Le Président Emmanuel Macron s’est exprimé lors d’une conférence de presse ce mardi soir au Palais de l’Élysée.

Le propos liminaire du Président de la République a été suivi d’une séance de questions / réponses avec les journalistes présents.

Revoir la conférence de presse :

16 janvier 2024 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse.

Monsieur le Premier Ministre, 
Mesdames et Messieurs les ministres, 
Mesdames et Messieurs, 

Bienvenue dans cette maison. 

Permettez-moi, avant toute chose, de vous souhaiter, à nouveau, une belle et heureuse année et de la souhaiter à nouveau à nos compatriotes qui nous suivent ce soir. 

Je ne reviendrai pas, dans mon propos introductif, sur ce que j'ai pu évoquer des fiertés et des grands événements de l'année qui s'ouvre pour, donc, 2024 et que j'ai déjà détaillés le 31 décembre dernier ; ni sur les grands sujets de politique internationale ou les sujets les plus institutionnels. Nous pourrons y revenir dans le cadre des questions qui seront les vôtres. 

Mais, après six ans et demi d'action au service des Français, j'ai tenu à vous retrouver en ce moment décisif pour dire au pays d'où nous venons et où nous allons. 

Alors, d'où nous venons. Parce que ces dernières années, nous avons évidemment subi des crises, pandémies, retour de la guerre – j'y reviendrai – etc., mais nous avons collectivement cherché à suivre une ligne claire : libérer les énergies, protéger les Français, unir la nation. Et nous pouvons compter sur des forces retrouvées. 

Des forces économiques et sociales. Nous avons créé plus de deux millions d'emplois, ouvert plus de 300 usines, réussi un chemin à la fois de création d'activité et de décarbonation de notre économie. 

Force républicaine, aussi, de l'État, à retrouver, et de ceux qui les servent. Nous avons massivement réinvesti dans nos armées, pour nos policiers, nos gendarmes, pour notre justice, mais aussi pour notre école et notre santé, pour ne citer que quelques exemples. Ce qui fait qu'au moment où je vous parle, oui, nous sommes mieux armés qu'il y a six ans et demi. 

Mais où allons-nous ? Et nous le vivons tous. Au fond, le monde d'hier est en train de s'effacer. L'ordre international, que nous connaissions, est bousculé. La guerre est revenue sur le sol européen avec l'agression russe en Ukraine, il y a près de deux ans maintenant. La guerre revient au Proche-Orient, avec les attaques terroristes du Hamas le 7 octobre dernier, qui a plongé toute la région dans la guerre. 

Nous vivons, nous le savons aussi, la crise du modèle démocratique en France, en Europe et dans beaucoup d'autres pays. La crise climatique provoque les inquiétudes et pousse à des transitions qui divisent, parfois, nos pays, on le voit partout, là aussi, en Europe. Et l'irruption de nouvelles technologies bouleverse beaucoup de nos repères. 

Pourtant, au moment où notre pays est à la fois menacé par les tensions du monde et ses divisions de l'intérieur que nous avons encore vécues ces derniers mois et sur lesquelles nous reviendrons peut-être, je suis convaincu que nous avons tous les atouts pour réussir. Convaincu que nous n'en avons pas fini avec notre histoire de progrès et que nos enfants vivront mieux demain que nous ne vivons aujourd'hui. 

Et c'est pour faire face à ces défis et à ce moment très précis du mandat, que m'ont confié les Français, que j'ai voulu nommer un nouveau Gouvernement. Pourquoi ce Gouvernement le plus resserré et le plus jeune de l'Histoire de la cinquième République ? Parce que cette époque de crise que je décris rapidement suppose avant tout audace, action et efficacité. 

Dans les mois, dans les années à venir, se décidera le destin des prochaines générations. C'est tout l'enjeu. C'est tout notre défi. Voilà pourquoi nous sommes là. Voilà pourquoi démocrates, écologistes et républicains se rassemblent autour d'un même projet pour agir au service des Français, et, au fond, avec une ligne simple pour que la France reste la France, pour que la France demeure cette Nation de bon sens, de résistance et des Lumières. 

Le Premier ministre aura à détailler, dans les jours qui viennent, un travail avec les ministres de son Gouvernement, les forces politiques et tout particulièrement sa majorité au Parlement et les groupes aussi au Sénat, le calendrier de l'action qui est la sienne et il l’exposera lors de sa déclaration de politique générale. 

Je veux ici essayer de dire le sens profond de cette action, rendre au fond la France plus forte et plus juste. C'est ça le combat des prochaines années, et au-delà, dans lequel nous devons conduire la France pour les décennies qui viennent. 

La France sera plus forte dans ce monde de bouleversements si nous sommes d'abord plus unis si nous réapprenons à partager des valeurs, une culture commune, le sens du respect dans les salles de classe, dans la rue, dans les transports comme dans les commerces. 

C'est pourquoi, comme je l'ai indiqué le 31 décembre dernier lors de mes vœux, nous engagerons un réarmement civique. Chaque génération de Français doit apprendre ce que la République veut dire : une histoire, des devoirs, des droits, une langue, un imaginaire, le sens profond du respect et de l'engagement, et cela dès l'enfance, en renforçant le soutien et l'exigence vis-à-vis des parents, en reprenant aussi le contrôle de nos écrans qui, trop souvent, enferment là où ils devraient libérer. Sur la base de recommandations que feront les experts que j'ai réunis la semaine dernière, nous déterminerons le bon usage des écrans pour nos enfants dans les familles, à la maison comme en classe, parce qu'il en va de l'avenir de nos sociétés et de nos démocraties. 

À l'école ensuite. Depuis 2017, nous avons entamé un choc des savoirs, le retour des fondamentaux, l'enseignement, le dédoublement des classes. Et nous allons le poursuivre avec des maîtres mieux formés, mieux payés, une rénovation des programmes, des évaluations dans chaque niveau dès la rentrée 2024. L'instruction civique sera refondée, son volume horaire sera doublé, une heure par semaine dès la cinquième, avec en appui, les grands textes fondateurs de la Nation. 

Et l'école, dans laquelle la confiance aussi se déploie, où on forge pleinement et on exprime les talents de chacun, doit donner une place à la culture et au sport. C'est pourquoi nous avons instauré la demi-heure de sport quotidienne en primaire et deux heures supplémentaires par semaine au collège. 

Au-delà de cela, l'éducation artistique et culturelle, que nous avons déployée dans nos écoles depuis maintenant un peu plus de six ans, va se renforcer. Comme pour la musique et les arts plastiques, je souhaite que le théâtre devienne un passage obligé au collège dès la rentrée prochaine parce que cela donne confiance, cela apprend l'oralité, le contact aux grands textes. Et parce que la France est aussi une histoire, un patrimoine qui se transmet et qui unit, l'histoire de l'art retrouvera sa place à la rentrée prochaine au collège et au lycée. 

La tenue unique, qui a donné lieu à tant de débats ces derniers mois dans notre pays, et qui efface les inégalités entre les familles en même temps qu'elle crée les conditions du respect, sera expérimentée dès cette année dans une centaine d'établissements, tous volontaires. Cette expérimentation sera évaluée méthodiquement et sur la base des résultats, s'ils sont concluants, nous la généraliserons en 2026. Nous instituerons dans chaque collège et dans chaque lycée, dès la fin de cette année, une cérémonie de remise des diplômes, rite républicain d'unité, de fierté et de reconnaissance. 

La famille et l'école, au fond, pour faire des républicains en même temps que pour transmettre des savoirs. 

Mais avoir une France plus forte, c'est aussi assurer l'ordre. L'ordre, en contrôlant mieux nos frontières, grâce aux textes que nous avons pu voter en France, comme ceux que nous avons votés au niveau européen et la poursuite aussi de ce que nous avons renforcé ces dernières années. 
L'ordre en luttant contre les incivilités grâce à un doublement de la présence policière dans nos rues. C'est le cœur de la stratégie annoncée il y a quelques années à Roubaix par les emplois créés et les réformes conduites. 

L'ordre en luttant contre la drogue qui, ces dernières années, ne se déploie pas simplement dans les grandes villes, mais dans des villes moyennes, qui la connaissaient moins. Parfois même dans des villages. Grâce à la multiplication des opérations « place nette » frappant les narcotrafiquants qui se conduiront dans toutes les catégories de ville et nous allons accroître le rythme. À partir de la semaine prochaine, dix opérations de ce type seront conduites chaque semaine. 

L’ordre, en luttant aussi contre l’islam radical, en appliquant méthodiquement la loi que nous avons votée il y a maintenant un peu plus de deux ans qui nous a permis de fermer des associations, des établissements qui ne respectaient pas les règles de la République, qui nous a permis aussi de mettre fin depuis le 1ᵉʳ janvier au système des imams détachés. Nous tiendrons cette ligne de fermeté républicaine. 

La France sera plus forte aussi si elle produit davantage. 

La pandémie a montré que, pour nombre de biens essentiels, les médicaments par exemple, nous défendions trop souvent de l'étranger et les solutions technologiques de demain, en particulier pour la croissance verte ou le numérique, risquent d'être produites dans d'autres continents que le nôtre. 

C'est pourquoi nous devons accélérer dans le réarmement académique, scientifique, technologique, industriel et agricole, déjà largement engagé grâce aux réformes conduites depuis six ans, grâce au Plan de relance, puis au programme France 2030. Là encore, c'est un choix d'indépendance : ne plus compter sur les autres puissances pour réécrire notre histoire, produire l'intelligence dans nos universités, notre énergie dans nos centrales nucléaires et dans nos installations de renouvelables, notre alimentation dans nos fermes, nos biens de consommation décarbonée dans nos usines en Français et en Européens. Et c'est possible. 

Nous avons déjà beaucoup fait et nous ferons beaucoup plus. 

D'abord, nous poursuivons les investissements commencés, les réformes engagées. Mais je souhaite que nous puissions accélérer car le monde est en train d'accélérer. 

Regardez la Chine ou les États-Unis d'Amérique. Sur ces technologies, ils vont beaucoup plus vite que nous, Européens et Français. Pour cela, nous mettrons fin aux normes inutiles. Il y a encore trop de complexités qui découragent les entrepreneurs, les industriels, les commerçants, les agriculteurs, les artisans, les maires. Ceux qui font ces complexités, bien souvent, protègent des rentes, des statuts, des situations établies et nous ne pouvons plus nous le permettre. 

C'est pourquoi je demande au Gouvernement de supprimer des normes, réduire les délais, faciliter encore les embauches, augmenter tous les seuils de déclenchement d'obligation. C'est au fond la France du bon sens, plutôt que la France des tracas, vieilles antiennes, diront certains ! Je crois effectivement qu'en la matière, nous avons eu trop de tabous. 

C'est pourquoi je demande au Gouvernement de porter un acte II d'une loi pour la croissance, l'activité et les opportunités économiques pour permettre de libérer davantage encore ceux qui font, qui innovent, qui osent, qui travaillent. Produire plus, innover davantage, aller plus vite. 

Ceci et cette indépendance par le travail et la production, nous pourrons le faire aussi parce que plus de Français travailleront. 

C'est le sens d'ailleurs de beaucoup de réformes conduites l'année dernière, même quand elles étaient impopulaires. Mais nous le savons tous, notre pays, encore aujourd'hui, manque de travailleurs dans les fermes, dans nos restaurants, chez nos artisans pour aider les personnes âgées ou les personnes handicapées chez eux. C'est une réalité. Et il risque de manquer demain de travailleurs dans les métiers que nous sommes en train de créer, du nucléaire jusqu'au numérique et à beaucoup d'autres. 

Pour mettre fin à cette anomalie, nous devons former davantage selon les besoins de la Nation. Nous avons commencé ce travail avec la réforme du lycée professionnel, de nos universités. Cet effort, nous accélérons cette année et jusqu'à la rentrée prochaine. 

Le Gouvernement incitera aussi à la création et la reprise d'un emploi avec, dès le printemps prochain, un acte II de la réforme du marché du travail lancée en 2017, c'est-à-dire des règles plus sévères quand des offres d'emploi sont refusées et un meilleur accompagnement de nos chômeurs par la formation, mais aussi l'accompagnement à l'emploi sur des choses très concrètes comme le logement ou les transports, ceci pour atteindre le plein emploi. 

La France sera plus forte si elle retrouve son indépendance financière. Nous avons beaucoup dépensé pendant la crise Covid, nous le savons tous. Et j'assume ces dépenses parce qu'elles ont surtout protégé nos capacités de production, et une reprise très rapide, et les chiffres sont là pour le montrer. 

Mais retrouver notre indépendance financière, c'est d'abord et avant tout créer plus de richesse. Je vais vous donner un chiffre très simple : si la France avait le taux d'activité, le taux d'emploi de l'Allemagne, nous n'aurions pas de problème de finances publiques. Et donc, le cœur de la bataille budgétaire, c'est une bataille pour l'activité et la création d'emplois et de richesses. Et à côté de cela, le Gouvernement réussit à bâtir une ambitieuse revue des dépenses pendant ce semestre, une vraie réforme de l'Etat pour dégager aussi de l'efficacité dans nos dépenses publiques. 

La France sera plus forte car elle dépendra encore moins de l'étranger pour son énergie grâce à davantage de nucléaire et d'énergies renouvelables — le programme que nous allons accélérer, j'y reviendrai, au mois de juin — et sera armée face aux aléas du changement climatique. 

Nos compatriotes à La Réunion, dans le Pas-de-Calais, mais il y a quelques mois en Bretagne ou en Normandie, l'ont encore vécu. On sait bien que nous devons réduire nos fragilités face aux tempêtes, aux incendies, aussi aux canicules et aux sécheresses, et ceci avec un plan d'adaptation et de résilience sur notre territoire, bâti avec nos maires, nos élus locaux, en métropole comme dans nos outre-mer. 

Notre France sera aussi plus forte par la relance de sa natalité. 

Nous étions, jusqu'à récemment, un pays dont c'était la force, sans doute la singularité en Europe quand on se comparait aux voisins, et c'est moins vrai depuis quelques années. Alors il y a derrière cela des angoisses qui vont avec la société, peut-être des choix pris jadis sur certains sujets financiers. Il appartiendra au Gouvernement de poursuivre ce travail, mais je voudrais insister sur deux points pour essayer d'améliorer les choses. 

Après l'allongement du congé paternité, je crois profondément que la mise en place d'un nouveau congé de naissance sera un élément utile dans une telle stratégie, congé de naissance qui viendra remplacer le congé parental actuel. D'abord, il sera mieux rémunéré et permettra aux deux parents d'être auprès de leur enfant pendant six mois s'ils le souhaitent. Mais surtout, il sera plus court que le congé parental actuel qui peut parfois aller jusqu'à trois ans et qui éloigne beaucoup de femmes du marché du travail, mais qui aussi crée beaucoup d'angoisse parce qu'il est extrêmement peu et mal rémunéré et donc crée des situations parfois impossibles. 

La natalité baisse aussi parce que l'infertilité progresse.

Et je parle là d'une forme de tabou du siècle, mais les mœurs changent, on fait des enfants de plus en plus tard. L'infertilité masculine, comme féminine, a beaucoup progressé ces dernières années et fait souffrir beaucoup de couples. Un grand plan de lutte contre ce fléau sera engagé pour permettre justement ce réarmement démographique. 

Enfin, la France sera plus forte parce que l'Europe sera plus puissante. Je n'ai jamais opposé ces deux notions. Je les défends même comme des complémentarités. Nous avons beaucoup fait ces dernières années pour une Europe de la santé, une Europe de la défense, une Europe des technologies et des grands programmes, avec des vrais résultats. Et on pourra y revenir si vous le souhaitez. Nous devons encore aller plus loin sur ce sujet. Les élections européennes seront un rendez-vous et un moment de vérité. Mais, je crois profondément que, dans ce dérèglement que j'évoquais, une Europe plus puissante, plus unie, plus souveraine est un élément de réponse indispensable pour notre pays. 

La France sera plus forte grâce à ces objectifs et quelques-unes des actions que je viens ici d'esquisser. Et c'est grâce à cela qu'elle pourra aussi être plus juste. 

La première des injustices, je l'ai à plusieurs reprises évoquée, c'est, et cela reste, malheureusement, celle du déterminisme social et familial. 

Nous n'avons pas les mêmes chances, et je dois reconnaître avec honnêteté, qu'après six ans et demi à l'endroit où les Français m'ont mis, nous avons amélioré des choses, mais nous ne les avons pas radicalement changées. C'est-à-dire que l'avenir des enfants de la République reste encore par trop déterminé par le nom de famille, l'endroit où l'on est né, le milieu auquel on appartient. C'est la pire des injustices, l'inégalité de départ. 

La promesse républicaine, c'est celle de l'égalité des chances. Et au fond, je veux qu'on mette fin à cette France du « ceci n'est pas pour moi » ou « ceci n'est pas pour toi », de ces enfants qui continuent à se dire que, parce qu'ils viennent de ce quartier, qu'ils ont ce nom, l'accès à telle formation ou tel diplôme, l'accès à la culture, ne leur est pas dû, n'est pas un droit pour eux. Ça existe, c'est une réalité. 

Et aussi longtemps que ça existe, ça vient éroder l'adhésion à la promesse républicaine, et tout ce que je viens de vous dire sur l'ordre ne sera pas possible. Tout ce que je viens de vous dire sur la force sera aussi affaibli. Vous retrouverez une forme de « en même temps » qui est familier, mais qui n'est pas une faiblesse, qui est une double radicalité, qui n'est pas une ambiguïté, qui est une double ambition. 

Car, et c'est vrai depuis le début de notre Troisième République, l'ordre va avec le progrès, l'autorité va avec l'émancipation. Indissociables. Et donc oui, la réponse à cela, c'est l'école, l'école, l'école. Là aussi. Continuer le travail commencé avec encore plus de force auprès des enfants les plus en difficulté, systématiser les devoirs faits au collège, en particulier dans les endroits les plus en difficulté, c'est indispensable. Travailler sur les vacances et le temps scolaire. Le Premier ministre, naguère ministre de l'Éducation nationale, avait commencé ce travail pour décaler les examens, parce que les vacances longues sont un élément d'injustice sociale. Et commencer aussi, dès la cinquième, à l'accompagnement à l'orientation, qui est un élément absolument décisif d'une plus grande égalité. Et c'est tout ce que nous allons conduire au collège, au lycée et au premier cycle universitaire avec les ministres qui sont maintenant en charge de ces sujets. 

C’est aussi ce travail que je veux continuer par un meilleur accès à la culture et qui sera au cœur du mandat de la ministre, faire en sorte que, d’où qu’on vienne, des quartiers populaires, urbains, à notre ruralité, on puisse avoir accès à la culture dès l’école et après. 

La deuxième injustice fondamentale, c’est que l’effort et le mérite ne sont pas suffisamment reconnus. Je crois dans cette France, en effet, du travail et du mérite. Et si nous avons déjà beaucoup fait pour que le travail paie mieux que l'inactivité, on pourra y revenir, on a substantiellement fait. Et nous sommes sans doute le pays d'Europe où le pouvoir d'achat des travailleurs et des travailleurs les plus modestes a le plus progressé ces cinq dernières années, malgré l'inflation. Ce n'est pas assez. Et au fond, il y a ce que j'appellerai une France de l'angle mort. C’est tous nos compatriotes qui gagnent déjà trop pour être aidés et pas assez pour bien vivre. C'est la France populaire, la France des classes moyennes, la France qui dit « quand vous proposez quelque chose, ce n'est jamais pour moi ». Et pourtant c'est celle qui tient le pays. 

Et donc, au cœur du mandat du Gouvernement, je souhaite qu'il y ait justement un travail ardent pour aller plus loin, pour reconnaître cela, pour donner plus de dynamique aux carrières, pour permettre de mieux gagner sa vie par le travail, avec l'adaptation de nos dispositifs fiscaux et sociaux, mais aussi avec des négociations dans certaines branches pour que la dynamique salariale soit au rendez-vous des efforts. 

Il en va de même pour nos fonctionnaires pour lesquels le principal critère d'avancement et de rémunération devra être, à côté de l'ancienneté, également le mérite, en tout cas bien davantage qu'aujourd'hui. Ce sera au cœur d'une réforme qui va commencer dans les prochaines semaines. 

Une France plus juste, c'est aussi une France qui sait accompagner les transitions qui sont à l'œuvre. Je le disais, beaucoup des changements qui sont en cours et on le voit partout en Europe, nourrissent de l'inquiétude. Parce que si nous ne prenons pas garde, et la France l'a vécu avec la crise que nous avons traversée ensemble des gilets jaunes, ces transitions sont injustes. Elles frappent encore plus ceux qui sont dans la difficulté, ceux qui ont déjà à peine les moyens de vivre de leur travail, qui sont souvent dans les logements les moins bien isolés, qui, par nécessité, sont obligés de rouler dans des véhicules individuels qui sont parfois encore les plus polluants. Il ne s'agit pas de stigmatiser cette France-là, au contraire, il faut l'aider à la transition. 

C’est ça, l'écologie à la française. C'est une écologie de justice et de souveraineté. Et donc, nous allons accroître dans les prochains mois d'abord l'accompagnement de nos agriculteurs pour les aider justement à améliorer leurs pratiques, jamais en les laissant sans solution : simplification, accompagnement et investissement. 

Accompagner les Français en investissant dans les transports en commun, en les aidant par le bonus écologique, mais aussi le leasing social pour la voiture à 100 euros, à changer de véhicule et à les accompagner encore davantage et de manière plus simple pour rénover leur logement. Faire de la transition écologique une transition juste. 

La France plus juste, enfin, c'est celle qui accompagne chacun grâce à nos services publics. En la matière, beaucoup de Français ont le sentiment légitime de ne pas en avoir pour leur argent, si je puis dire. Pas de médecins disponibles lorsqu’ils sont malades, pas d'agents au bout du fil quand ils font une démarche, des délais trop longs dans les papiers d'identité et parfois même le sentiment que ça fonctionne, surtout pour ceux qui ont des passe-droits. 

Lors de mon premier quinquennat, nous avons beaucoup fait sur ce sujet. On a réinvesti, on a déconcentré beaucoup de services publics, on a recréé des sous-préfectures. Ce n'était pas arrivé depuis des décennies. On a rouvert des trésoreries sur le terrain, on a rouvert des brigades de gendarmerie. On vient encore d'enclencher un mouvement pour en rouvrir 200. J'avais fait une promesse ici-même, à la fin du grand débat, que dans chaque canton, il y ait une Maison France Services. Promesse tenue même dépassée : 2 700 maisons France Services existent aujourd'hui partout sur le terrain, ce qui place chacun d'entre nous à vingt minutes de l'une d'entre elles, quand on habite un quartier populaire en ruralité, dans les grandes villes. 

Mais soyons lucides, nous n'y sommes pas encore parce qu'on est encore prisonnier sans doute de trop de tabous, de prêt à penser. 

Je demande donc au Gouvernement de sortir, si je puis dire, des codes et des cases, d'envisager des solutions plus radicales, pour mettre fin à ce qui alimente ce sentiment de déclassement. 

Solutions radicales pour mettre fin au scandale des déserts médicaux en simplifiant les règles venues d'en haut, en permettant d'adapter ces règles au terrain pour permettre des coordinations plus simples, en dégageant du temps aux médecins pour mieux travailler entre médecine de ville et hôpital avec aussi ce qu'on appelle les professions paramédicales. Ce sera au cœur du mandat de la ministre afin que chaque médecin, mais aussi paramédicaux, puisse voir plus de patients, mais aussi en assumant sur le terrain de régulariser nombre de médecins étrangers qui tiennent parfois à bout de bras nos services de soins et que nous laissons dans une précarité administrative qui est complètement inefficace. 

Solutions radicales en taillant, enfin, dans le vif des dépenses inutiles, des doublons administratifs, du millefeuille comme on l'appelle, pour permettre un service plus efficace auprès des Français et des règles beaucoup plus simples et rapides par les simplifications que j'évoquais tout à l'heure. 

Au fond, nous devons avoir la force, l'énergie dans ce moment, d'envisager ce que nous n'envisagions plus, d'oser ce que nous n'osons même plus penser, mais retrouver de l'audace. 

Vous l'avez compris, il s'agit de faire preuve d'efficacité, de briser même certains tabous, de ne pas avoir peur de soulever certains mécontentements au service des Français. C'est bien sûr au gouvernement d'insuffler ce mouvement, et je sais qu'il ne ménagera ni son énergie ni son talent. 

Mais chacun doit prendre sa part. L'État, bien sûr, doit être là pour accompagner, pour impulser, jamais pour entraver. 

La force du mouvement réside aussi en chacun de nous. Nous avons besoin d'une France de l'engagement et de la mobilisation civile. Parce qu'être Français, c'est avant tout avoir des droits et des devoirs. C'est porter une certaine idée de notre Nation, de son histoire, de son ambition. C'est pourquoi je compte aussi sur l'engagement et la mobilisation de nos compatriotes en hexagone et dans nos outre-mer pour prendre leur part de cette mobilisation afin de rendre notre pays plus fort et plus juste et de relever les défis du temps. 

Vous l'avez compris, je pense que beaucoup de choses sont possibles et je ne cède pas à l'esprit de résignation que je vois quand même à l'œuvre. Il y a beaucoup de choses qui nous inquiètent légitimement, parce que beaucoup de changements sont en cours, parce qu'on a vécu tant de crises. 

Mais je crois que si nous savons travailler ardemment avec beaucoup de bon sens, d'efficacité, sans doute moins de lois, mais plus d'actions concrètes, avec une détermination sans faille, nous aurons des résultats au service à la fois du quotidien des Français, mais aussi pour préparer l'avenir de la Nation et cette France plus forte et plus juste : de l'audace, de l'efficacité, de l'action. C'est ce qui est demandé à ce nouveau gouvernement, ce à quoi je m'emploierai. 

Maintenant, je vais répondre à toutes vos questions.

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