Louis Mermaz avait exercé presque toutes les fonctions de la République, du conseil général de l’Isère à la présidence de l’Assemblée Nationale, avec une ténacité et une rigueur à la hauteur de son érudition. Sa disparition est celle d’un homme d’Etat, indissociable de l’épopée de François Mitterrand et de l’histoire de la gauche française.

S’il s’imposa par son sérieux et une allure austère qui incita un jour François Mitterrand à le comparer à Raymond Poincaré, la vie de Louis Mermaz ne fut pas exempte de romanesque. Il vit le jour le 20 août 1931 à Paris de l’amour clandestin noué par sa mère et Louis de Chappedaine, parlementaire et ministre de la Troisième République. Louis Mermaz fut élevé par sa mère et sa grand-mère à Antony, et, de ses rencontres régulières avec son père il en tira une affection et un goût pour la politique. En 1939, le décès de son père et le déclenchement de la guerre interrompirent brutalement une enfance heureuse. Plongé dans les affres de l’exode et de l’Occupation, requis par sa mère de donner son avis pour les grandes décisions familiales, Louis Mermaz forgea ainsi une habitude des responsabilités face au tragique de l’Histoire.

Il ne partageait pas de son père seulement le prénom et le goût pour la politique, mais aussi l’ambition. A peine adolescent, lycéen à Lakanal à Sceaux, il exprima sa volonté de devenir député et plus précisément élu dans l’Orne, où se trouvait la résidence paternelle. A cette fin, à quatorze ans, le voilà chroniqueur au « Réveil normand », poste qu’il occupa pendant dix ans. Elève brillant, passionné par Napoléon et au-delà par les vies des hommes illustres, il opta logiquement pour une carrière de professeur d’histoire après une agrégation en Sorbonne. La rencontre en 1954 avec François Mitterrand changea la vie de Louis Mermaz : candidat malheureux de l’UDSR en 1955, il devint l’une des figures du premier cercle du député de la Nièvre, dont il fut le directeur de la campagne présidentielle en 1965. Engagé à la Convention des institutions républicaines, élu député de l’Isère en 1967, battu en 1968, puis réélu en 1973, Louis Mermaz s’imposa comme membre de la direction nationale du Parti Socialiste. Il ne quitta jamais non plus l’Isère, et sa présidence du conseil général, ni Vienne, ville dont il fut maire dès 1971 et jusqu’en 2001 lui léguant, entre autres, son célèbre « Jazz à Vienne », festival créé en 1981. Incarnant une exigence de radicalité au sein du PS, le député-maire mena toutes les batailles pour sceller la victoire des forces de gauche, convaincu de la nécessité de l’alliance avec le Parti communiste.

François Mitterrand élu président en 1981, et après un passage éphémère au gouvernement pendant un mois, ce fut à la présidence de l’Assemblée Nationale que Louis Mermaz servit la gauche au pouvoir. Avec son engagement, sa hauteur de vue, sa fidélité aussi au Président Mitterrand, Louis Mermaz fut un acteur décisif du premier septennat. En 1988, il fut à nouveau appelé en gouvernement, pour un mois seulement, prenant ensuite la tête du groupe socialiste où ses talents de médiateur trouvèrent à s’employer, dans un contexte de concurrence entre Lionel Jospin et Laurent Fabius. Louis Mermaz devint ministre de l’agriculture et de la forêt dans le gouvernement Rocard II, de 1990 à 1992, fonction où il dut batailler, en diplomate de haut vol, pour négocier le volet agricole des accords du GATT. Ministre ensuite des relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement, jusqu’en 1993, Louis Mermaz fut battu la même année dans son fief de l’Isère.

En 1997, sa réélection comme député marqua le retour de Louis Mermaz, désormais une figure d’autorité, gardien de la mémoire du Président Mitterrand, dans le camp socialiste. Président de la commission d’enquête sur la situation dans les prisons, il prit fait et cause pour l’amélioration des conditions de détention, combat lucide et déterminé pour transformer les « geôles de la République », selon le titre de l’un de ses essais. Il poursuivit cette lutte inlassable comme sénateur, de 2001 à 2011.

Le Président de la République et son épouse saluent un grand humaniste en République, un homme pétri de fidélité, de loyauté, d’idéal. Ils adressent à sa famille, à ses proches, à ceux qui l’aimaient, leurs condoléances sincères.

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