Le Président Emmanuel Macron s'est rendu ce lundi, au Palais de Chaillot à Paris, pour marquer la réouverture du musée national de la Marine.

Avec la réouverture du musée national de la Marine à Paris, le Président de la République concrétise ce regard tourné vers le futur de la mer, qui est un trésor à protéger, et un milieu où s’exprime la conflictualité du monde, impliquant pour la France la capacité à défendre ses valeurs et ses intérêts.

Le musée national de la Marine traduit la volonté du Président de la République que la France accueille dans sa capitale le plus grand musée maritime du XXIe siècle, navire amiral d’un réseau de 6 musées répartis sur le territoire, et témoignant de notre destin maritime national.

Après six années de restauration, ce musée présente tous les enjeux maritimes passés et à venir et devient un centre d’interprétation de l’actualité maritime autant qu’un espace de recherche et d’échanges scientifiques internationaux. 

Revoir le discours :

27 novembre 2023 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Discours du Président de la République pour la réouverture du musée national de la Marine.

Mesdames et Messieurs les ministres, 
Mesdames et Messieurs les parlementaires, 
Monsieur le Maire, 
Monsieur le Chef d'état-major des armées, 
Monsieur le Délégué National de l'Ordre de la Libération, 
Monsieur le Préfet de la Région Ile-de-France, Préfet de Paris, 
Monsieur le Secrétaire Général pour l'administration, 
Monsieur le Chef d'Etat-Major de la Marine, 
Monsieur le Gouverneur Militaire de Paris, 
Monsieur le Secrétaire Général de la Mer, 
Monsieur l'Ambassadeur des Pôles et des enjeux Maritimes, 
Monsieur le Directeur du Musée National de la Marine, 
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités, 
Chers amis,

C'est un moment important pour nous tous, en cette semaine qui sera éminemment maritime - puisque nous nous serons pour beaucoup d'entre vous à Nantes dès demain pour les Assises de la mer – de nous retrouver ici pour l'inauguration du musée de la Marine. 

Inauguration – même si beaucoup de nos compatriotes ont déjà choisi en quelque sorte ce musée en venant nombreux dès les premiers jours. 

Il y a 8 ans, serions-nous venus, nous n'aurions rien vu de tout cela, ni cette impression d'espace et de clarté, ni cet effet d'immersion, pris dans la vague, enveloppés dans cette étrave de bateaux. Ni ce scaphandre à l'entrée, ni ce plafond étoilé, ni ce foil de trimaran, ces images, ces questions et ces fragments de la vie maritime exposés autour de nous. 

Nous aurions vu les tableaux, les objets qui intéressaient les amateurs et réjouissait nombre de jeunes Parisiens, ou parfois de provinciaux, qui venaient là avec leurs parents ou leurs écoles. Et sans doute quelques-uns parmi vous se reconnaîtront-ils, avec un souvenir encore ému devant les maquettes de la Vestale, de l’Artésien ou de la Royale. 

Nous avions un musée de la gloire passé de notre Marine, mais il manquait justement un musée de notre avenir maritime. 

Et c'est ce qui s'ouvre aujourd'hui, au terme d'un chantier immense. 

Une ode aux enjeux d'aujourd'hui et de demain, ancrée dans l'héritage d'hier. 

La mission que Jean-Yves Le Drian avait définie il y a huit ans, après un rapport fondateur de Benedict Donnely, Erik Orsenna et Emmanuel de Fontainieu, était claire et simple. Fondée, rien moins que le plus grand musée maritime du XXIᵉ siècle rappelle à Paris son rôle de capitale bleu marine et crée un port d'attache pour tous ces enjeux où l'on vit la mer aussi intensément que si l'on était à flots. 

Connaissant Jean-Yves Le Drian, il faut le remercier de n'avoir pas demandé que ce musée fût en Bretagne. Mais il y avait déjà une présence forte. Elle était inarrêtable. 

Le mandat était puissant, l’investissement massif. Et vous avez tenu le cap, la barre, Monsieur le directeur, Monsieur le président, durant toutes ces années, pour arriver à bon port. Je veux remercier Florence Parly et Geneviève Darrieussecq, et aujourd’hui Sébastien Lecornu et Patricia Mirallès, d’avoir maintenu le cap politique et d’avoir porté cette ambition. 

Plus qu’une restauration, plus qu’une rénovation, il s’agit là d’une réinvention. Il a fallu partir du riche leg pédagogique et scientifique de ce musée vieux de 275 ans, navire amiral d’une flotte de six musées à Brest, Rochefort, Toulon, Port-Louis, et repenser, peser, soupeser, composer, proposer, oser. 

Un projet à 1000 œuvres, 2000 mains, 10 000 mètres carrés. 

Et je veux ici remercier les nombreux mécènes, tout particulièrement CMA-CGM et Naval Group, mais tous ceux qui se sont joints avec leur générosité, remercier aussi les studios H2O Architects et Snøhetta avec Lionel Dubois, notre ACMH, avec l’agence de muséographie Casson Mann, qui ont œuvré durant toutes ces années. Mon admiration et ma gratitude sont immenses face à l’ampleur de ce chantier, soutenu par un conseil scientifique présidé par Alain Cabantous, pris en main par l’amiral Rogel, alors chef d’état-major de la Marine, avec l’appui et la vision d’Olivier Poivre d’Arvor et sous la direction du commissaire général Vincent Campredon.

Monsieur le directeur, merci encore. 

Avec le meilleur de nos conservateurs, administrateurs, architectes, restaurateurs, scénographes, artisans, ouvriers, techniciens, et tant d’autres, vous avez œuvré jusqu’à ce résultat formidable. 

Un résultat qui va très au-delà de la partie sensible, je dirais émergé de Chaillot : implantation de réserves flambant neuves à Dugny, en Seine Saint-Denis, restauration massive des œuvres, mise en place d’un centre d’interprétation de l’actualité maritime, construction d’un agenda d’expositions temporaires. 

Ici sera le lieu où notre marine passée, présente et avenir se retrouvent, un lieu où toute l’actualité maritime pourra être suivie, un lieu de pédagogie, de rencontres, mais aussi un lieu de recherche et de rayonnement diplomatique, scientifique, stratégique. 

Fidèles à sa vocation native, vous avez amplifié son ouverture à la recherche scientifique et au monde de l’enseignement, créé des liens avec l’industrie et l’innovation, vous avez réinventé la médiation, pris en compte tous les publics, y compris les malentendants, les malvoyants, les visiteurs atteints de handicap mental ou de troubles du spectre autistique. 

Vous avez pensé les images, les sons les odeurs mêmes avec ce parfum d’embrun et de varech créé par un nez spécialement pour le musée. Je sais que vous avez observé ce qu'il se faisait de mieux et de plus innovant dans le monde, que vous vous en êtes inspiré et que vous l'avez dépassé. Je vous félicite, Monsieur le Commissaire général, vous et toutes vos équipes, de ce résultat qui fait honneur à votre vocation, à l'amour de la mer que vous avez en partage et en héritage. 

Ce n'est certes pas pour vous que Tabarly avait ces mots désabusés, je le cite : « La mer, c'est ce que les Français ont dans le dos quand ils sont à la plage ». 

Il disait cela avec cette espèce de détachement qui était le sien, un peu bougon. 

Une forme peut-être de ressentiment, parce que lui, l’amoureux fou de grand large, trouvait forcément que ses compatriotes étaient trop terriens. 

Il disait cela, et il y avait une part de vérité : la France, absorbée par son épopée continentale, n'a pas toujours accordé à la mer la place qu'elle méritait. 

Notre histoire nous montre ce mouvement pendulaire permanent, où nous nous sommes successivement tournés vers nous-mêmes ou vers le continent. 

Dans les grandes époques, nous avons retrouvé et ré-épousé notre avenir, notre réalité maritime et océanique. 

La France du commerce, de l'édit de Nantes, la France conquérante, la France scientifique, la France des recherches, la France ultramarine, la France géostratégique, aime sa mer, la regarde comme un lieu de conquêtes, de savoirs, de passions. 

La France qui revient sur l'édit de Nantes, qui se replie sur les guerres civiles européennes, qui regarde ces provinces en oubliant qu'elles n'ont de destinée qu'en voyant le monde, est celle souvent qui perd ce supplément d'âme qui est le sien. 

Oui, nous sommes la deuxième puissance maritime au monde, grâce à nos zones économiques exclusives d'outre-mer, grâce à ces immensités de la taille du continent européen. 

Quand on regarde ne serait-ce que la Polynésie française : nous sommes cette puissance qui a su découvrir, et vous lui rendez ici un hommage extraordinaire, découvrir, parfois, pour conquérir, bien souvent, et plus souvent encore pour comprendre, aller collecter les savoirs et puis les rapporter à Paris. 

Nous sommes cette puissance qui constamment a su bâtir, avec une aventure industrielle inouïe qui lie encore - et j'ai évoqué certains grands acteurs - nos industriels aujourd'hui, dans cette épopée qui, de la voile jusqu'à nos sous-marins de dernière génération ou ceux qui sont à venir, est une prouesse industrielle, alliant d'ailleurs toutes les armes et permettant d'avoir les avions de la plus grande technologie appontant sur aujourd'hui nos bâtiments existants, et ceux que nous avons programmés dans notre loi de programmation militaire. 

Nous sommes aussi ce grand pays de pêche, d'économie de la mer, ce grand pays du sauvetage en mer. Je n'oublie aucun d'entre eux, et beaucoup d'éminents présidents et présidents d'honneur de nos sauveteurs en mer sont là pour rappeler l'importance de cette histoire. 

Nous sommes un pays d'aventuriers, d'explorateurs, des grands fonds marins, des grands larges et des pôles. 

Ces aventures sont inséparables. 

La France est cette grande puissance maritime et océanique. 

Elle est ce cortège de héros, qu'il s'agisse d'explorateurs, d'amiraux ou d'industriels, et la mer pour nous devrait être une évidence. J'aurai l'occasion de le redire encore demain à Nantes. 

La mer - et ce musée le montre aussi ô combien – est  au cœur de tous les enjeux d'aujourd'hui et de demain, des enjeux de climat et de biodiversité – nous l'avons encore revu avec l'importance des négociations et de la conclusion de BBNJ ces derniers mois ; ce qui est à mettre au crédit de la diplomatie française et de ce que nous avons su faire, après les conquêtes diplomatiques des dernières décennies. 

Nous aurons à continuer ce travail jusqu'au sommet que nous accueillons à Nice en 2025, Monsieur le maire. Ce sommet des Nations Unies pour les océans et la mer nous permettra, je l'espère, de parachever ce travail diplomatique ô combien important, de consacrer notre rôle et de permettre, en effet – merci encore, Monsieur l'ambassadeur, cher Olivier POIVRE D'ARVOR – 10 ans après la COP21, de réussir une nouvelle bataille pour le climat, la biodiversité, nos équilibres. 

Mais la mer est aussi au cœur de la mondialisation. La mondialisation est une maritimisation. Par les routes maritimes transitent toutes les richesses du monde. Par elle aussi se jouent toutes ces puissances, se reflètent toutes les tensions. Et de la Mer noire aux abords de Gaza, l'actualité l'illustre encore avec force. Notre mer est un lieu de transit, un lieu de puissance, un lieu de conflit. Elle est un lieu de communication par nos câbles et l'importance qu'il requiert, là aussi ô combien importante. Elle est l'un des nouveaux lieux de la conflictualité. Et nous aurions tort, en regardant de trop près les guerres continentales qui reviennent à nos portes, d'oublier que les conflictualités du XXIe siècle à coup sûr, seront maritimes, cyber et exo-atmosphériques. La mer sera au cœur des enjeux de défense et de sécurité pour nous. 

Evidemment, la mer est aussi encore, toujours au cœur des enjeux de recherche. C'est pourquoi j'aurai l'occasion, là aussi, de le redire demain, mais des grands fonds jusqu'aux pôles, nous allons continuer d'investir, d'engager, de rêver, de comprendre et de chercher. 

Lorsque la France a pris la présidence européenne en 2022, elle a décidé ce qu'aucun État membre n'avait fait avant elle :  inscrire la mer dans ses priorités. 

Immédiatement, en février 2022, à Brest, dans ce sommet, comme on le dit en bas breton « One Ocean Summit », qui a abouti à la signature d'un traité international contre le plastique à usage unique – je salue l'engagement de plusieurs d'entre vous – le soutien d'une coalition pour la haute mer, la création d'outils de mesures de protection des océans a été décidée. 

Il y a deux semaines encore, l'appel de Paris pour les glaciers et les pôles a été l'occasion de mettre la cryosphère et l'élévation du niveau de la mer au cœur des priorités internationales. 

D'ici à 2025, à Nice, nous approfondirons ce combat. 

Ce combat, c'est aussi celui de notre marine avec le concours des autres armées, de la DGA qui joue un rôle incontournable. Incontournable pour lutter contre la menace des puissances hostiles sur nos eaux, la menace contre certains de nos partenaires, la lutte contre la pêche illégale sur nos eaux ou sur celles de nos partenaires. 

Mais en rendant hommage à la France, puissance maritime, océanique, à notre marine, à notre recherche et à toute cette part de nous-mêmes et de notre imaginaire, c'est tout le pays qu'on comprend et qu'on redécouvre.

Toutes les villes portuaires sont alors réinventées – Vernet suffit ici à les réillustrer – de Sète à Bordeaux, en passant par Le Havre, Rochefort et tant d'autres. 

La carte de France hexagonale comme ultramarine se pense par l'accès à la mer, puis tous nos fleuves et l'aménagement de notre territoire par les canaux bien avant Freycinet – mais celui-ci jouant à coup sûr un rôle déterminant. 

Notre XXIᵉ siècle, c'est aussi une redécouverte sensible et ambitieuse du pays par son accès à la mer. Regardez ces dernières années du nouveau port Haropa jusqu'au canal Seine-Nord, du port de Marseille-Lyon, qui permettra enfin de reconquérir la continuité de la Méditerranée en passant par le Rhône, la Saône jusqu'au Rhin, c’est la France, puissance qui se repense maritime et qui par ses fleuves repense sa capacité à innerver son territoire et toute l'Europe. C'est une autre carte imaginaire que nous avons à penser :  des échanges, de la compréhension de l'énergie, du commerce, de la recherche là aussi.

Nous ne célébrons pas simplement nos mers, à travers ce musée, pas simplement notre Marine, mais bien la France toute entière à travers cette carte sensible. Le musée de la Marine rend hommage à ces femmes et ces hommes qui, pour servir la France, prennent la mer – ou bien, si l'on en croit la chanson qui se laissent prendre par elle.

Ils savent qu'ils n'en seront jamais maîtres, jamais propriétaires.

Dépositaires au mieux, et assurément vigies, chargés de garantir paix et sécurité en mer, ou depuis la mer, de contrer impérialisme et prédation, de secourir les naufragés, de sauvegarder les espaces et les côtes, pour que la mer ne soit pas une zone de non-droit et que nos valeurs universelles y soient préservées. 

C'est pourquoi notre nation investit dans la mer avec les deux dernières lois de programmation militaire, avec les programmes scientifiques et industriels que nous voulons préserver en dépit des vents ou des courants économiques parfois contraires. 

Alors Éric Tabarly peut se rassurer : la mer est bien ce que les Français ont face à eux quand ils regardent leur avenir. 

Un pays fort est un pays qui prend son destin maritime à bras le corps, à bras le cœur aussi. 

Ni les finances, ni les sous-marins ne garantissent la grandeur d'une nation s'il lui manque sa force morale, la capacité d'engagement et de dépassement. Et c'est pourquoi ce musée aussi joue un rôle essentiel, celui que vous aviez voulu dès le début : faire aimer notre mer, notre marine.

Alors à vous nos marins, à vous nos armées qui avez fait de ces valeurs votre condition, votre raison d'être et votre mode d'action : veillez sur elles, transmettez-les, par une politique culturelle muséale tournée vers les Français.

C'est aussi la mission que je vous assigne, en écho à l'histoire de passion et d'engagement dont est dépositaire le musée de la Marine. 

Je sais à cet égard aussi pouvoir compter sur vous.

Sur le bord ! Vive la République et vive la France !

À consulter également

Voir tous les articles et dossiers