D’Edith Piaf à Jacques Tati, d’un hymne mélancolique aux accords de guitare flamenco, il avait su pendant toute une carrière faire rayonner notre musique, notre langue, une part de notre sensibilité française. Avec la disparition de Charles Dumont, nous perdons un artiste dont les œuvres trottaient sur les lèvres et dans le cœur de presque chaque Français, à travers toutes les générations.

Né à Cahors en 1929 d’un père sympathisant communiste ouvrier dans l’aéronautique, Charles Dumont grandit et étudia à Toulouse. Amateur de musique, la découverte de Louis Armstrong décida de sa vocation : il serait trompettiste. Créant son premier orchestre de jazz à quinze ans, médaillé du Conservatoire, sa vie bifurqua cependant quand une opération des amygdales le priva d’espoir de carrière dans les instruments à vent. Charles Dumont s’installa à Paris et reprit alors l’étude de la musique, celle du clavier et de l’harmonie aux Grandes Orgues de l’église Saint-Ambroise. Multipliant les petits métiers, il commença à se faire un nom de compositeur en créant pour Dalida, Luis Mariano ou Tino Rossi. « Si ma mère m’a mis au monde, Edith Piaf m’a mis dans le monde » professait Charles Dumont. En effet, en 1960, accompagné de Michel Vaucaire, son parolier, le compositeur insista à trois reprises pour rencontrer « la Môme » et lui présenter sa création « Non, je ne regrette rien ». La troisième tentative fut la bonne, Edith Piaf adopta la chanson et l’interpréta sur scène à l’Olympia quelques semaines plus tard. Se scella ainsi une collaboration entre deux forts tempéraments, deux âmes en quête d’amour. Charles Dumont signa une trentaine de titres pour Edith Piaf, dont « Mon Dieu », hymne sur le deuil impossible de Marcel Cerdan, ou « les Amants », chanté avec elle, et enfin « Je m’en remets à toi », sur des paroles de Jacques Brel, que la disparition de la Môme força Charles Dumont à interpréter lui-même.

Ce fut le début d’une carrière de chanteur plus personnelle, où, avec un lyrisme retenu, Charles Dumont exprimait ses vague-à-l’âme, mêlant phrasé de crooner et paroles facétieuses, comme dans « Ta cigarette après l’amour ». Une voie dans laquelle il rencontra le succès critique, remportant le Prix de l’Académie Charles-Cros en 1973, et obtenant deux disques d’or en 1976 pour « Une chanson », et en 1978 pour « Les Amours impossibles ». Comme compositeur, avec sa sensibilité pleine de fantaisie, il sut trouver les accords pour les films de Jacques Tati, mais aussi « Notre amour est en grève » de Bourvil, « La propriétaire » de Juliette Gréco, ou « le Mur », devenu un succès mondial chanté par Barbara Streisand.

Au fil des années, ce musicien de l’ombre et ce chanteur de la mélancolie, grand prix de la Sacem en 2013, fut salué et suivi par un public fidèle, qui l’accompagna dans les grandes salles parisiennes, pour ses cinquante ans de carrière au Bataclan en 2004 ou lors d’un récital resté dans les mémoires, à quatre-vingt-dix ans, au sommet de la Tour Eiffel.

Le Président de la République et son épouse saluent un grand nom de la chanson française, un siècle de création, dont les mélodies du bonheur ou du chagrin nous accompagneront longtemps. Ils adressent à sa famille, à ses proches, à tous ceux qui l’aimaient, leurs condoléances émues.

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