Le Président Emmanuel Macron a réuni 27 chefs d’État et de gouvernement ou leurs représentants ministériels, à l’occasion d’une conférence de soutien à l’Ukraine, ce lundi au Palais de l’Élysée.
Le Président Zelensky s'est adressé aux dirigeants dans un message vidéo et leur a demandé d'amplifier leur soutien.
C'est de notre soutien à l'Ukraine et de notre sécurité collective dont nous parlons.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) February 26, 2024
Un sursaut est nécessaire de notre part à tous. pic.twitter.com/nBEIBN6bjT
Deux ans après le début de l'invasion de l'Ukraine, les participants ont réaffirmé leur unité ainsi que leur détermination à faire échec à la guerre d’agression menée par la Russie en Ukraine.
Revoir le propos introductif du Président :
27 février 2024 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de soutien à l'Ukraine.
Emmanuel MACRON
Bonjour à toutes et tous, et merci d'être là. Je vais juste dire quelques mots d'introduction pour caler cette discussion et en donner le cadre puis nous aurons une vidéo de quelques minutes qui est envoyée par le président ZELENSKY avant de commencer nos travaux.
En tout cas, je voulais remercier l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement, ministres présents aujourd'hui à Paris. Et si nous sommes ici tous réunis, c'est que nous sommes convaincus, depuis le premier jour de cette guerre, que ce qui se joue en Ukraine est non seulement capital pour l'Ukraine, mais aussi pour notre sécurité collective et pour la défense d'un ordre international qui est fondé sur le droit.
L'Ukraine a déjà réussi grâce à la résistance héroïque de ses soldats, grâce aussi à notre soutien et aux mesures qui ont été prises dès les premiers jours, à mettre en échec les desseins de la Russie. L'opération spéciale qui, il y a deux ans, devait durer trois semaines, est encore en cours, avec des positions qui sont aujourd'hui stabilisées sur le front.
Et au moment où nous nous parlons, il faut aussi féliciter certains de nos collègues puisque se joue en ce moment le vote au Parlement de Hongrie qui va permettre à la Suède - et j'en félicite le ministre des Affaires étrangères qui représente ici son Premier ministre et son pays - qui va donc permettre à la Suède de joindre l'OTAN. En deux ans, la Suède et la Finlande ont donc rejoint notre organisation. Félicitations à votre pays.
Dans le même temps, nous voyons, et tout particulièrement ces derniers mois, un durcissement de la Russie, durcissement qui s'est manifesté en matière de politique intérieure et qui s'est malheureusement cruellement illustré à travers la mort d’Alexeï Navalny - nous l'avons tous formellement condamnée, mais elle a signé la trace de ce durcissement - mais à travers la poursuite des opposants politiques, l'interdiction des opposants politiques aux élections, la mort donc d’Alexeï Navalny, l'interdiction supplémentaire de nouvelles structures, il y a un durcissement manifeste.
Sur le front ukrainien, les positions sont de plus en plus dures et nous savons aussi que la Russie prépare des attaques nouvelles, en particulier pour sidérer l'opinion ukrainienne, mais est en train de durcir sa position.
Nous avons tous subi de manière accrue ces derniers mois des attaques en termes informationnels et en termes cyber encore accrues. Et en parallèle, j'ai pu noter qu'à peu près tous les pays représentés autour de cette table ont pu dire, à travers la voix de leurs dirigeants ou de leurs ministres ou d'éminentes personnalités, comme d'ailleurs beaucoup des organisations internationales auxquelles nous prenons part, ont pu dire que le consensus, l'analyse collective était que, d'ici à quelques années, il fallait s'apprêter à ce que la Russie attaque lesdits pays.
Et donc très clairement, la lucidité est là et le constat collectif est que, au fond, notre sécurité à tous est aujourd'hui en jeu.
L'Ukraine est aujourd'hui déterminée, elle a besoin de nous, au-delà de ce que nous avons déjà fait, avec des efforts budgétaires, économiques, capacitaires qui sont déjà considérables.
Mais compte tenu de ce que je viens de dire, nous sommes aujourd'hui, pas simplement à une date qui marque un peu plus des deux ans du début de cette guerre d'agression russe en Ukraine, nous sommes sans doute plutôt à coup sûr au moment d'un sursaut qui est nécessaire de notre part à tous, compte tenu de la transformation de la menace d'un point de vue militaire et stratégique.
Le cadre de la discussion qui sera la nôtre s'inscrit dans des éléments aussi de continuité. Mais ce sursaut doit être clair.
D'abord, la Russie ne peut ni ne doit gagner cette guerre en Ukraine pour l'Ukraine elle-même.
Deuxièmement, nous sommes en train d'assurer notre sécurité collective, d'aujourd'hui et de demain. Et donc de manière très claire et encore plus claire qu'hier, compte tenu des attaques que nous subissons, c'est aussi notre sécurité dont nous parlons.
Troisièmement, nous sommes tous d'accord sur le fait que nous ne souhaitons pas entrer en guerre avec le peuple russe et que nous sommes déterminés à garder la maîtrise de l'escalade, comme nous l'avons fait avec succès depuis le début du conflit.
Forts de ces principes, conscients que le moment implique des décisions fortes et un sursaut, l'objectif de l'échange de cet après-midi est d'une part, évidemment, de partager tous les éléments utiles à la caractérisation de la situation que nous vivons à son constat, de voir sur le plan national et collectif, comment nous pouvons faire plus : plus en soutien budgétaire, plus en soutien militaire, plus en capacité mise à disposition et en poursuite aussi des accords bilatéraux - comme plusieurs d'entre nous en ont déjà signés ces derniers temps - à égard et avec l'Ukraine.
Et puis, nous aurons un deuxième temps de discussion autour de la question comment aussi faire différemment en fonction des besoins exprimés par les Ukrainiens dans la période qui s'ouvre aujourd'hui ?
Voilà les quelques éléments que je souhaitais ici apporter pour cadrer cette discussion stratégique et opérationnelle qui — je crois pouvoir le dire en remerciant chacune et chacun autour de cette table — est marquée par la détermination complète qui est la nôtre de ne jamais voir la Russie emporter ce conflit et d'être aussi longtemps que nécessaire aux côtés de l'Ukraine et de son peuple.
Je vais proposer maintenant qu'on puisse nous diffuser le message qui a été envoyé par le Président ZELENSKY.
Cette conférence était l'occasion de partager le constat de la profonde déstabilisation causée par la Russie et de son agressivité renouvelée contre l'Ukraine et contre l'Europe.
Elle a permis également aux dirigeants d'étudier les moyens disponibles pour répondre avec toujours plus de rapidité et d’efficacité aux besoins de l’Ukraine et de son peuple.
Les dirigeants se sont mis d'accord autour de cinq catégories d'actions sur lesquelles il y a un consensus pour prendre de nouvelles initiatives :
- le cyberdéfensif ;
- la coproduction d'armement en Ukraine ;
- la défense de pays menacés directement par l'offensive russe en Ukraine, en particulier la Moldavie ;
- la capacité de soutenir l'Ukraine à sa frontière avec la Biélorussie avec des forces non militaires ;
- les opérations de déminage.
Le chef de l'État a insisté sur le fait qu'il fallait aller plus vite sur l’économie de guerre, à commencer par les munitions, les systèmes de défense sol-air et les missiles à moyenne et longue portée, et que rien ne devait être exclu pour faire échec à la guerre d’agression menée par la Russie en Ukraine.
Revoir la conférence de presse :
27 février 2024 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de soutien à l'Ukraine.
Emmanuel MACRON
Bien, messieurs les ministres,
Mon général,
Mesdames, messieurs, en vos grades et qualités,
Mesdames, messieurs.
Merci beaucoup pour votre présence ce soir. Nous avons donc réuni 27 États, dont 21 chefs d'État et de gouvernement ce soir à Paris suite à l'analyse qui est la nôtre et à ce que j'avais exprimé il y a maintenant quelques jours aux côtés du président ZELENSKY dans cette salle même, à savoir le changement de posture à nos yeux de la Russie.
Je constate d'abord qu'il y a unité de vue sur ce constat, celui que la Russie poursuit la guerre, réitère ses objectifs de conquête territoriale et a adopté une attitude plus agressive non seulement en Ukraine, mais contre nous tous en général. Cette attitude de la Russie, ce danger accru, ce durcissement russe, je l'ai caractérisé tout à l'heure dans mon propos introductif. Je n'y reviendrai pas. Je pourrais éventuellement le détailler dans le cadre de vos questions. Il fait l'objet d'un consensus, d'une unanimité entre tous les États qui étaient présents ce soir.
Nous avons entendu ensuite la demande du président ZELENSKY, au début de notre réunion, d'amplifier notre soutien. Nous avons la conviction, en effet, que la défaite de la Russie est indispensable à la sécurité et la stabilité en Europe. Et au fond, ce qui se joue aujourd'hui est évidemment, d'une part, le théâtre des opérations en Ukraine – c'est-à-dire la possibilité pour l'Ukraine de résister à toute nouvelle offensive russe, de résister à tout aléa dans les mois qui viennent, mais également la possibilité pour les Européens de définir leur propre sécurité collective. Concept souvent brandi, notion souvent avancée : c'est maintenant une réalité. La question est de savoir si nous sommes capables ou pas. Ma conviction est oui. C'était l'un des objectifs de la réunion de ce soir. Nous sommes résolus en effet à faire tout ce qui est nécessaire aussi longtemps que nécessaire. C'est pour moi le point essentiel de ce soir.
La première partie de notre discussion a été sur, au fond, faire plus, et il y avait un large consensus pour faire ensemble encore davantage et plus vite. Avec d'abord un point sur les financements. Plusieurs d'entre nous avons déjà signé des accords bilatéraux avec l'Ukraine. Nous avons invité tous les autres à suivre ce mouvement. Six sur 32 États qui s'étaient engagés à Vilnius ont aujourd'hui signé des accords bilatéraux. Il est important de poursuivre ce mouvement et d'accroître les financements qui sont les nôtres. Et je le dis pour nous, Européens, quand on regarde aujourd'hui la réalité des chiffres, elle fut rappelée ce soir, 30 % des financements sont européens. Nous devons faire davantage. C'est ce qui a conduit au choix de la France, de l'Allemagne et de quelques autres. Cela doit être suivi d'effets. Déployer donc davantage de financements bilatéraux, déployer aussi davantage de financements européens, c'est le sens de la décision que nous avons prise au sein de l'Union européenne avec la Facilité européenne de paix et l'accord de février, début de ce mois, à Bruxelles. Mais il y a plusieurs pistes qui sont sur la table que la France soutient, celle par exemple de la Première ministre d'Estonie qui propose d'avoir des émissions communes de dette pour financer nos initiatives militaires de soutien à l'Ukraine et donner de la visibilité à nos industriels. Le consensus est là en tout cas pour dire que nous devons déployer et mobiliser davantage de financements, comme la France l'a fait ces derniers jours, et donner de la visibilité sur plusieurs années aux Ukrainiens.
À côté de cela, le consensus a été fort aussi pour dire que nous devons aller encore plus fort sur une économie de guerre. Nous le faisons en France depuis deux ans. Nous l'avons réussi sur certaines composantes. La France, par exemple, mène cette coalition pour l'artillerie avec de vrais résultats et une économie de guerre qui s'est organisée. Force est de constater qu'aujourd'hui, nous tous, Européens, non Européens d’ailleurs qui soutenons l’Ukraine, avons encore des marges de manoeuvres et nous devons aller plus vite et plus fort sur cette thématique. La priorité des priorités est la question des munitions. Nous l’avons largement mobilisé pour ce qui est du domaine de l’artillerie – coalition sur laquelle nous avons, comme vous le savez, justement ce rôle d’impulsion. Mais nous nous sommes tous engagés autour de la table à aller au bout des stocks qui sont encore disponibles, à identifier les pays tiers qui sont mobilisables, dans les différentes catégories de munitions, et à aller vers aussi toutes les solutions nouvelles proposées pour aller solliciter des pays tiers en même temps que nous avons tous pris conscience de la nécessité de faire face à la rareté de certaines composantes – en particulier les poudres.
Deuxième élément, ce sont les systèmes de défense sol-air sur lesquels là aussi, nous devons mobiliser davantage et qui font partie des besoins ukrainiens. Et troisième élément, ce sont tous les missiles et bombes à moyenne et longue portée qui sont extrêmement importantes pour les Ukrainiens et sur lesquels les besoins sont là. Vous le savez, la France en a livré plusieurs. Et donc nous avons là aussi pris des décisions concrètes. Au total, nous avons aujourd'hui huit coalitions capacitaires qui existent. Nous avons acté de renforcer sur ces huit coalitions capacitaires, la dimension munition et d'avoir une impulsion immédiate sur ce sujet, de redonner une impulsion à la coalition défense sol-air sur laquelle un besoin a été explicité par le président ukrainien, et de créer ce soir une neuvième coalition, une coalition pour les frappes dans la profondeur, et donc missiles et bombes de moyenne et longue portée. Nous allons organiser cette coalition à partir de ce soir pour mobiliser toutes les bonnes volontés et les États qui ont des capacités qui ont commencé ou sont prêts à livrer des équipements nouveaux.
Nous avons ensuite, dans un deuxième temps de la discussion, abordé la nécessité de faire différemment. En effet, nous voyons bien que nous sommes à un moment critique du conflit qui nous impose de prendre l'initiative. Nous sommes à un moment où l'Ukraine est soumise à une très forte pression, qui nous impose de ne pas simplement être en réaction, mais à aider l'Ukraine justement à prendre des initiatives. Et à un moment où il y a des incertitudes stratégiques qui sont là, sur la capacité américaine à décider d'une aide supplémentaire, sur le résultat aussi des élections américaines et sur la nécessité donc de recréer un engagement stratégique de notre part, une mobilisation plus forte aux côtés de l'Ukraine pour montrer que l'ensemble des alliés qui sont prêts à le faire, c'est le cas de la France, seront là résolument, aussi longtemps que nécessaire et quoi que cela exige.
Ceci nous a conduit, après une discussion très stratégique et prospective, à nous mettre d'accord sur cinq catégories d'actions sur lesquelles il y a un consensus pour faire, pour prendre de nouvelles initiatives : le cyberdéfensif, la coproduction d'armements, de capacités militaires, de munitions en Ukraine, la défense de pays menacés directement par l'offensive russe en Ukraine, en particulier la Moldavie, la capacité de soutenir l'Ukraine à sa frontière avec la Biélorussie avec des forces non militaires, et les opérations de déminage. Sur ces cinq axes, un consensus s'est détaché pour agir ensemble, faire davantage avec une volonté de garder un cadre clair, que je veux ici rappeler en trois points très simple : la Russie ne peut ni ne doit gagner cette guerre dont elle est l'unique agresseur et celle qui en a décidé le début et la conduite ; le deuxième point, la Russie, de fait aujourd'hui, menace notre sécurité collective par ses actions en Ukraine et ses attaques multiples hybrides à notre égard ; et le troisième point, nous voulons maîtriser toute communication et évidemment éviter toute escalade. Rappel étant fait que nous ne sommes pas en guerre avec le peuple russe mais que nous ne voulons simplement pas les laisser gagner en Ukraine. Sur ces cinq points, nous allons donc poursuivre en même temps que sur les premiers sujets de notre travail commun, en nous coordonnant très étroitement avec les Ukrainiens. Sur tous ces sujets, nous sommes convenus que donc les ministres français de la Défense et des Affaires étrangères inviteraient tous leurs collègues ici présents, ainsi que tous ceux qui sont partenaires potentiels et qui sont en état de contribuer à ces actions et qui sont désireux de le faire, de s'y joindre, les réuniront pour pouvoir décliner opérationnellement les initiatives qui ont été prises ce soir.
Ceci redit notre détermination à tous, plus encore qu'hier, quelques jours après les deux ans en début de cette agression russe, de soutenir l'Ukraine, de permettre à l'Ukraine justement de négocier dans les meilleures conditions la paix et le retour à sa souveraineté pleine et entière et à son intégrité territoriale, et notre volonté, concrètement, de bâtir notre sécurité collective. Je vais maintenant répondre à toutes vos questions.
Journaliste
Bonsoir Monsieur le Président. Deux très petites questions. Sur les propos du Premier ministre slovaque qui, avant cette conférence d'aujourd'hui, évoquait la possibilité d'envoyer des troupes au sol occidentales en Ukraine. Est-ce que cela a été discuté aujourd'hui ? Qu'est-ce que vous en pensez et qu'en est-il ? Et deuxième question sur la proposition de la République tchèque d'envoyer des centaines… enfin de sourcer, pardon, des centaines de milliers d'obus qui seraient achetés et donc des munitions qui seraient achetées à des acteurs non européens, est-ce que la France pourrait participer à cette initiative ? Les Néerlandais ont indiqué vouloir y mettre une centaine de millions d'euros. Et qu'est-ce que vous pensez de cette initiative-là ? Est-ce qu'on ne pourrait pas passer par des fonds européens ? Merci.
Emmanuel MACRON
Sur la première question, tout a été évoqué ce soir de manière très libre et directe. Il n'y a pas de consensus aujourd'hui pour envoyer de manière officielle, assumer et endosser des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu'il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre. Je le dis ici avec à la fois détermination, mais aussi avec l'humilité collective que nous devons avoir quand on regarde les deux années qui viennent de s'écouler.
Beaucoup de gens qui disent : « jamais, jamais » aujourd'hui, étaient les mêmes qui disaient : « jamais, jamais des tanks, jamais, jamais des avions, jamais, jamais des missiles de longue portée, jamais, jamais ceci … » il y a deux ans. Je vous rappelle qu'il y a deux ans, beaucoup autour de cette table disaient : nous allons proposer des sacs de couchage et des casques. Aujourd'hui ils disent : il faut faire plus vite et plus fort pour avoir des missiles et des tanks. Ils ont l'humilité de constater qu'on a souvent eu 6 à 12 mois de retard. C'était l'objectif de la discussion de ce soir. Donc tout est possible si c'est utile pour atteindre notre objectif.
Pour ce qui est ensuite de la proposition tchèque, elle est totalement cohérente avec ce que nous avons fait et ce que nous menons sur l'artillerie. Nous avons d'ailleurs sollicité des États non membres de l'Union européenne pour arriver à des solutions qui sont les nôtres, et donc nous participerons à cette initiative là aussi, nous allons rentrer dans le détail dans les 10 jours à venir, mais nous sommes totalement ouverts à cela. Le seul objectif, c'est l'efficacité pour aider les Ukrainiens.
Journaliste
Bonsoir Monsieur le Président. Je vais lancer un nouvel hebdomadaire avec des personnes en situation de handicap mental. Donc ça montre comment la stratégie TND avance depuis 2018 et qu'il est possible d'entreprendre quand on est autiste, dys ou TDAH aujourd'hui en France. Ma première question va porter sur les importations et les exportations en Russie actuellement, puisqu'on voit qu'un ensemble d'acteurs économiques Européens exportent toujours des produits en Russie, notamment dans le secteur alimentaire et un ensemble d’acteurs du secteur militaire aussi, puisque Le Figaro a fait un papier ce matin pour expliquer comment des armes russes contenaient des éléments fabriqués en Occident. Et ce qui fait qu’il y a une réelle difficulté parfois à différencier les armes occidentales offertes aux Ukrainiens et les armes russes sur les territoires de guerre. Donc aujourd'hui, est-ce que vous pensez que les sanctions sont assez conséquentes contre l'ensemble des acteurs économiques occidentaux qui continuent à exporter du matériel militaire aux différents types de denrées en Russie ?
Et enfin j’aimerais avoir un dernier mot peut-être via mon média, sur toutes les familles qui se battent pour que leurs enfants soient scolarisés et qu’ils aient la meilleure éducation possible.
Emmanuel MACRON
D'abord, merci beaucoup pour la démonstration concrète du fait que l'inclusion n'est pas qu'un mot mais une réalité et que des initiatives très concrètes, entrepreneuriales, professionnelles, avec la plus grande exigence sont possibles et je vous félicite pour cela.
Sur ce qui est de la scolarisation des enfants en situation de handicap, je veux dire ici que nous avons augmenté de plus de 40 % la scolarisation des enfants en situation de handicap depuis 2017. Nous avons augmenté de 60 % le budget de cette politique publique, qui représente aujourd'hui plus de 3 milliards d'euros pour la nation chaque année. On n'est pas au bout pour autant. Et si nous avons permis d'avoir beaucoup plus de postes disponibles, si nous avons créé plus de postes d'accompagnants pour les enfants en situation de handicap à l'école, l'une des difficultés qui est la nôtre est de prendre en compte le temps périscolaire pour ces accompagnants afin de leur permettre d'avoir un salaire complet. C'est tout le travail que je demande à mes ministres pour pouvoir fidéliser ces personnels. Nous les avons stabilisés, nous leur avons donné un cadre beaucoup plus stable. Nous avons réussi dans beaucoup de cas à mieux les rémunérer. Nous avons maintenant un défi sur le temps périscolaire pour beaucoup d'entre eux. Vous avez raison, aujourd'hui, même si c'était de manière incidente dans votre propos, de souligner l'importance de cette politique à laquelle j'attache un caractère essentiel.
Pour ce qui est de votre question, nous avons eu ce débat ce soir et vous me permettez de revenir sur un point que je n'ai pas évoqué dans mon propos introductif, qui est celui des sanctions. Il y a aussi eu une unanimité pour dire que les sanctions aujourd'hui avaient des points de fuite, que vous avez évoqués. Plusieurs rapports ont mis en lumière le fait que des matériels russes avaient encore, pour quelques entreprises, des composants directement venant de pays qui avaient imposé des sanctions, européens ou alliés, ou utilisant en tout cas des capacités pour les produire. Pour autant, je crois que nous sommes toujours en situation de les différencier de nos propres équipements et de nos propres matériels. Ceci va nous conduire à sanctionner davantage les compagnies et les pays qui facilitent ce contournement des sanctions. Il suffit de voir les chiffres de commerce et d'augmentation du commerce avec certains pays qui sont au fond des voies de passage ou les chiffres que certaines entreprises utilisent avec ces pays pour avoir une ligne assez claire. Qu'il s'agisse des équipements militaires, de certains composants technologiques ou du gaz, voire du pétrole, il y a des mécanismes de contournement qui sont assez clairement identifiés, sur lesquels l'accord a été trouvé ce soir pour accroître en effet les réponses.
Journaliste
Monsieur le Président, vous avez évoqué la proposition estonienne d'un grand emprunt pour soutenir la défense européenne. Est-ce que vous pensez que vous cheminez vers un accord avec les frugaux qui étaient là ce soir, notamment avec le chancelier allemand Olaf SCHOLZ ? On sait que les Allemands ne sont pas pour des grands emprunts de ce type.
Et par ailleurs, on voit des articles de presse qui évoquent peut-être des discussions sur la livraison de Mirage en Ukraine, de Mirage français. Est-ce que vous pouvez nous dire si cela va se concrétiser ? Merci.
Emmanuel MACRON
Alors, aujourd'hui, nous n'avons pas de discussion sur des Mirage, mais nous avons une formation qui est en cours de pilotes.
Ensuite, nous regardons les capacités qui pourraient être utiles. Il y a dans les huit coalitions existantes - auxquelles nous avons ajouté ce soir une neuvième coalition sur les missiles longue portée - une coalition qui existe en matière justement d'aviation et qui est une coalition dite F-16. Elle existe et elle est là.
Nous n'avons pas de F-16, comme vous le savez, puisque nous avons nos propres capacités, mais nous regardons sur nos propres capacités ce qui serait utile pour la défense du sol ukrainien. Pour le moment, en tout cas, dans le cadre de cette coalition existante, nous formons des pilotes et nous allons continuer.
J'ai connu un monde où l'Allemagne et la France se mettaient d'accord pour convaincre les frugaux. Et dans ce monde-là, d'ailleurs, l'Allemagne n'était pas considérée comme un pays frugal à proprement parler.
Je note, c'est la beauté des moments que nous vivons, que l'Estonie, qui était en effet l'un des pays frugaux, a fait une proposition d'emprunt commun. Je m'en félicite et je la partage. Et je pense que si nous avions la capacité, ensemble, de mettre en place exactement ce que nous avons fait en franco-allemand d'abord, puis en européen à l'été 2020 pour répondre à la crise Covid sur la crise, sur la guerre en Ukraine, ce serait pertinent. Qu'est-ce que c'était ? C'était de dire : « Nous apportons avec nos budgets nationaux une garantie commune qui permet à la Commission d'émettre une dette pour financer une dépense exceptionnelle qui nous touche tous ».
Je crois qu'aucun pays européen peut dire que l'attitude russe aujourd'hui et la guerre d'agression en Ukraine ne le touche pas. Et donc, je pense que c'est exactement une situation de ce qu'on appellerait un choc géopolitique totalement symétrique qui justifie des mesures d'exception. Je soutiens donc la proposition de la Première ministre estonienne.
Journaliste
Bonsoir. À propos de l'envoi éventuel de troupes au sol, vous dites que cela a été évoqué. Est-ce que vous pouvez préciser par quels pays ça a été évoqué ? Quels sont les pays qui envisageraient de le faire à titre bilatéral et pourquoi la France n'y est pas favorable à ce stade ? Merci.
Emmanuel MACRON
Alors, je n'ai absolument pas dit que la France n'y était pas favorable.
Je ne lèverai pas l'ambiguïté des débats de ce soir en donnant des noms ; je dis que ça a été évoqué parmi les options.
Je vous ai dit les cinq points sur lesquels il y avait un consensus qui s'était établi. Si ces points d'ailleurs étaient totalement mis en oeuvre, il ne faudrait pas exclure qu'ils nécessitent des sécurisations qui justifient ensuite quelques éléments de déploiement.
Mais je vous ai dit de manière très claire ce sur quoi la France maintiendra sa position, qui est une ambiguïté stratégique que j'assume. Rien ne doit être exclu pour poursuivre l'objectif qui est le nôtre : la Russie ne peut ni ne doit gagner cette guerre.
Journaliste
Bonsoir, monsieur le Président. Je vais revenir vers l'initiative tchèque qui a été aujourd'hui présentée par le Premier ministre tchèque. Le quotidien britannique, le Financial Times, a évoqué une somme de plus d'un milliard d'euros pour le financement justement de ces munitions, de ces capacités d'obus. Justement, quel financement est-ce qu'on cherche pour cette aide à l'Ukraine ? On parle de quel horizon ? Est-ce qu'on pourrait fournir cette aide à l'Ukraine ? Est-ce qu'on parle de plusieurs semaines, des mois ? Merci beaucoup.
Emmanuel MACRON
Je serai très prudent sur les chiffres, qu'il s'agisse de nombre de munitions ou d'argent, puisque ceux qui ont pu s'engager ces derniers mois sur ce sujet ont été rattrapés par la réalité.
Nous produisons, nous, le maximum de munitions que nous pouvons ; nous avons fait plus que tripler nos capacités. Notre volonté de mobiliser chez nos partenaires, et tout ce que nous trouvons, des capacités supplémentaires - et d'ailleurs, il se trouve que plusieurs États qui étaient autour de cette table ont fait les mêmes démarches que la République tchèque - et donc, ce soir, nous a permis de mutualiser ces efforts. Et donc, dans les dix prochains jours, nous allons mettre tous ces efforts autour de la table car nous avons démarché beaucoup de pays européens et non-européens qui ont des munitions disponibles, parce que c'est ça, à très court terme, il faut que ce soient des munitions qui soient disponibles dans vos stocks. Et donc ça, c'est le premier point.
Nous mobiliserons des financements bilatéraux comme multilatéraux sur la table.
La question, je dirais, est de rang deux, c'est une question de disponibilité de ces munitions. La deuxième chose, c'est de produire plus nous-mêmes, on a déjà triplé, avec les Ukrainiens sur leur sol et avec tous les partenaires possibles. Et là, nous devons sécuriser en particulier la poudre qui est vraiment ce qui manque aujourd'hui. Parce qu'il faut vous représenter qu'il y a deux ans, nous vivions dans un monde où très peu de gens anticipaient le retour d'une guerre continentale avec une telle intensité sur le sol. On vivait tous dans des pays où on avait beaucoup moins de stocks de munitions et on avait des industries qui n'étaient pas du tout à ce rythme de production. Et donc, dans tous nos pays, nous avions des capacités, des disponibilités de poudre pour ces munitions qui ne sont pas du tout ce dont on a besoin aujourd'hui. C'est vraiment un pivot complet de cette économie de guerre. Si je puis dire, les finances suivront.
La question, c'est où sont les munitions disponibles, avec qui, comment on mutualise nos efforts et ensuite comment on produit davantage.
Journaliste
Le président ZELENSKY a dit aujourd'hui qu'à ce stade, seuls 30 % du million d'obus promis par l'Union européenne avaient été livrés. Est-ce qu'après les décisions de nouveaux efforts qui ont été décidés ensemble ce soir, vous pouvez nous dire si collectivement, vous pouvez lui donner un calendrier, des nouvelles étapes pour atteindre ce million d'obus ? Est-ce qu'il y a une échéance ?
Emmanuel MACRON
C'est ce que je disais à votre collègue. C'est une très bonne question. C'est pour ça qu'il faut toujours faire très attention quand on s'engage. La France, depuis le premier jour, nous avons très longtemps été plus discrets que les autres, à chaque fois qu'on s'est engagé sur des capacités à une date, on les a tenues parce que derrière, il y a une guerre. Vous ne nous avez pas, nous, entendus nous engager sur des millions, des milliards qu'on ne savait pas tenir. La réalité, c'est qu'en fait, à très court terme, vous ne pouvez donner que les munitions que vous avez en stock et/ou les munitions que vous produisez en flux tendu. Force est de constater que nous n'avions pas ce million, donc c'était sans doute un engagement imprudent. Aujourd'hui, les initiatives que nous avons lancées, France ; plusieurs autres, complétés par la proposition de la République tchèque, lesquelles d'ailleurs se recoupant, vont être toutes mises autour de la table. Dans dix jours, nous aurons une réponse claire avec un agenda sérieux. C'est ça, ce qu'il faut. Moi, j'ai toujours privilégié ce point. On verra d'ailleurs ce qu'on rend public et ce qu'on ne rend pas public parce que je dis ça, c'est tout à fait normal qu'on vous rende compte par transparence et parce que c'est ce qu'on souhaite tous, mais il y a aussi un temps, comme c'est une guerre, les premières personnes à qui on doit donner de la visibilité, ce sont les autorités et les forces armées ukrainiennes. Donc d'ici dix jours, on y verra beaucoup plus clair. Est-ce qu’il y a d’autres questions. J’en prends encore deux. Je vous en prie. Vous avez un micro à votre droite également.
Journaliste
Je voudrais savoir quel est le degré d’inquiétude quant à l’engagement des États-Unis et de l’OTAN. On voit que les Américains ont effectivement 60 milliards d’aides à destination de l’Ukraine qui sont bloqués. Et surtout, des déclarations très inquiétantes notamment de Donald TRUMP, difficile de prévoir l’issue des élections américaines. Vous en avez parlé dans votre propos liminaire, à quel point est-ce qu’on est inquiet ? Et est-ce qu’on est en train de poser les bases d'une potentielle suite sans les Américains ?
Emmanuel MACRON
Pour moi, la question n'est pas de savoir si nous sommes inquiets ou pas. D'abord, je vais vous dire : on a beaucoup de chance d'avoir les États-Unis d'Amérique qui sont là aujourd'hui, qui sont si engagés. C'est un fait. Et on doit remercier chaque jour l'administration américaine d'être si engagée, les Canadiens d'être si engagés ou autres. L'Union européenne, c'est 30 % aujourd'hui de l'effort et de l'investissement militaire. On a les Britanniques à nos côtés, ça fait un peu plus. Mais on a la chance d'avoir des alliés, y compris outre-Atlantique, qui sont à nos côtés. Deuxième chose, c'est une guerre européenne. Et donc nous Européens, ça fait partie de ce sursaut stratégique que j'évoque et de ce que je dis depuis 7 ans. Moi, je crois dans l'Europe, je crois dans une Europe de la défense. Je pense que c'est notre sol et notre continent. On a la chance d'avoir des gens au bout du monde qui sont prêts à nous aider, mais on aurait tort de penser qu'on doit se reposer sur eux. Troisième chose, je suis assez stoïcien en la matière. Moi, je ne déplore pas ou je ne conjecture pas sur ce qui ne dépend pas de moi. Si l'Europe, et je dirais a fortiori chacun de nos États membres dont la France, nous sommes souverains, notre avenir, et si on considère que cette guerre détermine notre avenir, ce que je crois profondément, parce que se joue là notre sécurité comme européen. Est-ce que nous devons déléguer notre avenir à l'électeur américain ? Ma réponse est non, quel que soit son vote. Donc on n'a pas à attendre le résultat. C'était le but de cette réunion d'aujourd'hui. C'est pour ça que je l'ai voulu maintenant. N'attendons pas de savoir quelle est l'issue de ce résultat. Décidons maintenant parce que le constat est clair, c'est notre avenir, c'est l'Europe qui est en jeu. C'est aux Européens de décider. C'est formidable, si on en a d’autres qui nous joignent, mais ça doit être en plus ; nous devons avoir la possibilité de faire sans. Pas par défiance, pas par pessimisme, pas parce qu'on aurait peur, juste parce que c'est ce qui dépend de nous. C'est ce qu'on doit faire. Je suis dans cet état d'esprit.
Journaliste
Est-il possible d'envisager qu'un pays envoie des troupes au sol en Ukraine sans l'accord des autres au niveau européen ? Est-ce que, par exemple, la Pologne pourrait envisager de le faire ? Et est-il possible de la retenir dans ce cas-là ? Et est-ce que cela a été un des objets de la discussion ce soir ? Merci.
Emmanuel MACRON
Je vais vous dire, d'abord chaque pays est souverain et sa force armée et souveraine. Il a par sa Constitution, les voies et moyens de son engagement. Personne ne peut engager un autre pays de faire ce qui lui revient de manière sûre. Il nous faut définir un cadre d'intervention et dans ces cas-là, des cadres de solidarité. Mais ma réponse est non, personne ne peut engager personne. Mais je vous dis simplement que l'esprit qui régnait ce soir, c'est qu'autour de 5 actions que j'ai évoquées, le consensus était là et que nous, nous sommes prêts à faire aussi longtemps que nécessaire et tout ce qui est nécessaire pour que la Russie ne puisse gagner cette guerre. Je vous remercie pour votre attention. Bon courage à tous et toutes.
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