Le Président Emmanuel Macron s'est rendu le vendredi 6 octobre au Centre Pompidou à Paris, à l’occasion de la soirée de lancement du Forum des industries culturelles et créatives Création Africa.
Annoncé lors de son discours du 27 février 2023 avant son déplacement en Afrique centrale, le forum Création Africa est une concrétisation de la volonté du Président de refonder les relations entre la France et ses partenaires africains. Il préfigure la création de MansA, future Maison des Mondes Africains.
Revoir le discours :
6 octobre 2023 - Seul le prononcé fait foi
Discours du Président de la République à l’occasion du Forum Création Africa.
Mesdames les ministres,
Monsieur le Président du Centre Pompidou, cher Laurent, merci infiniment de nous accueillir,
Madame la secrétaire générale du Forum Création Africa, chère Liz,
Monsieur le professeur MBEMBE,
Mesdames et messieurs, en vos grades et qualités.
D'abord, c'est pour moi une très grande joie d'être là, aux côtés des ministres, au Centre Pompidou, au milieu des créateurs, des artistes, des entrepreneurs, des chefs d'entreprises, de toutes les forces vives, africaines et françaises, start-up, jeunes créateurs, grands groupes déjà bien installés, de l'édition, de la création, de la diffusion ou de la création cinématographique et de série, et qui, ensembles, tressent de nouveaux liens.
En effet, ce matin a été lancé ce premier Forum Création Africa autour des industries culturelles et créatives. Ce forum, on en a eu l'idée lors d'un déplacement au Bénin et au Cameroun. Nous l'avons lancé à ce moment- là, en voyant l'énergie qu'il y avait. C'était un vrai défi. Comme d'habitude, j'ai un peu annoncé les choses et puis après, il fallait le faire. Mais comme à chaque fois, on l'a fait et vous l'avez fait. Et je trouve que c'est le plus beau démenti, j'y reviendrai, au récit qu'on voudrait imposer des relations entre l'Afrique et la France. Et pour moi, la réalité de cette relation, c'est exactement ce que vous êtes, ce qu'on est en train de faire et les avant-postes qu'on est en train de bâtir, contrairement aux vieux récits qu'on voudrait nous écrire.
Donc merci d'avoir rendu cette promesse possible, de l'avoir réalisée toutes et tous ensemble. Le premier mot, c'est de remercier l'équipe qui s'est mobilisée pour que tout ça puisse advenir. C'est d'abord évidemment le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, le réseau diplomatique, merci Madame la ministre, l'AFD avec son réseau, son aide, le ministère de la Culture, tous les opérateurs des ministères concernés, toutes les équipes et donc de l'AFD à l'INA, de l'Institut français au CNC, du Centre Pompidou au CNL à BPI en passant par Business France et j'en oublie, parce qu'il y a beaucoup d'autres instituts, évidemment. Mais toute cette équipe a fait un travail absolument formidable.
Évidemment, tout ça n'aurait pas été possible sans la ténacité de Liz GOMIS pour tenir la barre et nous permettre d'arriver à bon port. Et comme je le disais, je veux remercier l'ensemble des acteurs publics, je l'ai dit, mais aussi de toutes les entreprises françaises qui sont là, de toutes tailles et qui viennent parfois de très loin et qui sont, je le disais, de grands groupes de l'édition, du cinéma, de la production, des jeux vidéo ; les plus grands ont accepté de jouer le jeu et de participer ; et en même temps, tous les groupes africains, les créateurs africains, les associations, les entreprises qui sont là et qui, autour de l'équipe de curatrices et de curateurs mise en place par Liz, ont pu faire vivre l'ensemble de ces secteurs.
Ces trois jours illustrent parfaitement la démarche de métamorphose que nous voulons établir par la création et l'entrepreneuriat et, en quelque sorte, ce pacte qui est ainsi scellé par ces trois jours. Au fond, la conviction qui était la nôtre, c'est de se dire qu'il y a entre les entrepreneurs, les créatrices et les créateurs, une énergie qui peut circuler et qui est inédite, et qui permet véritablement d'inventer des nouveaux possibles. Vous l'avez, je trouve, très bien montré par tous vos projets. Donc ces trois jours doivent vraiment être des moments de démonstration, de rencontres et au fond, d'inventions de nouvelles aventures.
En effet, ce qu'on a voulu mettre en place, à travers les secteurs que vous représentez et qui, d'habitude, sont toujours oubliés - donc du jeu vidéo à l'animation, de la bande dessinée à l'e-sport, de l'édition au cinéma – c’est de mettre ensemble des femmes et des hommes qui vont d'abord réactiver des imaginaires qui ne se connaissaient pas forcément ou qui n'échangeaient pas et qui, en utilisant les technologies ou les pratiques les plus innovantes et les plus en transformation, vont pouvoir revisiter des lieux patrimoniaux -n vient de le voir avec la Tunisie et la France, de l'imaginaire kenyan ou sud-africain, des aventures béninoises - et ainsi permettre de faire circuler cet imaginaire entre les deux rives, permettre de créer des opportunités économiques, permettre de déployer des nouvelles créations, que ce soit des bandes dessinées, que ce soit des romans, que ce soit des jeux vidéo, que ce soit des compétitions d'e-sport qui vont faire vivre ces nouveaux personnages qui viendront parfois de loin et que sais-je. Et au fond, toutes les actions qu'on est en train de découvrir autour de ces trois jours, je le crois très profondément, vont permettre de conjuguer les énergies de l'Afrique et de la France et de tous les pays ainsi représentés, de la création et de la technologie avec ceux de l'imaginaire, de la culture, du patrimoine. C'est une circulation d'énergie, c'est la possibilité en quelque sorte de réconcilier ce qui jusqu'alors était souvent des impossibles. Et c'est ce qui, je trouve, est toujours impressionnant.
D'ailleurs, quand on regarde le continent africain avec des yeux classiques et comme on le regardait même de manière traditionnelle par notre diplomatie, on mettait l'Afrique dans des boîtes. Il y avait l'Afrique lusophone, l'Afrique anglophone, l'Afrique francophone. Imaginez, j'ai été le premier président à mettre les pieds au Kenya - folie complète. À être avec quelques- uns d'entre vous au Shrine - merci encore. Et cetera, et cetera. Donc, ce sont des nouveaux possibles qui vont s'inventer avec ces trois jours et qui vont permettre, j'en suis moi convaincu, que cette énergie dans tous ces domaines, dans toutes ces disciplines, par justement, les chemins croisés, par des projets très rapides, très puissants qui sont mis en place, d'avancer dans notre littérature, notre cinéma et de créer des univers communs.
Ce sont 35 pays représentés, 44% des présents ont moins de 33 ans, 71% moins de 40 ans, ce qui montre vraiment la jeunesse des participants et que c'est vraiment tout le continent africain qui est là à nos côtés avec un appétit, une énergie absolument immense. Tout ça vient évidemment s'agréger avec beaucoup d'énergie, celle qu'on connaît à travers les différents événements. Hier, s'est déroulée la neuvième édition de BIG, organisée par BPI France à Accor Arena avec plusieurs délégations africaines, là aussi, Sénégal, Nigeria, Tunisie, Algérie. Et BIG est un tremplin entrepreneurial qui a beaucoup de synergies avec ces trois jours et ce premier forum. Je veux aussi saluer tout ce qui est fait avec la première biennale Euro-Africa de Montpellier du 9 au 15 octobre, qui va permettre aussi d'accompagner tout ce travail, avec l'action de nos collectivités territoriales et tout le continent africain. Et puis, le 17-18 octobre, se tiendra l'édition 2023 d'Ambition Africa, qui est organisée avec Business France, avec le soutien du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et du ministère de l'Économie et des Finances. Vous le voyez bien, c'est une série d'initiatives qui viennent s'agréger, créer des confluences et des convergences et démultiplier en quelque sorte tout le travail qui est fait et les efforts qui sont entrepris.
Tout ça, c'est grâce à vous, grâce à votre énergie, mais ça vient s'inscrire dans un travail qui vient de loin et auquel je voulais ici, en quelque sorte, en quelques mots, redonner sa cohérence. Je le disais, quand on parle de l'Afrique et de la France, on a tendance à parler très souvent des sujets de sécurité en oubliant que la France a été parmi bien souvent les rares pays qui sont allés à la demande d'État africain pour lutter contre le terrorisme.
Mais on regarde en quelque sorte cette relation avec les oripeaux du passé et des choses dont on est en train de sortir. C'est un long travail, je peux vous en parler en connaissance de cause. Mais ce qui se passe aujourd'hui, c'est le fruit d'une petite révolution intellectuelle, culturelle qu'on mène avec plusieurs d'entre vous depuis maintenant six ans. Je le dis en regardant Liz parce qu'elle était membre du premier conseil présidentiel d'Afrique qui nous a aidés à concevoir cette stratégie.
En effet, dès novembre 2017, dans le discours de Ouagadougou, on a voulu complètement réinventer un partenariat entre le continent africain et la France qui soit équilibré, responsable, respectueux, qui permette aussi de pleinement engager l'Europe dans ce partenariat, Chrysoula le sait qui a, durant toutes ces années, de parlementaires européens œuvré sur ce sujet. Et on a, à partir du discours de Ouagadougou, mis plein de petites pierres. Quand j'ai prononcé ce discours, on a voulu retenir que des moments de provoc qu'on avait avec le président KABORÉ. J’ai pris des engagements. Juste après, les gens ont dit “d'accord, comme d'habitude, c'est des engagements, il n’y aura pas de suite”.
Tous les engagements pris à Ouagadougou ont eu une suite. On a dit : on va restituer les œuvres d'art et Felwine SARR et Bénédicte SAVOY ont fait un travail formidable et nous ont permis une révolution complète et je peux vous dire qu'en 2017, personne n'avait envie de restituer les œuvres d'art. Tout le monde disait : c'est une super idée. Puis chacun revenait à la maison en disant : on va voir, mais on n'est pas sûr que les pays africains soient capables, etc, etc. Ça faisait des décennies qu'on baladait tout le monde.
Il y a eu rapport qui a été fait, formidable travail, il y a eu un vrai changement et il a fallu mettre de l'huile de coude, et il y a eu un moment extraordinaire qui s'est passé au Bénin, quand plusieurs des magnifiques pièces et trésors d’Abomey sont revenus à Cotonou, ont permis d'ailleurs à beaucoup d'artistes contemporains de réinventer sur cette base, de faire circuler les choses, et ensuite, en quelque sorte, c'est une épidémie maintenant, heureuse, qui va se continuer, qui a continué à Dakar, qu'on continue avec l'Éthiopie.
On va continuer ce travail qui est une vraie révolution, parce qu'en refaisant circuler et en réinstallant, en restituant les œuvres d'art sur le continent africain, on rend une part de l’imaginaire et on libère un formidable imaginaire créatif du continent africain. Et c'est aussi pour ça que, dans quelques mois, on va accueillir ici, et merci d'ailleurs aux institutions culturelles françaises, parisiennes, merci, Laurent aussi, de participer à cette formidable énergie. On va accueillir des artistes contemporains, béninois et d’ailleurs, qui ont créé sur la base de ces trésors qu'on a restitués.
Ensuite, on a accueilli et on accueille et on continuera d'accueillir de nombreux artistes. Et je veux ici lever toute ambiguïté aux faux procès. La France est un pays qui est fier de permettre à des artistes de tous pays africains de créer, d'inventer, de chercher, de comprendre le monde, de penser la démocratie et nous continuerons d'accueillir, de protéger les créateurs, les artistes, les étudiants, les entrepreneurs, en se plaçant au-delà de toutes les controverses et en mettant justement la culture, l'intelligence et l'appétit de démocratie et d'inventivité au cœur de cette relation.
Ensuite, on avait pris un autre engagement, c'est la conversion du regard. Et de mettre justement au cœur de cette relation, des artistes, des inventeurs, des innovateurs, africains à Paris. C'est ce qu'on a fait avec Africa 2020, et je veux rendre hommage à Madame N'GONÉ FALL, qui a conduit ce travail avec beaucoup d'entre vous qui étiez ses complices et qui a permis avec une formidable énergie, malgré le covid, partout en France, de mettre en place, en quelque sorte des lieux de révolution intellectuelle, créative et d'innovation, avec ses quartiers généraux qu'on avait et des expositions dans les lieux qui étaient interdits, à la création, à l'innovation, à la technologie, venant du continent africain, de la conciergerie au grand palais et partout sur le territoire.
Ensuite, on a fait le sommet de Montpellier, le sommet Afrique-France il y a deux ans presque jour pour jour, où avaient été conviés énormément de talents. Des sportifs, des créateurs, des activistes, et qui était, je crois, un vrai moment de conception et qui nous a aidés à retravailler beaucoup de choses, moi qui m'a rendu très fier. Je ne tire qu'une seule leçon de ce moment : on aurait dû aller beaucoup plus vite, ça nous aurait évité des difficultés d'exécution par la suite.
Et je le dis pour tous ceux qui traînent des pieds ou qui, à ce moment-là, m'ont regardé en disant : qu'est-ce qu'il fait sur scène, avec des activistes du Burkina, du Mali, etc. à parler comme ça ? Tous les sceptiques ont eu tort. On aurait dû aller beaucoup plus vite. Ils avaient raison.
Maintenant, devant nous, on a la maison des mondes africains, l'année prochaine. Qui sera une véritable porte ouverte à Paris, tournée vers le continent africain et où, selon les mots d'Achille MBEMBE, qui a imaginé ce lieu, ce sera la création africaine et diasporique exposée au monde. Et donc vous le voyez. Ce forum prend sa place, en quelque sorte, dans un ensemble, une série de petites pierres qui sont la réinvention de ce partenariat, la libération des énergies, où tous les pays africains ont un rôle essentiel à jouer, qui nous permet aussi, comme on l'a fait avec Digital Africa, comme on l'a fait avec la présence de l'Afrique à Vivatech dès 2018, de faire circuler des énergies au sein du continent et de casser des barrières, et nous-mêmes de changer notre manière de travailler.
Je voudrais finir en disant que tout cela s'inscrit dans un travail politique très profond et je veux saluer la présence du professeur Achille MBEMBE, parce que tout ça a aussi beaucoup de sens et s'inscrit en synergie avec la Fondation de l'Innovation pour la Démocratie qu'il préside et qui s'inscrit dans cette dynamique et cette vision. Au moment où des modèles politiques idéologiques ou des modèles d'universel, au fond, sont en compétition, mis à mal, on a énormément besoin de cette invention intellectuelle et politique qui consiste à reconnaître partout sur le continent africain, des projets, à les aider à émerger et, au fond, à aider la société civile à s'éclairer elle-même et à construire ses propres synergies avec les différents secteurs.
Je crois très profondément que l'avenir du continent africain se joue dans cette initiative intellectuelle et politique que mène Achille, et dans ce que vous allez conduire durant ces trois jours, et je finirai là-dessus. Parce que la vraie politique, c'est l'invention de possible qu'on disait impossible. La vraie politique, ce sont des gens qui disent au fond, il n’est pas dit que de toute éternité, ce sera la même famille qui va diriger le pays, ce seront les mêmes cadres, ce sera forcément la même ethnie, ce sera la même organisation politique, ce seront les mêmes parrains, ce seront les mêmes systèmes d'organisation de la domination ou de l'exploitation.
Mais tout ça ne peut pas s’importer de l'intérieur. Et, au fond, c'est sans doute ce que nous avons collectivement raté pendant des décennies, parce qu'il y avait un manque d'enracinement et d'appropriation. Et aussi vrai que ce que fait Achille avec beaucoup d'intellectuels, d'activistes, c'est de se dire : on va créer nos propres formes politiques d'alternance de sens et d'énergie. Ce que vous êtes en train de faire là, c'est de donner encore plus d'énergie et de force aux formes artistiques entrepreneuriales, venant de chaque pays d'Afrique, mais qui vont nous permettre, en profondeur, de refonder ce partenariat et cette relation. Elle ne se fera pas dans des sommets, ni à Paris, ni à Bruxelles ou ailleurs avec des cadres qui sont pré pensés. Elle se fera avec de l'énergie qui vient d'en bas, avec des imaginaires qui viennent du terrain, avec des intellectuels, des artistes, des créateurs, des entrepreneurs, qui ont l'âge du continent et l'énergie du continent.
C'est ce qui me rend immensément fier, de vous avoir toutes et tous durant ces trois jours, ici, et de pouvoir dire que, d'ores et déjà, par cette énergie, par son exemplarité, ce forum, est un succès. Il y en aura beaucoup d'autres, croyez-moi, mais faites beaucoup de petits. Ayez le maximum d'ambition. Et si, à chaque instant, quelqu'un vous dit, durant ces trois jours, ceci n'est pas possible, ceci ne peut pas se faire ou va prendre du temps. Dites-vous que c'est résolument possible. Demandez d'aller dix fois plus vite et ayez encore plus d'ambition. Il n’y a que ça qui compte. A vous de jouer et merci à vous d'être là. Bon vent !
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