Plus qu’une star, une légende du cinéma français et international. Quatre syllabes connues dans le monde entier et un visage, étincelant de jeunesse, ou rongé par l’inquiétude, figé dans nos plus grands classiques du septième art. Avec la disparition d’Alain Delon, la France perd l’une de ses icônes universelles.

S’il incarna sa carrière durant des rôles d’hommes taraudés par la révolte ou dévorés par leurs tourments, c’est que ces rôles ressemblaient à son destin. Né le 8 novembre 1935 à Sceaux, Alain Delon vécut une enfance marquée par le divorce de ses parents lorsqu’il avait quatre ans. Confié à une famille d’accueil, il chercha sa voie, renvoyé des écoles et employé par son beau-père, charcutier. Fugueur, Alain Delon décida de devancer l’appel des drapeaux. Affecté dans la Marine, envoyé en Indochine, il garda l’empreinte de cette fraternité d’armes, comme une quête du sens de l’honneur. De retour à Paris en 1956, fréquentant les milieux interlopes à Pigalle ou Montmartre, lié à Jean-Claude Brialy, il fut repéré par l’épouse du réalisateur Yves Allégret qui le prit pour son premier film Quand la femme s’en mêle, en 1957. Après quelques rôles secondaires, il fit l’année suivante la rencontre de Romy Schneider sur le tournage de Christine. De ce coup de foudre réciproque naquit un couple mythique, « les fiancés de l’Europe », et, dix ans plus tard, un chef d’œuvre, La Piscine. Enfin, en 1960, arriva son acte de naissance cinématographique. Dans Plein soleil de René Clément, aux côtés de Maurice Ronet et Marie Laforêt, Alain Delon éblouit par sa beauté fulgurante jusqu’à faire douter le spectateur de son crime.

Très vite, sa carrière devint internationale. Boxeur touché par la grâce dans Rocco et ses frères en 1963 de Luchino Visconti, il découvrit les sentiments amoureux dans L’Eclipse d’Antonioni et dans Le Guépard de Visconti, accompagné par Claudia CARDINALE et Burt Lancaster. Alain Delon rejoignit aussi à l’écran Jean Gabin, son idole : ensemble, ils incarnèrent par deux fois un duo de malfrats en quête du « casse » parfait sous la caméra d’Henri Verneuil dans Mélodie en sous-sol en 1963 et Le Clan des Siciliens en 1969. Avec Jean-Pierre Melville, un autre « père » en cinéma, Alain Delon figea pour l’éternité sa silhouette tragique et silencieuse : celle d’un tueur à gage, dans Le Samouraï, en 1967, aux côtés de son épouse Nathalie Delon, la silhouette d’un braqueur dans Le Cercle Rouge en 1970, de policier hanté par sa traque dans Un flic deux ans plus tard. A la fin de la décennie, divorcé de Nathalie Delon, l’acteur tourne Jeff avec Mireille Darc. Leur histoire d’amour se scella, mêlant scène et ville, elle aussi entrée dans le cœur du public. Au comble de la gloire, Alain Delon régnait sur le box-office, comme acteur, et même producteur, avec Borsalino, face à Jean-Paul Belmondo, en 1970 ou Deux hommes dans la ville, retrouvant Jean Gabin. 

Dans les années 1970, son statut de star internationale lui permit de choisir des œuvres plus personnelles, sombres, ambitieuses, qu’il produisait parfois, comme Mort d’un pourri de Georges Lautner, ou Monsieur Klein, de Joseph Losey, sur un homme pris pour un Juif pendant l’Occupation. Il se risqua même à incarner le baron de Charlus, dans l’adaptation de l’œuvre de Marcel Proust par Volker SCHLONDORFF, et tourna avec Jean-Luc Godard dans Nouvelle Vague en 1990. Habité par le cinéma, l’acteur passa à la réalisation avec, en 1981, Pour la peau d’un flic et, deux ans plus tard, Le battant.
Son tempérament de « loup solitaire », son rang de légende populaire, retranché dans sa solitude et son domaine de Douchy ne l’empêchaient pas d’incarner avec auto-dérision l’empereur Jules César dans Astérix, ou de s’essayer à la télévision avec « Fabio Montale » ou « Frank Riva ».
Du noir et blanc au « plein soleil », Alain Delon incarna pour le monde entier une sensibilité française, une aspiration à la beauté que ce collectionneur d’art assouvissait dans l’achat des peintres romantiques. Il écrivit aussi sa carrière durant une certaine histoire de France. Soixante années glorieuses et ténébreuses : l’Occupation avec Monsieur Klein, la Libération avec Paris brûle-t-il, la guerre d’Algérie avec L’insoumis d’Alain CAVALIER, la société de consommation et l’influence américaine chez Jean-Pierre Melville.

Le Président de la République et son épouse saluent la mémoire de l’un des acteurs les plus admirés et célèbres de son temps, qui savait être de toutes les époques, irrégulier, affranchi, intemporel, Français de toujours. Ils adressent à ses enfants, Anthony, Anouchka et Alain-Fabien, à sa famille, à ses proches, à ceux, si nombreux, qui l’aimaient et l’admiraient, leurs condoléances émues.

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