Le Président de la République s'est rendu à Bruxelles pour un Conseil européen le jeudi 26 et vendredi 27 octobre 2023.

Ce fut l’occasion pour les dirigeants européens de faire un point de situation concernant la situation internationale : guerre en Ukraine, situation au Proche-Orient, en Azerbaïdjan et en Arménie, au Sahel ainsi que sur la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo.

Le Président Emmanuel Macron a, sur la situation au Proche-Orient, rappelé les 3 pilliers qui constituent l'Alliance pour la Paix et la Sécurité qu'il souhaite porter : lutte contre le terrorisme, protection des civils, nouvel horizon politique. Il a également rappelé l'importance d'une trêve humanitaire pour protéger les populations civiles

Lors de ce sommet, les chefs d’État et de gouvernement ont également échangé sur les migrations, en vue de progresser sur le renforcement des frontières extérieures, sur la prévention des départs et sur le caractère effectif des retours.

Revoir la conférence de presse : 

27 octobre 2023 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse du Président de la République à l’issue du Conseil européen.

Heureux de vous retrouver pour vous rendre compte de ce conseil. Plusieurs sujets ont été évoqués. 

Ce matin un sommet Zone euro s’est tenu et nous avons pu évoquer plus largement la situation économique, je vais être très rapide sur ce point. C’est au fond à la fois l’évolution de la situation conjoncturelle, la question de notre compétitivité et la mise en œuvre de l’agenda de Versailles, et également la réponse à l’IRA qui ont été évoqués avec un échange et des conclusions qui n’ont pas donné lieu à beaucoup de changements. 

On a pu aussi se réjouir de l’avancée de plusieurs sujets important qu’il nous reste maintenant à finaliser au Parlement européen. Je pense en particulier à la réforme du marché de l’électricité. Plusieurs autres points ont été évoqués, en particulier sur la finalisation de la gouvernance économique et de nos nouvelles règles le plus rapidement possible. 

Nous avons également travaillé sur la préparation de la COP 28 et évoqué hier soir le cadre financier pluriannuel en donnant des orientations pour que d'ici à la fin de l'année, la Commission et la présidence puissent revenir vers nous avec une nouvelle proposition correspondant à plus de réalisme, compte tenu des priorités de finances nationales aussi qu'ont évoqué les différents membres. Tous ces sujets étant évoqués, je pourrais répondre aux différentes questions qui sont les vôtres à cet égard. 

Évidemment, ce conseil s'est beaucoup plus tourné sur les grandes crises et il faut bien voir qu'aujourd'hui nous vivons dans un monde, et tout particulièrement un voisinage, où les crises s'additionnent et se multiplient. 

Nous avons évoqué ce matin la situation en Ukraine qui nous a permis de réaffirmer de manière très claire notre soutien inébranlable à son indépendance, sa souveraineté, son intégrité territoriale et le fait que, quel que soit le contexte, notre soutien demeure et notre stratégie reste évidemment la même, après avoir entendu hier le président ZELENSKY s'exprimer. Nous nous sommes également engagés à assurer la continuité de notre soutien militaire à l'Ukraine dans la durée. Ça renvoie à une partie de ce qui a été discuté sur le plan budgétaire mais sur ce sujet, et on pourra revenir en décembre, nous devons surtout renforcer l'industrie européenne de défense afin d'assurer une soutenabilité de notre effort en nous adaptant aux besoins des Ukrainiens, en renforçant aussi cette stratégie industrielle européenne qui a du sens dans la durée. Je pourrais là aussi répondre aux différents points que vous souhaiteriez évoquer, mais notre discussion s'est portée sur les autres sujets relatifs à la situation en Ukraine. Le cœur pour moi du message est celui-ci : « nous restons engagés, en soutien concerté et avec aussi la volonté d'apporter un soutien crédible dans la durée à l'Ukraine ». 

Nous sommes revenus aussi sur plusieurs situations régionales, en particulier dans les Balkans occidentaux. Nous avons en effet rappelé notre préoccupation sur la situation entre la Serbie et le Kosovo, et ce, après un rendez-vous qui s'est tenu hier avec le Premier ministre KURTI et le Président VUČIĆ, avec le chancelier SCHOLZ, la Première ministre MELONI, le président MICHEL, le représentant BORREL, le représentant spécial LAJČÁK et moi-même. Sur ce sujet, nous avons réaffirmé et nous avons obtenu des engagements très clairs des deux parties de mettre en œuvre les accords de Bruxelles-Ohrid, de mettre en œuvre l’accord sur la mise en place d’une Association des municipalités serbes dans les meilleurs délais. Et nous tenons véritablement à ce que ceci, maintenant, devienne réalité et que la normalisation des relations se poursuive après avoir évidemment réitéré notre condamnation des attaques du 24 septembre dernier et demandé des mesures claires et des poursuites au Président VUČIĆ. 

J'ai pu également ce matin revenir sur la situation entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan pour redire notre grande vigilance et notre préoccupation. Nous souhaitons continuer le travail de médiation entre ces deux gouvernements et ces deux pays. Mais il faut un message clair et sans ambiguïté de soutien à l'Arménie et en particulier à son intégrité territoriale. Les dernières déclarations du président ALIYEV, les signaux envoyés, ne vont pas dans le bon sens. Et qu'il s'agisse de l'intégrité territoriale ou d'une volonté d'assurer de vive force la continuité du territoire de l'Azerbaïdjan, nous serons vigilants à ce que les frontières de 1991, ainsi reconnues, réitérées d'ailleurs dans la déclaration de Prague que nous avions négociée, soient bien respectées par toutes les parties. Je veux ici redire notre grande vigilance. 

Évidemment, enfin, nous sommes revenus sur la situation au Proche-Orient. Nous avons eu un débat utile qui a permis d'exprimer notre solidarité avec Israël, notre condamnation unanime des attaques terroristes du Hamas et notre détermination à agir pour une paix juste et durable au Proche-Orient. Dans ce moment d'extrême tension, au-delà de la condamnation très claire contre les actes terroristes et le Hamas, tous les États ont aussi convergé pour reconnaître le droit d'Israël de se défendre et de le faire dans les limites du droit international humanitaire. 

Nous sommes tous également extrêmement impliqués dans la libération de nos otages. J'ai eu l'occasion hier à plusieurs reprises de reparler moi-même, depuis Bruxelles, au Premier Ministre NÉTANYAHOU et à l'Emir du Qatar pour avancer sur ce sujet. Et donc, nous restons évidemment en permanence en lien avec les négociateurs, en espérant pouvoir obtenir la libération de tous les otages. De la même manière, nous sommes tous en train de nous coordonner pour permettre l'évacuation de nos ressortissants et ayants droit de la bande de Gaza. J'ai eu l'occasion de le dire la France à environ 170 ressortissants français, personnels travaillant dans nos instituts et ayant-droit. Nous souhaitons les évacuer dans les meilleurs délais. C'est ce qu'on est en train d'organiser avec à la fois les autorités israéliennes, palestiniennes et l'Egypte. Et c'est ce que plusieurs autres pays européens souhaitent faire en coordination avec nous. 

Plus largement, nous sommes revenus sur les éléments les plus déterminants de la situation. J'ai pu rendre compte de la visite que j'avais effectuée et, à mes yeux, notre réponse - c'est ce qui bâtit un peu l'initiative de paix et de sécurité que nous avons développée lors de ce déplacement- repose autour de trois piliers sur lesquels, avec plusieurs États membres comme avec plusieurs non européens, nous souhaitons continuer d’avancer. 

Le premier pilier, c'est la lutte contre le terrorisme. On ne peut pas dire qu'Israël a le droit de se défendre en respectant le droit international et de dire qu'en quelque sorte, nous ne serions que dans le commentaire. Nous avons d'ailleurs toujours pris nos responsabilités face aux mouvements terroristes de la région, considérant qu'ils étaient une menace pour nous-mêmes, en nous impliquant dans la coalition internationale contre Daesh et en étant des membres actifs de l'opération dite « Inherent Resolve », qui justifie encore notre présence aujourd'hui en Irak et en Jordanie. Nous souhaitons que, plus largement, la région et les partenaires internationaux avancent avec nous sur ce sujet. La France est légitime pour le faire. Nous, qui avons perdu une trentaine de nos ressortissants dans cette attaque terroriste lancée par le Hamas. La volonté de cette initiative, c'est d'abord de dire à Israël qu'elle n'est pas seule pour lutter contre le terrorisme du Hamas. Ensuite, c'est de dire que les groupes terroristes ne peuvent être isolés les uns des autres pour avoir une action efficace. C'est aussi de dire que la bonne action face aux groupes terroristes n'est pas une opération massive mettant en danger les civils, mais bien des opérations ciblées qui reposent sur du partage d'informations, de la coopération opérationnelle entre les meilleures armées. C'est ainsi que nous souhaitons collectivement tirer les conclusions de notre expérience dans la lutte contre le terrorisme. Et j'aurai l'occasion dans les prochaines semaines de proposer à nos partenaires de nous réunir pour faire justement, pour structurer cette initiative, tirer toutes les leçons de notre coalition contre Daesh et partager une approche avec aussi toutes les puissances régionales qui le souhaitent pour lutter contre le terrorisme dans la région. 

Deuxième volet, c'est l'aide humanitaire. Il est crucial, en effet, comme je viens de le dire, qu'Israël agisse de manière ciblée à Gaza, c'est-à-dire en luttant contre le terrorisme et sans mettre en danger la vie des civils. À cet égard, nous défendons l'accès humanitaire et la protection de la population de Gaza. C'est ce dont j'ai pu échanger avec le Premier ministre NETANYAHOU ou le Président HERZOG, comme avec l'ensemble des dirigeants de la région que j'ai pu ensuite voir. Et c'est ce qui a conduit la France à décider, en coopération avec l'Egypte et la Jordanie, en accord avec Israël, d'envoyer sur zone le BPC Tonnerre et de renforcer nos moyens d'intervention depuis l'Egypte au profit des populations civiles de Gaza. La réponse humanitaire française sera donc adaptée dans les prochains jours aux conditions de la crise autant qu'il est nécessaire. Mais d'ores et déjà nous avons envoyé du matériel humanitaire qui est arrivé hier sur le sol égyptien et nous avons également envoyé ce BPC qui arrivera à la fin de cette semaine, tout début de semaine prochaine, au large de Gaza pour pouvoir agir. Nous allons, là, bâtir une coalition aussi humanitaire avec plusieurs pays européens, en particulier Chypre, qui va servir de base arrière à ce corridor humanitaire maritime - nous avons eu une discussion en ce sens avec le Président- avec un lien étroit avec la Grèce également, qui est prête à envoyer - nous l'a confirmé le Premier Ministre - des équipements, et tous les partenaires européens qui souhaiteront s'impliquer dans ces opérations concrètes. Cette réponse, également, passe par une trêve humanitaire que nous défendons et qui est indispensable pour protéger les populations les plus fragiles en même temps que pour finaliser les discussions et négociations sur nos otages. Nous veillerons donc comme je le disais à ce que cette action humanitaire soit pleinement coordonnée à l’égard principalement des populations de Gaza, à l'égard également des populations de Cisjordanie, avec une initiative que nous avons souhaitée prendre pour apporter un soutien économique et social inédit compte tenu justement du blocage complet des populations. Et je réitère à cet égard, la demande faite aux autorités israéliennes de faire cesser la violence de certains colons contre les civils. 

Enfin, le troisième volet sur lequel nous souhaitons, à plusieurs, travailler ensemble : c'est la perspective politique. Il faut une relance décisive des négociations pour une solution à deux États. Il nous faut démontrer qu'elle répond aux aspirations palestiniennes et renforce aussi la sécurité d'Israël. Et il nous faut continuer d'œuvrer avec aussi nos partenaires américains et tous les partenaires de la région en ce sens. Je retiens de nos échanges au Conseil que l'ensemble des partenaires européens partagent ces priorités. Il y a des différences de perception sur cette question entre nous, mais nous avons réussi à converger sur un texte commun, surtout, nous allons continuer à bâtir les réponses très concrètes autour de ces priorités. Et je crois que cette initiative pour la paix et la sécurité pour tous - et que nous avons prise parce qu'elle allie de manière claire la lutte contre le terrorisme, le soutien humanitaire et la question politique - est une réponse complète qui répond à la fois aux demandes légitimes d'Israël, qui évite la division et l'escalade et qui permet aussi de faire notre devoir et de suivre ce qui, je crois, doit être la ligne collective. Je ne serai pas plus long. Je vais maintenant répondre à vos questions.

Journaliste
Bonjour Monsieur le Président. Vous avez dit depuis le début et vous l'avez redit aujourd'hui, qu'Israël avait le droit de se défendre dans le respect du droit international humanitaire. Tout simplement, estimez-vous que la riposte en cours, les frappes israéliennes à Gaza et, maintenant les premières incursions terrestres dans Gaza ces tous derniers jours, répondent à ces critères de respect du droit international humanitaire ? Merci.

Emmanuel MACRON
Aujourd'hui, nous l'avons dit, nous reconnaissons totalement ce droit et la volonté légitime de lutter contre les terrorismes. Nous sommes prêts à y apporter notre aide. Mais nous considérons que le blocus complet, le bombardement indifférencié et plus encore, la perspective d'une opération massive terrestre ne sont pas de nature à protéger comme il se doit les populations civiles. C'est pour cela que nous demandons vraiment que le temps soit pris pour bien préparer une initiative ciblée contre les terroristes, d'une part, et que nous sommes, ce ne sont pas que des mots, nous sommes prêts à y apporter notre coopération, en faisant bien la distinction entre les groupes terroristes, les autorités politiques et la population. Mais nous pensons qu'une trêve humanitaire est aujourd'hui utile pour pouvoir protéger les populations qui sont sur le terrain, qui ont subi des bombardements. Et j'ai une pensée toute particulière, évidemment pour toutes les populations civiles, quelle que soit leur nationalité, mais également pour les agents de l'UNRWA qui est l'agence des Nations Unies qui a perdu plusieurs dizaines d'agents qui sont des professeurs, des docteurs, des personnels qui sont là pour apporter du soutien aux populations qui meurent sous les bombes. 

Nous ne pouvons pas faire comme si rien n’existait. Ces personnes n’ont rien à voir avec le terrorisme, rien ! Et donc, une trêve humanitaire nous permettrait d’organiser véritablement la protection des plus fragiles et de mieux cibler l’action utile contre les terroristes. Et je pense que c’est totalement cohérent avec la position que nous tenons depuis le début. 

Journaliste
Dans le communiqué publié hier soir, l’Union européenne appelle à des pauses humanitaires signifiant la possibilité pour Israël de poursuivre son offensive militaire. Vous parlez aujourd’hui, vous l’avez même répété à plusieurs reprises à l’instant, de trêve humanitaire au singulier. Est-ce que vous regrettez donc cette position ?  Qu’est-ce qui va changer ? Vous dites ne pas vouloir être dans le commentaire mais quand ce corridor humanitaire sera-t-il mis en place et comment ramener la paix dans la région ? 

Emmanuel MACRON
D'abord, je pense qu'il faut être lucide. Nous sommes dans une situation de guerre qui va durer. Parce que la lutte contre le Hamas ne se fera pas de manière rapide et qu'il y a, on le voit, une montée des tensions qui se fait un peu partout. 

La deuxième chose, c'est que si une guerre contre les groupes terroristes doit être menée, il est indispensable que la distinction soit faite dès le début, très clairement avec les populations civiles. Sinon, le risque est celui de l'embrasement, de la confusion des esprits. Et paradoxalement, je pense que c'est aussi très contreproductif pour la sécurité d'Israël même. Si vous avez des millions de gens qui, dans la région, se mettent à considérer qu'au fond, leurs frères et leurs sœurs sont tués au nom de la lutte contre le Hamas, ils finiront par y adhérer à cette cause. Donc je pense que c'est là où c'est très dangereux. Il faut vraiment réussir à tenir cette ligne.

Je ne veux pas rentrer dans un débat. On a eu un débat très long sur un pluriel ou un singulier, très sincèrement, vu la situation, je pense qu'il faut là une trêve humanitaire pour protéger les populations, finir la négociation sur les otages, régler le problème des hôpitaux qui est un problème très compliqué. 

Parce qu'en fait, quelle est la complexité de la situation ? Pour le dire en deux mots, que ce soit clair pour tout le monde, au-delà des termes, c'est que le Hamas est une organisation terroriste qui a commis une barbarie terrible. Mais ils sont organisés dans la bande de Gaza de manière très sophistiquée. Ils vivent dans des tunnels, mais ils ont créé un système d'interdépendance de leurs ressources avec ceux de la population civile. Et donc, quand on discute avec les autorités israéliennes, que je leur dis : « remettez l'électricité pour les hôpitaux », ils expliquent qu'en fait, le Hamas s'est branché sur ces mêmes systèmes hospitaliers. Donc je comprends la difficulté qui est posée aux autorités israéliennes qui ont à mener cette intervention. Je suis très respectueux, je ne les néglige pas. C'est pour ça qu'il faut du temps, il faut pouvoir le préparer. Il faut créer les conditions soit pour créer d'autres systèmes électriques pour ces 10 hôpitaux avant de leur couper l'électricité, soit évacuer des personnes. C'est aussi pour ça qu'on fait ce travail humanitaire avec nos équipements propres et avec les Nations-Unies et d'autres États. Donc, c'est très important de pouvoir faire cette trêve pour bien coordonner les choses et pour ne pas que des gens soient des victimes totalement injustifiées de cette lutte - légitime contre le terrorisme. Je pense que, là, il faut une trêve humanitaire. Ensuite, comme ça dure, il faudra de toute façon aménager des pauses pour avoir des moments humanitaires. 

Journaliste
Une question par rapport à l'Ukraine, et surtout par rapport à Viktor ORBÁN qui est arrivé hier un peu en fanfaronnant à Bruxelles en disant qu'il était l'esprit de l'Europe, etc. Plus la poignée de main qu'il a eue avec Vladimir POUTINE la semaine dernière, son discours de lundi où il compare l'Union européenne, enfin Bruxelles, au Moscou de l'Union soviétique. Est-ce que vous avez eu l'occasion de parler avec lui ? Ou est-ce que vous avez été plusieurs à lui dire que, bon, il fallait peut-être s'arrêter ? Sachant qu'on attend des choses de lui sur l'Ukraine, des gestes etc. Est-ce que vous avez eu aussi l'occasion de mettre en garde, entre guillemets, son collègue slovaque FICO ?

Emmanuel MACRON
Ecoutez, d'abord, je pense que c'est le cœur même de l'esprit européen. Une remarque sur le fond ce que vous avez dit, et puis je vais venir sur ces situations. Je pense que très souvent, en effet, dans les discours de Viktor ORBÁN ou d'autres, la comparaison est faite entre Bruxelles et Moscou. J'ai déjà eu l'occasion de lui dire, je le redis ici avec beaucoup de solennité : il y a une différence fondamentale, c'est que Bruxelles n'a pas envahi la Hongrie, ni l'Union européenne. La Hongrie a décidé souverainement de rejoindre notre Europe, elle en a beaucoup bénéficié et elle en bénéficie depuis qu'elle l’a rejointe. Et le peuple hongrois vit beaucoup mieux depuis qu'il a rejoint notre Europe. 

Mais c'est un choix souverain. Et si on se met dans les esprits à confondre ce qui est un choix souverain, qui après porte des contraintes parce qu'on a tous décidé d'une délégation de souveraineté à notre Europe, tous - c'est facile de dire « c'est l'Europe » ; on l'a décidé - mais si on confond un choix souverain avec un acte de domination militaire, ce qu'ils ont eu à vivre, alors c'est la confusion des esprits. Et c'est grave de faire cette confusion. Donc je veux ici la condamner à nouveau et bien le préciser. 

Moi, ce que j'ai dit à Viktor ORBÁN publiquement autour de la table, je peux vous le dire. Premièrement, je respecte tous les chefs d'État et de gouvernement autour de la table, et ils ont cette souveraineté, et donc on n'a absolument pas à interdire à un chef d'État et de gouvernement de voir tel ou tel autre dirigeant. Ça ne me choque pas. Ce que je demande, par respect et loyauté, c'est qu'on ait une coordination en amont et qu'on ait une coordination après. Et que, surtout dans la situation où nous sommes vis-à-vis de la Russie, on n'utilise pas ces contacts bilatéraux pour négocier des choses pour soi qui viendraient affaiblir l'unité qui est la nôtre. 

Moi, je n'ai pas de leçons de morale ou de comportement à donner à un Premier ministre, quel qu'il soit, et en particulier au Premier ministre ORBÁN. Donc je ne juge pas ce qu'il a fait ; je pense que ça peut peut-être être utile, qui sait, même à un moment donné. Je dis juste, il ne faut pas que ça nous affaiblisse. Et je pense que depuis le début de la guerre en Ukraine, notre force, c'est d'avoir été unis et d'avoir été rapide et d'avoir tenu une ligne. Et je constate d'ailleurs que et le Premier ministre hongrois et le Premier ministre slovaque n'ont pas demandé de modification de notre texte. Ils y ont adhéré. Ils ont des sensibilités qui sont différentes, qu'ils expriment, mais qui n'entachent pas aujourd'hui la continuité de notre action. Et je pense qu'il faut respecter ces sensibilités pour justement tenir l'unité dans la durée. Il faut écouter leurs arguments ; je considère que tous les arguments sont toujours légitimes. On reste engagés, on est respectueux de ces différences, mais je pense qu'il faut pouvoir avancer. 

Journaliste
Pour revenir sur la question du Proche-Orient, le préfet de police de Paris a annoncé qu’il interdirait la manifestation de soutien au peuple palestinien demain, prévue à Paris. Ce n'est pas le cas dans de nombreuses autres capitales européennes. Est-ce qu'à votre avis ce genre de décision est de nature à apaiser le climat en France d'autant que les organisateurs maintiennent leur appel à manifester et assurent qu'ils seront extrêmement vigilants sur tous les slogans ? Merci.

Emmanuel MACRON
Je fais confiance au préfet compétent pour prendre ces décisions. Je veux dire deux choses : plusieurs manifestations ont été autorisées lorsqu’elles étaient en soutien à la cause palestinienne ou pour la paix, plusieurs d'entre elles ; d’autres manifestations étaient interdites quand il y avait parfois de l'ambiguïté chez les organisateurs ou une intention plutôt d'avoir des messages en soutien du Hamas. Ces décisions sont prises au cas par cas et elles sont à chaque fois soumises aux juges, je le rappelle, dans le cadre des référés. Et donc, en l'espèce, je pense que la décision prise par le préfet se fait à la lumière de ce qu'il a pu avoir à le connaître, sachant qu'il y a quelques jours, une manifestation pour la paix et la cause palestinienne s'est tenue à Paris et d'autres avant. Et le juge aura à dire s'il considère que cette décision est proportionnée ou pas. Je ne m'exprimerai pas davantage. 

Nous sommes le pays d'Europe qui a la plus grande communauté juive ; nous sommes le pays d'Europe qui a une des plus grandes communautés arabo-musulmanes aussi. Et donc, si nous importons le conflit et si on laisse, en quelque sorte, les voix extrêmes avec tous les raccourcis porter le débat public, nous nous diviserons inutilement. Donc moi, je suis pour qu'il y ait des discussions. D'ailleurs, vous avez un rôle éminent à jouer dans ce thème et je vous remercie de le faire, pour informer, éclairer le débat, montrer toute sa complexité. Et on le voit dans les commentaires qu'on peut faire ou ce qu'on essaie de bâtir utilement. Mais je pense qu'il est essentiel pour nous que nous préservions notre unité.

Journaliste
Une question sur le cadre financier pluriannuel. Qu'est-ce que vous pensez des propositions de la Commission ? Est-ce qu’il faut des augmentations pour les fonctionnaires européens, alors que nous en France, on doit faire des économies ? Et si le fonds de souveraineté STEP passait à la trappe, est-ce que ça serait un problème pour vous ?

Emmanuel MACRON 
De manière plus directe, je pense que la priorité définie par la Commission européenne et la Présidence sont les bonnes. Et donc, en effet, de l'immigration au fonds de souveraineté au soutien de l'Ukraine et plus quelques autres, elles sont utiles. Le montant qui est proposé nous paraît trop important et donc, nous avons demandé une baisse. Mais je ne pense pas que cette baisse doit se faire en sacrifiant des priorités. Je ne rentrerai pas dans un débat facile entre les fonctionnaires européens et les fonctionnaires nationaux. Je pense qu'il est clair que dans la mesure où dans nos pays nous faisons des économies pour pouvoir maintenir nos investissements et de souveraineté et de défense ou autres, nous avons plutôt appelé la Commission, en effet, à ce qu'il n'y ait pas d'augmentation sur ce poste-là, dans le contexte.

Journaliste
Quelle forme prendrait votre couloir humanitaire maritime ? Est-ce qu’on peut imaginer demain, par exemple, des hôpitaux flottants au large de Gaza qui, sur la berge s’occuperait de l’aide humanitaire. Et est-ce que vous pensez qu’une conférence de paix, je crois appelée par l'Espagne, pourrait avoir lieu alors que les opérations militaires se poursuivent ? 

Monsieur le Président, vous avez dit que le conflit au Proche-Orient était amené à durer. Est-ce que vous redoutez une éventuelle crise migratoire qui serait déclenchée par ce conflit ? Est-ce qu'elle pourrait être comparable à celle de 2015, comme l'a dit la Présidente du Parlement européen ? 

Et par ailleurs, Viktor ORBÁN a déclaré que ceux qui soutiennent l'immigration soutiennent le terrorisme. On se doute que vous ne pensez pas cela, évidemment. Mais quel lien, vous, vous faites entre l'immigration et le terrorisme ? Merci. 

Emmanuel MACRON
Alors, sur la première question et le corridor maritime. Notre objectif, d'abord a été d'envoyer le plus rapidement possible par voie maritime et aérienne des médicaments, des soutiens. C'est ce que fera le BPC Tonnerre. Ensuite, nous allons organiser en lien avec, évidemment, les autorités israéliennes, les Nations-Unies, évidemment également l'Egypte, les voies et moyens d'avoir des soutiens humanitaires sur terre, d'en avoir si possible le long de la côte. Et ensuite — Chypre est en effet notre territoire le plus proche — de pouvoir soit acheminer des patients, soit en tout cas faire la liaison pour véhiculer de manière plus rapide des éléments de soins, d'alimentation ou de première nécessité. Et donc tout ça va se définir dans la durée, mais il y a déjà des contacts qui ont été pris entre nous et les autorités israéliennes sur ce point, pour permettre des points à points, des transits et du coup mobiliser ce faisant plusieurs de nos marines pour avoir le système le plus efficace. Je pense que c'est très important pour être efficace et je remercie vraiment le Président chypriote pour sa réactivité, sa bonne volonté et son engagement sur ce sujet. 

Sur la conférence de paix, je pense en tout cas, qu’il faut relancer le processus de paix et je pense qu'il faut le faire maintenant. C'est très difficile, vous avez raison parce que la lutte contre le Hamas est en cours. Je pense néanmoins que c'est une nécessité pour bien clarifier que la lutte contre le Hamas n'est pas une lutte contre l'autorité palestinienne ou le peuple palestinien. C'est toujours la même chose et c'est pour ça que le triptyque que nous avons défini avec l'initiative de paix et de sécurité, à mes yeux, fait sens et est complet. On est résolu à lutter contre les groupes terroristes mais on est engagé à apporter une réponse à la question politique. Et l'un sans l'autre ne marche pas parce que sinon il crée du ressentiment. Les gens, qui de manière totalement légitime depuis souvent longtemps disent « vous n'apportez pas de réponse à notre question politique », finissent par trouver de la sympathie, on peut le regretter pour les actions les plus violentes. Donc c'est bon pour nous et c'est bon pour la sécurité d'Israël. Donc je pense qu'il faut le relancer maintenant. Il faut en convaincre les partenaires israéliens, il faut y engager la communauté internationale, mais nous y mettrons toutes nos forces. 

Ensuite, sur les questions que vous avez pu poser. Je pense en effet que ce conflit est amené à durer, alors sur des formes qui vont évoluer dans le temps et je ne veux pas ici faire de plus dur scénario. Il peut y avoir des conséquences migratoires mais il est trop tôt pour le dire. Ça dépend de son élargissement ou pas. Et donc la principale préoccupation, elle est humanitaire et sécuritaire aujourd'hui. Parce que si le conflit était amené à s'élargir, les conséquences seraient beaucoup plus larges. Mais il est évident que si le conflit s'élargissait, il aurait vraisemblablement des conséquences aussi sur le plan migratoire. Donc c'est un point qu'il nous faudra préparer, anticiper, prévoir collectivement.

Sur le lien ensuite entre l'immigration et le terrorisme, je me garderai bien d'avoir des propos qui font ainsi du raccourci, mais nous avons une coopération très étroite au sein de Schengen pour lutter contre le terrorisme. Il n'y a pas de lien existentiel, mais vous avez des femmes et des hommes, qui ont des projets terroristes ou qui peuvent être amenés à conduire des actes terroristes, qui rentrent par les voies migratoires. C'est vrai. Et donc il ne faut être ni dans la simplification, ni dans le déni, comme souvent sur ce sujet. Il faut être dans le réalisme et le pragmatisme. Nous avons eu des attaques terroristes qui venaient de personnes qui étaient rentrées par les voies migratoires. Je rappelle que l'attentat de Nice que nous avons subi a été perpétré par un Tunisien qui était rentré par l'Italie et qui était remonté en quelques jours vers la France. Et donc c'est pour ça que nous voulons continuer à chaque fois d'améliorer notre coopération pour prévenir les flux migratoires, pour - et c'est au cœur d'ailleurs des dispositions que nous sommes en train de finaliser et que nous avons lancées sous la présidence française - améliorer le contrôle et l'enregistrement des personnes qui arrivent sur le sol européen. C'est le cœur de ce que nos ministres de l'Intérieur ont finalisé il y a quelques semaines, dont vous avez entendu parler parfois de manière technique. C'est exactement ça. C’est être sûr que quand les gens arrivent sur notre sol, on a une approche qui est la plus professionnelle et complète possible et qui nous permet de détecter les individus dangereux des autres et d'avoir une très bonne coopération intérieure et évidemment de démanteler les réseaux. Donc voilà ma position sur ce sujet. Et c'est ce qui fait que nous continuons d'être très vigilants, très exigeants. Ce qui fait aussi que, pour ma part, je souhaite que nos ministres de l'Intérieur puissent avoir une coordination accrue en matière de lutte contre le terrorisme, car c'est un sujet qui suppose une coopération européenne encore plus forte. 

Merci beaucoup. Je vais devoir partir pour Paris. Merci à vous.

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