Réunis à Belém, au cœur de l’Amazonie, nous, le Brésil et la France, pays amazoniens, nous avons décidé de nous allier pour promouvoir une feuille de route internationale pour la protection des forêts tropicales, avec comme ligne de mire la COP30 qui se tiendra ici même dans moins de deux ans.
Nous sommes conscients de l’impact dévastateur d’un dépassement de 1.5° C de la température moyenne à la surface du globe par rapport aux niveaux préindustriels, en particulier pour l’extrême pauvreté et la faim dans le monde, mettant en péril l’atteinte des objectifs de l’Agenda 2030. Nous savons que le respect de l’Accord de Paris qui contribue à mettre en œuvre la Convention-Cadre des Nations unies sur les Changements Climatiques, dépend de notre capacité collective à réduire massivement nos émissions, y compris à mener une sortie progressive, équitable et ordonnée des énergies fossiles.
Nous savons aussi qu’il est urgent de mettre fin et d’inverser la déforestation d’ici 2030, en privilégiant la restauration des écosystèmes dégradés, d’investir au plus vite dans nos puits de carbone naturels et de protéger la biodiversité. C’est pourquoi notre ambition commune est de proposer et de promouvoir à l’échelle internationale un agenda innovant et transformationnel sur la façon dont nous comptons collectivement soutenir et financer de façon pérenne la gestion durable des forêts et le développement durable de leurs territoires, par la création d’emplois et d’opportunités économiques alternatives.
Notre ambition est de transformer l’économie et d’investir dans l’innovation, en dépassant une approche centrée sur la seule conservation. Nous croyons urgent de focaliser nos efforts d’ici à la COP30 sur la mise en place d’un modèle de bioéconomie qui prenne en compte les trois dimensions du développement durable – sociale, économique et environnementale – et qui permette d’inverser durablement la perte de biodiversité à l’échelle internationale, de lutter contre le changement climatique, mais aussi de contribuer à éradiquer la faim et la pauvreté.
À cet égard, notre stratégie contribue à la mise en œuvre du « Pacte de Paris pour les Peuples et la Planète » et des initiatives et priorités de la présidence brésilienne du G20.
Nous sommes convaincus de l’urgence mais aussi du caractère structurant de ce chantier pour l’économie. L’enjeu est d’investir, d’échanger, d’utiliser des technologies et des modes de consommation et de production durables, pour que la mise en valeur du capital naturel soit placée au cœur des stratégies publiques et privées. Ce chantier devra s’incarner dans les années à venir par, entre autres, des accords de coopération, de nature économique, technologique et scientifique entre les pays qui s’engagent pour la conservation et la gestion durable des forêts et pour la promotion des moyens de subsistance des personnes qui vivent dans les forêts et grâce aux forêts.
Ensemble, nous visons d’ici à la COP30, la mise en œuvre d’une feuille de route bâtie sur les axes suivants :
1) Premièrement, nous défendrons ensemble, dans le cadre de la présidence brésilienne du G20, un grand plan d’investissement mondial, public et privé, dans la bioéconomie.
Ce plan doit permettre d’investir dans la conservation et la gestion durable des forêts et l’aménagement et la valorisation économique des écosystèmes et territoires forestiers, dans les technologies fondées sur les ressources biologiques et les pratiques agro-écologiques et les connaissances traditionnelles, la formation, la création d’emplois et la recherche nécessaire pour faire émerger des filières durables à fort potentiel sur les marchés domestiques et extérieurs, dans tous les secteurs de l’économie forestière, y compris l’agriculture, qui contribuent à la conservation, à la gestion durable et/ou à la restauration de la forêt et la biodiversité et placent les peuples autochtones et les communautés locales au cœur des prises de décisions. Ce plan peut et doit être compatible avec un objectif d’augmentation des capacités de séquestration de CO2 des forêts, de réduction des émissions de CO2 dans le secteur forestier et de protection et gestion durable de la biodiversité.
2) Deuxièmement, nous lançons un grand programme d’investissement dans la bioéconomie à l’échelle de l’Amazonie brésilienne et guyanaise, qui visera à lever 1 milliard d’euros d’investissement publics et privés dans la bioéconomie sur les quatre prochaines années.
Ce programme reposera sur plusieurs composantes clés :
- Un dialogue entre les administrations françaises et brésiliennes sur les enjeux de bioéconomie
- Un partenariat technique et financier entre les banques publiques brésiliennes, dont la BASA et la BNDES, et l’Agence française de développement, présente au Brésil et en Guyane
- La nomination de fédérateurs pour les entreprises françaises et brésiliennes les plus en pointe dans le domaine de la bioéconomie
- Un nouvel accord scientifique entre la France, et le Brésil, opéré par le CIRAD et l’Embrapa, et le développement de nouveaux projets de recherche dans ce cadre sur les filières durables, incluant la Guyane.
- La création d’un hub de recherche, d’investissement et de partage dans les technologies clés pour la bioéconomie, qui pourra s’appuyer sur le renforcement du Centre Franco-Brésilien de la Biodiversité Amazonienne (CFBBA) et une mise en réseau des universités françaises et brésiliennes sur ces sujets.
3) Troisièmement, nous défendrons ensemble les plus hauts standards pour l’établissement d’un marché carbone capable de rémunérer les pays forestiers qui investissent dans la restauration des puits naturels.
La promesse de l’article 6 de l’Accord de Paris pour un marché du carbone efficace et réglementé par les Nations unies doit pour cela être tenue. Nous appelons les États à faire preuve d’ambition et à finaliser au plus vite cette négociation, afin de permettre le financement des projets de haute intégrité environnementale et sociale, alignés avec l’accord de Paris au profit des pays forestiers les plus investis dans la protection et la restauration de leurs forêts.
Nous lançons à Belém une coalition de haut standard pour les marchés carbone (High Standard Coalition), qui concentrera notamment ses efforts sur la lutte contre le « greenwashing » sur le marché volontaire et sur la finalisation des négociations portant sur l’article 6 de l’Accord de Paris d’ici à la COP29, afin d’établir un marché réglementé du carbone efficace et transparent, reposant sur le plus haut niveau de standard.
4) Quatrièmement, nous défendrons ensemble des partenariats innovants à travers le monde pour financer la protection des forêts tropicales et de la biodiversité.
Nous sommes convaincus de la nécessité absolue de protéger les forêts tropicales et la biodiversité selon les objectifs de la Convention sur la Diversité Biologique et de son Cadre Mondial pour la Biodiversité de Kunming-Montréal.
Nous sommes, dans le même temps, conscients du besoin d’inventer de nouveaux partenariats et de nouveaux instruments pour financer cette protection à travers le monde :
- Nous réaffirmons notre soutien à REDD+ ainsi qu’aux partenariats forestiers innovants qui ont été lancés avec une série de premiers pays forestiers visant à financer la conservation des écosystèmes forestiers
- Nous explorerons ensemble l’objectif d’une facilité internationale de financement pour la conservation des forêts tropicales (Tropical Forests Forever Fund), qui doit permettre sur la base d’investissements d’institutions financières privées et de fonds souverains, de dégager des ressources pour financer la protection des forêts tropicales à l’échelle globale.
- La France et le Royaume-Uni ont proposé au Brésil de nommer un nouveau membre du panel international sur les crédits biodiversité, portant ainsi à deux le nombre de membres de nationalité brésilienne au sein de cette initiative visant à définir un cadre permettant d’accompagner le développement d’instruments de marché susceptibles d’encourager le financement par le secteur privé de la protection et restauration de la biodiversité.
- Ensemble - la France et le Brésil – nous ferons de nos propres parcs nationaux en Amazonie une vitrine d’excellence à l’échelle internationale. Nous annonçons notre intention d'établir un partenariat institutionnel afin de promouvoir et renforcer la coopération entre le Parc amazonien de Guyane et le Parc national des Montagnes du Tumucumaque. Dans ce cadre, nous stimulerons notre coopération scientifique, y compris avec l’objectif d’approfondir nos connaissances scientifiques de la biodiversité locale, et nous renforcerons notre coopération pour lutter contre l’orpaillage illégal et la biopiraterie et le trafic illicite d’espèces sauvages.
Enfin, nous défendrons ensemble un agenda international renforcé pour l’atteinte de l’ODD 6 sur l’accès universel et équitable à l’eau propre, l’hygiène et l’assainissement. Dans ce contexte, nous prenons note du One Water Summit qui sera organisé par la France et le Kazakhstan en marge du segment de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2024. Nous nous félicitons de la signature de la seconde phase du projet Bioplateaux, programme important pour la gestion des ressources hydriques dans le bassin de l’Oyapock.
5) Cinquièmement, nous mettrons les femmes, les hommes et les enfants des peuples autochtones et communautés locales au cœur de nos prises de décision.
Il ne peut y avoir de stratégie internationale sur la protection et la mise en valeur de forêts tropicales qui ne mette pas, au cœur des prises de décisions, les peuples autochtones et communautés locales car ce sont ces femmes, ces hommes, ces enfants qui connaissent le mieux la forêt, qui ont un intérêt vital à la protéger et qui y vivent au quotidien.
Nous soutiendrons les peuples autochtones et les communautés locales en Amazonie, qui jouent un rôle essentiel dans la protection de la biodiversité via leurs connaissances traditionnelles et pratiques de gestion de la forêt.
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