Le Président de la République a participé à la cérémonie du 81e anniversaire de la libération de la ville de Bormes-les-Mimosas, le dimanche 17 août 2025. 

Le chef de l'État a notamment insisté sur l'importance de faire vivre la mémoire de la Libération, l’héroïsme des Alliés et de la Résistance.

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17 août 2025 - Seul le prononcé fait foi

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81e anniversaire de la libération de Bormes-les-Mimosas.

Merci beaucoup, Monsieur le maire, cher François, pour votre accueil et vos paroles. Monsieur le Ministre, Monsieur le Député, Madame et Messieurs les Maires, Monsieur le Préfet, Monsieur l'Ambassadeur, Mesdames et Messieurs les Présidentes et Présidents d'associations, Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités, Borméennes, Borméens, chers amis. Oui, je vous remercie, Monsieur le Maire, pour votre mot, une fois encore, pour votre accueil. Et vous savez combien, pour notre part, mon épouse et moi-même, nous tenons à ce rendez-vous, et combien il m'est précieux aussi de vous retrouver d'année en année, de reconnaître des visages, de partager maintenant vos histoires.

Monsieur le Maire, permettez-moi ici de vous remercier pour votre engagement au service de la commune, de nos concitoyens, de remercier à vos côtés toute votre équipe municipale, et ce faisant, de remercier une fois encore nos maires qui, à travers le territoire de la République, sont tout à la fois ces sentinelles de nos valeurs de notre République et ces acteurs du quotidien. Alors oui, nous sommes heureux, avec mon épouse, chaque année, de vous retrouver. Et reviennent des visages, des mémoires, celles de Pierre Velsch, en vous voyant à nouveau fidèle à ce rendez-vous, à travers sa famille donc. Mais il était là, avec sa jovialité, et avec, nous nous en souvenons tous, une forme d'innocence qui voulait faire croire que leur bravoure était quelque chose de naturel. Et en déposant tout à l'heure cette gerbe de fleurs aux côtés de Hugo et de Chloé, c'est évidemment à Lana aussi que je pense, à votre fille, qui était à nos côtés il y a deux ans. Et ce sont, oui, à ces vies, ces familles, ces histoires que nous sommes liés maintenant irrémédiablement. Alors, je vous remercie d'être là, fidèles, toutes et tous présents à ce rendez-vous et à cette commémoration. Pas simplement parce que ce serait un rite, une habitude, mais parce que c'est en effet de ces scansions de notre temps collectif essentiel pour savoir d'où nous venons. Et cette année encore, je vous ai entendu lire, pardon, nom après nom, ces morts pour la France de la commune, nous rappelant les sacrifices qu'ils nous ont faits. Et en rappelant ces noms, ces vies, et comme vous venez de le faire, monsieur le maire, ces scènes d'apocalypse que nos aînés ont affrontées, surmontées, nous devons nous souvenir de ce qui a rendu possible notre liberté d'aujourd'hui.

« Ce 17 août 1944, nous étions dans un paysage de guerre, barbelés, villas détruites, routes défoncées, activités fébriles, mais c'était la France. Il y avait des raisins dans les vignes, l'odeur de résine chaude sortait de sous les pins, c'était la France. » Ces mots ne sont pas les miens, ce sont ceux d'un jeune homme de 20 ans, comme tant d'autres, du 1er bataillon parachutiste de choc, débarqué à Cavalaire en ce mois d'août 44. Il n'était pas originaire de Bormes, nul n'est parfait, mais en s'engageant dans l'armée française, en participant au débarquement après avoir contribué à la prise de l'île d'Elbe, il alliait pour toujours son destin à celui de la Provence et de votre commune. Il s'appelait Michel Brousse, mais il aurait pu s'appeler Louis, Maurice, Henri, Pierre, Yorah ou Ibrahim. Ces noms disent le souvenir ému et ces mots, à lui, disent ce souvenir ému d'un engagé de la France libre qui retrouvait enfin son pays. Je réentends en écho ces mêmes mots, ceux du Berg Germain, retrouvant, lui aussi, sa terre natale pendant ce même mois d'août 1944, saisissant cette terre pleine de sable au moment du débarquement de Provence. C'est la mémoire d'une jeunesse projetée dans cet autre débarquement et dans le tourbillon de l'histoire. Car oui, sur le littoral, le long des calanques, dans les pinèdes, au bord des routes, c'était partout, c'était enfin la France   ; cette même France, un an plus tôt.

Michel Brousse, alors étudiant en sciences politiques, avait dû la quitter. Il avait fui l'occupation à bord d'un kayak de fortune depuis Perpignan pour gagner Barcelone et, de là, les armées d'Afrique. Et il ne pouvait se douter qu'à l'été 1944, d'autres embarcations accosteraient, cette fois au Cap-Nègre, au Levant, à Port-Cros, chargées de forces spéciales. Il ne pouvait se douter alors qu'une partie de la libération du territoire national se jouerait ici, face à la Méditerranée, sur les côtes provençales. Il ne pouvait se douter, alors, qu'il participerait lui-même à l'opération Dragoon, conçue pour prendre l'armée allemande en tenaille après le débarquement de Normandie. Oui, le littoral que Michel Brousse foulait en ce jour d'août était meurtri. La guerre faisait rage, mais ces villages, ces terres, ces paysages, c'était la France, toujours, encore.

C'était la France aussi qui débarqua sur les plages varoises à partir du 15 août. Toute la France. Divisions blindées, commandos d'Afrique, divisions d'infanterie algériennes et marocaines, zouaves, spahis, tirailleurs d'Afrique du Nord et sub-sahariennes, goumiers et tabors, pieds-noirs, sans oublier les marsouins du Pacifique et les dissidents de nos outre-mer, des Antilles à la Nouvelle-Calédonie. C'était la France. La France combattante avec ses rêves, ses idéaux, ses espoirs, ses ambitions. La France résistante aussi, dans l'ombre, qui avait aplani le terrain pour la France se préparant à la victoire en exil. La France qui répondait à l'appel du général De Gaulle, mené par de brillants généraux, De Lattre de Tassigny à la tête de cette armée, mais aussi de Monsabert, de Sudre, Deleuze, Touzé, tant d'autres, tant d'autres, et tant de héros après eux.

Ceux qui, en ce mois d'août 44, retrouvaient le sol de France ou le foulaient pour la première fois. Ceux qui, envers et contre tout, ne l'avaient jamais quitté. Cette armada était partie de Corse, d'Italie, d'Algérie, et avec la 7ème armée américaine, sous les ordres du général Patch, avec l'appui des Britanniques et des Canadiens, elle écrivit sur les plages de cette Méditerranée qui a vu naître et s'effondrer tant d'empires, se joua une Iliade moderne aux 350 000 soldats, dont 230 000 Français, 2 000 bâtiments de guerre et autant d'avions. 70 kilomètres de côtes et une ambitieuse tête de pont à 25 kilomètres du littoral. D'abord, le prélude souterrain, les FFI, les maquis du Var, les réseaux du Golfe de Saint-Tropez, tous les compagnons de l'ordre et de l'ombre qui, dès la préparation de l'opération en ville, collectèrent des renseignements au péril de leur vie, qui identifièrent les champs de mines et les faiblesses du mur de la Méditerranée, qui prirent les armes et menèrent sans relâche le combat contre l'ennemi nazi. Et puis, l'entrée en scène des forces spéciales, notamment des commandos d'Afrique, dans la nuit du 14 au 15 août, chargés de détruire les pièces d'artillerie, de réduire les défenses sur les côtes, puis les milliers de parachutistes américains et canadiens de la Vallée de l'Argens, largués avec leur matériel sur Le Muy, La Motte pour couper la route aux renforts allemands. Puis le 15, les bombardements du matin, incessants, venus parachever des semaines de pilonnage, et enfin le débarquement, les barges, les chalands, des DUKW. Le ciel zébré de parachutes et de tirs, les Alliés et l'Armée B libérèrent un à un nos villages et nos villes, traçant leurs routes de clochers en mairie, de batteries en casemates, appuyés par l'aviation, soutenus par la marine. Certains sites résistèrent plus que d'autres. La bataille d'Hyères, la difficile prise de la batterie de Mauvanne et du Golf-Hôtel face à la plaine du Gapeau.

Nous nous souvenons, comme vous l'avez rappelé, monsieur le maire, des otages lavandourins, des familles borméennes auxquelles on avait imposé une garde cruelle le soir fatidique du 16 août 1944. Et je salue non seulement ces mémoires, mais nos anciens ici présents qui ont vécu cette époque. L'attente au bout de la nuit et aux confins de l'angoisse, et enfin au petit matin, venu juste à temps du haut du village, sous l'œil bienveillant du château des Seigneurs de Fos, résonne le pas des soldats américains et des commandos d'Afrique. La rumeur de la libération de Bormes, qui se mue alors en cri de joie. Et tandis que l'armée américaine du général Patch prend le flanc est et entame de son côté la remontée de la vallée du Rhône, l'épopée provençale se poursuit pour les Français, dans les rues et sur les rades de Toulon, à la Poudrière, sur les hauteurs du Coudon et du Faron. Le légendaire cuirassé Lorraine déchaîne sa foudre sur les batteries de la presqu'île de Saint-Mandrier. Le 25 août, le drapeau tricolore flotte sur Notre-Dame-de-la-Garde, un mois d'avance sur le calendrier des opérations. L'attente dépassée, les prévisions allemandes déjouées, les espérances surpassées, le rappel au fond que rien n'est écrit d'avance, que les seules fatalités invincibles sont celles que personne ne pense à questionner.

Ainsi fut la fin de cet été 1944, mêlées, pleines de cris de douleur et de joie, de détonation et de hourra, des parades de libérateurs. Le 26 sur les Champs-Élysées, le 29 sur la Canebière. Le FFL Michel Brousse avait raison, c'était la France. L'audace et le sacrifice, le courage et l'opiniâtreté. En un été, ils ont fait basculer l'avenir. Ils ont fait basculer l'avenir parce qu'ils ont décidé de l'écrire. C'est cela, la leçon de ce 17 août. Au fond, commémorer cette libération, c'est redire année après année que nous n'oublions rien, que nous ne les oublions pas. Mais c'est savoir, année après année, nous souvenir que notre liberté a appris leur sacrifice. Que si la France a été occupée, que si la barbarie nazie nous a tenus sous son joug pendant tant d'années, c'est parce que pendant tant d'années avant, tant de monde, y compris chez nous, tels des somnambules, n'ont pas voulu voir que la menace qui paraissait si loin, aux confins de l'Europe, ne nous concernait pas, que ce qui pouvait toucher les Tchèques ou les Polonais était trop loin et n'arriverait jamais, c'était une évidence. Les somnambules nous ont menés au désastre. Et puis que tant et tant considérés qu'être les vassaux était peut-être moins dangereux qu'être libres, et que de fait, d'aucuns, avec des responsabilités éminentes, n’ont accepté de renoncer à la liberté en capitulant d'abord, en étant occupés ensuite et par un zèle impardonnable en collaborant après.

Et au fond, la France a tenu et s'est libérée par quoi   ? L'esprit de résistance. Était-il majoritaire   ? Non. Mais ils y étaient quelques-uns qui sont notre fierté pour toujours et qui n'ont jamais mis un genou au sol ni cédé. Beaucoup y ont payé de leur vie. La résistance de l'intérieur, puis ceux qui, patiemment, autour du général, à Londres, en Afrique et à travers le monde, ont construit cette résistance de l'extérieur, cette capacité à reprendre pied. Et ceux, enfin, vous l'avez rappelé, monsieur le maire, qui, n'ayant jamais vu nos côtes, n'ayant jamais vu notre sol, se sont engagés à nos côtés pour nous libérer. C'est l'alliage de la bravoure et du courage, français, apatrides ou étrangers. Et des Deleuze, des Bouviers, aux Manouchian, jusqu'aux soldats américains débarquant sur nos côtes normandes et aux jeunes Français d'alors n'ayant jamais vu nos côtes et ne connaissant que l'Afrique et venant mourir sur les plages de Provence. C'est cela tout entier ce qui nous fait libres aujourd'hui. Et nous avons un devoir, ne pas les oublier, nous rappeler de leur bravoure et de leurs noms, mais nous souvenir aujourd'hui, nous, si chanceux, qui avons vécu dans un pays qui avait depuis des décennies les dividendes de la liberté, de la paix, qui pensait que c'était acquis pour toujours, pays de cocagne, et on oublie chaque jour de le dire, nous avons aujourd'hui à regarder notre destin en face.

La guerre est revenue en Europe. Et ceux qui pensent qu'elle est très loin et que nous ne nous concerne pas sont les mêmes somnambules que ceux d'hier. Ceux qui pensent qu'on peut être libre en étant faible, ceux qui pensent qu'on peut être libre en continuant de vivre comme s'il n'y avait pas la guerre et un monde de prédateurs à nos portes sont ceux qui, de fait — et ils n'auront peut-être pas à en répondre — mais préparent la défaite de demain. Au fond, c'est ceux qui ont décidé d'être déjà soumis. La leçon du 17 août, c'est cela. Si nous voulons être libres, n'oublions jamais les sacrifices qu'il y a derrière cette liberté. Et n'oublions jamais que c'est notre responsabilité aujourd'hui, dans ce monde imprévisible, plus dangereux, fait de tant de prédateurs, de tout faire pour que la France n'ait jamais à subir ce qu'elle a alors subi. Nous préparer, nous armer, être une nation à la force morale qui ne mettra jamais un genou au sol et le faire en européen, nous qui, depuis maintenant plus de 7 décennies, avons réussi à conjurer ces guerres civiles qui nous divisaient. Et vous le voyez bien, ces temps qui s'ouvrent sont ceux, et je le dis avec la modestie qui doit toujours nous animer lorsque nous nous comparons à ces femmes et ces hommes qui ont donné leur vie il y a plus de 80 ans, mais nous devons nous rappeler dans ces moments que nos devoirs sont à mettre en premier. Et nos devoirs, c'est de garder notre pays libre, souverain, indépendant et fort. C'est cela, leur leçon. C'est ce que nous leur devons et c'est ce que nous ferons. Voilà, Mesdames et Messieurs, je ne veux pas être plus long. C'était ça, la France, le 17 août à Bormes. Parce que grâce à ces quelques-uns, elle était toujours restée la France. Et c'est à nous de ne rien oublier de leur sacrifice, de ne rien oublier de ce jour de joie et de libération pour votre commune et pour notre pays, et de ne rien oublier de ce que cela nous oblige aujourd'hui à notre tour de faire. Merci à Bormes à nouveau de nous accueillir. C'était leur France et c'est la nôtre. Vive la République et vive la France.

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