Il suffit de dire son nom pour qu’immédiatement, quelques notes de barcarole, un refrain entêtant, toute la musique du « Rital » surgissent. Claude Barzotti, qui nous a quittés le samedi 24 juin 2023, était un chanteur populaire, par son destin depuis une origine modeste, par son immense succès, par le pouvoir d’évocation de ses chansons, capables de capter les élans du cœur, la rage ou la mélancolie. Avec cette disparition, nous perdons une figure de notre répertoire francophone.

La vie de Claude Barzotti commença dans les circonstances dont il fit un tube : la difficulté de trouver sa place, comme enfant immigré, et la nostalgie d’un pays rêvé. Né le 23 juillet 1953 en Belgique, celui qui s’appelait encore Francesco Barzotti grandit dans une famille venue des bords de l’Adriatique, dont le père était mineur au Borinage. Mais ce fut au rythme de Cai’Serra dans les Apennins, où Francesco Barzotti passa une part de son enfance, que son imaginaire s’éveilla – langue, couleurs, vivacité et sons. Il se résolut à choisir définitivement la Belgique à 18 ans, certain d’un exil nécessaire face à la « misère » évoquée dans ses textes, mais déchiré de laisser derrière lui un pays persistant « dans ses douceurs et ses prières ».

Ce fut vers la musique que les deux frères Barzotti, Francesco et Alessandro, voulurent ensuite frayer leur voie, soutenus par des parents qui se sacrifièrent pour les rêves de gloire de leurs enfants. Pourtant, le jeune aspirant crooner se heurta à l’adversité, composant une vie de bohème et de débrouille. A vingt ans, Claude Barzotti enregistra un premier disque « Vous mes amis », avant d’être engagé chez Vogue Belgique, où, comme directeur artistique, il apprit sans doute un peu de son art de la mise en scène face au public, et dut endurer un surnom, celui de « Rital ». En 1980, il enregistra son premier album en studio : « Madame ». La chanson qui donnait son nom à l’album connut un vrai succès. Dans cette ode romantique, passait ce qui ferait le charme de Claude Barzotti et nouerait l’attachement du public à son égard : une émotion, une tessiture ample et lyrique, la sensation que le chanteur se livrait cœur et âme.

En 1983, ce fut avec « Le Rital », enfin, que Claude Barzotti rencontra un immense succès. Après quelques notes inoubliables, d’une voix éraillée, il disait les maux d’une enfance, de l’opprobre et de la honte, et parvenait à faire de ses souvenirs un tube, mêlant images familières et fureur de vivre, spleen et appétit de vaincre. Parce qu’elle évoquait le destin de milliers d’exilés, de déracinés, « ces étrangers » à qui « on l’a assez répété », et parce qu’aussi ce portrait d’un garçon ostracisé et perdu touchait chacun, la chanson n’en finit plus d’être fredonnée. Le gamin du Borinage était devenu un habitué du Top 50, une idole populaire. Claude Barzotti poursuivit sa carrière avec d’autres réussites, tels « Je ne t’écrirai plus », disque d’or en France en 1984, ou, un peu plus tard, « Aime-moi », en 1990. Il écrivit aussi des chansons pour Dalida, Jeanne Manson, ou encore Morgane, candidate belge à l’Eurovision de 1992.

Avec ses best-of, les galas, les tournées « Age tendre et tête de bois », Claude Barzotti continuait à animer son public de ce mélange de passion et de regrets, de slows et de confessions. Ce public vint le saluer encore à l’Olympia en 2009 qui fit salle comble. Claude Barzotti fit paraître un dernier album studio en 2019, « Un homme ».

Si nos saisons étaient devenues « siennes », Claude Barzotti disait que sa musique était italienne. De Belgique, d’Italie, de notre pays, sa musique et ses paroles, en français, parlaient à chacun et ajoutèrent à notre répertoire collectif, à notre imaginaire. Le Président de la République et son épouse saluent la mémoire d’un artiste qui fit de son histoire et de ses passions quelques-unes de nos plus belles chansons. Ils adressent leurs condoléances émues à ses filles, sa famille, ses proches, et tous ceux qui l’aimaient et l’admiraient.

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