Le Président Emmanuel Macron s'est rendu en visite d’État en Allemagne du 26 au 28 mai 2024 à l’invitation de Frank-Walter Steinmeier, Président de la République fédérale d’Allemagne.

Dès son arrivée à Berlin, le Président de la République a participé à la fête de la démocratie, organisée 75 ans après la promulgation de la loi fondamentale allemande. 

Il est le premier chef d’État étranger à avoir été convié aux célébrations organisées à cette occasion.

Revoir les interventions des deux dirigeants : 

26 mai 2024 - Seul le prononcé fait foi

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Intervention du Président de la République à l’occasion de la Fête de la démocratie.

Animatrice

[En allemand]

Emmanuel MACRON

Merci beaucoup. Il ne faut pas se poser la question, c'est une décision de chaque matin.

Animatrice

[En allemand]

Emmanuel MACRON

Et donc je suis surtout très honoré d'être parmi vous dans une journée si importante. Et je veux remercier mon ami, le Président Frank-Walter STEINMEIER, son épouse, de nous accueillir pour cette visite d'Etat et vous remercier de nous faire l'honneur pour la première fois pour cette Fête de la démocratie.

Et d'avoir un dirigeant étranger, en particulier un Président français. C'est pour nous un grand honneur et je voulais être là pour rendre hommage à la fois à ce 75ᵉ anniversaire des lois fondamentales et de la démocratie en Allemagne. On en parlait avec le Président aussi ce 35ᵉ anniversaire de la réunification qui va avec, et qui a entraîné une réunification de notre Europe. On est très heureux d'être là.

Animatrice

Formidable ! Merci beaucoup.

[En allemand]

[…]

Emmanuel MACRON

Merci de ce résumé. C'est plus simple que d'autres sujets.

Animatrice

J'imagine.

Emmanuel MACRON

Et donc en effet, il y a l'Euro de football - on le verra tout à l'heure avec le Président - qui est un grand rendez-vous, une chance pour l'Allemagne et tout le football européen. Les Bleus seront là, j'allais dire aux côtés de la Mannschaft. J'ai peur qu'on ne soit pas totalement aux côtés.

Aimatrice

[En allemand]

Emmanuel MACRON

Mais j'ai noté que la finale, c'était un 14 juillet. C'est une bonne nouvelle. C'est une bonne fête nationale pour nous à Berlin.

Ensuite, il y a les Jeux Olympiques, où évidemment vous êtes invités, et qui commencent le 26 juillet prochain à Paris, des Jeux Olympiques et Paralympiques qui sont un grand rendez-vous sportif.

Et je vous rassure, le rendez-vous sera tenu pour Notre Dame : le 8 décembre, nous rouvrirons Notre Dame de Paris et vous pourrez tous et toutes revenir la visiter. Elle sera reconstruite. Et donc ça, ce sont des rendez-vous formidables.

Mais moi je voudrais rebondir sur ce qu'a dit Frank-Walter STEINMEIER il y a deux minutes. Vous savez, on dit toujours - prenez les journaux des 75 dernières années, vous verrez que les relations franco-allemandes on dit toujours : elles sont à l'arrêt ou il y a une crise. La chronique est permanente, mais elles avancent. Et quand je vois ce qu'on a fait, en particulier depuis 1963 - parce qu'on parle beaucoup d'anniversaires, là, mais c'est vrai que le traité qui a été signé entre nos deux pays, avec le courage qu'ont eu le général de Gaulle et le chancelier Adenauer de dire : on ouvre une nouvelle étape, surtout pour cette génération qui avait vécu la guerre, et bien fait que la France et l'Allemagne ensemble, ont accompli des choses extraordinaires. Et elles ont été au cœur de cette Europe qui s'est progressivement élargie et réunifiée elle aussi. Et nous ne sommes pas les mêmes, mais constamment, nous avons cette discussion. Et si on dézoome et qu'on regarde à l'échelle des siècles, nos deux pays se faisaient toujours la guerre ; et l'histoire de l'Europe, c'était une histoire de guerre civile avec beaucoup d'empires et souvent, il y avait d'un côté des Allemands, des Prussiens et de l'autre côté des Français. Et aujourd'hui, on discute.

Alors, il y a des choses, on est d'accord, pas d'accord, mais toujours, on construit un chemin ensemble et ça, c'est une extraordinaire force et je crois que c'est ce cheminement qu'il faut valoriser. Et moi, je veux vous dire que je vois beaucoup plus ce qui nous rassemble et notre capacité à relever nos défis aujourd'hui que des éléments de crise aux autres. La relation franco-allemande, elle, est centrale dans l'Europe, elle est cœur, elle est nécessaire pour que l'Europe avance.

Animatrice

Merci Monsieur le Président.

[En allemand]

Frank-Walter STEINMEIER

[En allemand]

Animatrice

[En allemand]

Emmanuel MACRON

Parce que le moment est essentiel et parce que, vous l'avez dit, on n'a jamais eu autant d'ennemis à l'intérieur, à l'extérieur. Je pense qu'on vit un moment de notre Europe - je l'ai dit il y a quelques semaines - qui est existentiel parce que je crois vraiment, notre Europe peut mourir.

D'abord parce qu'on a le retour de la guerre en Europe avec l'agression russe en Ukraine. Et on disait l'Europe, c'est la paix, regardez.

Ensuite, parce qu'on est à un moment où l'un des défis de l'Europe, c'est d'être le continent qui va réussir le premier, je l'espère, à décarboner son économie, c'est-à-dire à réconcilier le climat et la croissance et l'industrialisation. Et il faut réconcilier les deux, parce qu'on est aussi le continent du monde, l'espace politique, où le modèle social est le plus généreux. Et on ne peut pas décarboner sans croissance, parce qu'alors, il faudrait dire : décarboner, c'est renoncer à l'école, l'hôpital, le modèle social qui est le nôtre. Il faut faire les deux. Ça, c'est d'énormes investissements parce qu'on a la révolution technologique, celle de l'intelligence artificielle qui se décide maintenant et que si on rate celle-ci, au fond, la croissance de demain, l'innovation de demain se fera ailleurs.

Et puis, parce que je pense qu'on a au fond, et je le dis dans cette journée, une forme de crise de nos démocraties et on le voit en nous-mêmes. La force des démocraties, c'est le débat permanent sur toutes les questions pour essayer d'aboutir à la meilleure décision que le peuple choisira. Et on en est venu à une interrogation sur la démocratie elle-même. Il y a une forme de fascination pour l'autoritarisme qui naît dans nos propres démocraties et à un moment très ambigu - qui nourrit d'ailleurs les nationalismes et les extrêmes dans notre continent - qui est de dire : au fond, cette Europe, elle serait plus simple si on serait nationaliste. Mais on oublie de se dire : qu'est-ce que serait cette Europe si les nationalistes l'avaient dirigée ces dernières années, tous ceux qui fascinent nos opinions publiques et pour lesquels certains s'apprêtent à voter à ces élections. Mais si les nationalistes avaient été aux affaires en Europe, nous n'aurions pas eu le vaccin en tant qu'Européens ; on n'aurait pas eu de plan de relance européen ; on n'aurait pas de capacité à répondre aux défis migratoires en Européens ; on n'aurait pas eu de Green Deal européen et une capacité à gérer la décarbonation ; et on serait divisé entre Européens puisque, croyant avant tout à une base nationale, on aurait lâché l'Ukraine pour soutenir la Russie que soutiennent tous les nationalistes dans nos pays. Et donc l'histoire ne serait pas la même. Et en quelque sorte, le problème que nous avons aujourd'hui, c'est que dans nos démocraties, nous nous sommes habitués à la démocratie et on a oublié que c'était un combat trop souvent. Et on laisse les nationalistes, et souvent les ennemis de la démocratie, tirer tous les dividendes de la démocratie et la critiquer de manière existentielle.

Et il y a à la fois ce débat, au moment même où on a ces immenses défis géopolitiques, la guerre, la prospérité, la révolution climatique et technologique. Donc, pour toutes ces raisons, c'est important d'aller voter aux européennes pour le parti qu'on soutient et qui soit un parti qui défend l'Europe selon nos préférences. Parce que je suis convaincu que c'est l'Europe qui permet de défendre la démocratie, l'absence d'hégémonie sur notre continent et la capacité à répondre ensemble à ces défis.

Animatrice

Très bien.

[En allemand]

Frank-Walter STEINMEIER

[En allemand]

Animatrice

[En allemand]

Emmanuel MACRON

C'est de marquer, comme je le disais, cette étape. D'abord de parler à l'ensemble du pays, et de marquer cette étape en étant aujourd'hui avec vous des 75 ans, comme je le disais, de la Loi fondamentale et la démocratie ici, mais aussi des 35 ans de cette réunification allemande qui est aussi une réunification de notre Europe et qui a déclenché ensuite un mouvement qui n'a pas été d'élargissement, mais de réunification vraiment d'un continent qui était séparé depuis 1947, et qu'on avait accepté en quelque sorte comme une fatalité - ce qui a d'ailleurs en quelque sorte empêché l'Europe pendant longtemps et sans doute jusqu'à aujourd'hui, de se penser elle-même comme un continent uni. Et donc c'est très important pour moi d'aller là-bas.

Et puis je trouve qu'il y a dans Dresde une formidable métaphore d'un phénix européen, d'une ville qui a été totalement ravagée à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, capitale culturelle et intellectuelle formidable de l'Allemagne et de l'Europe, et qui est aujourd'hui au cœur de cette Silicon Saxony, et donc des défis contemporains d'avenir, de croissance que j'évoquais. Et je crois que c'est aussi rendre hommage à ce formidable travail qui a été fait, à cette formidable réussite et se dire : regardez le chemin qui a été fait là aussi ces dernières années et allons-y ensemble, parce qu'on a une grande route à faire ensemble.

Animatrice

Merci beaucoup, Monsieur le Président.

C'est très dommage. [En allemand]

Frank-Walter STEINMEIER

[En allemand]

Animatrice

[En allemand]

Après un entretien entre les deux Présidents, ils ont donné une conférence de presse conjointe depuis le Château de Bellevue. 

Le chef de l'État a remercié le Président Steinmeier pour son invitation et a notammenté souligné l'importance du couple franco-allemand.

Revoir la conférence de presse :

26 mai 2024 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe du Président de la République et du Président Steinmeier.

Emmanuel MACRON

Merci beaucoup, Monsieur le Président, cher Frank-Walter,

Mesdames et Messieurs,

Je suis à la fois heureux et très honoré d'être aux côtés du Président STEINMEIER aujourd’hui dans le cadre de cette visite d'État, vous l'avez rappelé, 24 années après celle effectuée par le Président Jacques Chirac en juin 2000.

Je vous remercie pour votre accueil extrêmement chaleureux pour mon épouse et moi-même et pour nous avoir permis aussi pour la première fois, de participer à la clôture des célébrations organisées pour les 75 ans de la Loi fondamentale allemande, la Grundgesetz, et d'avoir pu échanger avec, en particulier les plus jeunes, tout à l'heure, lors de cette fête de la démocratie. J'ai pu mesurer combien l'attachement à celle-ci était vibrant, vivant, ce qui est pour moi une source de réconfort. Et donc merci pour ce privilège que vous nous avez réservé.

Vous venez de le dire, Président, et je reprendrai par la fin de vos propos, notre relation, elle est évidemment enracinée dans un passé commun qui est fait de culture, de liens de respect, d'estime, de Schiller à Goethe, en passant par nos propres poètes ou nos philosophes. Elle est liée aussi par des traces difficiles de l'histoire. Nous étions côte à côte, il y a quelques années pour honorer la mémoire du premier conflit mondial et vous avez accepté d'être mon invité le 10 juin prochain à Oradour-sur-Glane dans deux semaines pour commémorer le massacre qui s'y est déroulé. Nous serons également ensemble au Mémorial de l'Holocauste demain pour aussi montrer l'engagement de notre jeunesse et ce que l'OFAJ a pu faire pour poursuivre cette mémoire. Je veux ici saluer ce travail. Nous aurons aussi l'occasion de le faire aux côtés de Serge et Beate KLARSFELD.

Mais cette année est aussi marquée par beaucoup de rendez-vous. Il y a un peu plus de 60 ans, deux éminents prédécesseurs, le chancelier Adenauer et le général Charles de Gaulle, signaient le traité de l'Élysée, scellant notre réconciliation, une capacité à embrasser l'avenir. Il y a 5 ans, nous signions avec la chancelière Angela MERKEL le traité d'Aix-la-Chapelle, fixant le cadre renouvelé de cette convergence franco-allemande. Et donc, oui, en ce moment même où nous fêtons les 75 ans de votre loi fondamentale, les 35 ans de la réunification allemande, il y a matière à voir tout le chemin parcouru par l'Allemagne, par l'amitié franco-allemande qui a, ce faisant, permis le cheminement européen. Et certes, si l'amitié franco-allemande ne peut pas tout et ne résume pas l'Europe, elle permet l'Europe. Et c'est bien parce qu'il y a eu cette réconciliation franco-allemande que l'Europe a pu se bâtir. C'est bien parce qu'il y a eu cette volonté d'avancer ensemble à chaque étape : du Covid à la réaction face à la guerre en Ukraine, que nous avons pu justement avancer ensemble en Européens. Et c'est pourquoi être à vos côtés aujourd'hui, c'est célébrer en quelque sorte les entrelacs de cette amitié marquée par ces étapes et ces traités des dernières décennies. Mais c'est au fond, un peu comme vous le disiez tout à l'heure lorsque nous débattions à cette fête de la démocratie, marquer résolument que l'un et l'autre, nous ne sommes pas habitués. On pourrait dire qu'il y a quelque chose qui est de l'ordre du rite, de la figure imposée, parfois du rituel dans l'amitié franco-allemande. On a créé tellement de formats communs. Il n'y a aucune évidence. Et l'histoire millénaire de nos pays, et même de notre continent, montre que les dernières décennies sont une aberration historique. Et donc nous, nous sommes des engagés. Nous sommes les engagés de l'amitié franco-allemande, et ce faisant, de l'amour de l'Europe. Cela veut dire que cela suppose, comme on le voyait tout à l'heure, d'aller au-delà parfois des différences, quelquefois des désaccords. Je crois pouvoir dire que nous n'en avons jamais eu l'un et l'autre, quelles que soient nos conditions et nos compétences successives, depuis maintenant plus de 10 ans que nous nous connaissons. Mais cela veut dire aussi qu'il n'y a pas d'habitudes à prendre, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, mais toujours une amitié à réinventer et à mettre à l'épreuve du quotidien. Et je crois que c'est ce que cette visite d'État doit nous apprendre à faire, à la fois avec les moments très symboliques et amicaux.

Nous venons de le faire et nous allons poursuivre avec le sport et le dîner d'État aujourd'hui, mais avec aussi la capacité à embrasser des sujets nouveaux. C'est pour ça que je suis très heureux d'être demain le premier président à me rendre à Dresde dans le cadre d'une telle visite. Aller dans le côté est de l'Allemagne pour marquer cet engagement et cet engagement européen, la défense de nos valeurs démocratiques, la vitalité de ces idées démocratiques et de l'avenir de l'Europe. Et dans cette ville martyre puis reconstruite, qui est devenue aujourd'hui l'épicentre de cette Silicon Saxony, de voir que nous pouvons bâtir des coopérations pour demain et embrasser un des défis que vous avez évoqués. Nous signerons des coopérations importantes en matière d'intelligence artificielle, de numérique, de lutte contre le réchauffement climatique et d'espace. Et nous aurons, à cet égard, le Fraunhofer, le Commissariat à l'énergie atomique, de grandes entreprises franco-allemandes, comme The Exploration Company qui signeront des contrats importants sur chacun de ces grands sujets. Nous aurons l'occasion aussi de débattre avec les jeunes talents de nos deux pays de l'initiative Génération Europe, portée par l'Office franco-allemand pour la jeunesse ou encore avec la jeunesse réunie par les autorités du Land de Saxe pour la fête de l'Europe, ce qui est un rendez-vous, je crois aussi important, quelques semaines avant le 9 juin, vous l'avez rappelé.

Nous défendrons l'importance pour cette jeunesse de s'engager pour l'Europe. Des projets concrets et d'avenir. Et les coopérations entre nos deux pays ne manquent pas. Mais là aussi, nous les poursuivrons.

L'objectif de cette visite d'État est de manière très pratique d'aller plus loin. Les trains de nuit relient depuis quelques mois Paris et Berlin. C'est le fruit de notre engagement de ces dernières années. Ils avaient été abandonnés. Nous les avons réinventés, rouverts. L'accord pour faciliter la mobilité de nos apprentis, les échanges culturels du spectacle vivant, jeux vidéo, livres, débats d'idées, audiovisuels et médias permettront d'aller plus loin. Nous allons aussi porter une ambition commune pour Arte, en faire une vraie plateforme européenne en finançant, mais en appelant aussi notre Europe à financer davantage de coproductions pour faire d'Arte véritablement cette plateforme qui pourra produire des contenus pleinement européens et permettre à l'ensemble de nos compatriotes, partout en Europe, d'avoir justement davantage de séries, de créations cinématographiques, de reportages qui viennent de ce projet franco-allemand qui a si bien grandi.

Puis, je me réjouis de donner le coup d'envoi de l'été franco-allemand du sport en quelque sorte, à vos côtés dans quelques instants. L'Euro de football, de la mi-juin à la mi-juillet, puis les Jeux olympiques et paralympiques de fin juillet à début septembre dans nos deux pays, avec des rendez-vous particuliers. Vous l'avez dit, parfois, nos équipes seront peut-être en compétition et malgré tous les mots d'amitié sincère que nous évoquons, il est clair que si la route des Bleus venait à croiser celle de la Mannschaft, nous aurons 90 minutes d'opposition amicale et respectueuse.

Enfin, cette visite d'État intervient, je le disais à un moment clé pour l'Europe et vous l'avez parfaitement rappelé. Nous avons à faire face depuis deux ans au retour de la guerre sur notre continent, depuis la guerre d'agression de la Russie lancée en Ukraine. Nous avons des défis inédits pour relever la transition climatique et celle aussi de l'intelligence artificielle. Nous avons, au fond, à faire face à une volonté impérialiste en Europe, un retour de la violence et du non-droit et à des défis inédits pour préparer notre avenir. Ceci suppose, en quelque sorte, un sursaut franco-allemand. Sursaut, nous l'avons eu dès les premiers jours de la guerre d'agression, mais qui consiste à aller encore plus loin. Nous l'évoquerons ensemble et nous avons pris des positions fortes. Nous l'évoquerons demain dans un conseil conjoint de défense et de sécurité qui suppose de continuer jusqu'au bout à aider l'Ukraine à résister, à l'équiper, à l'accompagner, à former, à être prêts aussi à tous les scénarios pour bâtir une paix durable, c'est-à-dire une paix respectueuse du droit international. Et je le dis parce que j'aurai l'immense honneur d'être à vos côtés à Münster, mardi, pour le prix de la paix de Westphalie. Être du côté de la paix aujourd'hui, c'est donner la force au droit. La paix n'est pas la capitulation. La paix n'est pas l'abandon des principes. Confusion qu’on a trop souvent vu dans les débats collectifs. La paix, c'est donner la possibilité à un pays de défendre ses frontières et sa souveraineté, le droit international pour bâtir une paix durable. C'est le camp que nous avons choisi, celui du droit dans la durée.

Et puis, relever les défis que j'évoquais, c'est aussi bâtir une feuille de route franco-allemande pour la croissance, la compétitivité. Ce sera au cœur du Conseil des ministres franco-allemand que nous aurons à Meseberg, avec le Chancelier SCHOLZ, mardi après-midi, le 24ᵉ du nom, pour justement bâtir une stratégie ambitieuse sur ces différents sujets, permettant aussi d'y répondre en termes d'investissement.

Voilà, je ne veux pas être plus long, mais vous l'avez dit, Monsieur le Président, cher Frank-Walter, c'est la première visite d'État d'un Président français en Allemagne depuis 24 ans. C'est sans doute trop long, mais c'est une occasion inédite, dans un moment si grave, de dire la force de notre amitié, de redire notre volonté, de la nourrir, de la cultiver, de lui donner en quelque sorte de nouveaux objets, de nouvelles perspectives, et de dire aussi à l'Europe et au monde que ce couple en est un. Il n'est ni vieux, ni jeune. Il est vivant, exigeant, ambitieux, ambitieux pour nos deux pays, ambitieux pour notre Europe et ambitieux parce que je suis convaincu que nos deux pays portent quelque chose qui est un peu plus grand que même une certaine idée de l'universel, celle qu'il y a dans l'hymne à la joie que nous aimons tant en France et qui est le fruit du génie de vos poètes et de vos compositeurs. C'est ce chemin-là dans lequel nous croyons et que nous continuerons de faire avancer.

Merci infiniment pour votre accueil et cette visite d'État qui, je l'espère, par ses différents projets et les décisions que nous y formerons, permettra à l'Allemagne et à la France, d'avancer, à notre Europe de le faire et, ce faisant, de servir un peu des causes communes du monde. Merci, Frank-Walter.

Journaliste

La France comme l'Allemagne sont confrontées à la montée des nationalismes. Alors, Monsieur STEINMEIER, les nombreux scandales qui secouent ces derniers mois l'extrême droite, pensez-vous que ces scandales peuvent l'affaiblir durablement ? Et puis, question à vous, Monsieur le Président français, vous avez, encore tout à l'heure, dénoncé la montée des nationalismes. Alors, est-ce que la meilleure façon de lutter contre le Rassemblement National ce n'est pas de faire vivre le pluralisme comme le réclament les différents candidats, plutôt que d'entretenir le duel avec Marine LE PEN ? Et puis, vous dites que vous prenez les adversaires que les Français vous donnent. Alors, si l'on suit cette logique, seriez-vous prêt à débattre avec Raphaël Glucksmann, qui talonne le camp présidentiel ? Je vous remercie.

Emmanuel MACRON

Bien, je suis un grand défenseur du pluralisme. J'y crois. Je pense que c'est, là, la force de nos démocraties. Et j'ai d'ailleurs aussi toujours prôné, précisément par le respect des idées des autres, le dépassement politique qui est au cœur même de ce que, depuis maintenant huit ans, j'ai bâti.

Permettre au-delà de faire vivre le pluralisme dans le champ politique français, d'aider même des femmes et des hommes qui n'ont pas forcément les mêmes idées à bâtir ensemble. J'ai eu l'occasion à deux reprises de défendre mes idées dans un cadre pluraliste, celui d'une élection présidentielle. Ce que je rappelais simplement à certains de vos confrères, c'est que ce n'est pas moi qui ai choisi un adversaire qui est l'extrême-droite, ce sont les Français qui me l'ont donné à deux reprises au deuxième tour de l'élection présidentielle. Je ne suis pas candidat aux élections européennes. Et donc, je ne cherche pas à débattre avec, dans le pluralisme, tous les candidats aux élections européennes. La tête de liste de la majorité présidentielle le fait et le refera. Par contre, contrairement à beaucoup, je ne m'aboutis pas à l'idée que le Rassemblement National serait un parti comme les autres. Et donc quand il est placé en tête des sondages, je considère que ce parti qui, par ses idées, menace l'Europe précisément parce qu'il est anti-européen par construction et nationalisme, et bien, c'est la responsabilité du président de la République de lever ces ambiguïtés. C'est dans ce cadre-là que j'ai proposé ce débat exceptionnel, mais assumé et strictement dans ce cadre-là. Donc vive le pluralisme et vive tous les candidats ! Mais vive aussi la défense de l'idée de République, la démocratie et l'Europe. Et ne faisons pas de confusion en mettant tout le monde sur le même pied. C'est la position que j'ai toujours défendue, celle que je continuerai de défendre.

C'est pour ça que, défenseur de l'Europe, je considère que c'est ma responsabilité particulière de m'engager dans le débat européen, même comme Président, pour démasquer, si je puis dire, les idées du Rassemblement National, comme l'a d'ailleurs fait le Premier ministre il y a quelques jours. Et c'est important. Parce que je le rappelais tout à l'heure, le paradoxe dans nos pays, c'est que les extrêmes, en particulier des extrêmes droites et des mouvements nationalistes, apparaissent séduire, mais souvent, nos compatriotes oublient que si ces partis avaient été aux responsabilités, tout ce qu'ils saluent de l'Europe, ne serait pas. Si le Rassemblement National et ses confrères, l’AfD ici, et tous les extrêmes, avaient été aux manettes pendant les cinq dernières années : pas de vaccin européen, spoutnik ici, chloroquine ailleurs, pas de réaction face à la guerre d'agression russe en Ukraine, soutien à la Russie, abandon de l'Ukraine immédiat, pas de plan de relance européen, -on est nationaliste, défense chez nous - pas de pacte d'asile et migrations pour nous protéger en frontière commune, là où la France et l'Allemagne, je le rappelle, n'ont aucun immigré qui arrive sur notre sol par parachute ou par mer. Ils arrivent par d'autres frontières, donc il faut de la coopération européenne. Rien de leurs discours ne tient et aurait juste accru les situations difficiles que nous avons connues.

Avec les extrêmes droites en Europe au pouvoir depuis cinq ans : appauvrissement, divisions, soutien de la Russie, abandon de l'Ukraine et moins de démocratie. C'était ça le bilan. Et donc, on ne peut pas venir plaider, en quelque sorte, un plan en prenant tous les dividendes de ceux qui ont fait le contraire, en disant : vous savez, ça va bien se passer avec nous. C'est trop simple. Il faut le démasquer et le débusquer. Voilà. Mais c'est la différence que je fais avec tous les autres candidats du champ républicain. C'est le travail des têtes de liste de débattre avec eux.

Journaliste

Monsieur le Président fédéral, vous avez, tous les deux, parlé de l'importance particulière des relations franco-allemandes. Il y a aussi des personnes dans la politique en Allemagne qui disent que les relations étaient particulièrement mauvaises à l'heure actuelle. Quelle est votre réponse ? Quelle est votre propre analyse ? Monsieur le Président, vous venez de prononcer votre deuxième grand discours sur l'Europe à la Sorbonne. En ce qui concerne votre premier discours, vous n'avez pas reçu de réponse de la part de l'Allemagne. Sur la deuxième, pas vraiment non plus. Est-ce que vous êtes déçu ? Et quelles sont vos attentes envers Berlin ?

Emmanuel MACRON

D’abord, je veux dire pour moi-même que j'ai forgé la même amitié à l'égard de Frank-Walter depuis toutes ces années. Ensuite, vous parliez du discours de la Sorbonne et d'une absence de réponse. Je ne suis pas sûr d'être totalement d'accord. Il n'y a pas eu de réponse formelle, mais c'est très compliqué de répondre formellement au discours d'un autre dirigeant. Mais il y a une réponse en actes. J'ai appelé de mes vœux une Europe plus unie, plus souveraine, plus démocratique.

Deux ans et demi après, avec la chancelière MERKEL, d'abord 6 mois après avec la chancelière MERKEL, nous avons bâti des projets industriels communs sur l'hydrogène, sur la batterie, qui ont permis d'avancer en Europe dès avant Covid. Ensuite, ensemble, quelques semaines après le début du Covid, là où nous avions mis des années à réagir à la crise financière, à trouver un cadre, quelques semaines après la crise du Covid, en franco-allemand, on a bâti un plan de relance. On a dit : on va emprunter ensemble de l'argent. Ce que j'appelais de mes vœux à la Sorbonne. Et on va ensemble emprunter cet argent pour le commun. Et c'est ce qui a permis ensuite d'avoir un succès au sommet de juillet 2020 en Europe. C'est la plus belle des réponses. On l'a fait.

Ensuite, avec le chancelier SCHOLZ, quelques jours après l'agression russe en Ukraine, on a décidé des sanctions et puis après, on a européanisé la chose. Et ensemble, on a décidé, sur le chemin de Kiev, avec deux collègues, - mais ensemble, c'est parce qu'il y a eu cet accord franco-allemand, - d'ouvrir la candidature pour l'Ukraine à l'accession à l'Union européenne. L’Europe plus souveraine aussi. L’Europe qui regarde son risque géopolitique. Et donc, quand je regarde ces dernières années, les 7 dernières années qu’il y a eu depuis le discours de la Sorbonne, de manière très concrète, les accords franco-allemands ont été la meilleure des réponses au discours que j'avais fait. Nous avons avancé sur le chemin d'une Europe plus souveraine et plus unie. Et nous avons su répondre à la crise Covid, répondre à la relance économique, répondre aux grands projets, répondre au défi qu'est l'Ukraine. Maintenant, ce sont les défis qui sont devant nous. Et je le disais il y a quelques semaines et je retrouve d'ailleurs des similitudes à la fois dans ce que le Président STEINMEIER a dit tout à l'heure et a dit dans son discours il y a quelques jours et la force de son engagement pour la défense de l'Ukraine et dans ce qu'a pu dire dans les colonnes de The Economist, le chancelier SCHOLZ, il y a une vraie convergence de vues.

Donc nous ne sommes pas les mêmes. Nous ne pensons pas toujours la même chose. Mais la force de l'Europe, c'est de bâtir des compromis d'avenir et, en particulier, pour le couple franco-allemand. C'est ce que nous avons fait et ce que j'appelle de mes vœux, et j'espère que ce sera des résultats. Je suis confiant de cela, durant ces trois jours, c'est d'avoir une vraie ambition pour la défense de l'Ukraine, la défense et sécurité de notre Europe et bâtir un cadre commun de défense et de sécurité et une vue commune pour la croissance, l'innovation et la compétitivité européenne qui permet de faire face aux défis de l'intelligence artificielle et de la transition climatique. C'est exactement ce que nous avons préparé, ce que nous allons finaliser. Et donc je pense que nous sommes au rendez-vous. Nous avançons résolument. J'essaie d'être un artisan de ce couple, et je pense que nous avons fait, ces dernières années, des choses utiles, je dirais même historiques, quand je fais référence à ces quelques points, à ces quelques décisions que j'évoquais. Et je suis convaincu que nous allons continuer à le faire. C'est pour cela que je suis ici. Nous avons des décisions historiques à prendre. C'est ça la responsabilité de l'Allemagne et de la France. Et c'est selon ces décisions que nous avons à prendre pour notre croissance et notre nouveau modèle de croissance, pour la décarbonation de nos économies, pour notre défense et notre sécurité, pour la vie démocratique et la protection de nos démocraties et pour l'Ukraine.

Journaliste

Bonsoir Messieurs les Présidents. Monsieur STEINMEIER, vous l'avez dit tout à l'heure à la fête de la démocratie, Emmanuel MACRON revient tout juste d'un voyage très loin en Nouvelle-Calédonie. Alors, ma première question est pour vous, Monsieur le Président STEINMEIER : quel regard portez-vous d'Allemagne sur cette crise française ? Et vous, Monsieur le Président, est-ce que vous pouvez clarifier les options qui sont sur la table pour résoudre cette crise ? Vous avez évoqué un point d'étape à la fin du mois de juin. Si aucun accord global n'émerge, que ferez-vous ? Est-ce que c'est à ce moment que vous déciderez de l'opportunité de convoquer un référendum national, vous l'avez aussi évoqué pour faire adopter la révision constitutionnelle qui a déclenché la crise ? Et pourquoi un référendum national plutôt qu'un congrès ?

Emmanuel MACRON

J'ai déjà dit beaucoup de choses sur ce sujet qui est un sujet très important et de préoccupation qui a justifié ce déplacement de cette semaine. Donc, je renvoie déjà à ce que j'ai dit, en particulier dans la conférence de presse conclusive. J'ai confiance dans l'esprit de responsabilité de toutes les parties prenantes. Et donc, je ne vais pas faire de politique fiction pour dire ce qui se passera dans un mois. Quant aux questions de référendum, j'ai juste rappelé ce qu'était la Constitution. C'est qu'une fois qu'un texte constitutionnel, une réforme constitutionnelle est votée dans les mêmes termes par les deux chambres, à ce moment-là, le Président a le choix de la soumettre ou au congrès ou au référendum. C'est une lecture de la Constitution, pas l'expression d'une intention. Et donc la priorité est au calme, au retour au calme, à l’'esprit de responsabilité. C'est ce que j'ai appelé de mes vœux. Un rappel, vraiment, à chacune des parties prenantes à cela.

Journaliste

J’ai une question que j'aimerais poser aux deux. Vous avez souligné les points communs entre la France et l'Allemagne, ce que les deux pays ont atteint. Mais apparemment cela n'était pas suffisant, car il y a un glissement vers la droite en Europe. Avez-vous des conseils en la matière ? Est-ce que vous en avez parlé ? Que doit changer dans les deux pays pour éviter encore davantage de glissement vers la droite en Europe ? Et il y a aussi souvent pour éviter aussi des malentendus dans le quotidien politique. Merci.

Emmanuel MACRON

D'abord, je ne me risquerai pas à une comparaison entre la manière d'appréhender nos extrêmes-droites, parce que nos histoires politiques sont aussi très différentes et c'est un phénomène qui a une autre nature, d'autres composantes. Même si vous avez raison de dire que dans nos deux pays, il y a une montée de l'extrême droite, des extrêmes droites et qu'il y en a, au fond, partout en Europe.

Si je devais essayer de de voir, pour ce qui est de la France et peut-être de manière générique, qu'est-ce qui alimente cette montée ? C'est d'abord la peur, la peur d'un monde qui change et qui donne le sentiment de ne plus contrôler les choses. Qu'il s'agisse du changement climatique et de ses conséquences, du changement des modes de vie, des habitudes que les réponses qu'on apporte peuvent entraîner chez certains, dans l'industrie, l'agriculture ou ailleurs, la peur du changement technologique qui donne le sentiment qu'on ne maîtrise plus tout, que l'information est liquide en quelque sorte et qui produit aussi des effets, je vais y revenir, divers et variés, la peur de l'ouverture au reste du monde, du phénomène migratoire et autres. Et donc ces peurs, quand on les laisse se transformer en colère, ça nourrit les extrêmes.

Ensuite, je pense qu'il y a, et ça, c'est un fait général, les réseaux sociaux, la manière de s'informer et d'échanger dans nos démocraties change. Je pense que, structurellement, elles conduisent aux extrêmes parce que nos réseaux sociaux ont, je dirai, deux effets pour essayer de schématiser les choses. D'abord, dans le merit order, l'émotion négative est plus efficace que l'émotion positive qui est plus forte que l'argument. Et les meilleurs dans le registre de l'émotion négative, ce sont les extrêmes et en particulier l'extrême-droite. La deuxième chose, et ça a été montré, c'est que ces réseaux sociaux alimentent au fond des bulles cognitives et ils cassent l'opinion publique, bloc à bloc. Et au fond, ça détruit la capacité rationaliste dans laquelle nos démocraties s'étaient installées, qui est de dire par la conviction l'explication de la complexité du monde, on va bâtir des différences dans lesquelles le pluralisme va se construire, là où le fonctionnement, je dirai, structurel d'une information et d'un débat qui se joue sur les réseaux sociaux. Mais ils poussent aux extrêmes et ils poussent à l'enfermement dans ces bulles cognitives. Et ça, je crois qu'il faut collectivement qu'on en tire les conséquences pour nos démocraties, sinon elles iront mécaniquement vers le fracas.

Après, sur le fond, je crois qu’il y a, en tout cas modestement, trois formes de réponse pour faire face aux extrêmes, en particulier d'extrême-droite. D'abord, c'est le respect. Je pense que les gens comme ils ont peur, qu’ils sont angoissés, ces peurs peuvent mener à la colère. Il faut écouter, respecter, entendre. Il faut essayer de défendre les choses, démasquer, débusquer les fausses bonnes idées. C'est aussi les respecter, c'est-à-dire ne pas leur servir de la démagogie. Je pense que quand on leur sert de la démagogie pour nourrir leurs peurs, c'est irrespectueux. Mais il faut aussi avoir un cadre respectueux d'écoute, d'échange pour avancer.

La deuxième chose, c'est l'efficacité. Je pense que ce qui nourrit les extrêmes, en particulier l'extrême droite dans nos pays, c'est quand on n'arrive pas à répondre efficacement aux problèmes que les gens ont : de fin du mois, réponse à l'angoisse climatique, de sécurité. Et donc, il nous faut, inlassablement, renforcer notre efficacité. C'est ce que je demande au Gouvernement chaque jour. Mais c'est une réponse très concrète. Et puis, il faut reprojeter les gens dans un rêve commun. Parce que ce qui nourrit aussi les extrêmes, c'est la difficulté dans nos démocraties, c'est pour partie lié aux réseaux sociaux qui la fragmente. Mais ça, c'est notre responsabilité collective. Quel est notre horizon commun ? Le commun souhaitable et désirable pour nous tous, dans lequel on peut se retrouver en large majorité. Je crois que c'est une des meilleures manières de lutter contre la montée des extrêmes et en particulier des extrêmes droites et des nationalismes.

Merci beaucoup.

Le chef de l'État et son épouse Brigitte Macron ont ensuite participé à un événement dédié à l’été franco-allemand du sport, puis ils ont été accueillis par le bourgmestre-gouverneur de Berlin à la porte de Brandebourg. 

Événement dédié à l’été franco-allemand du sport à Berlin.

En fin de journée, ils se sont rendus à nouveau au Château de Bellevue pour un dîner d’État offert par le Président de la République fédérale d’Allemagne.

Revoir les propos des deux dirigeants : 

26 mai 2024 - Seul le prononcé fait foi

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Toast du Président de la République lors du dîner d’État offert par le Président de la République fédérale d’Allemagne.

Monsieur le Président, cher Frank-Walter,
Chère madame, chère Elke,
Madame la Présidente du Bundestag,
Monsieur le Chancelier fédéral, cher Olaf,
Madame la Présidente du Bundesrat,
Monsieur le président de la Cour constitutionnelle fédérale,
Madame la Chancelière, chère Angela,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités.

Merci, cher Frank, pour le formidable accueil que tu nous as réservé aujourd'hui, à mon épouse et à moi-même, qui nous touche profondément et à travers nous, tout, notre pays.

C'est un grand honneur et une joie toute particulière de nous trouver parmi vous dans ce château de Bellevue.

Dans le discours que tu viens de donner et à plusieurs reprises, tu as fait écho entre ces mots qui ne se traduisent pas tout à fait, mais disent quelque chose de la complexité des relations et du chais, à s'entendre, il y a comme en écho le nom même de ce château : Bellevue. Un nom français pour un château allemand où le Président fédéral accueille le Président français. Existe-t-il plus beau symbole des liens qui unissent nos pays ?

Je mesure l'honneur qui nous est fait, cher Frank-Walter, en m'invitant cet après-midi à la clôture des célébrations organisées pour le 75ᵉ anniversaire de votre Constitution, la Grundgesetz. Nous y avons ressenti tout à l'heure, ensemble, la vitalité de nos démocraties à travers les témoignages précieux de femmes et d'hommes qui y contribuent, de nos jeunesses aussi. Nous y avons ressenti de manière sensible l'amitié entre l'Allemagne et la France, qui est d'abord une amitié entre des peuples, faite d'échanges, de circulations, de partenariats économiques, de coopérations culturelles, de dialogues croisés.

Cette amitié franco-allemande se révèle également, Monsieur le Président, dans la richesse de ces échanges et se transmet au travers des liens qui unissent notre jeunesse qui incarne à la fois continuité et renouvellement de notre amitié.

Que de chemin accompli depuis ce choix historique et courageux du Président de Gaulle et du chancelier Adenauer de bâtir un chemin de réconciliation et de regarder l'avenir pour cette génération qui avait fait la guerre. Pour les jeunes Français, l'Allemagne n'est pas seulement das Land der Dichter und der Denker, mais c'est également das Land der DJs und der Mannschaft, le vivier, en effet, des meilleures boîtes de nuits électro, des artistes les plus pointus, des plus redoutables joueurs de football d'Europe - aux côtés bien sûr des Bleus. Et de Cannes à la Berlinale, du théâtre de l'Odéon à la Schaubühne, du Stade de France à l'Allianz Arena, nous ne cessons de vibrer ensemble, de croiser nos spectateurs, nos goûts, nos idées, nos acteurs, nos metteurs en scène, nos joueurs.

Je pense aussi en évoquant ces liens à celui, exceptionnel, qui nous unit grâce aux formidables succès d'Arte qui montrent dans ce domaine aussi que lorsque l'Allemagne et la France décident de faire ensemble, elles sont une force d'entraînement pour toute l'Europe. C'est pour cela que je suis convaincu qu'Arte peut devenir la plateforme audiovisuelle de référence, la plateforme de tous les Européens. Parce que je pense que la coopération franco-allemande en la matière est féconde, qu'elle peut permettre de promouvoir la richesse de notre patrimoine culturel européen, l'apprentissage des langues européennes et qu'ensemble nous avons décidé, Allemagne et France, de promouvoir une étape nouvelle pour Arte et d'en faire en quelque sorte cette plateforme en demandant aux Européens d'aider à ces coproductions nouvelles.

Enfin, cet été - vous l'avez dit Monsieur le Président - sera marqué par le sport. Nous, Français, n'avons en effet pas manqué de remarquer cette délicate attention allemande qui consiste à avoir programmé la finale de l'euro le jour même de notre fête nationale, le 14 juillet. Nous espérons bien avoir deux fêtes à célébrer ce jour-là. À peine douze jours plus tard, le 26 juillet, ce sera au tour de Paris d'être à la fête avec la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques, puis des Jeux Paralympiques.

Au-delà du sport, cette année 2024 est importante dans notre histoire commune, car elle sera marquée par de nombreuses commémorations des événements qui se sont déroulés, en particulier en 1944. Nous nous retrouverons avec le chancelier Olaf SCHOLZ en Normandie pour le 80ᵉ anniversaire du débarquement, puis avec le président Frank-Walter STEINMEIER à Oradour-sur-Glane, le 10 juin, pour commémorer le massacre qu'il y a eu lieu.

Monsieur le Président, si ce lien franco-allemand a traversé le XXᵉ siècle, s'il en est ressorti renforcé, nous savons désormais qu'il est à l'épreuve de tout sauf de l'habitude, sauf de l'indifférence, qui sont au fond plus insidieuses parfois que l'hostilité même. Aussi, nous devons chérir la conscience de ces affinités à part, comme il en exista rarement entre deux peuples si proches et pourtant si différents, cultiver cette convergence unique entre deux anciens rivaux, désormais alliés, ces frères ennemis nés du même empereur Charlemagne, changés en République, sœurs par les douleurs et les grandeurs de l'histoire.

Je forme le vœu que cette visite d'État permette d'ouvrir un nouveau chapitre de notre amitié, comme le traité d'Aix-la-Chapelle que nous avons signé ensemble il y a 5 ans, qui nous avait donné un cadre rénové de nos échanges. Vous l'aviez dit peu après l'agression russe en Ukraine. Nous vivons une Epochenbruch, Zeitenwende, selon les termes du chancelier.

Il est clair aujourd'hui que nous ne pouvons retrouver la maîtrise de nos destins qu'en conjuguant nos forces et en agissant ensemble pour l'Europe. Et je sais que l'Allemagne et la France peuvent mettre en commun leurs forces au service d'une ambition nouvelle pour l'Europe, comme nous l'avons fait par exemple lors de la pandémie en 2020 dans un accord franco-allemand inédit qui précéda de quelques semaines un accord européen qui l'était tout autant, comme nous l'avons fait en 2022, dès le début de la guerre d'agression pour affirmer sa souveraineté, pour renforcer sa sécurité face au retour de la guerre sur notre continent, pour réinvestir dans sa croissance, pour innover davantage, pour réussir le défi climatique, pour porter les valeurs démocratiques et nos cultures qui font le socle de notre appartenance européenne. Oui, l'ambition commune de l'Allemagne et de la France sont décisives. Sur chacun de ces grands défis qui se posent à chacun de nous et à l'Europe, la France et l'Allemagne doivent montrer la voie.

Goethe disait, me semble-t-il, « Kunst und Wein dienen der Annäherung der Völker ». Ce n'est pas ce dîner magnifique qui prouvera le contraire. Ce n'est surtout pas nous, Français, qui allons le contredire. Mais l'exemple de nos deux pays nous fait comprendre plus encore l'importance de l'histoire et de la volonté qui l'écrivent chaque jour, quelle que soit leur position, quelle que soit leur mission.

Les défis sont immenses, mais le sentiment qui nous unit et que je sens déjà dans cette salle, est le même pour dire que les différences et les mots intraduisibles que tu as pris dans ton discours et auxquels je veux ici répondre de manière plus improvisée, disent exactement la chance de notre amitié. Madame de Staël, de l'Allemagne, a fait un très beau texte pour parler de votre pays, mais dans des textes plus intimes elle expliquait que quand elle cherchait certains mots d'amour, certains non pour dire sa sensibilité, elle allait les chercher en allemand. C'était avec Benjamin Constant, un autre grand esprit européen.

Mais ceci dit, de ce cheminement qui fait que dans nos intraduisibles, il y a une partie de cette histoire d'amitié et d'amour, c'est ce que je veux pour nous. Nous irons chercher dans nos mots l'un, l'autre, ce qui nous permettra d'inventer notre avenir.

Permettez-moi donc, avec mon épouse, de lever à notre tour notre verre au rapprochement de nos peuples et à ceux qui le servent.

Lieber Herr Bundespräsident, lieber Frank-Walter,

Noch einmal ganz herzlichen Dank für den wunderbaren Empfang sowie für das besonders reichhaltige und eindrucksvolle Programm, das Sie uns bereitet haben.

Vive l'amitié franco-allemande ! Es lebe die deutsch-französische Freundschaft!

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