Dans la continuité du déplacement en République arabe d’Égypte, le Président Emmanuel Macron s'est rendu à El-Arich aux côtés du Président Abdel Fattah al-Sissi, ce mardi 8 avril 2025.
Cette visite commune a permis aux deux chefs d’État d’appeler au retour à un cessez-le-feu au bénéfice de la libération de tous les otages et de la sécurité des populations gazaouies ainsi qu’à la réouverture des points de passage pour l’acheminement du fret humanitaire à Gaza.
Ensemble, ils ont redit l’engagement de la France et de l’Égypte à poursuivre leur soutien humanitaire vers les populations gazaouies et réitérer leur volonté commune de travailler avec les partenaires arabes au plan de reconstruction de la bande de Gaza et la nécessaire définition d’une sortie de crise politique fondée sur la solution à deux Etats.
Revoir la déclaration du Président :
8 avril 2025 - Seul le prononcé fait foi
Micro-tendu du Président de la République à El Arich.
Emmanuel MACRON
Je voulais juste dire quelques mots après les visites que nous venons d'effectuer avec le Président Sissi, à la fois à l'hôpital et dans ce centre de stockage de l'aide humanitaire destinée à Gaza et à la population qui y vit.
D'abord, je tiens ici à remercier les autorités égyptiennes, le gouvernement, et je dirais plus largement l'ensemble de celles et ceux qui contribuent à cet effort, et toute la population. Nous l'avons vu, parce que depuis le début du conflit, il y a un effort humanitaire considérable fait par l'Égypte. Et la présence ce matin à mes côtés du Président Sissi signait aussi cet engagement très fort pour obtenir à nouveau le cessez-le-feu, construire une paix dans la durée, mais avoir une réponse humanitaire de très court terme. Je vais revenir sur chacun de ces points. Et je voulais également avoir un mot pour remercier l'ensemble des organisations non-gouvernementales humanitaires qui opèrent.
Nous sommes ici devant le Croissant rouge égyptien et l'ensemble des agences des programmes des Nations unies qui opèrent à leurs côtés parce que depuis le début, ils mènent une action absolument essentielle pour les populations civiles et ils ont eu à connaître malheureusement des pertes encore ces derniers jours. Par exemple le Croissant rouge palestinien, mais quasiment toutes ces organisations non-gouvernementales, quasiment toutes ces agences ont eu à vivre durant les derniers mois des blessures, parfois des décès de leurs personnels humanitaires.
Je m’exprime devant vous, devant des lots que vous voyez provenir de l'aide française, qui ont été refusés, qui pour certains d'ailleurs vont être périmés malheureusement dans les jours qui viennent. Ils ont été refusés parce que les boîtes sont en fer. Historiquement, ils ont été refusés en tout cas depuis le 2 mars, parce que tout est refusé depuis le 2 mars. Et on l'a vu ce matin aux côtés d'enfants, de femmes, de personnes âgées qui étaient malades, blessées. On le voit, quand on parle aux humanitaires, la situation aujourd'hui est intenable et elle n'a jamais été aussi grave. Elle n'a jamais été aussi grave parce que, depuis le 7 octobre, la guerre a commencé.
Depuis presque le 8 octobre, la situation humanitaire à Gaza est critique. Et parce qu'il n'y a jamais eu une période aussi longue de blocage complet, à la fois de l'aide humanitaire, de l'aide en termes de médicaments, de soins et des sorties aussi des personnes les plus fragiles. Et donc, c'est pour nous la priorité.
C'est ce que nous avons d'ailleurs échangé avec les organisations non gouvernementales, avec nos gendarmes, qui œuvraient dans le cadre de la mission de l'Union européenne, pour obtenir le point de passage en soutien. Et c'est ce que j'ai pu évoquer hier avec à la fois avec le Président Sissi et le roi de Jordanie dans l'entretien que nous avons eu. Nous appelons d'abord à une reprise le plus rapidement possible de l'aide humanitaire. Celle-ci est absolument indispensable compte tenu de la situation critique, c'est-à-dire la reprise de la livraison de nourriture, d'eau, de générateurs pour pouvoir, là aussi, spécialiser et mettre cette eau en condition, et évidemment de médicaments, et la reprise des sorties des personnes qui sont les plus fragiles pour qu'elles soient prises en charge aussi dans les hôpitaux, en particulier celui qu'on a vu ce matin à Al Arich car les capacités médicales ont été très largement détruites aujourd'hui à Gaza.
Ensuite, nous appelons le plus urgemment possible à la reprise d'un cessez-le-feu. C'est ce dont nous avons besoin. C'est ce qui a été arrêté, malheureusement, le 2 mars dernier. Et donc nous demandons, et nous l'avons demandé officiellement hier au président Trump, lors d'un appel que nous avons passé ensemble, la reprise d'un cessez-le-feu pour 40 à 50 jours, la libération d'otages à nouveau et la reprise de discussions afin de consolider un accord sur la solution sécuritaire et politique à Gaza le jour d'après, la démilitarisation du Hamas, l'avancée des discussions sur la gouvernance de l'Autorité palestinienne, et au fond, la reprise d'un processus qui permettra d'aller vers une solution politique à ce conflit, qui est la seule solution viable, la seule solution possible. Et c'est celle que nous portons avec, à la fois, l'Égypte et la Jordanie, celle aussi que j'ai pu échanger ces derniers mois avec mes collègues de la région, et celle que nous essayons de bâtir avec l'Arabie saoudite en vue de la conférence qui nous a été confiée pour le mois de juin prochain.
Voilà les quelques mots que j'étais venu vous dire : priorité à la reprise de l'aide humanitaire, soutien à tous nos travailleurs humanitaires, rappel à ce qu'est le droit international qui doit protéger nos travailleurs humanitaires, et puis appel au cessez-le-feu pour que l'ensemble du travail puisse se faire sur le plan sécuritaire et la solution politique.
Journaliste
Monsieur le Président, est-ce que le président Trump vous a répondu hier aux propositions, aux idées que vous avez lancées avec vos partenaires arabes sur les points que vous avez évoqués ? Et la deuxième question que je voudrais vous poser, elle concerne une inquiétude que vous avez certainement entendue de la part des ONG, sur la militarisation de la délivrance de l'aide humanitaire à Gaza et en Cisjordanie, c'est-à-dire le fait qu'Israël choisirait à terme les ONG qui pourraient remettre de l'aide protégée par l'armée israélienne, etc. C'est un sujet d'inquiétude important. C'est une violation du droit international. Qu'est-ce que vous répondez à cela ?
Emmanuel MACRON
D'abord, on a présenté cette proposition au président Trump, on a eu un échange avant qu'il ne voie et n’échange avec le Premier ministre Netanyahou. Donc on a pu ensemble exprimer notre inquiétude très forte compte tenu de la situation, notre conviction aussi que la solution est politique et le président Trump se rendant dans quelques semaines dans la région. Si une solution politique peut être construite, elle ne peut l'être que dans le cadre d'un cessez-le-feu. Et donc il y a eu un long échange, une vingtaine de minutes, je crois que vous avez entendu, il y a tout un travail qui est en cours, des échanges qui sont faits dans ces dernières heures et j'espère que les prochaines heures vont être marquées au moins par une reprise de l'aide humanitaire qui, encore une fois, est pour moi la priorité des priorités.
Parce qu'on nous l'a dit tout à l'heure, à la fois les agences de l'ONU et l'ensemble des ONG ont été très claires. Il n'y a jamais eu une telle situation et on est à deux, trois semaines de la rupture en termes d'eau potable… on est au-delà du strict minimum pour vivre mais de ce qui n'a jamais manqué jusque-là, alors que tout manquait déjà. Donc j'espère que dans les prochaines heures les discussions se poursuivent. Donc ça, c'est vraiment l'urgence, mais on va tout faire pour que dans les prochaines heures et prochains jours, on puisse avoir un avancé aussi sur le cessez-le-feu.
J'ai entendu et je partage la préoccupation à la fois des agences des Nations unies et des organisations non gouvernementales. L'aide humanitaire, elle a des règles. Elle a des règles qui sont justement celles de l'accès indifférencié parce qu'on vient aider des femmes et des hommes, des enfants, des personnes âgées, indépendamment de ce qu'ils sont, d'où ils viennent, parce que c'est le principe même du droit international humanitaire. Et donc ça ne doit pas être un instrument de la guerre, en aucun cas. Et je pense que c'est notre devoir, c'est notre devoir, toutes les nations qui ont une responsabilité au sein des Nations unies et qui croient dans ce qui a été notre ordre international et ce qui doit demeurer, et c'est notre responsabilité en tant que membre permanent du Conseil de sécurité. Et donc très clairement, nous défendrons cette limite.
Journaliste
Mais Trump a évoqué hier des discussions sur un cessez-le-feu qui ont repris avec Israël. Vous avez évoqué ces discussions ?
Emmanuel MACRON
C'est ce que nous poussons, oui, tout à fait, ce que nous avons souhaité. C'est exactement ce que nous avons discuté. Et donc on a poussé avec le président Sissi et le roi de Jordanie pour qu’on puisse, le plus vite, obtenir un cessez-le-feu de 40 à 50 jours avec des nouvelles libérations d'otages et malheureusement de restitution des corps et la reprise de discussions sur des termes que j'évoquais à l'instant. C'est-à-dire que durant cette période de 40 jours, on puisse reprendre le travail sur la démilitarisation du Hamas, sur la gouvernance et la sécurité à Gaza le jour d’après, sur également la transition politique et l'évolution de l'Autorité palestinienne, et sur le plan de reconstruction de Gaza.
Journaliste
15 humanitaires ont été tués près de Rafah le 23 mars dernier. Les vidéos montrent qu'ils s'étaient présentés en tant qu'humanitaires. Est-ce que vous condamnez ce qui s'est passé et qui ressemble au minimum à une bavure ?
Emmanuel MACRON
Bien sûr que je le condamne, et j'ai eu l'occasion, en arrivant ici, de présenter mes condoléances aux organisations ici présentes et à travers eux, à leurs collègues palestiniens, tous ces Croissant-Rouge palestiniens. Mais comme je le disais, beaucoup d'agences, beaucoup de programmes et d'organisations, malheureusement, ces derniers mois, nous subissent ça. Et donc je leur ai présenté mes condoléances, les condoléances de la France. Nous condamnons évidemment avec force ces attaques, et il faut qu'ensuite, la vérité soit établie comme il se doit, parce que le monde a des règles, et c'est une bonne chose. Et surtout, les humanitaires doivent être protégés quand ils interviennent, parce qu'ils ne sont pas des parties prenantes à un conflit. Ils sont là au nom de la communauté internationale pour venir en aide à ceux qui en ont besoin. Et donc, c'est absolument essentiel, aujourd'hui, de n'accepter aucune concession sur la protection des travailleurs et des travailleuses humanitaires.
Journaliste
Le président Trump, dans le bureau ovale avec le Premier ministre Netanyahou, a reparlé de Gaza en termes immobiliers, a reparlé d'annexion, à reparlé de déplacement de population. Est-ce que ça veut dire que tout ça mène, pour l'instant, nulle part ?
Emmanuel MACRON
Écoutez, la priorité, d'abord, je le redis, pour que chacun ait quand même en tête, je veux bien commenter chaque jour, des choses qui se disent, mais la réalité, c'est que vous avez 2 millions de personnes qui sont enfermées. 2 millions. Après des mois et des mois de bombardement d'une guerre terrible, des dizaines de milliers de personnes ont perdu la vie, où vous avez des dizaines de milliers d'enfants qui sont mutilés sans famille. C'est ça dont on parle quand on parle de guerre. Ce n'est pas d'un projet immobilier. Et ce qu'on a vécu ce matin, vous étiez avec moi, ce sont des femmes, des enfants qui ont connu le drame et dont je ne sais pas comment ces enfants grandiront. Vous imaginez une seule seconde ce qu'ils ont déjà vécu. Vous voyez le niveau parfois de dureté, de violence qu'il peut y avoir quand on n'a vécu que les bombardements, l'atrocité. Mais tous ont dit une chose : « dès que je suis sur pied, je veux retourner à Gaza » parce que ce sont eux-mêmes les enfants, les petits-enfants de femmes et d'hommes qui ont tout perdu pour rester à Gaza et qui avaient parfois été poussés d'autres territoires.
Et on ne peut pas effacer l'histoire et la géographie. Parce que si c'était aussi simple qu'un projet immobilier et que l'acquisition de place dans un programme d'immeubles, il n’y aurait jamais eu de guerre. Et donc, nous en sommes là, et on doit entendre cela, et on doit entendre deux choses qui sont essentielles pour qu'il y ait la paix dans la région : le droit légitime du peuple palestinien à disposer d'un État, d'un territoire et de vivre en paix, et le droit légitime du peuple israélien à voir son État, Israël, qu'il soit reconnu par tous ses voisins aussi, et à ce qu'il vive en paix et en sécurité. Et la négation de l'un ou de l'autre suffit à fragiliser toute la région.
Journaliste
Est-ce que vous avez avancé sur la reconnaissance de l’État palestinien ? Vous avez longtemps dit qu’il fallait que ça crée un impact pour que ça avance. Est-ce que là le durcissement du gouvernement Israélien c’est une option qui paraît à court terme viable ?
Emmanuel MACRON
Oui.
Journaliste
Est-ce que là, vue le durcissement du gouvernement israélien, c'est une option qui paraît à court terme, pour vous, viable et soutenable ?
Emmanuel MACRON
Ma priorité, elle est d'abord l'aide humanitaire, le cessez-le-feu, la reprise d'un travail. Ensuite, il y a tout un processus sur lequel on travaille, y compris avec le gouvernement israélien, avec les partenaires de la région, avec toute la communauté internationale, qui doit nous conduire à cette conférence co-présidée par l'Arabie saoudite et la France en juin prochain. J'en ai parlé il y a 8 jours avec le Premier ministre Netanyahou, et donc on travaillera avec Israël sur ce chemin. Et je considère que c'est un chemin qu'on doit bâtir ensemble, parce que la reconnaissance doit aller aussi avec une reconnaissance par les principaux partenaires d'Israël et surtout la possibilité d'avoir, au fond, une organisation de sécurité régionale qui préserve la sécurité de tous et la stabilité.
Journaliste
Monsieur le Président, durant votre entretien avec le président Trump, est-ce que vous avez abordé le sujet des tarifs douaniers ? On voit que les conséquences économiques en France et partout dans le monde sont déjà assez dévastatrices en seulement 48 heures.
Emmanuel MACRON
Je l'ai abordé, je l'avais abordé avant, on le réabordera dans les jours qui viennent. Les choses sont simples. La France, l'Europe n'ont jamais souhaité le chaos ou l'augmentation des tarifs. Nous pensons que c'est une mauvaise idée et une mauvaise réponse aux questions des déficits commerciaux. Nous avons aussi toujours dit que nous défendrions notre économie. Et donc, si tarifs il y avait, s’ils sont à 20 %, riposte il y aurait. La Commission européenne mène ce travail dans les compétences qui sont les siennes. D'abord, pour répondre aux premiers tarifs qui ont été imposés sur l’acier, aluminium, mobile, et puis pour ensuite préparer dans quelques semaines une réponse. Et l'objectif que nous poursuivons, c'est de protéger l'ensemble de nos secteurs économiques et tous nos compatriotes qui travaillent dans ces secteurs. Mais c'est d'arriver à une situation où le président Trump revienne sur sa décision. Et donc l'objectif, pour nous, il est simple, c'est le démantèlement des tarifs et qu'on arrive à une situation où une libre circulation et que la prospérité puissent se faire. Mais si ça doit passer par un moment où il faut expliquer qu'on est prêt à répondre, il faut assumer de le faire. C'est ce que nous avons d'ailleurs construit à l'échelle de la France avec le Premier ministre et le Gouvernement la semaine dernière en rassemblant les représentants de toutes les filières, et c'est ce qui sera travaillé au niveau européen. Mais nous, nous pensons que les priorités aujourd'hui sont ailleurs, que si on veut faire plus de commerce, gagner des parts de marché, il faut être plus compétitif, il faut continuer les réformes de travail, il faut investir dans l'innovation et faire ces chantiers plutôt que mettre des tarifs. Donc notre volonté, c'est qu'il y ait une baisse de ces tarifs.
Journaliste
Monsieur le Président, sur les colis d’aide qui n'a pas pu être livré. Pourquoi la France a arrêté les largages d'aides aériens ?
Emmanuel MACRON
Alors, nous avons à chaque fois fait ce qui était pertinent au moment où ça avait été. Vous avez raison. La France s'est engagée dès le premier jour. J'ai dit : nous avons toujours tenu cette ligne. Nous avons perdu des compatriotes dans l'attaque du 7 octobre. Ça a été l'attaque terroriste la plus meurtrière pour la France depuis les attentats de Nice. Nous avons condamné avec force l'attaque terroriste du Hamas, pleuré nos enfants et appelé à la libération de tous les otages.
Nous avons, dès ce jour-là, été en soutien d'Israël et de sa sécurité. Mais au bout de quelques semaines, d'efforts d'opérations spéciales face au Hamas, nous allons aussi très clairement dit que la réponse ne pouvait pas être une guerre massive indifférenciée sur Gaza compte tenu de la population qu'il y avait, de sa densité et des structures mêmes. C'est pourquoi, dès le mois d'octobre 2023, nous avons appelé au cessez-le-feu. C'est pourquoi nous avons, dès novembre 2023, organisé la première conférence humanitaire à Paris, le 10 novembre. Et c'est pourquoi nous avons multiplié les opérations.
Quand la Jordanie ou les Émirats arabes unis nous ont proposé des opérations de largage, nous l'avons fait. On a mené des opérations terrestres, ainsi avec le Qatar et l'Égypte. Nous avons fait venir, dès les premières semaines, le Dixmude, avec son hôpital, sur, justement, son hôpital militaire et ses capacités et son soutien logistique. Ce bateau militaire, avec ses capacités de santé, a été mobilisé. Et toute la fin 23, début 24, a permis de soigner des milliers d'enfants, de femmes et d'hommes qui avaient des blessures graves. Nous avons fourni 1 200 tonnes de frets humanitaires. J'en ai encore apporté avec moi ce matin, et plusieurs centaines de millions d'aides.
La France n'a jamais cessé son effort. Simplement, on l'a fait avec des partenaires à chaque fois, de la manière la plus opérationnelle, la plus adaptée, donc nous continuons.
Journaliste
Pas les largages.
Emmanuel MACRON
Les largages si les opérations sont considérées comme pouvant être reprises, et tout ça nécessite qu'il y ait un cadre de sécurité, des ONG pour réceptionner, et des accords avec les forces israéliennes et le Gouvernement, nous le ferons.
Journaliste
Sans l’accord d'Israël aujourd’hui ?
Emmanuel MACRON
Aujourd'hui, vous ne pouvez pas larguer au milieu de nulle part. S'il n'y a pas derrière des gens pour réceptionner et donc des ONG pour travailler, vous créez potentiellement des émeutes, vous créez des polémiques immédiatement parce que le reproche qui vous sera fait et que les largages auront été faits pour le Hamas, on connaît tous ce discours. Donc il faut que ce soit coordonné avec les forces israéliennes et les autorités politiques et que ce soit coordonné avec les ONG et les Nations unies qui opèrent sur place.
Journaliste
Sur votre travail depuis le 7 octobre 2023, est-ce que vous regrettez à l’époque ces propos sur une coalition militaire pour détruire le Hamas ?
Emmanuel MACRON
Non, pas du tout. Parce que vous voyez bien que c'est en train de se poser. Je pense qu'il y a eu un rejet complet. Mais, pardon, si on dit que les seuls qui peuvent combattre le Hamas, c'est Israël, on se met dans une situation où, en fait, dès qu'il y a un problème avec le Hamas, ils vous disent : nous, on va le faire.
C'est exactement ce qu'ils utilisent. Et donc, je pense que nous avons tort de ne pas prendre l'intégralité du problème terroriste dans la région et considérer qu'il doit être le fruit d'une mobilisation de coalition. La lucidité nous conduit à dire que je n'ai pas été suivi sur cette question.
Mais il y a un tas de façons, et on le voit bien d'ailleurs, qui ont le fait à travers les coalitions qu'on a su faire à l'égard d'autres groupes terroristes. Opérations auxquelles nous contribuons militairement, par exemple l'opération Inherent Resolve on ne parle pas ce qui n'est pas comparable, mais le Hamas ce qu'il a fait est un groupe qui justifiait une réponse et une coordination. Mais avec l’opération Inherent Resolve face au groupe Daech, nous avons eu une efficacité. Nous, nous n’allons pas désactiver notre présence. On continue à mener des opérations. Et malheureusement, on le voit dans certaines parties de la Syrie et de l'Irak, ça justifie tellement.
Journaliste
Concernant l’Iran, qu’est-ce que vous pensez de la perspective d'une négociation directe, peut-être indirecte d'ailleurs, entre Américains et Iraniens, à propos du programme nucléaire et militaire de l'Iran. Est-ce que vous pensez que ça peut être une bonne initiative de la part de Monsieur Trump, même si manifestement l'Europe n'est plus en position de jouer les médiatrices ?
Emmanuel MACRON
D'abord, il faut être clair. L'Europe est dans une position, au début, si on refait l'historique, à l'été 2015, le 14 juillet 2015 est signé le fameux JCPOA. Il a été largement négocié par les Américains. Les Européens sont rapprochés à la dernière minute. Ils améliorent d'ailleurs, dont la France, cette négociation, qui donne un cadre. Ensuite, les Américains, de manière unilatérale, en sortent. Changement d'administration. Les Européens sont restés. L'extraterritorialité de certaines sanctions a fait que, objectivement, nous n'avons pas été en capacité, d'abord, d'avoir un suivi efficace du programme sans les Américains, même si l’AIEA et nous avons fait le maximum de nos efforts.
Ce qui était en quelque sorte l'accord, si les Iraniens tenaient le programme, était très peu tenable à partir du moment où les Américains coupaient et sanctionnaient quiconque allait aider. Donc nous, nous avons dans nos mains quelque chose qui est important qui avait été négocié, c'est ce fameux mécanisme de snapback. C'est un instrument diplomatique qui est fort et dont, si je puis dire, le délai est à la sortie de l'été. C'est une très bonne chose s’il y a un retour à la négociation. C’est ce que nous avons poussé en 2018 et 2019. C’est que vous m'avez entendu plaider à la tribune des Nations unies dans les actions que nous avons menées en parallèle et lors du G7 français. Reprendre des négociations directes, y inclure le programme nucléaire, le programme balistique et les proxys régionaux.
Que ces négociations reprennent est une très bonne chose. Nous, nous jouerons le rôle que nous devons jouer, c'est-à-dire celui de défendre nos intérêts, notre sécurité, et de veiller à la sécurité de nos grands partenaires de la région. Mais je pense que c'est une bonne chose si ces négociations peuvent reprendre et si elles amènent à un recul du programme en cours, des mécanismes sûrs de vérification et la certitude que l’Iran n'accède pas à l'arme militaire.
Journaliste
Et vous êtes sûr que la Russie et la Chine, qui étaient dans la négociation d'origine, en fait, jouent le jeu, également, ou vont-elles chercher à bloquer, notamment à désactiver cette espèce de mécanisme de snapback ?
Emmanuel MACRON
Je ne suis sûr de rien. Je pense que le mécanisme de snapback, il est solide. Mais, je pense qu’aujourd’hui, il serait trop tôt pour engager et surtout engager pour les autres. L'avenir le dira, je le souhaite.
Journaliste
Monsieur le Président, pour prolonger la question de mon confrère sur le soutien à Israël après le 7 octobre, vos mots, c'était un soutien inconditionnel. Il ne s'agit pas de remettre en cause le soutien à Israël, mais est-ce qu'a posteriori, compte tenu de ce qu'ont été les actions du gouvernement israélien, de Benjamin Netanyahou, certains disent qu'un soutien inconditionnel, c'était une façon de...
Emmanuel MACRON
Vous n'avez jamais entendu dire ça en ces termes. Beaucoup de responsables politiques français l'ont dit. Pour ma part, non.
Journaliste
Vous n'avez jamais dit soutien inconditionnel ?
Emmanuel MACRON
Je n'ai jamais dit en ces termes-là. Pourquoi ? Parce que j'ai toujours considéré que ce qu'il y avait derrière, parce que nous savions le risque qu'il y avait, c'est pour ça qu'on a pris position dès octobre, et j'ai toujours considéré qu'il y a en quelque sorte une espèce d'échec collectif, à dire qu'on est pour la sécurité d'Israël, mais on ne veut pas s'occuper du problème du Hamas, parce qu'à ce moment-là, vous donnez carte blanche.
Et donc c'est pour ça que si on veut être cohérent, en tant que communauté internationale, il faut dire qu'on doit aider à apporter une réponse pour traiter ce sujet qui est un sujet sécuritaire d'Israël. Mais je n'ai jamais apporté mon soutien inconditionnel à qui que ce soit, en général dans la vie, dans quel état que ce soit.
Mon soutien inconditionnel est pour les Françaises et les Français. Et après, le reste, ça ne dépend pas de nous. Et donc nous, on est exigeants, on a apporté beaucoup de soutien. On a apporté un soutien fraternel à Israël après le 7 octobre, et nous continuons à le faire. Et nous continuons à le faire auprès de l'ensemble des communautés juives, et en particulier des Français de confession juive, dans ce moment qui est aussi un moment d'explosion de l'antisémitisme. Et pour autant, on ne confond pas tout, et on considère que le gouvernement d'Israël a des responsabilités, qui sont aussi les responsabilités d'une démocratie. Et nous-mêmes, nous avons eu à lutter contre le terrorisme dans notre propre pays.
Est-ce qu'on a tout fait et n'importe quoi pour lutter contre le terrorisme ? On s'est soumis à un contrôle constitutionnel, au contrôle du Parlement, du juge. On a essayé de faire ce que nos démocraties doivent faire quand elles luttent contre le terrorisme, c'est-à-dire ne pas oublier ce qu'elle est profondément.
Journaliste
Il y a eu un lien avec Benjamin Netanyahou aujourd'hui. Est-ce vous lui parliez ?
Emmanuel MACRON
Oui, bien sûr, je lui ai parlé il y a quelques jours à peine, et je continuerai de lui parler. Je continuerai de lui parler en revenant, parce que je ne sous-estime pas la difficulté à laquelle ils sont confrontés. Et donc, ils ont eu aussi, d'ailleurs, des vrais succès dans la région, qui ont permis de changer la situation et de l'améliorer dans certains pays. Mais je suis un partenaire exigeant, je dis toujours la vérité au Premier ministre Netanyahou. Mais quand il s'agit de Gaza, quand il s'agit du Sud-Liban, de la souveraineté du Liban, quand il s'agit de l'importance d'accompagner à la transition de la Syrie, eh bien, la France porte sa voix. Et donc, nous sommes engagés, nous nous parlons, nous travaillons ensemble, mais on peut partager des désaccords. Et donc, je lui reparlerai dans quelques jours.
Journaliste
Est-ce que c’est une version amendée de ce plan arabe ?
Emmanuel MACRON
Le plan arabe continue d'être amélioré. Moi, j'ai apporté mon soutien parce que je pense que c'était quelque chose de très salutaire alors qu'on sortait d'une proposition de déplacement forcé de population. Je suis totalement opposé.
Mais donc je pense que c'était une très bonne 1ʳᵉ étape. Il est en train de continuer de la travailler. Et en particulier, la question du Hamas, dans ce cas-là, est importante. C'est ce que je leur ai dit.
Je leur ai dit : vous êtes plusieurs à négocier avec le Hamas. Obtenez, dans ces cas-là, la sortie de ces cadres militaires. Mais il faut qu'on soit collectivement sérieux. Et on revient à l'idée initiale. On ne peut pas laisser les gens face à une impossibilité de régler leurs problèmes sécuritaires. Donc, il y a la question du Hamas, il y a la question de la gouvernance de Gaza, il y a la question de la réforme de l'autorité palestinienne, de la reconstruction de Gaza. Il y a un très gros travail qui a été fait par des collègues et amis de la région, et je veux vraiment les saluer, et c'est ce travail qui sera poursuivi.
Je vous remercie beaucoup.
Journaliste
En termes d'inclusivité, il y a le compte avec Al-Charaa ?
Emmanuel MACRON
Moi, ce qui m'importe maintenant, c'est qu'ils fassent le travail sur la lutte contre le terrorisme, le cadre du retour des réfugiés, et surtout, ce qu'on a discuté très longuement la semaine dernière dans une rencontre importante, dans un appel téléphonique important avec le Président Aoun et les collègues, c'est qu'il avance aussi sur la frontière avec le Liban qui doit être tenue.
Merci.
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