Début octobre 1943, selon les mots du général de Gaulle, la Corse a « la fortune et l’honneur » d’être le premier territoire français libéré, et largement par elle-même. Subissant d’abord les lois du régime de Vichy comme les rigueurs du manque d’approvisionnement, l’île avait été envahie en novembre 1942 par plus de 80 000 soldats Italiens et une brigade SS, à laquelle s’était jointe une division de Panzers à l’été 1943.
Dans cette épreuve, les rangs de la Résistance ne cessèrent de grossir, avec le soutien de missions venues de Londres et d'Alger à partir de décembre 1942. Gaullistes, communistes, femmes et hommes de tous horizons, tous se rassemblèrent au sein du « Front National », aux termes des efforts menés d’abord par Fred Scamaroni puis Paulin Colonna d’Istria. Les maquisards, repliés dans les réduits montagneux et forestiers, bénéficiaient de la distribution d’armes débarquées par les sous-marins ou parachutées. Le sous-marin français Casabianca, commandé par le capitaine de frégate L'Herminier qui avait refusé le sabordage de Toulon le 27 novembre 1942, réussit six missions clandestines en Corse.
Quand, le 9 septembre 1943, la nouvelle de l’armistice conclue par l’Italie fasciste, débordée par le débarquement des Alliés, fut communiquée, l’évènement provoqua l’insurrection de la Résistance corse. A Ajaccio, les patriotes proclamèrent le rétablissement de la République. Prenant de court les autorités de la France libre à Alger, comme le commandement militaire des Alliés concentré sur le théâtre italien, cet élan corse vers la liberté et la République sut renverser l’Histoire.
D’abord, les troupes italiennes quittèrent le brassard noir du fascisme pour se rallier à l’insurrection et tentèrent de disputer Bastia aux troupes nazies, lesquelles prirent l’ascendant. Ensuite, à Alger, le général Giraud prit sur lui de faire parvenir en Corse des premières troupes en renfort dans le cadre de « l’Opération Vésuve ». Enfin, les Alliés, sceptiques sur les chances de l’opération mais admiratifs de cet élan patriote, consentirent à affecter deux croiseurs légers, le « Fantasque » et le « Terrible ». Dans l’île, la Résistance corse avait plus que jamais besoin de cet appui : rapatriant les troupes de Sicile, les Allemands débarquèrent à Bonifacio pour rejoindre le port de Bastia. Une colonne de chars nazis fut détournée vers Ajaccio pour réprimer l’insurrection.
La bataille de Corse commençait. Le 17 septembre, dans l’Alta-Rocca, à Levie, patriotes et soldats italiens parvinrent à arrêter la colonne nazie, après une semaine d’efforts et de combats. Parallèlement, le « Casabianca » débarqua les 109 hommes du Bataillon de choc, troupe d’élite recrutée parmi les évadés et les volontaires de l’armée d’Afrique, bientôt rejoints par des troupes venues du Maroc.
Les « chocs », volontaires animés par le même esprit de résistance que les insurgés harcelèrent les convois et les postes allemands sur la côte orientale. Enfin, l’effort offensif se concentra sur Bastia. Au prix de manœuvres et de combats acharnés dans des cols d’altitude défendus par des troupes nazies, Tabors marocains et patriotes corses ouvrirent la route de Bastia libérée le 4 octobre 1943. La Corse était libre.
« Dans une île où on croit plus qu’ailleurs au destin, en Corse, on ne croit jamais à la défaite », selon les mots du général de Gaulle foulant le sol de l’île rendue à la République. Ce fut bien l’union de tous les Résistants, gaullistes et communistes, l’appui des autorités et des troupes de la France Libre, le courage des goumiers venus du Maroc, l’aide des soldats italiens qui permirent de repousser la fatalité et la défaite.
Dès lors, 13 000 Corses firent le choix de s’engager dans la guerre de reconquête. La Corse devint, pour les Alliés, « l’USS Corsica », base stratégique opérationnelle d’où partirent les libérateurs de l’archipel toscan en juin 1944, puis, en août, ceux qui formèrent la deuxième vague d'assaut du débarquement de Provence.
Le Président de la République se rendra le 28 septembre en Corse pour commémorer l’épopée de la Libération de la Corse et rendre hommage à ces héros de tous horizons qui donnèrent leur vie pour écrire cette page de notre Histoire. Ce déplacement s’inscrit dans la perspective des commémorations de la Libération qui scanderont l’année 2024, avec en particulier les cérémonies de juin en Normandie et celles d’août dans le Var. 80 ans après 1944, c’est ainsi cette année charnière, celle de la renaissance de la République française, qui sera commémorée.
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