Le Président de la République a participé à la troisième Conférence internationale pour la Syrie, ce jeudi 13 février, au Centre de conférences ministériel du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

Pour la première fois à Paris, après Aqaba le 14 décembre 2024 et Riyad le 12 janvier 2025, celle-ci s'est tenue en présence d'Assaad Hassan El-Chibani, ministre des autorités syriennes de transition.

Cette conférence a accueilli les Etats voisins de la Syrie, la Ligue des Etats arabes et le Conseil de coopération du Golfe, ainsi que la Turquie, les Etats-Unis, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Union européenne et les Nations-Unies, conformément au format des premières réunions. La France a également souhaité y associer les autres membres du G7.

Les principaux bailleurs internationaux se sont réunis en amont pour évoquer la coordination de l’aide humanitaire et de reconstruction.

Cet événement, soucieux de répondre aux enjeux cruciaux liés à la situation actuelle en Syrie, avait trois axes principaux :

  • la coordination des efforts pour une transition politique pacifique et représentative en Syrie ;
  • la mobilisation des partenaires principaux de la Syrie pour améliorer la coopération et coordonner l’aide à destination du peuple syrien ; 
  • l'’organisation de la justice transitionnelle et la lutte contre l’impunité.

Revoir la clôture de la Conférence : 

13 février 2025 - Seul le prononcé fait foi

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Discours d’Emmanuel MACRON - Conférence de Paris sur la Syrie.

Merci, Monsieur le ministre, pour ce compte-rendu. Et merci, Mesdames, Messieurs les ministres, la Commissaire pour la Méditerranée, Monsieur l'envoyé spécial du Secrétaire Général des Nations-Unies, et Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités, merci d'être là.

Vous l'avez rappelé, dès après le 8 décembre dernier, et la fin de l'état de barbarie que vivait la Syrie, une initiative a été prise, d'abord à Aqaba, de réunir plusieurs pays affinitaires — je remercie la Jordanie d'avoir pris cette initiative — puis à Riyad, et merci à nos amis saoudiens. Cette 3ᵉ rencontre, dont le format s'élargit, est aussi l'opportunité d'avoir cet échange avec les représentants de la transition syrienne. Mais je voulais peut-être ici partager avec vous quelques convictions. D'abord, je pense qu'on a tous conscience, et on le dit avec beaucoup de force, Monsieur le ministre, et à tous les représentants qui sont à vos côtés, que vous avez, le 8 décembre dernier, délivré votre pays d'un régime qui, pendant tant d'années, avait assassiné, déplacé et déchaîné sa violence aveugle contre tout un peuple. Après avoir livré son pays aux menées meurtrières de l'Iran, de la Russie, à la dévastation djihadiste de Daesh, avec un cynisme qui a eu peu d'équivalent dans l'histoire.

Et je veux donc commencer mon propos par rendre hommage à ce peuple syrien qui a eu, en 2011, le courage de briser les chaînes d'une oppression maintenue pendant 50 ans dans le centre par un clan et une famille, et pendant toutes ces années, de livrer ce combat. Et en vous remerciant d'être présents à Paris aujourd'hui, après Aqaba et Riyad, donc, c'est en effet de l'avenir de la Syrie dont nous voulons parler. Mais à ce moment-là, je veux en effet dire que nul d'entre nous n'oublie les photographies de corps suppliciés dans les geôles syriennes, que César, que nous pouvons désormais appeler de son nom Farid Al-Medhan, avait exfiltré en France en 2013 avec notre soutien. Nul n'oublie en ce jour les corps d'enfants sans vie de la Ghouta et l'impuissance internationale à laquelle nous avions été réduite malgré les décisions gravissimes et odieuses d'utiliser les armes chimiques. Nul ne peut oublier le paysage dévasté et qui le reste aujourd'hui, des quartiers et des villes réduits à néant par les bombardements sans merci, avec la complicité de la Russie, de l'Iran et du Hezbollah. Nul n'oublie les murs sinistres de la prison
 
de Saidnaya et les centaines de milliers de disparus dont chaque famille syrienne porte la perte. Le sang a engendré le terrorisme, déstabilisé la région, et nous l'avons vécu sur notre propre territoire, ici à Paris, avec les attentats de 2015 commandités depuis la Syrie.

En décembre dernier, après 14 années de martyrs, le peuple syrien s'est enfin libéré de cette oppression, et il le doit à lui-même. Nous lui devons, quant à nous, un soutien clair et sans ambiguïté, à une Syrie unifiée, stabilisée, pleinement respectueuse de toutes ses composantes, qu'elles soient chrétiennes, alaouites, druzes ou kurdes, et des droits de toutes et de tous. Une Syrie souveraine dans ses frontières et débarrassée des ingérences qui ont fait le malheur des Syriens comme des pays voisins. Une Syrie qui contribue directement à la stabilisation de la région et à la sécurité de tous en luttant contre le terrorisme. Nous lui devons notre soutien, au nom de la solidarité séculaire de notre pays avec ce mot de liberté qu'avaient inscrit sur un mur de Deraa, 3 jeunes adolescents début 2011. Nous le devons, nous, Français, au nom de nos concitoyens tombés sous le coup des terroristes de 2015 qui avaient exporté depuis la Syrie et de l'intérêt collectif direct que représente pour nous la stabilisation d'une région pourvoyeuse de menaces.

Alors, Monsieur le ministre, vous représentez ici les autorités de transition et, au-delà de ce qui a été discuté avec les ministres, je voulais ici dire aussi, pour ma part, que j'avais eu, donc, avec le président intérimaire, Ahmed Al-Charaa, une discussion fructueuse, ambitieuse, exigeante, il y a quelques jours. Et je crois que ce que nous portons tous ici, c'est la volonté, en ayant conscience de l'ampleur de la tâche qui vous attend, mais que l'espoir immense qui s'est levé en Syrie le 8 décembre dernier, qui a d'ailleurs animé aussi toute la région et les amis de la Syrie, puisse se traduire en actes. Le défi qui se présente à vous pour réussir cette transition est colossal. C'est un défi politique, sécuritaire, économique, humanitaire. C'est aussi le défi du retour des 15 millions de réfugiés de déplacés qui ont aussi pesé sur les pays voisins. Et je veux tout particulièrement remercier le Liban, la Jordanie, la Turquie et l'Irak, qui ont pris plus que leur part, et plusieurs pays européens et à l’international qui ont aussi accueilli beaucoup de Syriens durant ces années. Nous, nous sommes prêts à faire notre chemin. Et au fond, c'est un partenariat que nous voulons nouer avec la Syrie pour vous donner toutes les chances de réussir en étant convaincus que réussir vite, c'est maximiser les chances de cette réussite en commun. Et donc, ne voyez pas dans mes propos en quelque sorte quelques leçons, que ce soit que nous donnerions, et je crois que l'esprit de ce groupe d'Aqaba élargi, c'est d'essayer de dire avec sincérité les convictions et les intérêts que portent les pays autour de cette table, mais jamais de ne donner des leçons à un peuple souverain et à un pays souverain qui vient de reconquérir sa liberté.

Je crois que le premier défi pour vous et pour nous, c'est la sécurité. Vous l'avez dit, les Syriens n'aspirent qu'à la paix et à la sécurité après l'arbitraire et la violence, et la souveraineté de la Syrie doit être respectée. C'est pourquoi nous appelons à un cessez-le-feu sur l'ensemble du territoire syrien, y compris dans le nord et le nord-est, comme à la fin des ingérences étrangères, y compris dans le sud. Vos voisins ont, quant à eux, trop longtemps souffert des conséquences d'une Syrie instable et menaçante. Et donc, l'objectif prioritaire, cette sécurité, c'est faire en sorte que la Syrie ne redevienne pas une plateforme logistique pour les milices liées à l'Iran et
 
qui participent de son agenda de déstabilisation régionale. Là-dessus, nous sommes, je crois, plusieurs à être prêts très directement à vous soutenir dans cet effort. La Syrie doit très clairement continuer de se battre contre toutes les organisations terroristes qui sèment le chaos pour vous-même et dans votre pays et qui veulent l'exporter.

C'est pourquoi la lutte contre Daesh, les groupes Daeshis et tous les groupes terroristes, est une priorité absolue. À ce titre, je crois que la ministre Annalena Baerbock l'a évoqué, nous proposait de rejoindre ou d'avoir un partenariat étroit avec la coalition Inherent Resolve, est une très bonne idée. Et je veux ici dire qu'on la soutient. Je l'ai dit au président Al-Charaa, pour ma part, nous sommes tout à fait prêts à contribuer et augmenter notre contribution. Et je pense que quiconque regarde avec lucidité la situation dans la région voit la remontée des groupes Daeshis et de ce risque terroriste pour vous, pour l'Irak, pour tous les voisins, et donc, pour nous tous.

Et donc, il faut absolument que tous les partenaires de la coalition internationale OIR réévaluent leur posture, marquent leur disponibilité à travailler avec les pays souverains. Que d'ailleurs les pays souverains puissent réévaluer leurs décisions à cet égard, j'ai eu l'occasion d'en parler avec le Président d'Irak aussi. Mais si la Syrie décidait d’une proposition de coopération, je veux ici dire qu'en tout cas, la France la regarderait avec plus que de la bienveillance et de l'engagement. Et mon point, c'est qu’on n’a pas seulement à vous dire : battez-vous contre ces groupes terroristes, on est prêts à le faire à vos côtés et de le faire peut-être encore même davantage. Donc allons-y.

La deuxième chose, c'est évidemment qu'on compte sur vous, et là aussi, nous sommes prêts à des actions conjointes, respectueuses de la souveraineté syrienne, pour lutter contre les groupes terroristes qui opèrent et, en particulier, aider à protéger le Liban et le sud-Liban du retour des armes et des coopérations puisque pendant toutes ces années, la Syrie a été la base arrière du Hezbollah et de la déstabilisation du Liban. Et donc là-dessus, votre coopération, le maintien de la frontière, la lutte contre ce groupe terroriste est essentielle et on est prêts à y participer. Et enfin, je veux, sur ce sujet sécuritaire, vous dire aussi notre fidélité aux forces démocratiques syriennes qui ont été des alliés précieux dans la lutte contre le terrorisme. Et nous sommes fidèles à nos alliés, parce que nous savons aussi ce que nous leur devons. Et ces forces démocratiques syriennes, avec courage, se sont battues aux côtés de la coalition que nous portions.

Et donc, je pense que, dans ce moment, notre devoir, c'est aussi de porter leurs intérêts et pas les abandonner, comme nous avons cherché à le faire en 2018, quand il y a eu des premiers retraits. Et je veux ici vous dire que leur pleine intégration à la transition syrienne, d'abord, servira votre objectif de sécurité, parce que ce sont des combattants solides, nombreux, et que je pense que votre responsabilité aujourd'hui est de les intégrer et de permettre aussi de joindre ces forces dans le même objectif, lutter contre les groupes terroristes qui vous déstabilisent et tenir votre souveraineté. Et tout ce que nous pouvons faire pour aider à cela, au service de votre sécurité et celle des voisins, nous le ferons.
 
Le deuxième défi, c'est celui d'une gouvernance représentative et respectueuse de tous et au fond, vous vous êtes battus, comme beaucoup d'autres forces, contre un clan qui avait nié les droits de toutes les autres communautés. Et je crois que l'espoir que vos voisins et la communauté internationale portent en vous regardant, et parfois ce que certains commencent à dire en vous pointant du doigt, en vous laissant même pas la chance de commencer à faire, c'est autour de cette question. Je me méfie des mots qu'on plaque souvent sur ces réalités et des adjectifs qui sont inadaptés, et je ne veux pas ici dire que nous devrions avoir à votre égard des exigences que nous n'avons pas parfois à l'égard de beaucoup d'autres pays de la région. Mais je crois que l'espoir que vous portez est immense. Et je crois que vous l'avez vu ce matin en voyant l'ensemble des forces historiques d'opposition.

Et je veux vous dire combien nous sommes prêts aussi tous à vous aider. Nous continuerons à apporter notre appui à la société civile syrienne. Mais à la fois pour vous et pour nous tous, cette capacité à respecter toutes les communautés que j'évoquais tout à l'heure est clé. Parce que ce sera la condition de la stabilité pour vous. Et ça servira à l'objectif de sécurité. Et ce sera un élément très fort pour stabiliser la sous-région et les autres, parce que ce sera la condition du retour. Et on sait très bien que c'est par ce cadre politique stable, cette capacité à reconnaître toutes les communautés, leur donner des droits, leur permettre politiquement de revenir, que les réfugiés reviendront. Parce qu'ils sont parfois dans des situations très difficiles.

Et les ministres de pays voisins autour de la table le savent. C'est pourquoi aussi, je veux ici vous dire que nous avons créé un dispositif ad hoc permettant aux préfectures de délivrer à titre exceptionnel et pour motif humanitaire des sauf-conduits aux réfugiés syriens pour qu'ils puissent revenir, discuter, participer de cette transition. Et ils seront, je crois, vos meilleurs atouts. Et nous sommes prêts à soutenir la reconstitution d'un État syrien qui intégrera aussi ces compétences. Je le dis parce que dans ce moment inédit pour votre pays, ce sont des compétences que vous pouvez mobiliser pour la réunification et la reconstitution.

Le troisième défi, c'est la réponse humanitaire et du relèvement d'une économie dévastée par une décennie de guerres. Nous avons plaidé en faveur d'une levée rapide des premières sanctions européennes, vous le savez, pour vous permettre d'initier la reconstruction. Vous en avez parlé ce matin. Il faut offrir à une communauté internationale le cadre transparent et efficace qui permettra d'approfondir cette dynamique et de réengager les bailleurs internationaux. Et je me félicite que ce matin, vous ayez pu rencontrer également ces derniers.

La France tiendra l'engagement que j'ai pris depuis 2018 de consacrer 50 millions d'euros à l'aide humanitaire et de stabilisation à destination des Syriens. Et avec la reprise imminente de notre activité diplomatique à Damas, une délégation de nos opérateurs, dont l'Agence française de développement, se rendra rapidement en Syrie pour discuter des priorités que vous avez identifiées pour votre pays. Nous sommes prêts, avec nos partenaires européens, à faire bien davantage dans le cadre que nous avons défini, aux côtés, évidemment, des pays de la région et de la communauté internationale.
 
Et enfin, c'est un défi de justice et de lutte contre l'impunité, puisque c'est sur ce thème que vous avez conclu vos échanges. Le régime, et ce n'est pas le moindre de ses crimes, a cherché à effacer jusqu'à la trace de ses victimes. Leur mémoire nous oblige et je crois que toutes les expériences internationales, après des drames comme celui que votre pays a vécu, montrent que la capacité à lutter contre l'impunité, à très vite procéder au travail de justice, à respecter les mémoires, est une clé de la réunification d'un pays et de sa solidité. Et elles seront au cœur du nouveau pacte social que vous cherchez à bâtir. Et là aussi, nous sommes prêts à vous accompagner, y compris en appuyant les efforts de collecte de preuves, d'identification des victimes et au-delà.

Voilà les quelques convictions et les quatre défis sur lesquels je voulais vous dire combien vous êtes attendus, mais combien nous sommes prêts à nous mobiliser. Et sur chacun de ces points, au fond, je crois qu'on est tous ici prêts à engager nos pays pour que ce que vous avez réussi le 8 décembre dernier, c'est-à-dire sortir de l'obscurantisme et de la nuit tout un peuple qui s'est battu avec beaucoup de courage, continue à être un chemin d'espoir. Je suis conscient de tout ce qui repose sur vos épaules. Et donc je le dis avec autant de bienveillance que d'exigence, mais je veux vous dire aussi que nous avons conscience que nous sommes obligés au sens moral du terme, de vous accompagner sur ce chemin. Parce qu'il en va de votre sécurité, de votre souveraineté, de l'avenir de votre pays et de votre peuple, de celui de tous les pays amis de la région, et aussi de nous-mêmes. L'histoire nous l'a montré. Je recevrai bientôt le président Ahmed Al-Charaa en France pour continuer d'avancer en ce sens. Et nous serons constants sur cet engagement aux côtés des Syriennes et des Syriens. Et je veux remercier l'ensemble des pays et des gouvernements ici présents à vos côtés dans cette même mobilisation.

Je vous remercie.

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