Dans un contexte de défis sans précédent dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités, marqués par un recul de la croissance et une hausse des niveaux d’endettement, par la résurgence des conflits et des crises concomitantes, notamment le dérèglement climatique, l’érosion de la biodiversité, les pandémies et les situations de fragilité, nous, chefs d’État et de gouvernement (liste en annexe), nous sommes réunis à Paris le 23 juin 2023, en présence d’organisations internationales (liste en annexe), de la Commission européenne et du Conseil européen, pour soutenir un nouveau pacte financier mondial visant à aborder les difficultés actuelles et à venir dans un esprit de coopération et de solidarité.

Conscients de ces défis, nous partageons une vision commune des banques multilatérales de développement (BMD), sans préjudice de leurs mandats respectifs, qui repose sur les objectifs de développement durable (ODD) et qui reflète l’Accord de Paris sur le climat. Nous estimons que la lutte contre la pauvreté, la promotion d’une prospérité partagée et nos engagements à relever les défis mondiaux (notamment ceux liés au climat et à la biodiversité, la préparation face aux pandémies, les situations de fragilité), se renforcent mutuellement.

Nous appelons les BMD à continuer de jouer un rôle clé en appui aux transitions justes et au développement durable dans le monde entier au moyen de financements supplémentaires, de recommandations en matière de politiques publiques et d’une assistance technique au bénéfice des pays en développement, en particulier des pays les moins développés et les plus vulnérables. À cet effet, nous saluons les progrès qui ont déjà été accomplis :

1. Nous soutenons fermement l’appel à l’action lancé par les actionnaires lors des assemblées annuelles du Fonds monétaire international et du Groupe de la Banque mondiale en octobre 2022 pour le lancement d’une initiative de transformation des BMD. Nous saluons les activités menées par le Groupe Banque mondiale pour examiner sa mission et sa vision et moderniser son modèle opérationnel et son modèle financier, en vue de mettre un terme à l’extrême pauvreté, de favoriser une prospérité partagée, de répondre aux défis mondiaux et d’atteindre les ODD. Nous attendons des BMD qu’elles prennent des mesures pour s’aligner sur cette ambition commune sans préjudice de leur mandat respectif. Cette démarche sera indispensable au maintien de la dynamique de réforme nécessaire à un changement transformationnel. Nous nous félicitons des autres efforts multilatéraux qui soutiennent l’évolution des BMD et nous attendons avec impatience de recevoir le rapport du groupe d’experts du G20 sur le renforcement des BMD dans le cadre de la présidence indienne du G20 en 2023.

2. Nous saluons les activités menées par le G20 et les BMD lors de la phase initiale de mise en oeuvre des recommandations du rapport du G20 sur les cadres d’adéquation des fonds propres, lancés sous la présidence italienne du G20, puis repris par les présidences indonésiennes et indiennes, qui visent à libérer des capacités additionnelles de financement. Dans un premier temps, nous saluons l’ensemble des mesures adoptées par le Groupe Banque mondiale lors des réunions de printemps, qui devrait permettre d’augmenter la capacité de prêt de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) de 50 milliards de dollars au cours des dix prochaines années. Nous nous félicitons également des importants progrès accomplis par les banques régionales développement qui permettront d’augmenter significativement leurs propres capacités de financement. Nous saluons également la Banque africaine de développement, la Banque asiatique de développement, la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, la Banque européenne d’investissement, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la Banque interaméricaine de développement et le Groupe de la Banque mondiale pour leur leadership dans la proposition de solutions novatrices, comme l’échange d’expositions souveraines ou l’atténuation effective de la concentration de portefeuille, ainsi que pour leurs travaux en cours sur les limites réglementaires que connaissent plusieurs banques. Nous nous réjouissons de la poursuite de la mise en oeuvre des recommandations du rapport du G20 sur les cadres d’adéquation des fonds propres.

3. Nous saluons les engagements des BMD à l’égard de leur alignement sur l’Accord de Paris et leur ambition accrue en matière de finance climat à la fois en matière d’atténuation et d’adaptation. Nous saluons la publication par les BMD de leurs principes méthodologiques communs pour l’évaluation de l’alignement des nouvelles opérations sur l’Accord de Paris à l’occasion de ce Sommet. Nous attendons avec impatience l’alignement complet des BMD sur l’Accord de Paris dans les meilleurs délais.

Afin de continuer à évoluer et à répondre aux défis du XXIe siècle, près de 80 ans après la conférence de Bretton Woods, les BMD doivent, par l’intermédiaire de leur conseil d’administration respectif, mettre en oeuvre la série de principes suivante, pour tirer le meilleur parti des ressources du système financier international :

1. Adopter de nouvelles manières de travailler ensemble :
a. Nous appelons les BMD à travailler en système, ainsi qu’en coopération avec les banques régionales et nationales de développement, les agences des Nations unies et les organismes philanthropiques, pour former le coeur d’une plus vaste architecture financière mondiale, fondée sur des avantages comparatifs et soutenue par la société civile. Par ailleurs, nous invitons à mieux articuler les activités des BMD et celles du FMI, dans le cadre de leur mandat respectif, en particulier dans le cadre des mécanismes de financement du Fonds pour la résilience et la durabilité (Resilience and Sustainability Trust) et dans le respect des recommandations du G20 sur l’utilisation de prêts à l’appui de réformes. Les BMD doivent s’efforcer de soutenir les investissements publics et privés dans des solutions basées sur le climat et la nature et les connecter aux stratégies de développement des États membres, notamment par le biais d’assistance technique et de renforcement des capacités.

b. Renforcer la coopération entre les BMD, les guichets concessionnels et les fonds thématiques pour améliorer le co-financement, favoriser l’accès des pays aux financements, rationaliser les procédures internes et offrir de meilleurs leviers aux pays à faible revenu, aux pays à revenu intermédiaire et aux petits États insulaires en développement. Il est nécessaire de déployer plus d’efforts pour optimiser l’architecture des fonds climatiques et environnementaux ; nous serions favorables à un examen indépendant de cette question.

2. Activer tous les leviers d’optimisation opérationnelle et financière :
a. Donner une impulsion supplémentaire à la revue des cadres d’adéquation des fonds propres guidée par la feuille de route du G20 sur la mise en oeuvre des recommandations des cadres en question qui comporte à la fois des mesures à court terme et un programme à moyen terme, en vue d’optimiser l’usage des ressources par les BMD et de les encourager à adopter de nouvelles mesures innovantes. Cette démarche pourrait inclure d’examiner l’intégration d’une part prudente de capital appelable dans les cadres d’adéquation des fonds propres des BMD, la diversification des sources de financement (notamment en envisageant l’émission de capital hybride), l’établissement de mécanismes de garantie innovants et la fourniture de données de meilleure qualité (provenant du consortium GEMs pour une base de données mondiale sur les risques des marchés émergents) aux agences de notation de crédit et aux investisseurs privés aux fins d’une meilleure compréhension des modèles d’activité spécifiques aux BMD dans leurs modèles d’évaluation de la notation de crédit. Le renforcement du dialogue entre les BMD et les agences de notation de crédit permettrait d’affiner les méthodes de ces agences afin qu’elles tiennent mieux compte des forces et des caractéristiques des BMD, et d’aider les BMD à réfléchir à leur approche du risque. En outre, l’accès aux données du GEMs et la consolidation de ces données permettront, en offrant une vision plus claire du risque de crédit, des investissements privés internationaux et locaux supplémentaires en faveur des pays en développement. Nous attendons des progrès supplémentaires d’ici au sommet des chefs d’État et de gouvernement du G20.

b. Après la mise en oeuvre de l’ensemble des recommandations appropriées sur les cadres d’adéquation des fonds propres visant à faire un usage plus efficient des ressources existantes, des augmentations des capital pour certaines BMD, profitant de leur effet de levier, pourrait être envisagée. Le conseil d’administration de chaque BMD sera le mieux à même de déterminer si l’injection de nouveaux capitaux est nécessaire en plus de ces mesures, et le moment opportun pour cette opération.

3. Axer la finance multilatérale sur l’exploitation des nouveaux instruments :
a. Nous soutenons l’examen d’options viables pour l’allocation volontaire de droits de tirage spéciaux par l’intermédiaire des BMD, notamment le mécanisme novateur mis au point par la Banque africaine de développement et par la Banque interaméricaine de développement, dans le respect des cadres juridiques concernés et de la nécessité de préserver la spécificité et le statut d’actif de réserve des droits de tirage spéciaux. Nous invitons les gouvernements en capacité de le faire à travailler sur de nouveaux mécanismes de réallocation des droits de tirage spéciaux.

b. Nous soutenons la mobilisation de ressources supplémentaires à grande échelle au moyen de financements du secteur privé, notamment en renforçant l’utilisation d’outils et de plateformes de partage du risque innovants qui présentent un puissant effet de levier, en offrant des conseils stratégiques et réglementaires avisés, en permettant la préparation de projets et en améliorant les capacités d’exécution. Nous appelons les BMD et les banques publiques de développement à oeuvrer pour améliorer le cadre opérationnel et la mobilisation des ressources nationales au niveau des pays, notamment par l’intermédiaire du G20 Compact with Africa, à mettre au point des indicateurs pertinents et harmonisés pour la mobilisation de capitaux privés et à établir des objectifs quantifiables qui traduisent leurs ambitions, tout en instaurant des mesures incitatives pour que leur personnel mobilise des capitaux privés aux niveaux international et local. Il est nécessaire d’améliorer l’efficacité des mécanismes de financement mixtes et de les consolider. Nous attendons avec intérêt l’évaluation du Guichet de soutien au secteur privé de l’Association internationale de développement (AID) à l’occasion de son examen à mi-parcours. Nous appelons à étendre l’utilisation des garanties de l’Agence multilatérale de garantie des investissements en coordination avec d’autres instruments de partage du risque afin de maximiser leur impact.

4. Recourir à des financements concessionnels à faible coût lorsque l’additionnalité et l’impact sont maximaux :
a. Continuer de concentrer les financements concessionnels sur les pays à faible revenu. Les BMD doivent continuer à concentrer leurs ressources concessionnelles sur les pays à faible revenu, à la lumière de la progression récente de l’extrême pauvreté et des difficultés importantes auxquelles ces pays sont confrontés avec des ressources limitées.

b. Garantir un niveau approprié de ressources concessionnelles dans le cadre des opérations de développement. L’examen à mi-parcours de l’AID en 2023 devrait garantir que l’association puisse continuer à soutenir de façon appropriée les pays éligibles au cours des exercices financiers 2024 et 2025, ainsi qu’à moyen terme. Nous soutenons un 21e cycle ambitieux de reconstitution des ressources de l’AID l’an prochain, ainsi que la reconstitution des ressources d’autres guichets concessionnels et fonds thématiques comme le Fonds vert pour le climat ou le Fonds international de développement agricole. Nous soutenons par ailleurs les premières mesures prises pour donner la possibilité au Fonds africain de développement d’exploiter les contributions des donateurs en accédant au marché, quand les conditions le permettront, pour fournir aux pays à faible revenu des ressources abordables plus que nécessaires.

c. Examiner l’éligibilité aux financements concessionnels des pays les plus vulnérables au moyen d’une approche multidimensionnelle de la vulnérabilité, qui inclue les dimensions économique, environnementale et sociale. Afin de favoriser la coopération, les BMD pourraient réfléchir à une définition commune de la vulnérabilité, en tenant compte des travaux des Nations unies en la matière, et mettre au point des principes directeurs communs aux fins de l’utilisation ciblée des financements concessionnels dans la lutte contre les vulnérabilités.

d. Nous appelons les BMD à mettre au point et à présenter des cadres qui définissent les cas potentiels d’utilisation des financements et des instruments non financiers concessionnels à faible coût pour relever les défis mondiaux sans négliger l’accord de financements concessionnels aux pays à faible revenu. Ces cadres devraient aborder toutes les mesures incitatives possibles (volume et durée des prêts, conditions d’accord, incitations non financières), reposer sur des critères et des méthodes précises afin de maximiser l’impact des ressources concessionnelles limitées et permettre de mobiliser d’autres financements au sein des banques publiques de développement et du secteur privé.

5. Mieux intégrer la nature dans les activités des BMD pour favoriser de concert la concrétisation des ODD, de l’Accord de Paris et du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal. Après la COP15 Biodiversité qui s’est tenue à Montréal, le Sommet de Paris offre l’occasion aux BMD de faire état des progrès qu’elles ont réalisés dans leurs engagements à oeuvrer davantage (stratégie, méthodes, financements) en faveur de la biodiversité dans les années à venir. Nous invitons les BMD à aligner leurs portefeuilles sur les objectifs et les cibles du cadre mondial de la biodiversité tout en évitant le chevauchement et la redondance de leurs activités avec celles du fonds du cadre mondial de la biodiversité et celles des guichets concessionnels et fonds thématiques existants.

6. Améliorer les mécanismes de financement et d’assurance des risques des BMD liés au climat et aux catastrophes. Nous encourageons les BMD à envisager d’inclure des clauses de résilience climatique dans leurs instruments de prêts et à renforcer et favoriser les clauses contingentes relatives aux situations d’urgence, les conditions de prêts contingentes, les financements prédéfinis, les garanties et d’autres outils d’assurance des partenariats tout en respectant des principes bancaires solides.

7. Aider les pays à trouver leur propre voie vers le développement durable et la transition verte en mettant fermement l’accent sur le développement des capacités, les échanges en matière de politiques publiques, les réformes et les analyses sous-jacentes. Les BMD doivent être mieux coordonnées et doivent améliorer la façon dont elles accompagnent et soutiennent les pays en développement et leurs établissements financiers dans la mise au point de stratégies de long terme ou de politiques de résilience. Elles doivent poursuivre la consolidation et le partage des résultats de leurs produits analytiques, comme les rapports nationaux sur le climat et le développement de la Banque mondiale, et intégrer cette activité analytique dans leur engagement au niveau des pays et dans l’octroi de prêts à l’appui de réformes. Elles doivent partager leur expertise éprouvée et devenir une référence en termes de méthode. À cet effet, les BMD doivent renforcer leur coopération et éviter les divergences méthodologiques pour que leurs outils soient précis et utiles aux pays clients.

1. Liste des pays qui soutiennent la présente déclaration :
Allemagne, Australie, Autriche, Barbade, Bulgarie, Belgique, Canada, Chypre, Comores, Corée du Sud, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Croatie, Danemark, Djibouti, Espagne, Estonie, États-Unis, Éthiopie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Îles Cook, Inde, Irlande, Italie, Japon, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Moldavie, Monaco, Norvège, Nouvelle-Zélande, Palaos, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Saint-Christophe-et-Niévès, Sénégal, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Tchad, Vanuatu, Vietnam.

2. En présence :
de la Banque asiatique de développement, de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, de la Banque de développement du Conseil de l’Europe, de la Banque d’investissement européenne, de la Banque interaméricaine de développement, du Fonds monétaire international, du Groupe de la Banque africaine de développement, du Groupe de la Banque mondiale, des Nations unies, de l’Organisation de coopération et de développement économiques, de l’Union africaine.

Déclaration pour une vision commune des banques multilatérales de développement.

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