création de richesses sur l’île. Et je souhaite que la Corse soit ce territoire pionnier du tourisme durable. Je souhaite que nous puissions accélérer, développer pleinement cette politique « Grand site » qui permet justement de valoriser le patrimoine corse.

La Corse est l’une des premières destinations. Elle réunit, sur 8 680 kilomètres carrés, toutes ces richesses au cœur de la Méditerranée. C’est donc une chance pour notre pays qui est un grand pays touristique. Nous devons investir pour accompagner un développement touristique maîtrisé et respectueux de l’environnement, c’est ce que nous ferons, là aussi, en matière d’infrastructures de mobilité et d’accueil, en accompagnement et en soutien de l’artisanat et de l’hôtellerie-restauration sur l’île, mais également en matière de formation. C’est pourquoi je soutiens pleinement la création d’un Inter Campus méditerranéen des métiers de l’hôtellerie, de la gastronomie et de l’œnologie, aujourd’hui porté par les Académies d’Aix-Marseille, de Corse et de Nice.

Nous pourrions d’ailleurs continuer à ouvrir cette initiative au-delà, pour y adjoindre la Principauté de Monaco. Ce projet permettrait de renforcer l’apprentissage et la formation dans ces secteurs majeurs de l’économie touristique, tout en favorisant cette ouverture vers la Méditerranée et la mobilité des jeunes.

Le co-pilotage de ce projet par la collectivité de Corse sera garant du succès de cette ambition. L’identité reconnue, la vie quotidienne confortée, l’ouverture n’est donc pas à craindre. L’ouverture sur les autres cultures, l’ouverture sur la Méditerranée, l’ouverture sur le monde, et je souhaite faire de la Corse cette pointe avancée de la politique méditerranéenne de la France.

Je le disais, il y a quelques jours en étant à Tunis et en proposant ce pari à ceux qui doivent être nos partenaires de demain, la France doit retrouver le sens d’une vraie politique méditerranéenne. C’est notre intérêt culturel géopolitique stratégique. Et la Corse doit jouer un rôle dans celle-ci. Je le souhaite profondément. En tout cas, je ferai tout pour qu’il en soit ainsi. Je crois que c’est important pour la jeunesse corse, parce que c’est une source d’opportunité retrouvée ! C’est un de ces leviers d’ouverture.

Je souhaite que nous puissions pleinement porter cette ambition méditerranéenne, je l’évoquais à l’instant, à travers notre politique de formation, mais également la politique universitaire ! Il nous faut penser des partenariats développés avec d’autres universités en Méditerranée, accompagner les jeunes dans une politique de mobilité, pour permettre aux jeunes Corses qui poursuivent des études, pas simplement d’avoir le choix entre l’université de Corte ou l’université d’Aix-Marseille, mais plus largement aussi de faire un parcours à travers plusieurs universités de la Méditerranée, de construire justement cette culture méditerranéenne, des opportunités sur d’autres territoires, d’avoir une mobilité dans laquelle l’Etat les accompagne pleinement.

Je souhaite que nous ayons la même ambition, la même ouverture dans la politique de Recherche et d’enseignement qui est conduite sur l’île. J’étais ce matin avec les chercheurs de l’INRA et CIRAD. Leur vocation à travers toutes les initiatives qui sont faites sur l’île est une vocation à tout le moins méditerranéenne ! D’aller aider à prendre des initiatives, économiques mais aussi des partenariats de Recherche avec d’autres pays de la Méditerranée qui ont parfois les mêmes contraintes, mais aussi les mêmes opportunités climatiques ! Et de permettre ainsi le rayonnement des chercheurs, des laboratoires, des entrepreneurs qui sont ici sur l’île ! Et par une telle stratégie, d’avoir des perspectives !

C’est la même chose que nous devons porter en matière de politique culturelle, touristique. L’Etat investira pleinement pour qu’au cœur de cette politique méditerranéenne, la Corse soit un atout. C’est pour ça que j’aurai à recevoir dans quelques mois, les six Etats partenaires, dits du Med7, formation au sein de l’Union européenne, et je souhaite pouvoir les inviter en Corse pour leur faire découvrir l’île mais aussi pour que nous puissions utiliser cette initiative, pour pouvoir justement considérer toutes les opportunités de partenariat d’échange, d’ouverture avec l’ensemble de nos partenaires européens en Méditerranée !

Je crois profondément que défendre l’identité et la spécificité de la Corse dans la République, c’est lui permettre justement d’utiliser pleinement toute à la fois la force de la République française et cette spécificité placée là où elle est, c’est-à-dire dans la Méditerranée.

Notre défi aujourd’hui est de ne plus subir une Méditerranée balafrée par une séparation entre l’Europe et l’Afrique, une Méditerranée que nous n’assumons plus, c’est de repenser une vraie politique méditerranéenne avec des partenariats sur l’ensemble de ses rives, c’est d’avoir à nouveau une ambition méditerranéenne car c’est la Méditerranée qui nous a fait culturellement sur le plan de la civilisation ! Et dans ce contexte je souhaite pleinement que la Corse puisse tirer toutes les opportunités et que la jeunesse corse puisse saisir toutes les opportunités qui iront avec.

Mais je sais que vous avez aussi une autre attente depuis de nombreuses années, la reconnaissance constitutionnelle de la spécificité de la Corse, la demande d’une autonomie reconnue dans la République. Cette attente s’est exprimée une nouvelle fois lors des dernières élections locales et je l’ai entendue.

Il y a tout d’abord le souhait que la Corse soit mentionnée dans notre Constitution, ce souhait je l’entends, je le respecte et je le prends comme une marque de confiance, l’expression d’un besoin légitime de reconnaissance de la Corse par la République et la volonté d’un ancrage fort dans la République et dans le texte constitutionnel. Et donc pour toutes ces raisons je vous annonce solennellement aujourd’hui que je suis favorable à ce que la Corse soit mentionnée dans la Constitution et que les dispositions en ce sens seront proposées dans le projet constitutionnel qui sera soumis au Parlement au printemps.

Mais au-delà il nous faut maintenant rentrer dans le contenu, est-ce que la clé de tout est forcément cela ? Je vais vous le dire très franchement, ma conviction est que non, depuis 1982 nous en sommes au quatrième statut, si des évolutions statutaires ou institutionnelles réglaient tous les problèmes nous l’aurions vécu ou les gens qui nous ont précédés, l’ensemble des postes de responsabilités auraient peu de talent.

Deuxième chose qui me fait penser ainsi, c’est que ça ne fait même pas un mois et demi que nous avons une évolution statutaire profonde et donc je vous invite collectivement aussi à considérer qu’il vous faut déjà exercer, assumer les responsabilités nouvelles que vous avez depuis le 1er janvier dernier que vous n’aviez jusqu’alors jamais eu à ce niveau. Et donc penser que le cœur de la bataille, la mère des batailles c’est d’aller négocier de nouvelles évolutions institutionnelles avant même d’avoir exercé les responsabilités qu’on a je ne saurai vous y encourager. Et donc pour moi ce sont deux discussions parallèles mais si on veut faire réussir la Corse c’est d’abord en réussissant sur le terrain chacun dans les postes et aux responsabilités où nous sommes.

Mais, je le dis, je suis favorable à ce que la Corse puisse rentrer dans la Constitution parce que d’autres territoires de la République y figurent et parce que c’est une manière en effet de reconnaître son identité et de l’ancrer dans la République.

La refonte de l’article 72 de la Constitution que je proposerai au Parlement dans les prochaines semaines ouvrira déjà des possibilités de reconnaissance d’un droit à la différenciation qui permettra à la Collectivité de Corse d’être habilitée à adapter les lois et règlements régissant l’exercice de ses compétences et à obtenir le transfert de nouvelles compétences. J’ai noté que naguère les élus corses étaient unanimement satisfaits d’une inscription à l’article 72, je ne parle pas de celui qui sera refondu, je parle du précédent. Cet article-là sera déjà plus ambitieux, c’est donc une option qui s’ouvre.

Mais durant la session de travail de près de deux heures que nous avons eue hier avec les présidents SIMEONI et TALAMONI nous avons longuement évoqué ce point et j’ai entendu aussi votre volonté d’aller plus loin du fait que cette différenciation n’était pas suffisante et qu’il fallait aller vers d’autres articles de la Constitution.

Reconnaître la singularité de la Corse dans la Constitution en raison de sa géographie, de ses spécificités, j’y suis prêt. Je vous ai donc livré ce qui est ma conviction personnelle, j’ai entendu ce qui est votre conviction, j’en mesure les enjeux, je souhaite donc que conscient du fait que la Corse n’est ni la Nouvelle-Calédonie ni ma Picardie natale nous puissions trouver le chemin qui permette au mieux de répondre aux spécificités en restant dans le cadre de la République et d’agir efficacement.

Aussi, afin de déterminer le contenu exact de cet article ou de ses dispositions, je souhaite que soit défini ce qui doit précisément relever de la compétence de l’Etat ou de la collectivité territoriale mais que nous rentrions surtout dans le détail de ce qu’il y aurait derrière une telle modification. C’est pourquoi je ne souhaite pas réviser la Constitution sur un concept, tout simplement un signal, nous devons rentrer dans le détail. On révise la Constitution avec un objectif précis, des attentes détaillées, en regardant ce qui est nécessaire, ce qui ne l’est pas.

C’est à ces réflexions partagées que je vous invite aujourd’hui, Mesdames et Messieurs les Elus, Monsieur le Président de l’exécutif, Monsieur le Président de l’Assemblée de Corse, nous devons procéder à cette analyse dans le mois qui s’ouvre afin que les décisions puissent être prises pour une intégration au projet de loi constitutionnelle qui sera soumis au Parlement au printemps. Nous le ferons de manière apaisée dans l’état d’esprit que je viens d’évoquer.

J’en ai donné les bornes, j’ai aussi évoqué cette volonté d’ouverture de discussions, je souhaite qu’il y ait maintenant un travail au fond pour que nous puissions regarder ce qui est nécessaire pour pleinement reconnaître ces spécificités, trouver les adaptations qui permettent à la Corse de réussir dans la République avec sa géographie et ses caractéristiques. Et je vous le dis franchement, ce débat nous l’aurons en bonne foi parce que je veux que vous réussissiez, parce que je veux que la Corse réussisse, parce que je veux que pour l’ensemble de nos concitoyens vivant en Corse nous construisions la réussite de ce territoire. Mais je ne le ferai pas dans un esprit d’ambiguïté comme je l’évoquais hier de faux semblants et je ne le ferai pas avec des idées cachées ou des malentendus entre nous, ça n’est pas un pas qui en précèdera plusieurs autres, c’est une démarche claire qui sera partagée, utile et que nous déciderons. Je crois que nos concitoyens attendent des résultats, des actions, des avancées et je crois que c’est ce que nous leur devons.

Mesdames et Messieurs, vous le voyez, les défis à relever sont nombreux. Les institutions peuvent et doivent évoluer mais elles ne sont pas le seul moteur du changement et s’y limiter serait rendre un mauvais service aux institutions comme à la Corse. La Corse est à l’heure du choix, ou bien entretenir avec la République un face-à-face dont on a vu pendant des décennies qu’il peut être à la fois ruineux et stérile ou bien se tourner résolument vers son avenir, un avenir qui dépasse de très loin les rives de l’île et qui fait de ce territoire et de son identité les phares d’une modernité méditerranéenne réinventée.

Ce que nous devons aujourd’hui c’est faire, agir, prendre nos responsabilités. Le monde tel qu’il va est incertain, pour une grande part il est entièrement à repenser et à refonder, forte de ses traditions et de son histoire la Corse a un rôle à jouer dans cette refondation. Je le reconnais très clairement aujourd’hui et je vous le dis avec beaucoup de clarté mais faire partie intégrante de la cinquième puissance mondiale est à ce titre un atout inouï, faites-en le meilleur usage. Et je le dis tout particulièrement à la jeunesse de Corse, qu’elle soit fière, qu’elle ait de grandes ambitions mais ces ambitions doivent être à la hauteur de ce qu’elle est, d’où elle vient, ce qu’elle revendique à juste titre. Mais dans le monde que nous connaissons cette ambition ne peut être que d’ouverture, cette ambition sera encore plus forte si elle est dans la République et dans le vaste monde.

Personne ne vous reprochera de vous dire Corse mais Français, Corse et Français, Corse parce que Français, Français parce que Corse. Et Européen. Dans cette identité indissociable se trouve la puissance de vos lendemains. Et ceux qui veulent la dissocier se trompent et ceux qui veulent la dissocier vous feront connaître les vents mauvais et je ne le souhaite pas pour vous.

C’est donc dans cette identité indissociable avec une ambition extrême pour la Corse et notre République que je veux ici avec vous ouvrir cette nouvelle page tout à la fois apaisée et ambitieuse pour que vous puissiez réussir, pour que la jeunesse de Corse puisse réussir parce que la République vous y appelle et parce que la Corse le mérite.

Vive la République, vive la France !

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