Née le 6 février 1927 à Rouen, Denise Holstein vécut une enfance heureuse, auprès d’un père dentiste, immigré juif venu de l’empire russe, mobilisé pour la France lors de l’irruption de la guerre en 1940. La famille prit le chemin de l’exode devant l’avancée des Allemands, puis revint en Normandie occupée et sous la coupe des lois antisémites du régime de Vichy. Le destin de Denise Holstein bascula le 15 janvier 1943 lors de la rafle des Juifs de Rouen, où avec ses deux parents elle fut arrêtée et conduite à Drancy. Célébrant son seizième anniversaire à leurs côtés, Denise perdit ensuite leur trace. Malade, Denise fut en effet exfiltrée du camp vers un hôpital, d’où elle rejoignit un foyer de l’Union générale des Israélites de France, à Louveciennes, institution qui lui confia la surveillance de neuf enfants dont les parents comme les siens avaient été déportés et qui l’appelaient « petite maman ». En juillet 1944, l’officier SS Alois Brunner décida de la déportation de ces groupes d’enfants, et Denise Holstein partit dans le dernier convoi du camp de Drancy pour Auschwitz, le convoi 77 du 31 juillet 1944.
A son arrivée, prévenue miraculeusement par un autre déporté, elle consentit à lâcher la main de l’une des fillettes, promises à la mort immédiate, et sauva ainsi sa vie. Dans le camp, elle se forgea une devise : « Ils ne m’auront pas », et traversa avec ces mots les mois de travaux forcés, la férule des kapos, l’épuisement psychique et physique, le froid glacial. A la libération du camp par les Russes, en janvier 1945, Denise Holstein fut envoyée à Bergen-Belsen où elle resta trois mois dans une privation presque totale de nourriture et d’eau. Enfin, celle qui venait de fêter ses 18 ans put retourner à Rouen où elle apprit l’assassinat de ses deux parents à Auschwitz dès novembre 1943. Sur les neuf enfants dont s’était occupée Denise Holstein à Louveciennes, seuls deux avaient survécu.
Pendant des décennies, Denise Holstein, devenue secrétaire médicale puis représentante de vêtements, garda le silence, jusqu’à sa rencontre en 1990 avec Serge Klarsfeld. Dès lors, prise d’une impérieuse volonté de témoigner, elle se rendit dans les établissements scolaires pour partager son expérience de la Shoah, son voyage dans la barbarie nazie. Prenant la parole en cours, elle débutait son récit par un souvenir précis : une salle de classe de Rouen, en 1942, où parce que Juive, porteuse de l’étoile jaune, elle ne pouvait monter sur l’estrade. En 1995, elle publia « Je ne vous oublierai jamais, mes enfants d’Auschwitz » puis ses souvenirs, en 2008, couchés sur le papier en 1945 à son retour des camps.
Avec sa lumière, sa force, son humanisme lucide, Denise Holstein fut une passeuse de mémoire dont les récits se colorent d’une force particulière à l’approche des 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz. Le Président de la République et son épouse saluent cette femme de courage et de résilience, et adressent leurs condoléances émues à sa famille, ses proches, à ses camarades de l’œuvre de mémoire, à tous ceux qui furent touchés par son message et son enseignement.