Madame la Présidente de la République du Honduras, 
Madame la directrice exécutive du Programme alimentaire mondial, 
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs les Ambassadrices et Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis, engagés pour l’alimentation scolaire dans vos villes et vos pays,


C’est un très grand honneur pour la France que de vous accueillir aujourd’hui. Vous portez aux quatre coins du monde notre ambition commune : que chaque enfant ait accès, d’ici 2030, à un repas de qualité à l’école chaque jour.

Chacun porte en soi des souvenirs d’école, joies et chagrins d’enfants ; mais nous Français, éprouvons depuis vendredi, au cœur de notre unité de Nation, une douleur de plus. Car l’obscurantisme, le fanatisme, ont à nouveau frappé, à la cité scolaire Gambetta d’Arras, quand le professeur Dominique Bernard, tentant de protéger ses élèves, est tombé sous les coups du terrorisme islamiste. Cet acte odieux fait tragiquement écho à l’assassinat du professeur Samuel Paty, survenu trois ans plus tôt, presque jour pour jour. Le terrorisme a, vendredi dernier comme il y a trois ans, ciblé ce qu’il tient, à raison, pour son plus grand adversaire : l’école, vivier de nos valeurs républicaines.
Mes pensées vont aujourd’hui à Dominique Bernard, Samuel Paty, ainsi qu’au professeur d’éducation physique et sportive, à l’agent d’entretien et au chef de l’équipe technique de la cité scolaire Gambetta, blessés vendredi. Je pense aux familles et proches endeuillés. Je pense aux professeurs, au personnel éducatif et aux élèves du monde entier, qui défendent courageusement, et parfois malheureusement au péril de leur vie, leur mission d’enseigner la liberté. L’école est un sanctuaire, où chacun doit avoir les mêmes chances d’apprendre. C’est aussi le but de cette Coalition mondiale pour l’alimentation scolaire : pour que chaque enfant, dans chacun de nos pays, puisse apprendre dans les meilleures conditions. 

C’est pourquoi, lorsque votre prédécesseur m’a appelé, Madame la directrice exécutive, pour me proposer de porter avec lui cette initiative, je n’ai pas hésité une seconde. Nous étions en pleine épidémie de Covid, et les premières victimes en furent les enfants déscolarisés. C’est à ce moment-là que nous nous sommes rendus compte, chez nous comme ailleurs, qu’avec la fermeture des écoles, c’est aussi la cantine que l’on fermait. Et qu’en fermant la cantine scolaire, on privait de trop nombreux enfants du seul vrai repas auxquels ils avaient droit dans leur journée. 

Le repas à l’école, ce n’est pas anodin. Le repas à l’école, c’est d’abord une politique de santé publique : nourrir tous nos enfants de manière saine et équilibrée. Meilleure politique de prévention qui soit. 
Le repas à l’école, c’est une politique de justice et d’égalité sociale, pour que tous nos enfants soient nourris à la même enseigne. 
Le repas à l’école, c’est un instrument de notre politique éducative, car, comme je l’ai déjà dit, on ne peut pas apprendre le ventre vide. Et puis, pour certains parents, le fait de savoir qu’avec l’école viendra le repas, cela peut inciter à envoyer tous ses enfants en classe, filles comme garçons.
Le repas à l’école, c’est aussi une politique d’émancipation économique des femmes, car ce sont les femmes qui, hélas, rentrent le plus souvent faire déjeuner les enfants à la maison. Grâce aux services de la cantine, elles peuvent accepter des emplois à temps plein.
Le repas à l’école et tout le secteur de la restauration scolaire, ce sont également des emplois, et, dans de nombreux programmes portés avec le Programme alimentaire mondial, ce sont des producteurs locaux qui peuvent se voir enfin garantir un revenu pérenne. Dans cette logique, les cantines contribuent à faire vivre des filières locales et vertueuses, comme nous l’avons fait en France en nous engageant sur 50% de produits de qualité et durables dans les repas scolaires, dont au moins 20% d’agriculture biologique.
Le repas à l’école, enfin, et ce n’est pas à notre ambassadeur de la gastronomie française, cher Guillaume Gomez, que je vais l’apprendre, c’est l’apprentissage de la vie en société. S’asseoir avec les copains – « ceux avec qui l’on rompt le pain ». Attendre son tour et servir les autres. Profiter d’un moment amical et d’échange.

En un mot, l’alimentation scolaire n’est pas une dépense, c’est le meilleur des investissements : pour nos enfants, pour nos sociétés et pour la planète. 

Pour toutes ces raisons, je n’ai pas hésité une seconde quand le PAM m’a demandé de l’accompagner et j’ai fait ce pari, aux côtés de mon homologue finlandais que je salue, de soutenir ce projet d’une grande coalition en faveur des cantines scolaires.

Deux ans plus tard, où en sommes-nous ?

Nous avons déjà rempli notre premier objectif : rattraper le nombre de repas scolaires servis avant la pandémie. Près de 420 millions d’enfants dans le monde ont aujourd’hui accès à un repas par jour à l’école, c’est près de 8 % de plus qu’avant le Covid.
Aujourd’hui, plus de 90 pays sont membres de la coalition, et une bonne partie d’entre eux ont voulu témoigner de leur engagement en nous rejoignant pour cette première conférence mondiale. J’ai le plaisir aujourd’hui de vous annoncer que le Brésil, qui portera l’an prochain le G20, nous rejoint pour coprésider cette initiative. Nous connaissons et admirons tous l’engagement du Président Lula, qui avait lancé dès 2003 son grand programme « Faim zéro » et, s’appuyant notamment sur l’alimentation scolaire, avait permis à des centaines de milliers de petits brésiliens et de petites brésiliennes de sortir de la pauvreté. Cette expérience nous sera très précieuse. 

Mesdames et messieurs, notre coalition est bien davantage qu’un simple regroupement d’Etats. Au fond, cette coalition est l’incarnation parfaite de la politique de partenariats internationaux que la France porte. Plus de 100 organisations en sont partenaires : centres de recherche, organisations internationales comme non gouvernementales. Je voudrais vous remercier tout particulièrement car vous portez notre mobilisation. Au total, en deux ans, nos investissements en faveur des cantines scolaires dans le monde ont augmenté de 5 milliards de dollars, pour atteindre 48 milliards en 2022. 

Si la pandémie a reflué, le contexte international reste très compliqué. Les prix des denrées depuis la guerre en Ukraine ont fait grimper l’insécurité alimentaire. Près de la moitié des personnes dans le monde qui souffrent gravement de la faim, près de 150 millions, sont des enfants ou des jeunes. Notre mobilisation reste plus que jamais nécessaire.

En France également, la pandémie a été un choc, notamment celui de voir nos enfants privés d’école, et aussi privés de cantine. C’est pourquoi je me suis battu, et j’en suis fier, pour que nos écoles restent ouvertes le plus longtemps possible. Les enfants en France sont en Europe ceux qui ont perdu le moins de jours d’école à cause de la pandémie. 

Nous avons mené, résolument, une vraie politique en faveur des cantines scolaires. Une politique sociale, en donnant accès à la cantine pour 1€ aux enfants des ménages modestes. Car aujourd’hui encore, en France, les enfants issus des familles aux faibles revenus sont deux fois moins nombreux à déjeuner à la cantine que les enfants issus des familles les plus aisées. Or, nombreuses sont les familles qui souffrent de l’inflation alimentaire, et ce sont elles que nous voulons continuer à soutenir.
Plus de 180 000 enfants ont profité de ce dispositif l’an dernier, dans plus de 2 300 communes. Au total, plus de 23 millions de repas servis depuis 2020. J’ai souhaité accélérer, aux côtés des communes qui gèrent les cantines scolaires, en proposant une aide supplémentaire de l’Etat aux communes dont les cantines répondent à nos exigences de qualité. C’est un engagement porté par l’Etat pour permettre à tous les enfants de France de bénéficier d’un repas à l’école. 

Ensuite, parce qu’avant le déjeuner, il y a aussi une matinée d’école, j’ai voulu que les enfants puissent avoir accès à un petit-déjeuner gratuit. Car c’est trop souvent le repas qui saute, parce que les parents sont déjà partis au travail ou pas encore rentrés. Parce que l’on n’a pas pu remplir le frigo. Encore une source potentielle d’inégalités face à l’école, face à laquelle nous avons agi. 250 000 élèves en ont bénéficié sur l’année scolaire 2022-2023. Nous poursuivrons cette politique de petits-déjeuners gratuits sur l’ensemble du quinquennat et les déploierons massivement en Outre-Mer et dans les territoires les plus fragiles de l’Hexagone.

Maintenant, je souhaiterais qu’ensemble, nous allions plus loin.

Avec la coalition que nous formons, nous détenons un levier d’action formidable. Sur tous les champs que j’ai évoqués : éducation, santé, égalité sociale, égalité entre filles et garçons... Mais aussi sur un domaine sur lequel nous allons devoir faire des efforts – je pense ici à la sobriété et en particulier à la lutte contre le gaspillage alimentaire, élément essentiel pour réduire notre empreinte carbone.
Nous sommes tous concernés, dans tous les pays. Or quand nous agissons dans nos cantines, le levier est immense – rien qu’en France le secteur représente 8% du gaspillage national. 
En France, nous avons entamé ce champ, avec des lois qui interdisent de rendre les denrées non consommées impropres à la consommation et obligent les prestataires à travailler sur leurs invendus. 
Je souhaite que nous allions plus loin. Il nous faut travailler dans toutes nos cantines, que ce soient les administrations ou les entreprises, qui servent plus de 7 millions de repas par jour en France. Cela va au-delà d’une réflexion sur l’organisation de nos cantines et des portions servies. Je souhaite aussi qu’elles puissent participer à une grande initiative de « paniers-repas antigaspi », qui seraient rendus accessibles à tous pour moins de 2€ sur des plateformes grand public.

Je crois aussi que nous devons changer quelque chose dans notre rapport à l’alimentation, notamment dans nos sociétés développées où la nourriture transformée est devenue une norme. Ne plus avoir accès aux produits bruts, c’est se déconnecter de la terre qui nous nourrit, c’est s’éloigner de la planète : il nous faudrait en quelque sorte réapprendre à privilégier la courgette à la barquette. Nous avons un enjeu collectif, pas simplement sanitaire, pas simplement économique ou écologique, c’est un enjeu de société, un enjeu presque philosophique : celui de réapprendre à nos enfants le fruit de la terre et du travail des hommes.

C’est pourquoi je souhaiterais qu’à partir de l’année prochaine, tous les enfants de France à l’école primaire enfilent leur tablier et préparent un repas pour leurs copains dans l’année. A chaque établissement de trouver les bonnes modalités, avec leurs cantiniers, leurs prestataires, la commune, les animateurs de périscolaire ou les enseignantes et enseignants. Je sais que certains le font déjà et je veux les saluer. Je veux que tous les enfants de France sachent distinguer un fenouil ou une betterave, pour rendre hommage aux tests réalisés par les merveilleux acteurs déjà engagés sur ce terrain comme l’Ecole comestible et de nombreuses autres associations.

Pour mettre en œuvre ces engagements, je remercie notre ambassadeur, Guillaume Gomez, de mettre sur pied une « Equipe de France des cantines » qui, en associant l’ensemble des acteurs, privés, publics, permettra d’échanger les meilleures pratiques pour que nos cantines demain soient à la hauteur de ces ambitions de sobriété et de qualité.

Notre coalition, chers amis, porte aussi cet objectif de sobriété, car c’est un enjeu planétaire. La France encouragera en particulier toutes les actions allant dans ce sens : par ses financements au Programme alimentaire mondial, que nous maintiendrons au niveau historique de 2022 ; par l’Agence française de développement, cher Rémy, ou à travers nos ambassades. Toujours dans cette même logique, celle du Pacte de Paris pour les Peuples et la Planète : ne pas avoir à choisir entre lutte contre la pauvreté et protection de la planète.

C’est cette dynamique que nous continuerons à porter, à travers la reconstitution du Fonds international de développement agricole que la France a l’honneur de porter avec l’Angola et qui se conclura à Paris le 15 décembre, ou à travers les Jeux olympiques du développement durable qui accompagneront le plus grand événement sportif de la planète que nous accueillerons l’été prochain.

Vous avez devant vous deux riches journées de travail, que je souhaite fructueuses. Encore une fois, je vous remercie, chacun d’entre vous, pour votre engagement : pour que vive l’école, vive la cantine !

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