Le Président Emmanuel Macron s'est rendu à la 18ème édition des Assises de l’économie de la mer, ce mardi 28 novembre 2023, à Nantes.

Devant l’ensemble des acteurs du monde de la mer, le Président de la République est revenu sur sa vision des enjeux maritimes présentés à Montpellier en 2019 pour faire à nouveau de la France, une puissance maritime. Au cours de cet échange, le Président de la République a présenté son action dans les secteurs de la pêche, de l’éolien en mer et des efforts ambitieux de décarbonation du secteur

À quelques jours de l’ouverture de la COP28, le Président de la République a également développé les défis à venir pour préserver les océans en vue de la préparation de la Conférence des Nations Unies sur l’océan 2025 à Nice. Enfin, le chef de l’État a dévoilé les premiers éléments de programmation de l’Année de la Mer qui mobilisera tous les Français pour nos océans dès l’automne 2024.

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28 novembre 2023 - Seul le prononcé fait foi

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INTERVENTION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE AUX ASSISES DE L’ÉCONOMIE DE LA MER.

Gaëlle FLEITOUR
Monsieur le Président, bonjour. La pandémie, vous le savez, a remis en perspective la nécessité de reconquérir nos souverainetés. Elles sont notamment maritimes. Vous avez, avec votre Gouvernement, pris de nombreuses mesures à cet effet. Quels défis restent à relever aujourd'hui et comment éviter que la mer ne se transforme en véritable Far West ?
 
Emmanuel MACRON
Bonjour. Et je dois vous dire que je suis très heureux de me retrouver parmi vous à nouveau. Je veux saluer la présence de nos ministres, nos parlementaires, madame la Maire, merci de nous accueillir, madame la Présidente du Conseil régional, monsieur le Président du Conseil départemental, mesdames, messieurs les élus et puis mesdames, messieurs, acteurs du monde de la mer français et internationaux. 

Vous l’avez dit, le grand risque c’est la perte de contrôle. Et donc l’un des grands enjeux - et un mot que vous m’avez souvent entendu utiliser, pas seulement pour la mer – c’est la question de la souveraineté. La souveraineté c’est, au fond, choisir pour nous-mêmes les règles et décider de contrôler ce que nous devons contrôler. Et en effet, la mer est au cœur de cette problématique de la souveraineté française dans un monde en bouleversement. 

Alors, pour plusieurs raisons. D'abord, regarder le monde tel qu'il se joue. Les questions maritimes sont au cœur de la bascule géopolitique et on aurait tort de trop regarder une guerre continentale qui revient en Europe et de penser que l'avenir va être à nouveau les guerres terrestres à haute intensité, elles vont rester là. L'Ukraine nous le rappelle. Mais, même en Ukraine, l'un des enjeux dont on a le plus parlé ces derniers mois, c'est l'accès à la mer pour sortir les céréales. L'une des premières décisions des Russes, ça a été de couper le littoral, en le minant. Et donc, c'est l'accès à une souveraineté maritime, celle des Ukrainiens sur leur propre mer et celles des routes maritimes pour sortir des céréales. 

Regardez aujourd'hui, malheureusement, ce qui se passe au Proche-Orient. Notre principal défi est l'accès par la mer, et je salue d'ailleurs l’arrivée en ce moment même, Amiral, du Dixmude. La présence française aux bords de Gaza pour sauver des vies, c'est par la mer qu'on y accède. 
Mais surtout la grande conflictualité. Les nouveaux théâtres de conflictualité sont maritimes et seront de plus en plus maritimes. Il suffit de regarder les signatures stratégiques de la Russie depuis deux ans pour nous rappeler qu'elle restait une puissance maritime. Elle a voulu venir signer de son empreinte, y compris le grand large devant lequel nous nous trouvons ici. Regarder la Méditerranée qui est en train de se transformer. Et vous voyez, ces dernières années, apparaître, pour la première fois, des bâtiments chinois et qui vont arriver de plus en plus nombreux. Et regardez, la principale conflictualité internationale, celle qui pèse sur notre monde, est en train de le restructurer, c'est-à-dire la tension sino-américaine. Évidemment, elle se traduit dans des aires commerciales stratégiques, mais dès qu'elle est militaire, elle est maritime.

Et donc, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de le dire, les nouvelles conflictualités seront exo-atmosphériques, cyber et maritimes, à coup sûr. Là se jouent beaucoup des risques de conflits potentiels à venir et pour nous, qui sommes une des premières puissances militaires au monde, un enjeu de souveraineté. C’est-à-dire notre capacité, justement, à nous défendre et protéger nos intérêts. 

Ensuite, pour nous, Français, ça revêt un caractère un peu particulier parce que nous avons le deuxième domaine maritime au monde. Et on ne se le représente pas suffisamment. Nous avons la deuxième zone économique exclusive à travers nos territoires ultramarins. La Polynésie française, c’est l’espace européen. Mettez sur une carte européenne la Polynésie et vous allez de Brest à la frontière polonaise. Et donc, nous avons un domaine immense et notre devoir, c’est de le protéger.

Gaëlle FLEITOUR
Alors, comment on fait ?

Emmanuel MACRON
On investit. Donc, ça, c'est la partie militaire, la plus stratégique. C'est pour ça qu'on a pris deux lois de programmation militaire où nous avons massivement investi sur la mer. Et là aussi, je veux donner des ordres de grandeur. Nous avions déjà, en 2017, une armée forte, on avait gardé un modèle complet d'armée, etc., mais, il faut bien le dire, il y avait eu un sous-investissement depuis un peu plus d'une décennie. Et on avait, sur une partie de nos capacités, des risques. 

On a réinvesti et la première loi de programmation militaire se traduit de manière très concrète dans le domaine maritime. D'abord, sur les sorties de premiers équipements, en particulier de nouvelle génération de sous-marins, le SUFFREN, qui est arrivé et qui aujourd'hui opère. Mais, pour ne citer qu'un exemple : nos patrouilleurs Outre-mer. On a 6 patrouilleurs qui arrivent Outre-mer qui vont être décisifs pour protéger nos Outre-mer. C’est les choix qu'on a pris il y a quelques années. J'ai eu la chance, en Pacifique, il y a quelques mois, d'être sur le BÉNÉBIG qui arrive en Nouvelle-Calédonie et va protéger la Nouvelle-Calédonie. Six patrouilleurs Outre-mer dernière génération vont arriver. Ça, c'est le résultat de la première loi de programmation militaire. 

On aura, entre ces deux lois, donc 2018-2030, on aura doublé le budget de nos armées. Mais on aura pris des décisions structurantes pour nos armées. Deux bâtiments ravitailleurs de forces supplémentaires en plus, des remises en service, trois frégates de défense et d'intervention, sept patrouilleurs hauturiers, cinq sous-marins BARRACUDA en plus du SUFFREN. La dronisation des fonctions guerre des mines dès 2025, lancement de programmes SNLE, lancement du nouveau porte-avions. Et donc, je scande là une partie des décisions qui touchent, justement, notre Marine et qui sont dans cette deuxième loi de programmation militaire et qui viennent consolider la première. Donc, tout ça, ce sont des choix de souveraineté sur la partie militaire qui sont absolument décisifs.

Gaëlle FLEITOUR
Et sur la partie industrielle justement, vous l'avez évoqué en partie. C’est Pierre Éric POMMELLET, le dirigeant de Naval Group et président du GICAN qui nous rappelle : la France est un des seuls pays au monde qui soit capable de tout faire, des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins jusqu'aux bateaux de pêche. Comment est-ce qu'on la soutient cette filière ?

Emmanuel MACRON 
Alors, vous avez parfaitement raison de le rappeler. Et la loi de programmation militaire, je le dis toujours, ce sont des capacités, ce sont d'abord des femmes et des hommes qui s'engagent dans nos armées. C'est notre plus grand trésor, parce qu'aucune technologie ne remplace cet engagement. 

Derrière, ce sont des capacités et c'est une filière industrielle. Ces deux lois de programmation militaire, ce sont des lois d'entraînement de toute une filière qui s'est elle-même structurée avec un réseau de donneurs d’ordre, de grands groupes et de sous-traitants, que nous tirons massivement et puis qu’on tire à l’international, un peu partout, et avec justement les épicentres. Nos Outre-mer, en faisant cela aussi, nous les projetons dans des espaces régionaux, et ça, je pense que c'est un point absolument clé. 

C'est que le rapport à la mer, ce rapport à la souveraineté, c'est une manière aussi de repenser notre propre territoire et nos Outre-mer. On a trop souvent, ces dernières décennies, pensé nos Outre-mer dans le rapport à la capitale et, en fait, dans une forme de traumatisme hexagonal. Nos Outre-mer, c'est une force de projection régionale. Et en réinvestissant sur cette souveraineté, sur la protection, la lutte contre la pêche illicite, la protection de notre espace, on recrée des partenariats avec les autres espaces de la région. Je dis souvent, quand le nouveau Président de Madagascar a été élu, la première chose sur laquelle il est venu me voir, dans un sommet, c'était venir l'aider à lutter contre la pêche illicite que les Chinois opéraient dans ses eaux. Le fait que nous ayons une grande Marine, qu'on sache protéger justement nos eaux, c'était un partenariat absolument clé pour lui. Si nous sommes aujourd'hui une puissance indopacifique dont on a posé la stratégie en 2018, c'est parce que nous avons une capacité militaire et une pensée géopolitique, dans tout cet espace, et parce qu'il s'arrime, si je puis m'exprimer ainsi, sur la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, comme des espaces qui nous permettent d'avoir des partenariats stables avec les autres pays de la région qui cherchent à s'inscrire dans un équilibre et à préserver la liberté de leur souveraineté face aux menaces de plusieurs géants. Si nous avons une crédibilité dans les Caraïbes, c'est par nos Outre-mer, mais aussi la puissance que nous y avons développée. Et j'évoquais, aussi, tout à l'heure La Réunion, c'est aussi tout cet espace de l'océan Indien qui est de plus en plus l'objet aussi de conflictualités, de pêches illicites, autour de cette rotule, si je puis dire, réunionnaise, mais aussi nos partenariats que nous avons su nouer avec les Indiens, avec les Emirats Arabes Unis et avec d'autres partenaires qui utilisent notre Marine, comme notre aviation. Eh bien, nous avons des capacités de mobilisation pour protéger notre souveraineté et la leur. 

Et donc, oui, c'est géopolitique, c'est militaire, et derrière, c'est capacitaire. Et donc, il faut tirer toute cette industrie de la Défense qui irrigue nos territoires et qui, en effet, sur tout notre littoral en particulier — enfin, nos grandes entreprises sont aussi dans les terres — mais sont des créateurs d'emplois absolument extraordinaires et qu'on a besoin de continuer à alimenter. Mais je veux dire, ici, que, quand on parle de souveraineté, il ne faut pas s'arrêter aux militaires. 

La souveraineté, dans ce monde, elle est aussi diplomatique - on y reviendra sans doute en parlant du sommet 2025 - mais, nous avons aussi beaucoup œuvré pour essayer de construire des règles de la mer. On a évidemment un droit international public, un droit maritime auquel nous tenons, la France a joué un rôle éminent, Montego Bay, etc. Mais la mer est un espace que nous avons ces dernières années, et en particulier ces derniers mois, contribué à réguler encore plus. La diplomatie française a joué un rôle clé dans la conclusion de ces négociations qu'on appelle BBNJ, vous en avez peut-être entendu parler, qui régule la très haute mer, au-delà de nos zones économiques exclusives, et qui permet, justement, pour la première fois, de dire que : ce ne sont plus des zones de non-droit. 

Maintenant, on va avoir tout un travail, ce qui sera un des éléments clés pour moi d'ici à 2025, de signature et ratification de cet accord que nous avons signé. Mais il traînait depuis des décennies. Et donc, on a amélioré la régulation internationale pour que ce ne soit pas le Far West, pour reprendre votre terme. La mer est un espace de régulation maritime, contre la pêche illégale, la pêche illicite, les pillages, mais également pour protéger la mer, sa biodiversité. BBNJ, donc, mais aussi les traités pour lutter contre le plastique sur lesquels nous nous battons, et tout cet agenda que nous allons, si je puis dire, jalonner jusqu'en 2025. Cette souveraineté, elle se pense aussi par un travail diplomatique et par un travail de préservation de la biodiversité, du climat et des enjeux pour la mer. Et donc ça, je ne voulais pas qu'on l'oublie en disant cela. 

C'est évidemment aussi une souveraineté en termes de recherche. C'est-à-dire préserver la capacité de coopération des grandes puissances, la France est dans les 5 premières, des grandes puissances de recherche dans nos mers et jusqu'à nos pôles. On a tenu, il y a quelques semaines, le premier Sommet des pôles, et on a cherché à créer cette coopération autour de la cryosphère — les deux sujets sont inséparables. Et donc ça, c'est un point clé pour notre souveraineté. 

Et puis, évidemment, c'est une souveraineté alimentaire et d'accès. Alimentaire, je ne veux pas être trop long, on y reviendra en parlant de la pêche, à coup sûr, mais, quand on parle de notre souveraineté, la mer, c'est notre capacité à nous nourrir. Et d'accès, c'est évidemment de sécuriser l'accès à nos eaux territoriales, à nos ports. Parce que je parlais de la haute mer, je parlais de la France puissance maritime et militaire, je parlais de la France puissance diplomatique, qui, là aussi, essaie de réguler, contribue à réguler la haute mer, la France puissance écologique, qui pose les bases d'une protection de la mer. Je sais que vous parliez également avant d'espace, qui aide à mieux comprendre la mer, à la cartographier et, ce faisant, à la protéger. Mais je voudrais aussi, dans cette belle ville de Nantes, grand port, et sur cette façade maritime qui tient ô combien à ses ports et à la fois aux chantiers, cette production, redire que notre souveraineté, elle est aussi dans l'accès à nos ports et la capacité de nos ports à irriguer nos terres. 

Je le rappelais, hier, au musée de la Marine que nous inaugurions : on ne peut pas comprendre la France, penser son passé mais aussi son avenir, si on ne regarde pas comment nous avons structuré dans les grandes époques notre territoire. Beaucoup des activités - et pensez quelles que soient les régions d'où vous venez - la France s'est construite dans les grandes années, les grandes décennies où elle a été une puissance maritime et océanique. Alors, parfois avec des histoires très douloureuses, celle du commerce triangulaire ou de la colonisation, dont vous avez d'ailleurs eu ici le courage - je veux saluer Jean-Marc AYRAULT et le travail formidable qu'il a fait avec l'ensemble des acteurs ici de la ville - de rouvrir ce passé avec beaucoup de lucidité. Mais, la France s'est construite comme ça. Des grands ports qui nous permettent d'accéder au monde et de commercer, et puis des “hinterlands”, pardon de ce terme, mais qui, le long des fleuves, produisaient le bois, les étoffes, recevaient le sucre ou le commerce venant du bout du monde. Et les débouchés se faisaient par nos ports. Et vous avez, à 200-300 kilomètres de nos façades, des villes, des filières entières qui existent toujours aujourd'hui, qui se sont structurées par la puissance océanique française. 

Et donc, notre souveraineté repose aussi sur notre capacité à continuer à faire grandir nos ports français et à en faire des champions et à continuer à bâtir une stratégie maritime et fluviale française et à continuer à en faire des champions, et beaucoup plus qu'aujourd'hui. C'est pour ça d'ailleurs que nous nous battons aujourd'hui, pour développer. On a fait au premier mandat Haropa, qui est une vraie transformation, le port de Paris, c'est le Havre et Rouen ; et on doit maintenant faire le Grand Port de Marseille à Lyon, permettant d'accéder de la Méditerranée, Rhône-Saône jusqu'au Rhin. 

Regardez une carte en dézoomant, si je puis dire. La France est une puissance continentale et maritime et donc nous sommes normalement le point d'accès sur le transport et sur l'énergie de toute la partie continentale de l'Europe. Et regardez une carte aujourd'hui des structures, c'est ce qu'on a raté ces 40 dernières années. Il n'y a aucune fatalité que les grandes routes énergétiques qui arrivaient en Allemagne soient uniquement continentales en venant de Russie. Cette route est barrée. On va réinventer une route de l'hydrogène et de l'électricité qui viendra beaucoup plus de la France, qui est le point d'entrée, qui est le point d’entrée, des routes atlantiques et méditerranéennes. Nos fleuves sont des points d'entrée du commerce avec nos ports. 

Nous avons à complètement convertir aussi notre regard, et ça, c'est de la vraie souveraineté, c'est de la souveraineté énergétique, alimentaire et d'infrastructures. C'est pour ça qu'on entre dans une nouvelle grande époque, mariage de Colbert et de Freycinet, si je puis dire, où il va falloir avoir une grande ambition pour nos ports, nos fleuves et repenser nos infrastructures de transport, d'énergie et de savoir. Et derrière cela, c'est un formidable levier de décarbonation, un formidable levier.

Vincent JARNIGON
Justement, la souveraineté, vous venez de le dire, elle est aussi énergétique. Pour l'indépendance énergétique du pays, la planification qui va permettre l'accélération de l'installation des parcs éoliens en mer est donc lancée depuis le lundi 20 novembre. L'ambition est connue. Vous avez donné le cap : 40 gigawatts d'ici à 2050. Comment on y arrive ? Est-ce qu'on va y arriver ? 

Emmanuel MACRON
Je vous confirme, on va y arriver. On n'a pas lancé les choses comme ça. D'abord, moi, je veux saluer tout le travail qui a été fait parce qu'il y a eu tout un travail par l'ensemble de l'écosystème, une forme de Parlement de la mer – le Cluster y a joué un rôle absolument clé. Mais la Commission nationale de la mer et du littoral a bâti une stratégie qui, en lien avec notre ministre - mais où il y a eu tous les élus, le monde de la pêche, les acteurs économiques, les organisations non gouvernementales - a fait un travail énorme qui est en fait cette planification de la mer qui est venue alimenter le travail en parallèle de la planification nationale qui a été présentée il y a quelques semaines. Et on a un texte, la programmation pluriannuelle de l'énergie - qui arrive au Parlement en janvier - qui va en effet décliner les objectifs sur le plan de l'éolien en mer et qui va même mettre maintenant 45 gigawatts en 2050. 

Alors pour cela, comment on va faire ? On va s'appuyer sur le travail des parties prenantes et il y avait juste quelques petits points sur lesquels je voulais insister. D'abord, on ouvre aujourd'hui le débat public avec la Commission nationale du débat public pour 4 mois. Et pour la première fois, grâce à la loi sur les énergies renouvelables - que nos parlementaires ont votée il y a plusieurs mois - on va avoir en même temps préparé par cette stratégie nationale mer et littoral, un débat sur les quatre grandes façades maritimes. Et ce débat, il a été très largement préparé par votre travail collectif. Et on va en quelque sorte demander par ce travail d'avoir la carte, si je puis dire, de la biodiversité, de la pêche, des paysages, de la production électrique, pour éviter de faire comme on faisait jusqu'alors, c'est-à-dire de dire : « il y a un projet là », et puis on attend que tout le monde hurle pour le retirer, le remettre, le corriger. 

Là, c'est une planification qui a été préparée par tous les acteurs, sur chaque façade, pour dire qu'il y a des cartes pertinentes. On sait qu'on a là des réserves de biodiversité, donc il ne faut pas déployer des structures. On a là de la pêche et les clés pour les enjeux, on ne va pas déployer les structures. Par contre, là, on a des réserves, on a un niveau de turbidité, de rapport aux vents qui est pertinent, on l'a étudié et la connexion est bonne, c'est rentable. On a un prix d'électricité qui sort, qui est pertinent - et on construit aussi notre souveraineté se faisant. Donc premier élément, le débat public. Je vous invite tous à y participer, mais qui sera, si je puis dire, synchrone. C'est vraiment cette écologie à la française à laquelle je crois pour construire un consensus éclairé par la science, l'objectivité et les voix de toutes et tous. On a inauguré à cet égard l'année dernière, je reviendrai, un projet exemplaire à Saint-Nazaire. 

Deuxième élément sur cette base, en 2025, on va déjà lancer 10 gigawatts, c'est-à-dire une dizaine de parcs qui entreront en vigueur en 2030, 2035 à peu près, parce qu'on a beaucoup réduit les délais et dans tout le travail qui a été fait grâce à vos élus - et ce débat qu'on va faire, va y contribuer - on va passer d'environ 10 à 12 ans qu'on mettait jusqu'alors à 5 ou 6 ans. Donc, on a réduit par deux les délais ; 10 gigawatts lancés en 2025, donc on aura déjà de la visibilité. Ce sera le fruit de ces débats, de ces cartes, c’est la première étape. Puis en 2030, si on vise 10 GWh installés, 10 GWh en 2035 et puis la suite jusqu’en 2050. 

Troisième élément, les ports. Je les ai évoqués ; ils vont jouer un rôle important. A Saint-Nazaire, Fos, Port-Leucate, etc., on va aussi investir massivement pour le développement des infrastructures portuaires métropolitaines pour l'éolien flottant. Et là-dessus, sur l'éolien flottant, on sait que c'est une filière d'avenir, on sait que c'est une filière d'ailleurs où il y a l'acceptabilité beaucoup plus parfois que sur certains paysages ou certaines façades, on sait qu'il faut investir parce qu'aujourd'hui, on n'est pas tout à fait rentable. C'est plus compliqué technologiquement. Moi, j'y crois. Je veux qu'on soit un des leaders dans l'éolien flottant. Et donc c'est pour cela qu'on va mettre près de 200 millions d'euros dans notre stratégie sur l'éolien flottant et sur nos grandes infrastructures portuaires.

Gaëlle FLEITOUR
À quel horizon de temps ces 200 millions ?

Emmanuel MACRON
Ça, on va le lancer là maintenant. Parce que en fait, pourquoi on fait ces investissements ? Pour pouvoir casser les barrières technologiques, réussir à lancer les premiers projets et faire baisser les coûts. Quand on parle de toutes les énergies renouvelables et en particulier aujourd'hui pour l'éolien flottant, la clé, c'est donner de la visibilité, avoir de la profondeur de champ, réussir à casser les barrières technologiques pour baisser les prix. Rappelez-vous ce qu'on disait il y a 15-20 ans même sur l'éolien en mer, on disait que ce n'est pas rentable. On a beaucoup baissé les prix, c'est en train d'arriver aujourd'hui dans des prix tout à fait rentables. Je ne parle même pas du solaire ou de l'éolien terrestre. Donc ça, c'est le troisième point sur ces infrastructures portuaires. C'est absolument clé. 

Quatrième élément, et j'insiste sur ce sujet, dans une région qui tient comme moi à la souveraineté industrielle. Moi, je ne veux pas qu'on fasse sur l'éolien en mer ce qu'on a fait jadis sur le solaire, c'est-à-dire qu'on le développe formidablement pour importer ce qui est fait à l'autre bout du monde, avec un bilan carbone désastreux sur l'amont. Et donc il faut qu'on puisse développer de l'éolien en mer, fixe ou flottant qui soit produit chez nous. Il y a une bonne règle, une bonne façon de faire pour cela : c'est prendre en compte les critères environnementaux. C'est déjà ce qu'on a développé et ce qu'on développe sur les batteries électriques, ce sur quoi on se bat, ce qu'on a fait sur l'éolien en développant ces dernières années une filière. L'éolien, on a, de Saint Nazaire au Havre, beaucoup d'acteurs français maintenant qui produisent. On veut les consolider. 

Et donc pour l'attribution des parcs éoliens et pour toute la chaîne de valeur associée, on va mettre en place des critères environnementaux et de sécurité. C'est tout à fait conforme aux règles européennes, mais c'est là aussi une Europe souveraine, une Europe qui n'est pas naïve, une Europe qui dit : “je ne veux pas simplement être un marché, je veux être une puissance qui produit”. Et donc critères environnementaux et critères en matière de contrôle des données et de cyber, je sais combien la filière y est attachée. Si vous voulez une manière simple de ne pas acheter sur étagère des produits parfois un peu moins chers apparemment qui viennent de très loin à l'Est et contrôler la filière, mettez des critères environnementaux, mettez des critères de contrôle de données et de contrôle cyber. C'est la garantie pour produire français et européen. Et donc on va mettre ces critères sur la filière, sur toute la filière de l'éolien. 

Vincent JARNIGON
Sur l'Europe, en avril dernier, vous êtes allés à Ostende et vous avez annoncé avec huit chefs d’Etat et de gouvernement européens, l'ambition de 300 gigawatts d'ici à 2050, c’est-à-dire cette souveraineté, elle est également européenne. 

Emmanuel MACRON
Elle est européenne. Alors, on a des puissances qui sont beaucoup plus en avance sur nous. Regardez la Baltique et la Mer du Nord, regardez beaucoup de ces pays avec lesquels on rentre dans l'Alliance parce qu'on met des pieds partout. Ils sont beaucoup plus en avance. 

Alors il y a une acceptabilité sociale qui n'est pas la même. C'était une autre génération, elle est en train de bouger parce que quand je vois les difficultés qu'on a sur certains parcs éoliens en mer, avec nos amis belges, je me dis que c'était plus facile il y a 10-15 ans qu'aujourd'hui. En tout cas, ça a été plus facile dans certaines zones que dans d'autres. Bon, c'est comme ça. Donc on ne pourrait plus faire ça sans doute aujourd'hui.

Ensuite, il y a aussi un fonctionnement de la pêche qui n'est pas le même. Je ne veux pas être trop technique, mais ils ont beaucoup de pêche hauturière et ils ont beaucoup de pêcheurs qui vont pêcher très très au loin, avec une pêche qui s'est beaucoup plus industrialisée que la nôtre et qui du coup n'est pas du tout en concurrence avec justement ces éoliennes qui ont été déployées.

Et puis, ils ont aussi un plateau qui n'est pas du tout structuré comme le nôtre, et donc c'est beaucoup plus facile de faire au large, pas trop en profondeur de l'éolien fixe aujourd'hui. C'est aussi pour ça que je veux qu'on développe l'éolien flottant à partir de nos ports, parce que c'est un levier, compte tenu de la manière dont notre plateau est structuré et dont les reliefs que nous avons en mer sont structurés. 

En parallèle de ça, je voulais juste attirer votre attention sur deux autres choses, deux dernières choses quand on parle d'éolien, enfin en tout cas, d’énergies, du renouvelable en mer. On ne va pas lâcher la bataille de l'hydrolien pour autant. C'est une bataille qui est compliquée parce que c'est encore plus compliqué de rentrer dans un prix de l'électricité qui est rentable à court terme. Mais on va mettre en place dans la prochaine programmation des appels d'offres commerciaux pour soutenir ces techniques innovantes. 

Gaëlle FLEITOUR
Vous faites des heureux. 

Emmanuel MACRON
Je dis cela parce qu'on a, il y a quelques années, arrêté des projets qui étaient vraiment très loin, qui avaient été très coûteux, qui étaient portés par des grands acteurs industriels français. Et donc on va rapidement, au Cap de La Hague, avec un soutien inédit de l'Etat de 65 millions d'euros, lancer un projet pilote pour essayer de repartir sur la bataille de l'hydrolien parce que je suis convaincu qu'on a des leviers. Ça peut être extrêmement puissant, en particulier pour nos Outre-mer, parce que je pense à la souveraineté énergétique de nos territoires ultramarins où en plus on sait qu'on a des conditions de turbidité, de production potentielle en hydroliennes qui seraient très fortes. Donc, il faut qu'on soit en tout cas aux avant-postes d'une capacité à fixer la technologie. Donc, on va relancer avec ces 65 millions un appel à projets. 

Mais surtout - parce qu'il y a toujours un implicite quand on dit ça, quand on parle d'éolien en mer - il y a évidemment l'acceptabilité. Alors moi, je crois beaucoup aux débats publics qu'on lance, à la manière qu'on a de le structurer, à cette planification qui met toutes les cartes sur la table. Et pardon de le dire comme ça, mais on s'engueule une bonne fois pour toutes, mais de manière franche et on évite de le faire au bout de 5 ans, 10 ans de projet. Et puis, on se met en transparence, c’est le premier point avec le débat public. Mais on a quand même un retour d’expérience avec ce qu’on a fait à Saint-Nazaire et beaucoup de gens qui ne nous croyaient pas ont quand même maintenant la preuve que ce qu’on disait, c’était vrai. 

Et donc, je veux ici le redire, quand on parle d'éolien en mer, d’abord, on parle de retour en termes d'emplois. C’est des centaines d'emplois dès la phase amont, mais ça peut-être des milliers d'emplois pendant la construction, surtout dans une région qui a su structurer des chantiers, des arsenal forts. Et donc, l'éolien en mer, ici, on sait que ça fait travailler Saint-Nazaire, Nantes, Cherbourg, Le Havre, etc. Donc, c’est bon.

La deuxième chose, c'est que ça produit des recettes. Ce sera 2,5 milliards d'euros entre 2023 et 2035, 2,5 milliards d'euros. Pour financer nos priorités et retour vers les territoires, les communes - et je m'y suis engagé, parce que c'est vrai qu'il y avait eu beaucoup de discussions, les gens qui viennent, ils sont attachés au paysage - il faut qu'il y ait un retour pour pouvoir financer des projets ; avec ça, c'est le cas et même nos pêcheurs. On a dit : il y avait un tiers qui ira pour la pêche. Et donc, je le dis pour nos pêcheurs, l'éolien en mer va nous permettre de financer 700 millions d'euros pour la pêche sur le projet qui est le nôtre. Quand je dis ça, 700 millions d'euros - et je pense, comme monsieur JOUNEAU qui était aussi avec nous au Comité régional des pêches à Saint-Nazaire, il y a quelques mois, il y a un an, il s'en souvient ; il a dû toucher 100 millions et demi, déjà, du projet donc c’est une bonne tombée - avant de dire 700 millions, les premiers sont là. Le président LE NEZET peut le dire. Donc, ce n'était pas que des promesses. L'argent tombe grâce à l'éolien en mer donc c'est une bonne opération.

Gaëlle FLEITOUR
Alors, parlons des pêcheurs justement, vous venez de l'introduire. C'est quand même une filière qui est en difficulté, qui est en crise. Comment est-ce que l'État compte continuer à l'accompagner ? Vous avez évoqué ce moyen effectivement, par l'argent qui va être amené par l'éolien. Mais quelles sont les autres perspectives que vous pouvez leur offrir ?

Emmanuel MACRON 
Alors d'abord, nous, on a une pêche qui est plurielle, qui fait vivre nos territoires ; c'est une exception française. Et moi, je la défends parce que c'est une pêche qui s'est parfois moins industrialisée que les voisins, pour laquelle on s'est battus avec succès, pour la défendre d’ailleurs. 

Je rappelle que c'est la France, par son action diplomatique qui, il y a quelques années, s'est battue pour qu'on arrête d'utiliser l'électricité, que certains voisins - vous avez compris que je ne cite personne pour ne pas me fâcher avec personne - que certains voisins, plus proches mais pas si loin, utilisaient massivement, en Mer du Nord et ailleurs, pour faire leur pêche. On s'est battu. Si ces modèles industriels qui étaient très mauvais se sont arrêtés, c'est parce que la France est intervenue. 

Nous, on a un modèle qui est pluriel, mais qui, je le crois, est bon et que l'État a toujours protégé. On l’a protégé lors du Covid et on l'a protégé lors du Brexit. Et je veux saluer le travail qu'Annick GIRARDIN durant ces années a conduit, elle est avec nous aujourd'hui aux côtés de nos pêcheurs, et qu'Hervé BERVILLE a repris maintenant parce qu'on a encore, ces dernières semaines, débrouillé des affaires d'accès post-Brexit. Et vraiment, je remercie plusieurs de nos pêcheurs qui ont eu une patience pour retrouver leurs droits de pêche qui était exceptionnelle. On les a aidés, mais je sais que ça a suscité beaucoup d'angoisse dans les familles. 

Et donc, on est là et la pêche française est honnêtement, sans doute, la pêche la plus aidée en Europe et un secteur qui est très aidé parce qu'on défend ce modèle, qui soit d'ailleurs hexagonal ou ultramarin, parce qu'on a des modèles pluriels dans nos Outre-mer. Mais pourquoi je le défends ? D'abord parce qu'on en a besoin pour notre souveraineté alimentaire et on importe encore beaucoup de ce qu'on consomme en France. 

Gaëlle FLEITOUR
80 %. 

Emmanuel MACRON
Exactement. 

Gaëlle FLEITOUR
Comment est-ce qu'on inverse cette tendance ? 
Emmanuel MACRON
On l'inverse en consolidant ce modèle et en poussant les consommateurs — je vais y venir - en aidant à court terme et en faisant la transition, en poussant nos consommateurs à aller justement vers cette qualité, ces produits traçables. 

Ensuite, en nous battant contre les modèles de pêche intensif et en développant les modèles de pêche durable que nous avons dans notre pêche hexagonale et surtout, c'est encore plus un défi dans nos pêches ultramarines qui sont souvent dans des régions où elles ont de la pêche hyper intensive face à elles. Je parlais de la Polynésie tout à l'heure. On a honnêtement un modèle de pêche extraordinaire, soutenable, qui soit d'ailleurs dans des modèles très locaux ou dans des modèles qui se sont industrialisés mais de manière raisonnée, et qui eux se battent face à des puissances qui font de la pêche hyper intensive, complètement prédatrices, parfois illicites. Donc, il faut les défendre. 

Alors à court terme, qu'est-ce qu'on doit faire ? On doit continuer d'aider sur le carburant. C'est pourquoi les aides, les 20 centimes par litre seront maintenues jusqu'à expiration du régime temporaire européen ; c'est-à-dire en juin 2024. Et ces 20 centimes seront cumulées avec les aides qu'on a obtenues auprès de plusieurs grands groupes, Total et autres, ce qui fait qu'on aura une aide exceptionnelle que nos pêcheurs n'auront jamais eue sur le carburant. C'est ainsi, mais c'est à court terme, je crois, un ballon d'oxygène qui était plus que souhaité, qui était nécessaire. Donc ça, c'est la première chose à très court terme. Ce sont ces 20 centimes qui vont venir en plus des aides qu'on a déjà obtenues. 

Ensuite, quand on regarde les choses, on a une pêche qui est aussi l'une des plus réglementées au monde et l'une des plus contrôlées. Il faut être aussi totalement lucide, avec les obligations de débarquement, les quotas, le rendement maximal durable, caméras embarquées, etc. Il faut en être fier parce que ça répond à chaque fois à des défis, mais il faut aussi le reconnaître parce que sinon nos pêcheurs disent qu'on est aidés, d'accord, mais enfin, quand on compare avec les autres pêches, ils sont beaucoup moins contrôlés. En 2022, je veux quand même rappeler ces chiffres, plus de 50 % des poissons viennent de stocks gérés durablement. Et donc, on a un secteur qui progresse aussi, année après année. Il y a 20 ans, on avait moins de 10 % de nos poissons qui venaient de stocks gérés durablement. Donc, on a multiplié par 5 cette gestion durable de nos stocks. C’est cela que l'on doit continuer et ct c'est un travail qui suppose de l'investissement, etc. 

Par contre, là où vous avez raison, c'est qu'il faut du coup une stratégie, une modernisation à la fois de notre pêche pour qu'elle continue cette transformation, qu'elle investisse ; et puis qu'on accompagne les consommateurs pour qu'ils suivent le modèle. Parce qu'il en est de notre pêche comme de notre agriculture, le même défi, ça ne sert à rien d'être de plus en plus exigeant avec les producteurs si derrière on laisse de plus en plus importer des produits de la pêche et de la mer qui viennent de puissances qui ne respectent pas ces règles. Et ça, c'est notre défi, et c'est aussi celui que je rappelle constamment parfois aux gens qui voudraient qu'on aille plus vite et plus fort. Moi, j'entends tout ce qui est plus d'exigence. Simplement, faites attention : on doit investir et moderniser, et on doit éduquer le consommateur pour qu'il aille dans la même direction que nous. Mais si on va trop vite et que tout ça n'est pas synchronisé, le risque, c'est qu'on massacre notre capacité à produire et que du coup on n'ait plus le choix dans quelques années ou quelques décennies que de consommer des choses qui ne respecteront plus nos règles. Alors nos règles seront parfaites, mais il n'y aura plus de producteurs avec nos règles. Et c'est le risque pour notre pêche et notre agriculture. 

Donc du coup, ce que je veux que l'on fasse entre maintenant et l'été prochain, c'est un vrai contrat de transformation de la pêche française. On l'a lancé ensemble au Salon de l'agriculture, le président de LE NEZET s'en souvient. Et donc à l'été 24, le début de notre année de la mer, on doit signer ce contrat, qui doit passer par plusieurs immenses chantiers :
-    D’abord, la valorisation du poisson. Aujourd'hui, le pêcheur n'est pas maître du prix de son produit et la vente n'est pas assez consolidée. C'est exactement la même chose qu'on a sur les filières agroalimentaires. Vous en parlez souvent dans vos colonnes, je vous lis. Sans prix rémunérateur, on le voit bien, les jeunes sont réticents à s'engager dans le métier. Et donc il faut qu'on puisse avoir une organisation de producteurs, d'associations de producteurs, pour gérer les quotas, commercialiser les poissons, mais consolider, et avec moins de volatilité, des sujets de prix et de valeur ; 
-    Ensuite, c'est la répartition de la valeur ajoutée et de la marge. Et là-dessus, on veut éclairer la structuration de la marge et de la valeur ajoutée — Jimmy le sait bien, qui s'est battu pour ça sur certaines filières — mais on a aujourd'hui une répartition de la valeur et de la marge qui n'est pas la bonne ;
-    Troisième élément, moderniser les criées. Il coûte moins cher de débarquer en Écosse ou en Irlande et d'acheminer les captures par camion en France. Vous trouvez ça normal ? Donc ça veut dire qu'on a un problème. Parce que du coup, on a un bilan carbone qui est désastreux, on a un bilan économique qui n'est pas le bon, et donc on doit réussir à moderniser les criées, mutualiser les coûts au sein de la filière ;
-    Quatrième élément, la gouvernance de la filière, qui est sans doute encore aujourd'hui trop complexe. On doit pouvoir simplifier les choses, avoir une organisation plus structurée. 

Voilà quelques-uns des éléments sur lesquels on va justement se battre, avec enfin deux éléments clés, l'attractivité du métier et la consommation. L'attractivité du métier, on doit pouvoir plus attirer les jeunes, leur offrir de bonnes conditions de carrière et de travail, mieux valoriser les capitaines de pêche et avec ça, aller enfin au bout des discussions européennes sur la modernisation et l'investissement pour notre flotte hexagonale et ultramarine. Et donc ça, ça fait partie de cette stratégie sur laquelle on va mettre la pression à l'Europe. Vous saviez qu'on avait mis ce sujet au cœur de la présidence française. 

Et puis, la consommation, c'est évidemment pêcher et consommer français. Tout ça va être au cœur de ce contrat de transformation de la filière qu'on doit finaliser pour l'été prochain et qui doit nous permettre au fond de se dire comment on utilise bien les aides et les investissements qu'on continuera de faire, et en particulier ces 700 millions d'euros qui vont arriver par l'éolien en mer en plus et qu'il nous faut bien utiliser, c'est-à-dire le mettre au service de la filière. 

Puis, à côté, moi, je veux aussi maintenir un engagement régalien pour faire le lien entre ce qu'on se dit, c'est-à-dire l'économique et le souverain, c'est que notre pêche partout, on va continuer à la protéger. Parce que tout ça ne vaut que s'il y a une égalité de traitement en mer. Tout ça ne vaut que si on a une marine forte. Et je veux saluer vraiment le travail de nos marins pour protéger justement nos pêcheurs. C'est une question de crédibilité. Nos armées, il y a quelques jours encore, en mer, ont intercepté une embarcation de pêche illégale au large de la Guyane. On a saisi, ramené au port, déféré à la justice les fameuses tapouilles, qui ont été interceptées et ramenées. Et donc, il n'y a pas de semaine qui passe sans qu'on continue ce travail. 

Et puis, je le disais pour le consommateur français, je veux qu'on revienne à la conquête des assiettes des Français. Pour ça, il nous faut un label pêche durable. Il nous faut valoriser par l'étiquetage. Ça fait 10 ans qu'on l'attend ; ce n'est pas acceptable. Et donc là, je veux vraiment que d'ici à ce contrat, donc à l'été prochain, on ait finalisé ce label qui permettra de protéger notre pêche française et nos produits de la mer. Et nous devons ici aussi pouvoir rentrer dans les cantines avec des poissons issus de nos côtes. C'est exactement ce qu'on est en train de faire avec la filière viande. C'est le même combat et elle a à peu près les mêmes chiffres quand vous regardez la viande qui est servie dans nos hôtels, cafés, restaurants, elle est à plus de 70 % importée. Et pas du bout du monde, des voisins européens. Donc, valoriser, éduquer, faire la chose. Et puis, on va lancer cette année de la mer avec un menu pêche et produits de la mer français pour pouvoir, de manière symbolique, lancer cette reconquête des cœurs et des assiettes. 

Derrière tout ça, il y aura évidemment les 700 millions issus de la filière. Derrière tout ça, on va avoir des financements adaptés et derrière tout ça, on aura un combat européen pour soutenir la pêche. Et on a deux chantiers européens - je le dis dans une terre qui aime l'Europe quelques mois avant des échéances importantes ; pour faire tout ça et pour réussir ce contrat, on va avoir deux grandes batailles européennes et vous me trouverez à vos côtés pour cela. La pluri-annualité des quotas, on a progressé sur cette demande qui est portée par la France. On a obtenu que neuf stocks fassent l'objet de quotas pluriannuels. Il faut aller bien au-delà et il faut réussir à donner de la visibilité sur ce sujet. Et l'évolution de la jauge brute pour le renouvellement de la flotte, on le sait, c'est le point technique qu'il y a derrière ce que j'évoquais, qui est essentiel pour les conditions de travail qui est essentiel pour les conditions de travail et de décarbonation et pour aider à l’investissement. C’est deux batailles européennes. On ne lâchera rien dessus. 

Vincent JARNIGON
Vous venez de l’évoquer. Vous avez parlé de décarbonation. Une feuille de route a été présentée aux ministres Hervé BERVILLE et Clément BEAUNE en avril 2023. Est-ce que vous pouvez nous préciser comment cette feuille de route va être mise en œuvre ?

Emmanuel MACRON
Alors tout d'abord, je veux remercier l'ensemble des acteurs. Mais je veux remettre deux secondes dans le contexte. Je disais, je crois hier quand j'étais au musée de la Marine, que la mondialisation est une maritimisation, ce qui est vrai. 85 % des marchandises européennes aujourd'hui arrivent ou partent à la mer. Donc quand on parle de mondialisation de marchandises qui circulent, on parle de la mer. 

Mais la mer a été un formidable levier de décarbonation parce que ce qui arrive par la mer pollue beaucoup moins que ce qui arrive par les airs, et ce qui circule par les fleuves pollue beaucoup moins que ce qui circule par la route. Donc une stratégie maritime, maritime et fluviale, est bien meilleure qu'une stratégie aérienne et routière. Il faut le recontextualiser parce qu'il y a toujours un ordre de mérite, bon, quand on veut décarboner. Donc, il ne faudrait pas revenir en arrière en voulant mettre des bâtons dans les roues du maritime et du fluvial. 

Ceci étant dit, comme la mondialisation avance, 3 % des émissions de CO2 au monde, c'est le secteur maritime, donc ce n'est pas rien, c'est trois fois la France. Donc c'est un secteur qui, à l'échelle de la planète, est émetteur parce qu'il est au cœur de cette mondialisation. Alors on a fait beaucoup de choses ces dernières années. On s'est positionnés justement avec les armateurs, les industriels, les ports, les administrations, les collectivités locales, le monde scientifique et académique que je remercie pour nous positionner aux avants postes. Et là-dessus, on a quelques piliers de la stratégie. Mais je veux vraiment remercier les acteurs parce que dès le G7 de Biarritz - moi je n'oublie pas, Rodolphe SAADÉ était là déjà et il avait commencé les engagements premiers - ce sont les acteurs du maritime français qui, les premiers, ont engagé la décarbonation. Si dans le G7 de Biarritz, on met les premières bases justement de cette stratégie telle qu'elle a été présentée, mais à l'international, c'est parce que les acteurs français s'engagent et que déjà vous aviez dit : nous, on va commencer à décarboner nos navires. 

La deuxième chose, vous êtes les premiers à avoir engagé aussi les autres européens à dire avec la fonte des glaces, ça rejoint le sujet polaire, la disparition du permafrost, il y a une route maritime Nord qui va s'ouvrir, on prend l'engagement de ne pas l'utiliser - parce qu'elle serait beaucoup plus rentable si on l'utilisait, elle évite de passer par les caps, les hautes mers. C'est fondamental pour la décarbonation. Vous avez fait ça, je vous en remercie et je veux qu'on vous rende hommage pour ce choix qui a été fait à l'aveugle. 

Derrière ça, qu'est-ce qu'on veut faire ? D’abord, innovation, industrialisation. Et donc ce sont les propulsions plus économes, le soutien au vélique, à d'autres énergies, la recherche d'une efficacité opérationnelle, tout le travail sur la vitesse des navires, dont on sait que justement on peut les réduire. Donc il y a tout un travail qui est fait avec l'Organisation Maritime Internationale, avec les innovateurs, avec la filière qui est : on innove, on décarbone, on travaille sur le poids, on travaille sur la vitesse. Et tout ça, merci à tous les acteurs qui sont là, les Naval Group et tous les acteurs de la filière qui sont très engagés, je le sais, pour caler avec les transporteurs et les compagnies justement, le bon levier. Innovation, industrialisation. 

Ensuite, carburant durable. C'est pareil que sur l'aérien. Nos navires peuvent dès à présent l'utiliser. Et là-dessus, qu'est-ce qu'on fait ? On travaille sur la montée de l'incorporation, sur avoir une filière durable et une filière en France. Et donc là-dessus, nous sommes en train de déployer et ça irrigue tous les territoires. On a lancé, pour ne vous donner qu'un exemple, à Pau il y a quelques semaines, un acteur justement du carburant durable français qui va permettre de produire ce qu'on appelle le SAF, qui sera utilisable sur le maritime et aérien. Enjeux de souveraineté. 

Et enfin, les infrastructures. Parce que quand on parle de décarbonation du maritime, on parle évidemment de nos ports, ces portes d'entrée. Et donc, là-dessus, le précédent quinquennat, je le disais en créant Haropa, a mis aussi au cœur la stratégie d'électrification de décarbonation du port, et c'est toute la stratégie de décarbonation de nos ports que nous sommes en train de déployer. Et cette stratégie décarbonation et électrification est celle qui permet aussi de réduire énormément, on le sait, les émissions, préparant aussi les raccordements hydrogène permettant des infrastructures de stockage de carbone. On va faire de nos ports des lieux de décarbonation qui vont permettre d'accompagner la décarbonation des navires et de tout le transport, mais qui vont permettre aussi de stocker du carbone, d'être des hubs de production et de transport d'hydrogène. Et c'est très cohérent avec la stratégie maritime fluviale que j'évoquais tout à l'heure. 

Ce sont les trois grands principes : innovation, industrialisation, carbone durable et infrastructures. Et donc derrière ça, nous avons lancé plusieurs initiatives européennes parce que c'est toujours pareil, il faut qu'on structure l'offre. Je pense par exemple à la réglementation ReFuelEU qui prévoit déjà des jalons d'incorporation de carburants durables. La stratégie de décarbonation donc votée en juillet dernier par l'OMI, qui fixe le point de départ du travail que nous avons lancé et qui a été inspiré par nos travaux. Et donc, pour accompagner tout ça, la France va engager pour la filière, dans France 2030, 800 millions d'euros sur la période 2022-2030 sur les sujets de la mer. 

Ces 800 millions d'euros, ils vont permettre de financer plusieurs projets de recherche, plusieurs projets de décarbonation de ports, d'infrastructures portuaires, de zones industrielles portuaires dont on prépare la décarbonation - certaines qui sont particulièrement grosses - de formation. Mais surtout, à travers ça, on va y utiliser quelques centaines de millions d'euros pour alimenter un fonds de décarbonation de place. Moi, je veux remercier, là aussi Rodolphe SAADÉ qui avait pris l'engagement, je crois que c’était aux dernières assises d’ailleurs de la mer …

Vincent JARNIGON
À Lille.

Emmanuel MACRON
… Non c’était à Lille pour CMA CGM de mettre 200 millions d’euros d’investissement. L’idée, c’est qu’on puisse rassembler plusieurs industriels, j’allais dire de la place de la mer qui sont prêts justement à suivre cet effort, nous, on mettra 500 millions d’euros. On a plusieurs investisseurs et acteurs bancaires qui sont prêts à venir pour avoir cherché à faire un fonds autour d'un milliard et demi d'euros qui puisse accompagner et lancer et soutenir ces projets publics et privés, mais qui puisse justement dynamiser cette décarbonation de tout le secteur. Et donc, vous le voyez, c'est de l'innovation, c'est de l'investissement public indispensable sur nos grandes infrastructures. C'est de la réglementation européenne, internationale, c'est de l'engagement proactif des grands acteurs ralentissement de la vitesse, interdiction de certaines routes et c'est de l'investissement public privé par ce fonds d'un milliard et demi d'euros.

Gaëlle FLEITOUR
Et on va aussi parler des hommes et des femmes parce qu'il n'y a pas de filière sans salariés, il n'y a pas de filière sans hommes, femmes qui se mobilisent. Or, la filière a du mal malgré tous ces efforts pour former, elle a du mal encore à recruter. Comment est-ce qu'on peut l'accompagner ? Et puis, comment est-ce qu'on répond aussi aux enjeux du dumping social ? Vous l'avez fait à l'échelle française, mais est-ce que ce n'est pas à l'échelle européenne qu'il faut directement aller se battre ?

Emmanuel MACRON
Alors ça, vous avez parfaitement raison et c'est ce qu'on est en train de faire et ce qu'on va faire. Bon, d'abord il faut lutter, vous l'avez dit, contre le dumping social. Premier élément parce que c'est très dur, on ne bâtit pas quelque attractivité que ce soit si on voit à côté des exemples terribles dans nos ports ou sous nos fenêtres. Et donc nous devons protéger, lutter contre le dumping social, empêcher qu'on ait des compagnies étrangères qui exercent une concurrence déloyale ou qui mettent en danger la vie des passagers, parfois, à travers des salaires, des conditions de travail qui ne respectent absolument pas nos standards. Donc ça, nous l'avons fait. Une loi justement a été portée sur le transmanche que nous allons appliquer aux autres façades. 
Et c'est sur la base du texte français qui a été pris sur le transmanche que nous allons maintenant européaniser le combat. Et je veux saluer vraiment nos parlementaires qui sont très mobilisés sur ce sujet, parlementaires nationaux et européens. Et donc là, maintenant, on va mener le combat pour européaniser ce qui a été fait sur le transmanche et lutter contre le dumping social. Ensuite, on doit travailler sur l'attractivité des métiers. Et donc ça, c'est tout ce qu'on disait par exemple sur la pêche, mais c'est ce qu'on doit faire sur l'ensemble des métiers de la mer et sur lequel nous sommes engagés. Je veux saluer aussi le travail du cluster maritime français ces dernières années sur ce sujet en particulier. Et puis, il y a la question de la formation qui est décisive. D'abord, on va continuer de former et j'ai donné des objectifs ambitieux. Je le dis aussi parce qu'il ne faut pas que le président sortant du cluster pense qu'il n’aura plus de défis. On a dit pour le NSM fois deux, donc on sera au rendez-vous de l'accompagnement budgétaire. 

Mais il faut qu'on soit aussi au rendez-vous pédagogique et de la formation. Mais mine de rien, c'est une petite révolution parce qu’on n’a jamais fait un tel effort en si peu de temps. On a 12 lycées maritimes en France. Ils se portent bien, on va continuer de les accompagner. Ils sont à l’avant-poste de ce qu’on est aussi en train de faire avec nos lycées professionnels. Et donc, beaucoup des métiers de la mer sont liés à la réforme des lycées professionnels qu’on est en train de conduire et qui est absolument fondamentale et pour laquelle, j’ai besoin de vous, pour expliquer et donner les besoins mais aussi valoriser les métiers pour que les jeunes aillent vers ces métiers et on est en train d’en bâtir des nouveaux. On va bâtir des nouveaux lycées maritimes à la Réunion, c’est un investissement de 60 millions d’euros, là aussi, inédit. On monte en Guyane, le premier CAP sur ce sujet. On monte en Polynésie, avec le président BROTHERSON, le premier campus des métiers de la mer en Polynésie française, pour là aussi former, bâtir l'attractivité de ces métiers. Et puis ce qui a été d'ailleurs encore, réexpliqué hier par la Première ministre et les ministres pour la stratégie nationale de biodiversité, mais c'est une filière génie écologique qui est aussi en train d'être structurée partout sur notre territoire, qui permet, là aussi, dans nos lycées professionnels, dans le postbac, pour nos jeunes, d'aller vers des métiers du génie écologique dont beaucoup sont liés à la mer, aux maritimes et au fluvial et qui, sur des métiers techniques, vont participer de cette aventure. Donc c'est cet ensemble, lutter contre le dumping, consolider l'attractivité des métiers et faire cette petite révolution de la formation sur l'ensemble de ces sujets.

Vincent JARNIGON
Sur la formation, il y a le temps de former tous ces jeunes et tous ces jeunes hommes et jeunes femmes. Il y a certains chantiers aussi qui sont obligés et contraints d'utiliser les travailleurs détachés et qui demandent d’ailleurs à continuer à pouvoir embaucher les salariés, parce que la commande publique et la commande privée est là et bien là. Donc comment rester compétitif aussi ?

Emmanuel MACRON
Alors ça d'abord, on s'est battu, il y a 6 ans pour réformer le travail détaché. Et le travail détaché dont on parle aujourd'hui n'est pas celui qu'on avait il y a 6 ou 7 ans, qui était parfois le travail détaché, boîte aux lettres avec beaucoup, beaucoup de fraudes. Il y a moins de fraude. Ce que vous dites est une réalité. Alors, en tant qu'Européen, je ne peux pas vous dire que je suis contre la libre circulation des travailleurs et que c'est une mauvaise chose. Enfin, en tant que Président français, je ne peux pas vous dire que je sois très heureux de la situation. Moi, je ne l'oublierai jamais, jamais, pendant le Covid que dans les premières autorisations qu'on nous a demandé, c'était du travail détaché sur nos chantiers pour produire des bateaux et parce que, sans lesquels, on allait arrêter, on le sait, sur certains fameux chantiers pas très loin d'ici, s'il n'y avait pas les Polonais qui venaient pour finir de souder. Donc là-dessus, je vais être très clair et très simple avec vous. 

Premièrement, il faut être intraitable sur la fraude et il y en a encore. Donc, on va continuer de se battre. Elle est en vérité plus sur les sujets de transport que sur les sujets de travail postés et industriels. Mais il faut être très vigilant. La deuxième chose, c'est que la meilleure manière de répondre à cela. C'est l'harmonisation sociale européenne, et la présidence française a permis de passer un cap puisque nous avons réussi pour la première fois le SMIC européen. Donc on a mis en quelque sorte un plancher européen, c’était une bataille qu'on avait depuis des décennies et que grâce à un alignement des planètes, si je puis dire, en Suède et en Allemagne, on a réussi à rentrer. Maintenant, c’est dans le droit européen. Donc, on va lutter contre du dumping à la baisse qu’il y avait parfois sur le travail détaché. 

Mais surtout, c’est à nous de faire le boulot. C’est-à-dire qu’on doit absolument avoir une gestion prévisionnelle des besoins, c'est-à-dire des emplois et des carrières, à l'échelle territorialisée et des filières. C'est exactement le cœur de ce qu'on met derrière le projet France Travail. Et donc moi, je suis le premier à dire, quand il y a des métiers où les gens doivent réduire leur activité et qu'on a sur le même bassin d'emploi ou à 50 km, des jeunes ou des moins jeunes qui sont au chômage, personne ne peut comprendre. Ça alimente une chose, la démagogie, les extrêmes, et donc c'est mauvais pour tout le monde. Alors aujourd'hui, on répond à ça avec du travail détaché. Si demain, on ne veut plus avoir recours à ce travail détaché, il faut qu'on ait une gestion prévisionnelle et qu'on se dise, on sait qu'on aura besoin sur ces chantiers de soudeurs, de chaudronniers, etc. et on est en train de planifier. 

C'est aussi pour ça que j'ai lancé cette planification écologique. Ça faisait un peu vieille école pour certains. J'ai parfois piqué ce terme à d'autres qui n'avaient pas forcément les mêmes aspirations derrière cette formulation. Mais parce qu'on revient en fait à une ère où on doit se donner un cap, on doit se dire : « voilà notre objectif à 10, 20, 30 ans, voilà où sont nos besoins énergétiques, de biodiversité écologique, mais aussi industrielle ».  Et donc derrière ça, on doit maintenant se dire où sont nos besoins en termes d'emploi, de formation, et complètement pivoter nos sujets de formation. Et je vous le dis, c'est ça qui est au cœur de notre réforme des lycées professionnels. Et avoir des mouvements sociaux, on en entend parler pour une raison simple, ça me permet d'en parler. Nos lycées professionnels partout sur le territoire, c'est un tiers de nos lycéens. C'est un sujet dont personne ne parlait. Eh bien, écoutez, c'est l'endroit de la République où il y a le plus de décrocheurs et le plus de jeunes qui n'ont pas de débouchés. C'est un scandale. Quiconque prétend se battre contre les inégalités aurait dû se porter sur ce sujet depuis bien longtemps. Mais tout le monde détournait le regard. Et pourquoi ? Et je vais vous dire pourquoi, parce que c'est le seul endroit de la République où on disait à des familles « Inscrivez vos jeunes », mais il n'y a aucune transparence sur ce sur quoi vous faites déboucher la filière, et où on laissait des filières ouvertes en fonction des qualifications des professeurs qu'on avait, mais pas des débouchés. Vous imaginez-vous un endroit où on fait ça ailleurs ? Eh bien, dans des cours, on a continué à former des jeunes sur des métiers qui n'avaient plus de débouchés parce qu'il n’y avait plus de besoins. Et dans des métiers chaudronniers, soudeurs, ces métiers, justement, du génie écologique, dont on parlait tout à l'heure, où on sait qu'on a des besoins, pas demain seulement, aujourd'hui, demain et après-demain, on ne forme pas suffisamment. Et donc, je remercie là en particulier la région, parce qu'ici, vous avez une région active. On a lancé d'ailleurs ce chantier — je n'oublie pas, Madame la présidente — on est en train de finir l'énorme travail de carte des formations. Donc, on va devoir ouvrir et fermer, ce qui suppose du courage. Eh bien, par rapport au travail détaché, la vraie réponse, c'est que partout où il y a du travail détaché, il faut ouvrir des postes de formation dans nos lycées professionnels ouvrir des postes dans nos postbac et former nos jeunes pour que, demain, dans ces bassins d'emploi, on ait des jeunes qui soient disponibles et qui soient de la main-d’œuvre, et qu’ils puissent travailler, et qu’ils puissent avoir d'ailleurs des bons salaires parce que ce sont des postes où il y a des bons salaires. 

Gaëlle FLEITOUR
Alors peut-être qu'on peut aussi reparler de l'année de la mer. Vous le savez, bien sûr, ça va se dérouler de septembre 2024 à septembre 2025, avec un temps fort, la conférence de l'ONU à Nice sur les océans. Cette question de la préservation des océans est au cœur de la diplomatie française. Quels sont les engagements internationaux que vous, monsieur le Président, vous comptez porter à Nice ? 

Emmanuel MACRON
Alors vous l'avez dit, d'abord, Nice, c’est un point d'aboutissement. On vient à Nice, donc, organiser cette conférence des Nations Unies pour les océans et les mers. Et donc c'est un peu l'équivalent de nos COP, de ce qu'on avait organisé à Paris en 2015, sur un sujet fondamental pour, à la fois le plus grand puits de carbone au monde et le plus grand trésor de biodiversité. Et ça vient donc, en quelque sorte, pour moi, en point d'aboutissement des efforts qui ont été commencés en 2015 à Paris, qui se sont faits ensuite sur la biodiversité de Kunming à Montréal où on a fait ces avancées importantes, dont BBNJ. Et le point d'aboutissement doit être 2025. Et donc c'est tout un travail, c'est la longue traversée à l'international. C'est la régate, c'est la transat… Et puis on va organiser une année de régates, si je puis dire et, d'été 2024 à l’été 2025, on va organiser justement beaucoup d'événements sur lesquels je voulais revenir, les événements et puis la stratégie de Nice. 

D'abord, je peux vous donner en exclusivité comment on va jalonner cette année. D'abord, on va finaliser notre contrat de transformation et de modernisation de la pêche. Ensuite, les Journées européennes du patrimoine 2024, qui se tiendront le 20 et 21 septembre 2024, elles seront dédiées en France aux enjeux maritimes. Et ça, je suis très content parce qu'on a fait un très gros travail dans le plan de relance Covid sur les sentiers littoraux pour montrer cette France justement du bord de mer, des sentiers, etc., des façades. On a fait ces dernières années beaucoup de travail pour rénover nos phares, nos équipements historiques, et donc, patrimoine maritime français hexagonal et ultramarin en septembre 2024. La fête de la science en 2025 sera centrée sur les océans. Le loto de la biodiversité 2025 - et je vous encourage d'ailleurs à souscrire au loto de la biodiversité. Comme il est interdit de faire de la publicité de par les règles aujourd'hui, que je ne comprends pas moi-même, j'en fais parce que ça permet de financer nos actions en matière de biodiversité - Le loto de la biodiversité 2025 sera consacré à la protection des sites emblématiques maritimes de métropole et d'outre-mer. Il y aura le lancement d'une convention des entreprises pour la mer et l'océan, portée par les acteurs du monde économique. On aura une grande initiative dans la restauration collective, en lien avec les grands chefs français, pour un menu de la mer, et on le scandera dans tous les territoires, et au moment de l'UNOC, qui est donc le nom de la conférence qui sera mise en place. Et nos sportifs seront mobilisés, je n’oublie pas Stéphane KANDLER et plusieurs autres, engagés pour la Coupe de l'America, auquel le patronage a été accordé. Tout l'écosystème, justement aussi, du sport, du nautisme, durant l'année en mer, seront mobilisés durant cette année. Ça, c'est quelques-uns des événements qui vont jalonner. Tout ça pour vous dire que de l'été 2024 à l'été 2025, partout où on aime la mer, la mer sera consacrée et surtout, vous me verrez à vos côtés parce que nous allons scander ces différents mois. Maintenant, qu'est-ce qu'on va faire ? 

Gaëlle FLEITOUR
Le rendez-vous est pris. 

Emmanuel MACRON
Qu'est-ce qu'on va faire maintenant et pourquoi c'est important ce rendez-vous ? Je vous assure que si on a pris le flambeau de ce combat, si on se mobilise avec Nice, c'est parce qu'on a des choses extrêmement importantes à faire dans l'année qui vient. D'abord, c'est un enjeu scientifique. Françoise GAILL et plusieurs autres sont mobilisés, je veux la remercier une fois encore et remercier tous les scientifiques qui sont à nos côtés. Mais au fond, il nous manque pour les océans et la mer ce qu'on pourrait appeler un indicateur de santé. Tout le monde maintenant qui s'intéresse au sujet connaît les 1,5 degré quand on parle du climat. On sait que c'est l'indicateur de santé. Ceux qui disent « On laisse tomber ce truc-là », on sait qu'ils ne font pas de la bonne prévention, surtout, ils ne s'occupent plus des urgences et on aura des problèmes. Sur la mer, on doit stabiliser par la recherche un tel indicateur. Et donc, d'ici là, nous allons finaliser avec les chercheurs et on dévoilera à Nice cet indicateur qui va prendre en compte les éléments de réchauffement, d'acidification de nos océans, d'élévation du niveau de la mer, mais on aura un indicateur de santé des océans et de la mer. Ensuite, on va finaliser un travail d'actualisation du droit international. C'est un rendez-vous diplomatique. Aujourd'hui, le droit de la mer ne permet pas de protéger suffisamment l'environnement et donc nos négociateurs travaillent sur une espèce de traité des traités pour l'océan, compact pour l'océan, qui suppose de faire converger à Nice plusieurs négociations majeures. D'abord, l'adoption du traité sur la pollution plastique. Rappelez-vous, à l'UICN à Marseille, il y a quelques années, on avait lancé cette initiative, en tous cas, on l'avait structurée avec beaucoup d'acteurs ici présents et associatifs, je ne l'oublie pas. L'idée, c'est de le finaliser à ce moment-là. 

Deuxièmement, d'obtenir les ratifications nécessaires pour l'entrée en vigueur de l'accord dit BBNJ, qui permet donc les premiers projets d'aires marines protégées en haute mer et la protection de la haute mer. 

Troisièmement, en faisant grandir la coalition des États favorables à un moratoire sur l'exploitation des fonds marins. Combat que j'avais endossé l'année dernière à Charm el-Cheikh à la COP, la France est la première puissance maritime de taille à s'être engagée pour dire « Nous, nous n'exploiterons plus nos grands fonds marins. » Ça, on va le porter. On va surtout continuer de convaincre. Et donc là-dessus, je veux qu'on arrive au seuil critique. On a aujourd'hui 24 pays qui défendent l'idée d'un moratoire sur l'exploitation des fonds marins. Donc on a réussi à étendre un peu le club. On va continuer de se battre et à côté de ça, de donner de la visibilité aussi aux grandes initiatives scientifiques et d’explorations. Et donc on aura aussi tout un enjeu justement de valorisation de notre recherche. 

Et puis, on réunira à Nice pour la première fois toutes les organisations régionales de pêche du monde pour lutter contre la surpêche en faisant aboutir les négociations à l’OMC sur l’interdiction des subventions à la pêche illicite. Et ça, je le fixe comme objectif. Ce n’est pas gagné. C'est un combat qui sera très difficile, mais pour moi, il est clé et c'est un des objectifs de Nice. Ça, c'est, si je puis dire, nos objectifs diplomatiques. Et puis on aura donc, objectif, vous l'avez compris, scientifique, objectif diplomatique. 

On va aussi à Nice montrer que c'est le cadre de l'économie bleue avec une grande conférence sur l'économie bleue en marge de l'UNOC qui justement permettra de marquer une avancée au concret sur plusieurs chantiers qu'on a évoqués ensemble ce matin. D'abord, la décarbonation du secteur maritime et l'adoption d'une taxe sur le carbone maritime. Et donc ça, c'est un travail aussi qu'on mène avec l'organisation internationale, avec les grands acteurs. La mise en place du financement des milliers de start up engagées sur les solutions pour l'océan, en mobilisant le fonds d'investissement et les fonds d'investissement du monde entier et le passage à l'échelle de l'Alliance pour le carbone bleu qui a été lancé à Brest au One Ocean Summit et qui nous permettra là aussi de consacrer, lors de cette conférence sur l'économie bleue en marge de l'UNOC toutes ces avancées. 

Et puis enfin, nous lancerons des coalitions nouvelles. D'abord, nous, on viendra au rapport de notre coalition sur nos aires marines protégées. Je rappelle qu'aujourd'hui la France a lancé avec le Costa Rica et plusieurs autres, cette grande initiative, cette coalition justement, qui permet de protéger nos aires marines, terrestres et maritimes. On est au rendez-vous, nous et nos aires marines protégées. La très grande protection, on est à 4,5, on doit passer à 10, mais on est déjà à 1/3 de protection, sur terre et en mer. Donc très peu de pays sont à ce niveau-là. On est à 4,5 de très forte protection. On doit passer à 10. A Nice, on doit présenter la copie et donc à ce moment-là et vous verrez que ce sera une petite révolution, on va le faire sur nos glaciers qui ne sont pas protégés pour le terrestre et pour d'autres territoires. Et on va le faire sur le maritime. Je veux donc qu'on consolide cette coalition et qu'on mette tout le monde face à sa responsabilité. Et c'est aussi une petite révolution pour la Méditerranée qui sera au cœur de ces débats. 

Et puis on aura une grande coalition des villes que Christian ESTROSI est en train de réunir et sur la protection des espèces, en poussant notamment un agenda sur la préservation des espèces maritimes en danger. Donc, ce sera un moment de consolidation, de coalitions nouvelles pour justement faire face à ces défis. 

Voilà ce que sera à la fois l'année de la mer et le rendez-vous de Nice en septembre 2025, donc à l'été 2025, juin. Mais tout ça va commencer à partir de l'été 2024 et tout ça donc va scander les prochains mois avec été, septembre 2024 et toutes ces scansions jusqu'à l'été 2025, la Conférence des Nations Unies sur l'océan à Nice. 

Vincent JARNIGON
Merci Monsieur le Président. On arrive au terme de cet échange. On est à peu près bien dans le timing. En vous remerciant en tout cas d'être venu à nos assises. Vous êtes très fidèle à nos assises et je tenais vraiment à vous remercier au nom du groupe Ouest France du marin et du Cluster Maritime et de son président de votre venue à Nantes. Merci beaucoup en tous les cas. 

Gaëlle FLEITOUR
Merci Monsieur le Président. 

Emmanuel MACRON
Merci à vous. Merci. 

Vincent JARNIGON
Et rendez-vous l'année prochaine ?

Emmanuel MACRON
Je voulais d'abord encore remercier Ouest-France, en effet le marin, le cluster maritime français de l’invitation, j'y suis fidèle. Mais parce que j'y crois et j'aime la mer. Et je vais vous le dire : soyez fiers de vos engagements, de vos métiers, de vos professions, de vos passions. 

Et je vous le dis, la France continuera de regarder ses mers et ses océans comme d'abord des parts importantes de ce que nous sommes et là aussi où se bâtit une part de notre avenir. Vous l'avez compris. Et donc vous m'aurez toujours à vos côtés, aujourd'hui comme demain, on a un agenda extraordinaire devant nous pour les deux ans qui viennent, mais on a en fait un agenda extraordinaire devant nous pour les décennies qui viennent. Parce que ce sont des décennies d'aménagement, d'innovation, de recherche, de construction, de création de valeur. 

Et donc là où parfois, quand on écoute l'actualité, on devrait se demander s'il faut désespérer, moi, je vous le dis. Puis parfois, quand j'écoute l'actualité, les gens, ils se demandent, tous les matins en disant : est-ce qu'il a un cap ? Je vais vous le dire. Il se trouve que je suis là où je suis à la barre depuis un peu plus de 6 ans et demi. Le cap a toujours été le même de regarder notre avenir sans défaitisme, d’avoir avec un optimisme lucide une idée claire des défauts et des faiblesses de la France et de chercher ensemble à les corriger, mais surtout de regarder notre avenir en face et de se dire : il n'y a aucune fatalité. Et si nous sommes en train de réindustrialiser la France, si nous sommes en train de gagner cette bataille du plein emploi -  mais il faut redoubler d'efforts - si nous sommes en train de montrer au monde qu'on peut être une nation de plus en plus souveraine, de plus en plus industrielle, de plus en plus décarbonée, si on peut montrer que le progrès est à la fois économique, climatique et social, c'est à force de volonté et de courage, comme les marins en ont, c'est pour ça que je suis à côté de vous. Parce que tous les combats qui sont les vôtres, ce sont les combats de la France. 

Et quand j'entends chaque jour le défaitisme où les gens qui m'expliqueraient qu'il faudrait être du côté de la terre ou être du côté de… Non. On vient des fleuves, on va à la mer et on va au grand large. C'est ça l'histoire de la France. C'est ça le combat que nous menons. C'est ça le cap que nous tenons depuis un peu plus de 6 ans et que jusqu’au dernier centimètre, je continuerai de tenir parce qu'il faut un cap clair, même quand il y a des orages et surtout quand il y a des orages. Vous le savez mieux que quiconque. On tient le cap, on avance.

Et vous le savez, la mer et les océans seront au cœur de cette aventure parce que vous êtes en quelque sorte la métaphore de ce que le pays a à vivre. Mais soyez des optimistes déterminés. Il n'y a pas d'autre moyen de rentrer au port. 

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