Philippe Martin, ancien lauréat du « Prix du Meilleur Jeune Économiste » en 2002, s’était affirmé, les années passant, comme l’une des figures les plus respectées de sa discipline. Sa disparition, ce 17 décembre, est ainsi celle d’une voix admirée de l’économie politique en France. Comment concilier l’ouverture des économies et l’égalité des territoires, comment favoriser la transition écologique dans la justice sociale, comment bâtir une mondialisation plus heureuse, et une Europe tournée vers la croissance et la solidarité : ces questions de notre temps étaient les siennes. Car cet économiste à la pensée claire et aux idéaux de progrès n’a pas seulement investi ses propres champs de recherche, il a aussi permis que la science économique informe et façonne pleinement l’action publique. 

Né le 18 janvier 1966, Philippe Martin opta dès ses études à Sciences-Po Paris et à l’université de Paris-Dauphine pour l’économie. Docteur de l’université de Georgetown, il mena ses premiers travaux sur le commerce international. Au cours des années 1990, il investit le champ de la nouvelle géographie économique alors révolutionné par Paul Krugman et qui tentait d’élucider, notamment, les phénomènes de métropolisation et d’attractivité à l’heure de l’ouverture internationale des échanges. Défrichant la notion de compétitivité, à l’échelle d’une région ou d’un continent, Philippe Martin s’intéressa aux pôles de compétitivité français, avec Gilles Duranton, Thierry Mayer et Florian Mayneris. 

Avec ses coauteurs Thierry Mayer et Mathias Thoenig, il établit aussi que des relations commerciales intenses tendaient, sous certaines conditions, à diminuer l’intensité des guerres, pour une Nation ouverte aux échanges internationaux (« Faire du commerce, pas la guerre », 2008) ou pour un Etat signataire d’un accord régional (« Géographie des conflits et accords régionaux commerciaux », 2012). De ces travaux, Philippe Martin conserva une forme d’espérance, dans les vertus de l’échange et de la solidarité, pour conjurer les conflits : notre Europe était pour lui une démonstration politique de ses recherches académiques. Son parcours universitaire brillant le mena dès lors à l’Ecole d’économie de Paris en 2007, puis à Sciences-Po où il fut d’abord professeur, et doyen de l’école d’affaires publiques, à partir de 2022. Peu à peu, il imposa sa voix dans les débats publics, dans les colonnes du journal Libération dont il fut chroniqueur pendant sept ans ou dans « L’économie en question » sur France Culture. 

Son envie de progrès, pour un monde prospère et pacifique, amena Philippe Martin à s’engager plus concrètement dans l’action publique. En 2015, il devint membre du cabinet d’Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, où il apporta son expertise sur les questions de compétitivité, son attention à la question des inégalités territoriales ainsi que son engagement européen. Aux côtés de Jean Pisani-Ferry et Philippe Aghion, il contribua aussi aux propositions économiques du programme présidentiel d’En Marche. Chaque fois, Philippe Martin fit valoir son sens de la mesure, la clarté de sa pensée, et sa fièvre intacte pour défendre notre pays et notre Europe. 

A l’interface des politiques publiques et de la recherche universitaire, Philippe Martin devint président du Conseil d’analyse économique en janvier 2018. Il rénova profondément l’institution, en permettant aux chercheurs de porter une voix plus forte dans le débat économique, et de mieux relier les apports théoriques à la décision politique. Avec son autorité souriante, il dirigea un CAE qui façonna le débat public et médiatique d’une manière nouvelle, à travers des notes sur les questions de transition écologique, sur le logement, le cadre économique européen, ou les stratégies de relocalisation industrielle après le Covid.

Le Président de la République salue la mémoire d’un ancien conseiller, d’un grand chercheur, d’un économiste dans la cité qui, par ses travaux et ses engagements, porta haut ses idéaux pour notre Nation et notre Europe. Philippe Martin était un chercheur et un enseignant libre, intelligent et respecté de tous, un homme discret et élégant. Le Président de la République et son épouse adressent leurs condoléances personnelles et émues à sa famille, ses proches, ses collègues, élèves et amis, et tous ceux qui l’aimaient. 

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