Sebastião Salgado figea dans l’éclat de l’argentique la terre des hommes et les bouleversements du monde. Le photographe, légende de sa discipline, trait d’union aussi entre la France et le Brésil, nous a quittés à l’âge de 81 ans.

 Né le 8 février 1944 à Aimorés, au Brésil, Sebastião Salgado grandit dans la ferme familiale, entouré de ses sept sœurs. En 1969, étudiant en économie et militant des jeunesses communistes, il dut fuir la dictature brésilienne et gagna la France avec son épouse, Lélia Deluiz Wanick, qui passa des décennies à ses côtés, partenaire de tous les projets artistiques. En 1971, Sebastião Salgado entra à l’Organisation internationale du café, ce qui lui permit dès lors de sillonner la planète. Les premières scènes qu’il immortalisa avec le Pentax de son épouse furent des paysages marqués par la sécheresse et la famine au Niger et en Éthiopie. Autodidacte, il s’exerça aussi dans le Portugal de la Révolution des Œillets, couvrit la guerre en Angola et parcourut bientôt le monde pour les plus grandes agences : Sygma, Gamma, Magnum Photos. Un œil était né – une capacité à saisir les gestes, amplifier les noirs et blancs, déceler la beauté dans l’ombre, porter aussi toujours un regard humaniste retranché de tout jugement.

À côté des reportages d’actualité, Sebastião Salgado entreprit des œuvres personnelles, qui frappèrent l’époque par leur force d’évocation. Il publia Autres Amériques en 1986, témoignage d’un périple de sept années à travers le sertão brésilien et la Sierra Madre. La Main de l’homme, puis La Mine d’or de Serra Pelada, furent reçus comme autant de chefs-d’œuvre cliniques et lyriques sur les excès de l’ère industrielle, la grandeur humaine face aux déraisons de l’économie mondiale et l’exploitation des peuples. Poursuivant son œuvre, Sebastião Salgado s’attaqua à un tour de force qui l’inscrivit dans l’histoire de la photographie : la série Genesis, fruit de huit années de travail à travers les océans, les déserts, les zones les plus reculées du monde et auprès des peuples les moins accessibles de la planète, entreprise qui donna lieu à l’exposition la plus vue dans le monde, des millions de visiteurs dans plus de trente pays. 

À la fin des années 1990, meurtri par son expérience dans l’enfer du génocide au Rwanda, le photographe retrouva la ferme familiale du Brésil, pour y fonder avec son épouse Lélia l’Institut Terra. Ensemble, ils menèrent une œuvre colossale de reforestation dans la vallée du Rio Doce. Reconnu pleinement à la mesure de son art, célébré aussi par un documentaire réalisé par son fils Juliano Ribeiro Salgado et Wim Wenders, Le Sel de la terre en 2014, Sebastião Salgado n’avait de cesse de plaider pour la préservation de la nature et de la dignité des hommes. Il fut aussi un défenseur infatigable de la liberté de la presse. 

Le Président de la République et son épouse saluent avec émotion la mémoire de ce passeur infatigable d’universel, attaché à l’œuvre du temps comme à la main de l’homme. Ils adressent à sa famille, à ses proches, à tous ceux qui l’aimaient en France, au Brésil et partout dans le monde, leurs condoléances émues.

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