Le chef de l’Etat a présidé la cérémonie de remise du Prix Ilan Halimi au Palais de l’Elysée ce jeudi 13 février, date anniversaire de la mort d'Ilan Halimi.

Porté par la DILCRAH, ce prix vise à récompenser des jeunes de moins de 25 ans menant des projets de sensibilisation en direction d’autres jeunes, visant à lutter contre l’antisémitisme et le racisme.

Présidé par l’écrivaine Emilie Frèche, le jury récompense chaque année quatre projets pédagogiques portant un engagement en matière de lutte contre les préjugés et les stéréotypes racistes et antisémites.

Quatre prix ont ainsi été décernés par le Président de la République, Mme Emilie Frèche, écrivaine, Mme Elisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations.

Revoir la remise de prix :

13 février 2025 - Seul le prononcé fait foi

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Discours du Président de la République - Cérémonie de remise du Prix Ilan Halimi.

Mesdames, Messieurs les ministres,

Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités,

Parce que je suis heureux de retrouver beaucoup de visages amis dans cette salle et de combattantes et de combattants. Vous venez d’avoir des mots très forts, Madame la Présidente, je vais essayer de répondre à quelques-uns de ces points. Et en fait, j'aurais surtout préféré vous retrouver, mais sans ce prix et sans tout le reste, car cela aurait signifié bien d'autres choses.

Il y a bientôt 20 ans, le 13 février 2006, notre pays était frappé d'effroi. La sidération s'est abattue sur notre société tout entière face à l'horreur absolue, le crime contre Ilan Halimi. Un jeune homme enlevé, torturé, assassiné pour la simple raison qu'il était juif. Un acte de barbarie qui a révélé, dans sa brutalité la plus crue, que la haine pouvait tuer en France encore. Et ce drame a mis en lumière une vérité glaçante, l'antisémitisme et tous les préjugés sur lesquels il repose, ses stéréotypes, ses discours de rejet se transforment en actes, en violences, en tragédies. Et que oui, quand les mots s'installent, quand les discours de haine se banalisent, lorsqu'on commence à essentialiser et à tout justifier, les actes suivent et la barbarie revient. Et cet antisémitisme continue encore aujourd'hui d'empoisonner notre société.

Face à cela, nous avons un devoir d'histoire et de vérité, de mémoire, mais surtout un devoir d'action. Le prix Ilan Halimi porté par la DILCRAH est un outil essentiel de cette mobilisation. Et j'en profite pour vous remercier, chère Émilie FRÈCHE, pour votre engagement comme présidente du jury et remercier tous les membres du jury et vous remercier aussi pour votre mobilisation sans faille dans le combat contre l'antisémitisme. Je sais aussi, au-delà de l'anecdote que vous avez rappelée, les attaques et les insultes que vous avez affrontées pour avoir défendu nos valeurs, et notamment dans le suivi du procès de Samuel Paty, et je veux à cet égard vous dire toute notre reconnaissance. En encourageant et en récompensant des jeunes qui développent des projets de sensibilisation contre l'antisémitisme, le prix Ilan Halimi offre un formidable levier pour déconstruire la haine, les préjugés partout où ils naissent, dans les esprits, les représentations.
 
Il donne à avoir une jeunesse engagée, porteuse de valeurs d'égalité, de liberté, de respect de l'autre.

Depuis 2018, des projets culturels, artistiques ou sportifs ont émergé sur tout le territoire, montrant que la lutte contre la haine ne se limite pas au discours, mais se traduit en actions concrètes. Et vous êtes beaucoup ici, au sein de vos associations, enseignants, engagés, artistes ou intellectuels, à porter ces combats et à les accompagner. Ce prix, c'est aussi une prise de conscience collective. Il nous rappelle que la culture, l'éducation, le dialogue, sont nos armes les plus puissantes contre l'intolérance, que nous avons besoin de mettre de la lumière dans l'obscurité, des mots sur les non-dits, pour que le vivre ensemble ne soit pas un idéal lointain ou en quelque sorte, un mot qui ne sale plus, mais une réalité tangible.

Aujourd'hui, cette mission prend une urgence particulière, et vous venez de l'évoquer. Les événements tragiques du 7 octobre ont laissé des traces profondes et douloureuses. Oui, l'attaque terroriste du Hamas du 7 octobre a changé la face du monde et nos sociétés. Pour ceux qui ont subi ces atrocités dans leur chair et pour tous ceux qui ont été blessés indirectement par eux, le sentiment de l'horreur face à ces meurtres de sang-froid, ces actes de barbarie, ces crimes sexuels pratiqués sur des femmes, y compris très jeunes, trop souvent passés sous silence, le sentiment de solitude, solitude les sentiments d'être incompris, invisibilisés, bâillonnés, parfois même stigmatisés et exclus par certains, y compris dans le débat public, le milieu associatif, la classe politique, qui trop souvent ont voulu minimiser. Je veux le dire très fermement à tous ceux qui ont été touchés dans leur chair, leur famille ou leur esprit par ces événements, ils ne sont pas seuls et la République tout entière est à leurs côtés, au-delà de l'hommage que nous avions effectué aux Invalides et que vous avez rappelés. Et leur combat est celui de la République.

L'antisémitisme ne passera pas davantage aujourd'hui qu'hier. Tous gestes, propos, manifestations à caractère antisémite se doivent d'être sanctionnés par les peines maximums prévues par la loi, et là où s'installe l'antisémitisme, là où prospèrent dans son sillage toutes les formes de racisme et de haine. Le 27 janvier 2004, Simone Veil avait alerté déjà devant le Bundestag, je la cite, quand on retourne la mémoire de la Shoah contre les Juifs, en osant des comparaisons indécentes entre camps d'extermination et camps de réfugiés, quand on banalise le génocide juif par toutes sortes d'amalgames et qu'on exploite les clichés de la propagande antisémite au service du combat antisioniste, l'Europe a le devoir d'arrêter ces dévoiements, non seulement par respect pour les survivants de communautés décimées il y a 60 ans, mais aussi par souci de sa propre dignité. Notre propre dignité est là.

Ces mots résonnent aujourd'hui avec une acuité tragique. L'antisionisme, lorsqu'il nie le droit du peuple juif à disposer de son propre État, devient une forme moderne d'antisémitisme. Il recycle les mêmes préjugés, les mêmes stéréotypes, et conduit au même haine et violence. Et oui, les actes antisémites se multiplient dans notre pays, parfois de manière décomplexée, y compris dans des lieux où ils devraient être impensables, comme l'école, l'université, les bastions même de la promesse républicaine d'émancipation. Dans un renversement pernicieux des faits et des valeurs, certains tentent d'associer les Français de confession juive à l'image
 
infamante de peuples génocidaires, perpétuant les pires ressorts de la propagande antisémite. Et vous en avez rappelé les origines et le projet qui, malgré les tentatives de respectabilité, ont bien du mal à masquer leur ambiguïté sur le sujet.

Sans relâche, nous devons lutter contre la propagande antisémite, et je sais combien la ministre et le DILCRAH placent ce combat au cœur des assises de lutte contre l'antisémitisme. Dans ce contexte inquiétant, votre prix est plus que jamais nécessaire. Et tout ce que je viens de dire, je le dis avec la conscience de ce qui se passe aussi, que vous avez parfaitement rappelé, en ce moment même à Gaza. Et la France, c'est ce pays qui ne laissera rien passer de l'antisémitisme, qui ne laissera jamais s'installer sur son sol quelques messages de justification que ce soit, qui condamnera avec la plus grande fermeté l'attaque terroriste du Hamas du 7 octobre, qui se battra jusqu'au bout pour libérer tous les otages et qui, dans le même temps, continuera d'appeler au cessez-le-feu, à la trêve, à la reprise des actions humanitaires à Gaza et à la solution politique la seule possible dans la région, celle de deux États.

Et je crois qu'il ne faut, au moment même où nous avons ces propos sur l'antisémitisme, ne rien céder d'une autre simplification du débat qui voudrait dire, au fond, qu'il ne serait plus possible de reconnaître la légitime aspiration du peuple palestinien à disposer d'un État et de vivre en paix et en sécurité aux côtés d'Israël, reconnaissant le droit d'Israël à vivre en paix et en sécurité dans cette région.

Ces deux discours sont un en même temps, pas simplement possible, mais nécessaire, car ces deux combats sont jumeaux. Ce sont ceux de l'universalisme. C'est la possibilité même de vivre en paix. C'est pourquoi, aujourd'hui, en vous recevant, je vous remercie d'apporter une réponse essentielle. Vous opposant à la haine, vous apportez l'éducation. Vous opposant à l'obscurantisme, vous apportez la culture. Vous opposant à la division, vous apportez la fraternité. Je tiens à remercier aussi chaleureusement les partenaires du Prix Radio France, le CNUS, la MGEN, qui participent activement à cette mobilisation pour la transmission des valeurs républicaines. Et je tiens à vous saluer avec une immense reconnaissance, chers lauréats.

Vous venez de toute la France avec des horizons différents, mais vous avez un même engagement à faire reculer les préjugés. Et vos projets sont autant de boucliers contre l'intolérance. Certains ici, l'ont vécu dans leur propre classe, les terminales du Lycée Lucie Aubrac, et au lieu de subir, d'ignorer, de hausser les épaules, vous vous êtes levés contre elles. Vous vous êtes mis vous-même en passeur. Vous vous êtes approprié un message de civisme que vous avez ensuite transmis à des élèves plus jeunes que vous.

C'était un 7 octobre 2024, date à jamais symbolique. Et vous avez compris que les dates peuvent se retourner et que dans la blessure de la haine, on peut puiser la force de la paix. Je salue aussi les jeunes de l'Association ESPOIR 18, venus des quartiers nord de Paris, qui ont travaillé sur cette mémoire pour sensibiliser, pour réveiller les consciences à commencer par les vôtres et bâtir un avenir où chacun a sa place. Je salue les élèves du Collège de la Forêt de Traînou. Par le travail que vous avez mené sur l'histoire du déporté Abram Gontowicz, sur l'histoire de sa fille Madeleine qui fut cachée par des justes. Vous avez exploré les douleurs et les grandeurs
 
de notre Nation. Vous avez mené un travail d'histoire, de mémoire. Et je crois que dans les yeux brillants de Madeleine, 92 ans, le jour où vous lui avez remis l'album que vous aviez écrit et dessiné, vous avez vu plus que des larmes, mais à coup sûr de l'espoir, parce que vous veniez d'accomplir au fond un magnifique témoignage de confiance et de lucidité.

Cette année marque aussi une nouveauté essentielle, la création du Prix Étudiant. Et ce prix vient rappeler que l'engagement contre l'antisémitisme doit aussi trouver sa place dans nos universités, qui, elles aussi, sont touchées par la résurgence de cette haine insidieuse. Nos campus doivent rester des lieux de savoir, de débat, bien sûr, et d'émancipation, et ne jamais céder aux pressions de l'intolérance. Et nous n'y céderons rien. Je salue les étudiants qui, au sein de l'Atelier Origo, en collaboration avec l'association Ramina Réseau, ont dessiné des affiches qui sont des messages d'ouverture, et là aussi, s'attaquant aux peurs de la différence, et parfois pire encore, à l'indifférence face à la haine.

Votre seule arme à tous, ce furent la plume, le crayon, le pinceau, la voix, la musique, la quête de vérité. Mais ces armes-là sont les plus efficaces pour faire bouger les lignes et faire tomber les barrières. Oui, cette lutte contre l'antisémitisme, ainsi que la lutte contre le racisme dont vous avez fait votre combat, je vous invite à les poursuivre tout au long de votre vie, au-delà de ce prix aujourd'hui. Ce n'est pas le projet d'une année, c'est un principe pour toute une vie, pour toute une société et pour l'État tout entier. Et la présence aujourd'hui de la ministre — et merci d'avoir initié cette remise et de l'avoir voulu ici — mais également de la ministre d'État, ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et du ministre en charge de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, témoigne de l'engagement du Gouvernement très largement à vos côtés. Nous continuerons le combat.

Et je veux vous rassurer, nous continuerons de dissoudre les associations qui mènent les discours de haine et qui combattent les principes de la République. J'ai demandé aux membres du Gouvernement concernés de faire l'évaluation de la loi contre les séparatismes dans la République, que nous avions voulu, malheureusement, comme par prescience quelques semaines avant le terrible assassinat de Samuel Paty et cette attaque terroriste sur notre sol. Et donc nous évaluerons ce que nous avons pu faire, ce que nous n'avons pas pu faire, nous le rendrons public, et s'il faut changer le droit, nous le changerons. Et nous vous avons entendu aussi quand il s'agit de l'école et la ministre d'État y est ô combien attachée.

Et là aussi, vous l'avez rappelé, les programmes sont là, et la mobilisation des recteurs en cette salle le montre. Et les programmes sont souvent faits. Et la question que nous devons nous poser, c'est quand nos enfants, nos adolescents, nos jeunes adultes ont le sentiment de n'avoir jamais été exposés à ces réalités, comme si la vérité pouvait s'effacer, comme si, au fond, et c'est bien cela dont il s'agit, ce n'était pas simplement un point d'histoire à enseigner et à passer, mais bien une mobilisation républicaine à faire passer.

C'est aussi pour cela que, dans les prochains mois, la ministre aura à finaliser ce que j'avais demandé au début d'année dernière, c'est-à-dire la revue pleine et entière du programme d'instruction civique, qui, inséparable du programme d'histoire, doit, lui aussi, permettre de
 
remobiliser la formation des enseignants, la nature des programmes et l'évaluation de ce qui y est transmis.

En tout cas, je veux ici vous dire que cette lutte ne s'arrêtera pas. La remise de ces prix aujourd'hui est un formidable message d'espoir, mais les membres du Gouvernement ici présents, le Premier ministre et d'autres membres du Gouvernement aussi mobilisés sur ce sujet, et moi-même continuerons d'être à vos côtés. Mais tout cela ne vaut que parce qu'il y a des femmes et des hommes qui continueront de s'indigner, de ne pas s'habituer au retour de la haine, de ne s'habituer à aucun antisémitisme sous quelque forme, à aucun racisme et aucun discours de haine, et continueront à transmettre l'histoire et la vérité, à éveiller les consciences et à permettre à des maîtres, et je remercie celles et ceux qui sont là et qui ont accompagné tous ces jeunes, de faire des républicains chaque jour dans nos écoles.

Vous êtes une source d'espoir et de confiance, et donc je suis très fier que maintenant, on puisse vous remettre ces prix.

Vive la République et vive la France.

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