Marcel Amont s’en est allé à 93 ans, laissant son nom en lettres d’or au monument de la chanson française que porte en lui toute une génération.

Fils d’un employé de chemin de fer et d’une institutrice béarnaise, il aimait le sport et la comédie, et ne savait quelle voie choisir. Ce fut sa voix qui décida. « Tout doux, tout doucement, comme un enchantement », pour citer un de ses refrains, les portes des cabarets parisiens cédèrent sous la poussée de son talent musical. Et les Français furent conquis par son timbre posé, son sourire large, son expression malicieuse. 

Lui qui avait commencé par étudier la comédie au conservatoire se retrouva bientôt à chanter en première partie d’Édith Piaf à l’Olympia. Alors qu’il y était entré par la plus petite porte, comme « supplément au programme », les ovations du public le propulsèrent en deuxième position sur l’affiche, juste derrière le nom de la diva. Les médias le consacrèrent « Révélation de l’année 1956 », les maisons de disque lui proposèrent des contrats. 

Désormais, la passion et la création déroulaient devant lui un tapis rouge de succès. Sur cette route naquirent des titres qui rythmèrent les années 60 et 70 : « Bleu Blanc Blond », « Le Mexicain », « Maria et le pot au lait ». C’est toute une France sereine et ensoleillée qui cueillait avec lui « Les bleuets d’azur » de ses amours bucoliques, qui s’attablait aux bals populaires du 14 juillet sur les notes de « Bleu blanc rouge et des frites ». Quand Marcel Amont n’interprétait pas ses propres compositions, il donnait voix aux airs de Claude Nougaro, de Maxime Le Forestier ou de Georges Brassens, qui lui offrit un de ses plus grands succès avec « Le chapeau de Mireille ».

 « On m’appelle le Beatle du pauvre » disait-il par dérision, aplatissant ses cheveux en avant d’un revers de main. Il est vrai qu’il avait le costume, l’allure sage et la voix chaude des jeunes Fab Four. Mais la ressemblance s’arrêtait là, car Marcel Amont professait un humour, une gouaille, un art musical de la pantomime bien à lui. Les leçons du conservatoire dramatique n’étaient pas restées lettre morte. Quand il montait sur scène, il la possédait, la domptait, la peuplait de sa seule vie foisonnante. S’il chantait l’Espagne, comme dans « Escamillo », il se faisait taureau, torero et arène, jouait de la voix, de la cape et de castagnette, enfilait le costume, mimait l’action et signifiait le décor. S’il évoquait le cirque, comme dans « Moi le clown », il passait un nez rouge et faisait surgir un Auguste, un public, un chapiteau. Mi-John Lenon mi-Bourvil, il s’affirma vite comme un pilier du music-hall français, qui savait accentuer ses effets par une cohorte de danseuses, de cascadeurs, et d’écrans géants. Sa présence scénique lui valut d’être un invité régulier des plateaux télévisés, et même d’animer la première émission en couleurs de l'histoire de la télévision française, Amont Tour. 

S’il réunissait la France derrière des tubes nationaux, il chantait aussi l’amour de son Béarn familial, dans une langue qu’il avait entendu ses parents parler entre eux, et qu’il apprit adulte pour mieux pouvoir en perpétuer les vieux airs. 

Marcel Amont se fit plus rare dans les années 1980, avant de revenir sous les projecteurs au tournant des années 2000, offrant à ses admirateurs de jadis une bouffée de souvenirs et de nouvelles compositions.

Le Président de la République et son épouse ont une pensée émue pour cet artiste unique dont la voix, l’humour et la verve vont manquer à son public. Ils adressent leurs condoléances sincères à sa famille, à ses proches, et à tous ceux qui ont fredonné un jour ses mélodies. 

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