Le Président de la République s'est rendu à Bruxelles pour un Conseil européen les 23 et 24 mars. 

Ce Conseil européen a porté sur la situation en Ukraine et en particulier sur la décision que constitue l’achat commun de munitions. 

Les chefs d’Etat et de gouvernement ont également abordé les questions liées à la compétitivité européenne, l’économie et au marché intérieur y compris le renforcement de la politique industrielle européenne et le soutien aux industries vertes au sein de l’Union européenne. 

Les discussions ont enfin porté sur les questions énergétiques, notamment sur la réforme du marché européen de l’électricité et sur la mise en place d’une plateforme d’achat commun de gaz. 

Le Conseil européen s'est conclu par le sommet annuel de la zone euro vendredi matin. À l'issue, le Président de la République a tenu une conférence de presse.

Revoir la conférence de presse : 

24 mars 2023 - Seul le prononcé fait foi

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Propos liminaire du Président de la République.

Bonjour Mesdames et Messieurs. Heureux de vous retrouver à l'issue de ce Conseil européen et de ce Sommet “zone euro”. Quelques mots peut-être pour rendre compte de nos travaux. D'abord, nous avons eu une réunion qui a permis de faire le point sur l'Ukraine. Après avoir écouté, en visioconférence, le président ZELENSKY, auquel nous avons évidemment réaffirmé notre soutien pour l'aider, justement, à gagner le conflit face à l'agression russe, nous poursuivrons sans relâche nos efforts sur tous les plans : politique, militaire, économique et humanitaire aussi longtemps que nécessaire. 

Je voudrais en particulier, sur ce sujet, insister sur l'importance de l'accord que nous avons trouvé en Européens pour la fourniture à l'Ukraine des munitions et missiles dont elle a besoin. Lors de notre Conseil européen extraordinaire du 9 février, et lors de sa visite à Paris la veille, le Président ukrainien avait exprimé, en effet, des besoins urgents dans ce domaine et les travaux européens se sont engagés aussitôt et ont abouti, moins de six semaines plus tard, à un dispositif très robuste qui comprend trois volets qui seront mis en œuvre de manière simultanée, coordonnée et que nous avons acté à notre niveau. 

À très court terme, nous allons accélérer les livraisons à l'Ukraine de munitions et missiles de tous types, disponibles dans les stocks des Etats membres. Pour remplacer ces équipements, nous allons en parallèle mettre en place un dispositif d'acquisition conjointe de munitions et missiles auprès de l'industrie de défense européenne, notamment par l'intermédiaire de l'Agence européenne de défense. Et les financements européens que nous y apporterons serviront à acheter européen. 

Dans le même temps, les industries de défense européennes bénéficieront d'un soutien accru de l'Union européenne pour renforcer leurs capacités de production, sécuriser les chaînes d'approvisionnement et promouvoir l'accès aux investissements. Et dans le prolongement de ce que nous avons agréé à Versailles il y a un an, nous devons en effet nous donner les moyens de bâtir une économie de guerre au niveau européen, comme nous le faisons au niveau national. Et donc, ce volet-là est, à mes yeux, un point très important des travaux des dernières semaines et que nous avons parachevé durant ce Sommet. 

Notre discussion a aussi permis de réaffirmer notre détermination à lutter contre l'impunité pour les crimes commis en Ukraine, en soutenant évidemment les juridictions internationales en la matière, et à dénoncer les abominables enlèvements et déportations forcées d'enfants vers la Russie pour lesquels, vous l'avez vu, nous avons décidé de prendre une initiative collective. 

Je voudrais également, à cet égard, souligner que nous avons souhaité évoquer la situation en Moldavie, et comme j'ai eu l'occasion de le dire à la présidente Maia SANDU, vendredi dernier, nous allons continuer à accompagner la Moldavie dans son chemin européen et à l'aider à faire face aux nombreuses déstabilisations, comme aux conséquences de la guerre en Ukraine. Et dans les prochaines semaines, sera présenté un plan de soutien à la Moldavie, en prévision aussi du Sommet de la Communauté politique européenne qui se tiendra à Chisinau le 1er juin prochain. 

Le deuxième grand sujet de ce Conseil était la situation économique de notre Union. Et, comme je vous l'avais dit en décembre dernier, nous nous étions donnés le premier trimestre de cette année pour apporter une réponse à l'IRA américain et bâtir, justement, une stratégie collective cohérente. Et au fond, ce que la Commission a su faire et vraiment, je tiens à l’en féliciter, a pu être débattu et approuvé par le Conseil. 

C’est cette loi sur l'industrie nette zéro, qui répond bien au besoin d'un choc de simplification et de modernisation pour les secteurs les plus importants pour la transition énergétique et climatique. Ce texte nous permettra de faciliter les investissements, de simplifier l'installation de nouveaux projets, de renforcer les compétences, de mieux coordonner nos aides et d'expérimenter avec des réglementations plus souples et plus adaptées. Il nous permettra aussi de mieux intégrer les critères environnementaux et de sécurité d'approvisionnement dans notre commande publique. Au total, c'est un élément clé de notre souveraineté technologique dans la décarbonation. 

En matière d'aides d'État, à cet égard, nous avons aussi des avancées concrètes pour soutenir plus et mieux nos industries stratégiques et adapter le cadre qui était le nôtre. Nous avons enfin eu un échange sur les autres composantes de la compétitivité de long terme de notre Union, comme les investissements publics et privés, la recherche ambitieuse, la formation et les standards dont nous avons besoin. Vous le savez, nous avons constamment défendu une politique industrielle ambitieuse et commune. 

L'agenda d'autonomie stratégique qui a été porté au cœur du Sommet de Versailles l'année dernière, trouve ainsi à se décliner. Et entre le Chips Act, cette régulation sur l'industrie nette zéro et la régulation sur les matières premières critiques et les terres rares, nous avons un ensemble de politiques industrielles et de préservation de notre souveraineté qui marque, à mes yeux, pas simplement un réveil en termes de doctrine, mais une action concrète de notre Europe pour faire face à la recomposition du monde, aux risques géopolitiques, qui marquent un réel sursaut. 

Parlant de compétitivité et de politique industrielle, nous avons évidemment évoqué les sujets énergétiques, ce qui constitue un aspect fondamental, à la fois de notre compétitivité, de notre souveraineté et de notre stratégie face au dérèglement climatique. À cet égard, d’abord, nous avons marqué notre volonté d'utiliser à plein les instruments dont nous nous sommes dotés. Nous sortons de l'hiver dans une position qui est meilleure qu'elle n'était attendue par les acteurs du marché il y a quelques mois. Nous avons résisté et nous avons encore des stocks qui sont plus remplis que nombre d'experts ne le pensaient. Nous avons maintenant à utiliser nos capacités d'achat conjoint pour préparer l'automne et l'hiver prochain dans un contexte géopolitique et international qui ne sera pas plus simple que l'année dernière. Mais nous en avons les moyens et nous avons maintenant les instruments. 

La deuxième chose, c'est la réforme du marché de l'électricité, pour que les prix payés par les consommateurs soient mieux corrélés aux coûts de production décarbonée, ce qui veut dire des prix plus stables et plus bas. À cet égard, la régulation avance et nous nous sommes accordés aujourd'hui pour adopter cette réforme avant la fin de l'année, avec donc la procédure accélérée adaptée. 

Surtout, ce Conseil européen a été l'occasion d'une discussion stratégique sur la place que nous souhaitons réserver au nucléaire dans notre politique énergétique européenne. La Présidente de la Commission a rappelé avec beaucoup de clarté l'état de nos ambitions en matière de décarbonation et la voie rationnelle pour les atteindre. 

Évidemment, il y a les énergies renouvelables et la France investit massivement pour leur déploiement. Et dans le même temps, nous nous sommes fixés des objectifs de décarbonation et de sécurité de notre production d'électricité. Et pour les atteindre, nous savons que le renouvelable ne peut pas suffire et que le nucléaire constitue une part nécessaire de la réponse au niveau européen, à la fois dans notre mix-énergétique et pour produire un hydrogène bas carbone demain. C'est d'ailleurs ce qui correspond à l'esprit même de notre traité : respecter les mix-énergétiques de chacun, mais préserver un principe de neutralité technologique, inscrit dans les traités européens. 

Nous avons trouvé cet équilibre dans la taxonomie européenne en reconnaissant le rôle que le nucléaire avait à jouer et c'est cet esprit que la Présidente de la Commission européenne a rappelé lors de ce Conseil et que plusieurs Etats membres, dont la France, ont défendu. Donc, vous le voyez, il y a eu une très longue discussion qui s'est finie très tôt, pour un Conseil européen hier soir, mais qui a permis d'aborder ces grands sujets de politique industrielle et d'autonomie stratégique, de politique énergétique et de cohérence d'une politique commerciale qui doit nous permettre de continuer d'avancer, d'être une Europe ouverte, mais tout en préservant évidemment des standards protecteurs pour notre agriculture et notre industrie. 

J'ai pu rappeler à cet égard que si des nouvelles discussions commerciales devaient être rouvertes ou réactivées, la France défendrait deux éléments essentiels : d'une part, le respect des Accords de Paris et de nos engagements en matière de climat et de biodiversité, et d'autre part, des clauses miroirs, car nous ne saurions demander à nos agriculteurs ou nos industriels des efforts en termes de normes et de standards qui ne seraient pas exigés à des producteurs auxquels nous ouvririons nos marchés. 

Ce matin, lors du Sommet de la zone euro, nous avons fait un point avec la Présidente de la Banque centrale européenne sur la situation du secteur bancaire à l'extérieur de nos frontières. Les fondamentaux des banques européennes sont solides et nous pouvons nous féliciter de l'exigence de nos réglementations en la matière. Nous avons appris des crises passées et je dois dire que la zone euro est aujourd'hui la zone où les banques sont les plus solides car elles ont suivi de manière la plus scrupuleuse les ratios bancaires de solvabilité, comme de liquidité, qui sont sortis de la crise financière de 2008-2010. 

Ce contexte doit tout simplement nous inciter, d'une part, à accélérer la construction de l'Union bancaire et de l'Union des marchés de capitaux, pour avoir une Union européenne et une zone euro qui alloue mieux l'épargne et qui est, justement, plus solide en termes de financement de ses activités et en plus de cela, d'avoir une stratégie macroéconomique adaptée au contexte. C’est pourquoi nous soutenons les propositions faites par la Commission européenne en matière, justement, de gouvernance économique, ce qui me semble être un point clé à cet égard. 

Enfin, je souhaiterais, pour conclure, saluer l'accord trouvé le 18 mars entre la Serbie et le Kosovo, sous l'égide du Haut représentant. C'est une avancée significative. Il est essentiel que les deux parties fassent preuve maintenant de responsabilité en mettant immédiatement en œuvre et de bonne foi l'ensemble de leurs obligations au titre de l'accord. Nous restons mobilisés en ce sens. Vous savez combien l'Allemagne et la France ont œuvré de concert sur ce sujet et nous continuerons de le faire. Je vais maintenant répondre à vos questions.

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