Le Président de la République Emmanuel Macron a réuni les dirigeants des 50 sites industriels en France les plus émetteurs de gaz à effet de serre (GES) ainsi que des porteurs de solutions décarbonées au Palais de l’Elysée.

Cette réunion s’inscrit pleinement dans la continuité des objectifs de Belfort fondés sur trois piliers : la sobriété énergétique, le développement du nucléaire, le développement des énergies renouvelables. Le Président de la République avait d’ailleurs annoncé à cette occasion l’objectif de faire de la France « le premier grand pays du monde à sortir de la dépendance aux énergies fossiles, et de renforcer notre indépendance énergétique industrielle dans l'exemplarité climatique ».

L’objectif du Président de la République consiste à mettre en œuvre la planification écologique pour l’industrie afin d'aboutir à des réductions d’émissions conformes à nos engagements climatiques français et européens (diminution de 55% de nos émissions de GES d’ici 2030 au niveau européen, et la neutralité carbone en 2050, conformément à l’accord de Paris).

C’est un enjeu vital pour réussir le pari de la transition en assurant la préservation de notre souveraineté industrielle et des 3,2 millions d’emplois du secteur sur l’ensemble du territoire.

Revoir le discours du Président :

8 novembre 2022 - Seul le prononcé fait foi

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DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE À L’OCCASION DE LA REUNION AVEC LES DIRIGEANTS DES 50 SITES INDUSTRIELS QUI EMETTENT LE PLUS DE GAZ À EFFET DE SERRE EN FRANCE

Madame et Messieurs les ministres, 
Mesdames et Messieurs les parlementaires, 
Monsieur le maire, 
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités. 

Merci beaucoup pour les échanges qui viennent de se tenir et qui, je crois, ont permis d’éclairer à la fois des difficultés mais également des pistes. Je veux dire, ici, que pour moi cette réunion est une réunion qui vise à faire le choix de l’avenir, ça a été dit à l’instant, et à le faire ensemble. Parce que je serais quand même paradoxal de venir ici vous expliquer que la solution pour le climat, ce serait de faire l’inverse de ce qu’on a fait en matière économique ou industrielle durant les dernières années. Je crois à une cohérence, il faut simplement la tenir. La difficulté qu’ont nos sociétés, c’est que le cadre de référence nouveau n’est pas installé et que nous sommes face à des injonctions qui sont bien souvent irréconciliables. Réduire très vite nos émissions, ce qui est une injonction légitime, un devoir et des engagements que nous avons pris. Continuer à avoir un modèle social généreux, l'un des plus généreux du monde, c'est là aussi légitime. C'est notre force, nous voulons le faire. Créer des emplois. Avoir une industrie forte. Et le faire en étant conscient que nous ne sommes pas une île et que nous vivons face à une compétition internationale. Un vrai défi. 

Pour moi, l'objectif aujourd'hui, c'est d'essayer de rebâtir avec vous, - sur la base de ce qui a été dit et de ce qu’aussi vous faites dans votre quotidien, mais de le faire à l'échelle de la nation-, ce cadre de référence qui nous permet de construire l'avenir ensemble et de le faire dans toutes les filières : le monde de l'industrie est ici présent, mais aussi les filières agroalimentaires, agricoles, beaucoup de métiers qui sont impliqués qui sont très présents et liés comme la chimie, et aussi aux sujets que nous évoquons, vivent cela au quotidien. Ce que je veux c'est dire très simplement qu'il y a un modèle français de réussite, que nous avons un avenir si nous savons tenir ensemble trois grands objectifs : le climat, l'industrialisation et la souveraineté. Et que ces trois-là sont d'ailleurs le fruit de notre histoire, de ce que nous avons appris ces derniers mois, et de ce qui doit dessiner notre cap à venir. 

Le climat, nous connaissons les chiffres. Je n'y reviens pas. Vous les avez dits, ils sont donnés. Nous avons pris des engagements internationaux. Et même si nous ne représentons qu'un centième de l'impact, le devoir des États les plus développés, c'est de tenir leurs objectifs, d'avoir les financements de solidarité qui permettent aux émergeants de les tenir et d'avoir un chemin de futur possible pour la planète. Nos objectifs, nous les avons déclinés en Européens avec une stratégie qui est claire : un rendez-vous en 2030 avec le moins 55% et un rendez-vous de la neutralité carbone 2050. Nous avons une crédibilité parce que ces cinq dernières années, nous avons été deux fois plus vite que ce qu'on avait fait les cinq années d’avant. Que nous, en Européens, durant les quarante années qui viennent de s'écouler, on a réduit d'environ 35% nos émissions, là où les Américains, par exemple, ont fait moins 7%. On ne part pas de rien. On a déjà un taux d'effort embarqué qui est là et nous sommes un espace, l'Europe, et la France en particulier, crédible. Maintenant, il nous faut, pour tenir ces engagements sur le climat, dans les cinq années qui viennent, faire deux fois mieux en termes de ce qu'on appelle l'atténuation, et donc, de la réduction de nos émissions. Ça, c'est le premier de nos objectifs. Il est indispensable pour avoir un futur possible pour nous-mêmes et pour la planète. 

Notre deuxième objectif, c'est l'industrialisation. Pourquoi ? Ça a été très bien rappelé en évoquant le passé : parce qu'il n'y a pas d'investissement sur le climat possible, il n'y a pas d'investissement dans le modèle social qui est le nôtre et dans l'unité de la nation s'il n'y a pas de création de richesses et d'emplois dans le pays. Que ceux qui expliquent le contraire en fassent la démonstration ; ce n'est pas vrai. Et donc, quand on nous explique que la solution au premier objectif -le climat-, ce serait de désindustrialiser, de réduire nos objectifs ou de caper… c'est simple, dans ces cas-là, ils font un choix, qui est un choix contre le modèle social parce qu'on va produire moins. Ça veut dire qu'on ne pourra plus avoir les mêmes investissements sur l'école, sur la santé, sur ce qui fait la solidarité de la nation. 

Donc nous avons besoin de plus d'industrialisation. Là, ça a été rappelé à l'instant par Monsieur le président de la Métropole, le maire de Dunkerque, dans des termes très clairs et qui ont touché dans sa chair son territoire et une région, qui m’est tout aussi chère qu’à lui. Et c'est vrai. Mais je pense que nous avons commencé à profondément changer les choses, et ces dernières années, nous avons mis fin à plus de douze ans de désindustrialisation, tous ensemble, sur le territoire français. Alors, ça a été le fruit de réformes, de choix d'attractivité, de choix collectifs de réindustrialisation que vous avez porté. Parce qu'on a réduit les impôts sur les sociétés, les impôts comme la flat tax, parce qu'on va continuer de le faire avec les impôts de production dans les années à venir, parce qu'on a mis en place des réformes sur les freins à l'emploi avec les ordonnances travail, mais aussi la réforme de l'apprentissage, parce que nous avons simplifié la vie des entreprises avec plusieurs textes différents qui ont été portés par ministres et parlementaires présents dans cette salle, parce qu'on a aussi accompagné en termes d'investissements, — ça a été rappelé, mais France Relance, c'est trente-cinq milliards d'euros pour l'industrie au moment où les chocs étaient là — et qu'on a eu aussi une politique et d'attractivité de soutien à la recherche fondamentale et appliquée et à l'innovation qui nous a permis ces trois dernières années d'être le pays créant le plus de startups, levant les plus gros tickets et étant numéro un en termes d'attractivité malgré la crise ; nous avons pu, là où la désindustrialisation française avait détruit 50 000 emplois chaque année depuis vingt ans, mettre fin à cela, recréer des emplois dans l'industrie. On a recréé 50 000 emplois dans l'industrie ces dernières années. Nous avons pu recréer des sites productifs, relocaliser de la production du paracétamol aux bottes Aigle pour n'en citer qu'un exemple, et maintenir cette attractivité et cette création d'emplois. 

Donc, deuxième objectif : on doit continuer de tenir notre cap sur l’industrialisation, parce qu'on veut aller vers le plein emploi où la France n'est pas encore. On a baissé de deux points le taux de chômage, mais on doit aller au moins à 5 %. Ça passera par l'industrie parce que l'industrie tire les autres secteurs et dans les emplois induits, et qu’une société qui est une société 100 % de services n'existe pas. Bon. On a besoin de continuer à le faire en ayant une stratégie complète de la recherche fondamentale à la recherche appliquée, à l'innovation, jusqu'à l'accompagnement industriel dans tous les secteurs. Ça, c'est le deuxième cap que nous continuerons d'avoir et il est indispensable. 

Le troisième, c'est celui de la souveraineté. Je le dis ici aussi parce que nous l'avons vécu au moment de la crise sanitaire. Nous l'avons revécu en sortie de crise Covid sur des sujets comme les semi-conducteurs ou d'autres. Nous le revivons aujourd'hui avec les conséquences de la guerre sur l'énergie ou l'alimentation. On ne sera jamais une nation autarcique ou un continent autarcique. C'est impossible et ce n'est d'ailleurs pas un rêve souhaitable. Par contre, nous avons accepté trop de dépendances et de dépendances exclusives. Donc, ce que nous avons fait depuis maintenant quelques années, c'est réassumer une analyse par chaîne de valeurs de notre souveraineté et essayer, soit de diversifier au maximum nos dépendances quand il est impossible de trouver une réponse complète sur certaines terres rares, matériaux rares ou éléments premiers, mais également à relocaliser des parties de chaînes de valeur critiques, avoir une stratégie européenne de production souveraine ; ce qu'on a par exemple fait sur les batteries ou sur les semi-conducteurs et qu'on va continuer de développer, ce qu'on a voulu faire sur l'hydrogène. Ne pas répliquer en quelque sorte les erreurs du passé ou en essayant d'atteindre le premier objectif, mais en oubliant le deuxième et le troisième : on a eu des stratégies de déploiement de renouvelables qui ont fortement créé de la dépendance à l'égard d'industriels chinois ou autres. Et la souveraineté, nous en avons besoin parce que nous sommes revenus dans un monde sans doute plus géopolitique que géoéconomique, où il continuera à y avoir des chocs profonds qui peuvent déstabiliser les chaînes de valeurs, où il peut y avoir des re-régionalisation des plaques de production. Si nous voulons garder de la sécurité d'approvisionnement d'une part, et d'autre part, garder une certaine maîtrise sur à la fois nos chaînes de valeur, notre compétitivité et nos coûts, on a besoin d'avoir une approche en termes de souveraineté à l'échelle de notre Europe et de savoir en quelque sorte, réduire les risques qui vont avec nos organisations actuelles. 

Ce sont les trois objectifs qui sont les nôtres aujourd'hui et qui, à mes yeux, doivent structurer le sujet du jour pour les dix ans à venir, mais au-delà de ça, les trente ans. A chaque fois qu'on fait un choix pour le climat qui est mauvais pour l'industrialisation ou la souveraineté, on fait une erreur. A chaque fois qu'on pense à l'industrialisation, en négligeant les deux autres, on fait aussi une erreur. Donc ces trois objectifs, il faut les tenir de manière agrégée. C'est exactement ce qu'on a essayé de faire, par exemple, sur la stratégie automobile déployée ces dernières semaines, où nous voulons dans la décennie réussir à continuer la transition, baisser nos émissions, accompagner les ménages dans le changement d'usage, mais le faire en produisant davantage de véhicules hybrides et électriques sur notre sol. D'ici à 2027, on a déjà sécurisé un million de véhicules qui seront produits sur notre sol. On en produit 1,3 million aujourd'hui au total. Donc, un million de véhicules électriques seront produits sur notre sol et on a cet objectif un peu supplémentaire pour 2027, pour atteindre les deux millions en 2030, de sécuriser derrière les batteries, de sécuriser l’amont des batteries, du lithium jusqu’à la transformation de celui-ci. C’est l’illustration de ce que je viens de dire que nous sommes en train d’essayer de décliner sur l’automobile, que nous voulons avoir sur la forêt et que nous avons commencé à avoir, et que nous voulons ainsi décliner de proche en proche. Voilà pour moi le cadre de référence dans lequel nos travaux doivent s’inscrire

Vous le voyez bien, la décarbonation de notre industrie, c’est un des éléments qui doit nous permettre de continuer à créer de l’emploi industriel, consolider les grands champions, permettre de créer davantage de startups, d’accompagner les changements d’usage, de renforcer notre souveraineté, mais en baissant nos émissions. C'est exactement au cœur des solutions que vous avez évoquées. 

Néanmoins, et avant de rentrer dans le vif du sujet ; notre méthode, tout cela, n'est possible que si, à court terme, nous savons traiter deux urgences. Au-delà du cadre de référence, je ne peux pas rentrer dans le cœur de la mêlée si je ne les évoque pas ici. La première, c'est évidemment l'énergie. Nous avons un sujet de sécurisation de notre énergie. Dans le contexte international que nous connaissons, je n’y reviendrai pas, nous allons continuer à œuvrer avec beaucoup de force dans les prochaines semaines et les prochains mois au niveau européen pour maîtriser les coûts du gaz : achats groupés, nos mécanismes de cap de plafond de prix selon justement les différentes tranches, mécanismes, -je ne rentre pas dans les détails techniques qui nous permettront de mieux maîtriser celui-ci-, mais surtout avec une discussion entre les grands acheteurs et les grands fournisseurs. Parce qu'aujourd'hui se créent au sein du marché du gaz parmi les pays qui soutiennent l'Ukraine et dans le contexte géopolitique que nous connaissons, deux catégories : ceux qui le paient très cher et ceux qui le vendent très cher. On ne peut pas soutenir une même cause, la main sur le cœur et avoir un effet de rente qui est dû à un contexte géopolitique et faire cette rente sur le dos des amis. A un moment donné, il faut qu'on ait une discussion — elle a commencé — honnête, sincère mais nous en avons besoin. 

Nous allons continuer ce travail au niveau européen et il va se compléter ensuite d'un travail, -cela a été évoqué donc ici de le dire-, plus structurel sur la réforme du marché de l'électricité pour déconnecter, en particulier pour des pays comme le nôtre qui sont moins dépendants dans leur modèle du gaz, les prix de notre électricité de ceux du gaz. La Commission fera sa proposition en tout début de l'année prochaine. Les procédures font que c'est un dispositif qui arrivera au deuxième semestre 2023 mais qui, normalement, devrait nous permettre à la fois de donner de la visibilité sur ces sujets et d'avoir, je le pense, un marché européen qui fonctionnera mieux à cet égard au deuxième semestre de l'année 2023. Donc, on a une priorité en Européens qui est l'énergie : mieux maîtriser les prix du gaz, réformer le sujet de l'électricité. 

Puis, nous avons au niveau national le travail qui est le nôtre. D'abord un travail pour essayer, nous, de sécuriser nos capacités. Je reviendrai tout à l'heure sur le fait qu'on a besoin de produire plus, vous l'avez dit. On a déjà besoin de mieux utiliser nos capacités à produire. Là, nous sommes en train de remonter. Je regarde chaque jour les chiffres qui me sont donnés : on est autour de trente giga, donc ça va un peu mieux et c’est au mois de décembre qu’on devrait recouvrer une trajectoire qui est plus sécurisée sur notre parc nucléaire, ce qui est une bonne chose et qui n'a rien à voir avec le contexte géopolitique. Au-delà de cette sécurisation, il y a toutes les mesures de court terme qui sont prises par le Gouvernement pour donner de la visibilité aux acteurs : les ménages, les TPE et les petites collectivités avec justement les mécanismes réglementés et le bouclier. Ensuite, le dispositif PME qui a été présenté par le ministre la semaine dernière pour bien accompagner les entreprises et les collectivités publiques avec un amortisseur. Et puis, le système de guichet pour les ETI et les grands groupes. Là, nous allons continuer à la fois de donner toutes ces précisions, mais d'adapter en temps réel ce système avec nos partenaires allemands et les Européens pour avoir le système le plus adaptable et qui permette le mieux possible d'accompagner notre tissu industriel, c'est-à-dire donner de la visibilité et permettre d'accompagner les chocs qui sont subis. 

Il est évident que si on arrive à faire baisser durablement les prix et à créer de la visibilité sur les marchés, à réduire les éléments de spéculation, on aura d'autant moins besoin d'aider. Mais, nous avons besoin d'aide à court terme et ce sont les mécanismes qui ont été présentés qui seront ainsi pérennisés. Ça, c'est la priorité énergie. Nous continuerons dans les prochaines semaines et les prochains mois à accompagner avec beaucoup de pragmatisme, comme nous l'avons toujours fait, comme on l'a fait pendant la crise Covid. C'est un choc qui est différent d'un choc qui est symétrique et qui bloque toutes les économies, mais nous continuerons de le faire pour ne pas qu'il y ait justement de perte de capacité et que nous puissions traverser cette guerre et ses conséquences sur nos vies et nos économies en gardant notre force collective. Et puis, il y a un deuxième choc qui est un choc de compétitivité, cela a été évoqué par plusieurs d'entre vous également, c'est le choix des Américains. Et je ne pourrais pas ici évoquer la décarbonation de l'industrie sans parler de l’Inflation Reduction Act que vous avez mentionné et sans évoquer le fait que nous avons besoin d'en tirer les conséquences en Européens. Je vous le dis ici d’une manière très claire, c'est la position que j'ai commencé à défendre et que je défendrai parce que sinon, on a aujourd'hui un double effet : les États-Unis sont producteurs d'un gaz peu cher qu'ils nous vendent cher. En plus de cela, ils ont pris des dispositifs d'aides d'Etat massives sur certains secteurs qui sortent complètement de nos projets du marché. 

Ce qu'on a réussi d'ailleurs, nous Français, grâce aux aides européennes et en Européens à faire sur les semi-conducteurs, l'hydrogène, ou autres, plusieurs industriels dans le secret de nos bureaux, viennent nous dire : vous avez bien fait de le faire vite parce que vous le lanceriez maintenant, on se poserait raisonnablement la question et je pense que plusieurs de vos groupes se posent aujourd'hui la question de l'Europe par rapport aux États-Unis d'Amérique. Je pense que ce n'est pas conforme aux règles de l'Organisation mondiale du commerce et je pense que ce n'est pas amical. J'irai donc avec beaucoup d'amitié et l'esprit d’allié en visite d'Etat à Washington à la fin de ce mois et début décembre mais pour plaider simplement la possibilité d'une remise à niveau, je pense qu'il y a besoin d'un réveil européen sur ce point. L'Europe ne peut pas être le seul endroit où il n'y a pas de Buy European Act et ne peut pas être le seul endroit du monde où dans le même temps, on continue à avoir un système d'aides d'Etat qui fait en quelque sorte des règles, comme s'il n'y avait pas de compétition à l'extérieur. Or, nos deux grands compétiteurs ont des systèmes d'aides d'Etat aujourd'hui complètement décorrélés des nôtres. Voilà, c'est la deuxième priorité. Elle va supposer un débat politique, industriel profond en Européens et à l’international. Je pense que vous avez un rôle très important à jouer parce qu’il y aura aussi des choix différents entre les pays européens. Plusieurs de vos collègues ont aussi des marchés quand ils regardent les Etats-Unis et la Chine et préfèrent sacrifier une partie du reste du tissu industriel européen pour sécuriser leurs marchés et avoir de bonnes relations plutôt que de dire les choses entre amis, c'est-à-dire en vérité. Je sais simplement une chose, c'est que nos compatriotes ont besoin qu'on défende leurs industries et leurs emplois, parce que sinon, il n'y a pas de stratégie possible. On ne peut pas avoir, en quelque sorte un sacrifié du contexte géopolitique actuel qui serait le tissu industriel et productif de notre continent. Ce sont les deux priorités, si je puis dire, préalables, mais qui sont importantes à évoquer. 

Maintenant que j’ai dit ça, comment allons-nous rentrer sur cette stratégie de décarbonation de l'industrie pour tenir ces 3 objectifs, ce cadre de référence que j'évoquais au début de mon propos ? En nous appuyant sur une stratégie européenne et en la déclinant au niveau français avec une méthode à laquelle je crois. La stratégie européenne, c'est celle que nous avons articulée à travers Fit for 55, la tarification carbone qui renforce le marché carbone sur les secteurs déjà couverts et l'étend à quelques autres comme les transports maritimes et routiers et le bâtiment, les mesures réglementaires sur les standards d'émissions de CO2 des véhicules, les obligations de déploiement d'infrastructures et obligations d'incorporation de carburants durables dans l'aviation et le maritime et puis, des mesures de soutien avec les fameux IPCEI qui vont encore trop lentement. J'ai entendu le message et j'en partage le constat. Avec le renforcement du Fonds d'innovation et de modernisation européen pour aider les entreprises avec les recettes et la tarification carbone et avec ce mécanisme d'ajustement carbone aux frontières qui est essentiel, parce que c'est celui qui nous permet de synchroniser nos efforts, avec les non-Européens. On a donc notre mécanisme, comme vous le savez, d'accompagnement et de distribution aux secteurs touchés de l’ETS et de crédits. Et puis, on a ensuite la mise en place de ce mécanisme d'ajustement aux frontières qui est le seul qui nous permet de tenir cet objectif avec, si je puis dire, des formes de clauses miroirs pour les autres espaces géographiques. Cette stratégie, elle est la bonne, elle donne de la visibilité. Elle doit s'accompagner, comme je le dis, pas simplement de règles, de contraintes et de rendez-vous, mais d'une stratégie massive, d'investissements publics et privés. C’est pour cela que derrière nous avons multiplié ces approches par taxonomie qui permettent d'aider à orienter les flux privés, et puis à des investissements massifs européens et nationaux. Et c'est aussi pour cela qu’il faut être très lucides et que l'Europe doit être au bon rythme et au diapason des besoins d'investissements industriels et de transition climatique quand elle regarde les autres plaques.

On ne pourrait pas être le seul espace du monde qui se dirait aujourd'hui : ma priorité, c'est la normalisation budgétaire en même temps que la normalisation monétaire, et les mêmes règles d'aides d'Etat que dans les années 90. Ça, je me battrai de toutes mes forces contre. C'est une stratégie ambitieuse, un cadre européen, mais derrière, une stratégie d'investissements massive et rapide, d’investissements publics et privés pour accompagner ces transitions. Nous, en plus de tout cela, nous allons beaucoup nous battre pour avoir plus d'investissements publics et privés pour accompagner nos projets et les avoir plus vite parce que la vitesse est clé, nous battre pour décliner un Buy European Act que j'évoquais en particulier sur tous les segments qui apparaissent. Le sujet des batteries en est un, mais il y en a d'autres qui vont arriver, et il faut mener ce combat et nous battre pour vraiment tenir ce mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, c’est-à-dire éviter tous les effets de fuite ou de bord et les biais de compétitivité qui pourraient naître de notre stratégie. Cette méthode, nous voulons la décliner au niveau français, et c'est l'objet de la réunion de ce jour en embarquant, si je puis dire, toutes les filières et tout le monde dans une approche qui, à mes yeux, doit être complètement partenariale, partagée et dans le cadre des trois objectifs de référence que j'ai donnés, mais en se donnant des rendez-vous réguliers et une forme de planification qui n'est pas une étatisation des choses. Cela, c'est se donner de la visibilité et joindre nos efforts pour qu'il y ait des synergies positives puisqu’aujourd'hui il y a déjà énormément de travaux qui sont faits, vous l'avez très bien dit. Il y a des stratégies d'entreprise, il y a des stratégies d'investisseur, il y a parfois des stratégies de secteur, il y a beaucoup d'hétérogénéité. On a maintenant besoin de caler tout ça dans une stratégie nationale avec des rendez-vous pour que ça aille beaucoup plus vite, et pour nous, pouvoir libérer et donner de la visibilité. Cette stratégie nationale, elle doit avoir un objectif, une méthode, et puis se décliner simplement. L'objectif, il a été rappelé par le ministre et par plusieurs d'entre vous, c'est de contribuer à la décarbonation de notre économie. Les émissions sur vos 50 sites, c'est environ 43 millions de tonnes de CO2. Il faut qu'on les baisse à horizon de 10 ans de 20 millions de tonnes de CO2. C'est le fameux chiffre qui repasse derrière, entre les pourcentages, c'est assez simple. Cela représente environ 5 % des émissions de la France en moins, c’est l’équivalent des émissions de 3 millions de Français. Cela veut dire qu’on a un vrai impact si on sait se concentrer sur ces sites. Ça vaut la peine de s'y mettre, et ça vaut la peine parce qu'on peut tenir nos trois objectifs, c’est-à-dire tenir nos objectifs climat, continuer à créer de l'emploi sur ces sites et même, à mon avis, comme on créera plus de valeur en rajouter, et réussir à tenir justement ce cap industriel crédible.

Ensuite, la méthode, en s'appuyant sur les instruments européens, c'est de se doter d'une vision globale avec les 3 objectifs que j'ai donnés et intégrés et donc d'une planification nationale, de vous donner de la visibilité pluriannuelle et ensuite d'avoir des clauses de rendez-vous très régulières pour pouvoir adapter. Parce qu’on sait où on veut aller, on connaît le cap. Maintenant, il y a beaucoup d'incertitudes technologiques. Il y aura — il faut l'espérer d’ailleurs — des ruptures technologiques. On fera, c’est immanquable des erreurs, peut-être technologiques, industrielles, politiques mais le tout, c'est de pouvoir les corriger très vite. Il faut donc savoir marier de la visibilité à un cadre d'ensemble avec de l'adaptabilité et donc des clauses de rendez-vous très régulières. Je pense que c'est l'intérêt de tout le monde, compte tenu des prix à la tonne de CO2 et de ce que j'évoquais à l'instant. 

La feuille de route, conformément aux engagements que j'avais pris en avril dernier à Marseille, c'est la planification écologique ; une Première ministre qui est directement en charge de cette innovation politico-administrative qui donne la vision, c'est-à-dire celle d'une France compétitive, durable, gérant ses ressources pour ne sacrifier ni sa prospérité ni les générations à venir, qui tient ce cap dont je rappelais les chiffres de décarbonation, et puis qui le décline secteur par secteur. Il va donc nous falloir maintenant préciser nos stratégies technologiques de décarbonation en les modulant filière par filière et site par site, bâtir un plan de financement de la transition et ensuite des indicateurs communs pour pouvoir les suivre. C’est ainsi que nous pourrons, si je puis dire, dérouler le plan d'ensemble conformément à la méthode que je viens d'évoquer. Ce que je souhaite, et les ministres compétents sont ici présents à mes côtés, la ministre en charge de l'Energie étant à l'Assemblée, c'est de pouvoir définir aujourd'hui avec vous des premiers engagements chiffrés, une première méthode, mais surtout des clauses de rendez-vous pour qu'on puisse maintenant scander dans le temps les choses. Forts de tout ce que vous avez su faire, du rôle du CNI, des comités de filières, et je remercie vraiment toutes celles et ceux qui y sont engagés puisque je sais que ça vient, à chaque fois en plus de votre temps dans vos entreprises et de vos engagements, et à l'instar de ce qui a été fait, des feuilles de route conclues en 2021 dans les filières : chimie, ciment, mines, métallurgie et quelques autres, nous avancerons conformément à nos grands objectifs nationaux. Je veux que d'ici six mois, toutes les feuilles de route, filière par filière et site par site, soient finalisées, revues à la hausse pour s'aligner avec nos engagements européens. 

Ensuite, on va mettre en place une planification par technologie. En effet — et ça a été très bien redit, à la fois par les industriels et les porteuses et porteurs de solutions — nous devons maîtriser même devenir leader des technologies indispensables. Et vous les avez très bien illustrés dans vos propos, nous avons les moyens, compte tenu de nos spécificités, de nos choix historiques en termes de recherche, recherche appliquée des choix aussi de nos grands industriels, de vraiment être leader européen, voire mondial des industries vertes, de ces industries de la décarbonation dont vous êtes, pour plusieurs d’entre vous, les représentants. Parmi elles, l’hydrogène et la capture du carbone en vue de sa réutilisation qui ont des effets d’échelle particulièrement forts et qui sont absolument clés, qui ont été rappelés et qui ont des effets de complémentarité très forts. L’objectif pour moi, tout en restant neutre technologiquement et c’est qu’il y ait une grande complémentarité entre ces approches technologiques, et c’est avoir une planification sur ces différents points. 

La première c’est donc l’hydrogène. Madame LAMBERT, nous en a parlé et l’a rappelé, la France a été l’un des pays au monde à se doter parmi les premiers d’un plan sur l’hydrogène en 2018. Cette stratégie ensuite, on a choisi de la renforcer pour faire de notre pays l’un des leaders du secteur et de la doter de 9 milliards d’euros avec l'ambition de faire de la France le leader de l'hydrogène décarboné. L'hydrogène pourrait nous permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 6,5 millions de tonnes de CO2 par an d'ici 2030, principalement dans les grands établissements industriels qui n'ont pas d'autres moyens pour réduire massivement leurs émissions. Vous l'avez très bien dit tout à l'heure, c'est à peu près la même réduction de carbone pour les mobilités lourdes qui serait possible à travers une stratégie hydrogène. Ce n'est pas simplement une stratégie industrielle. Notre enjeu est à cet égard, conformément à mes 3 objectifs, d'avoir une chaîne de valeur complète et donc de pouvoir évidemment distribuer, mais le produire et sécuriser la création de valeur au maximum grâce à l'hydrogène français. Nous avons d'ores et déjà investi 2,1 milliards d'euros pour construire 4 gigafactories d'électrolyseur. La capacité de production en projet en France chez John Cockerill, McPhy, GENVIA est de 2 gigawatts par an à horizon 2027, ce qui nous permettra non seulement de répondre aux besoins français, mais aussi de pouvoir exporter si tout cela est nominal de l'excédent. En termes de déploiement, plusieurs dizaines de sites de production d'hydrogène industriel sont à prévoir sur le territoire hors potentiels électrolyseurs de stations-service, ce qui veut dire que nous avons sur l'hydrogène d'ores et déjà su prendre les bons investissements. On les a consolidés sur France relance, dans France 2030, on a sécurisé des volumes et donc nous avons la possibilité vraiment de reconsolider une chaîne de valeur à cet égard. 

Dès aujourd'hui, je veux vous confirmer sur cette première technologie que 3 milliards d'euros sont réservés pour soutenir tout ou une partie des 22 projets qui ont été présélectionnés dans le cadre du projet européen : cimenterie, verrerie, usine d'engrais et plusieurs autres. En plus des projets IPCEI déjà évoqués, environ 4 milliards d'euros seront mobilisés pour soutenir la production d'hydrogène par électrolyse afin que nous puissions produire en France un hydrogène bas carbone soutenable économiquement. Pour aller plus loin, je souhaite que le Gouvernement renforce, là aussi, sous 6 mois notre stratégie nationale hydrogène en tenant compte de la nouvelle donne énergétique, des évolutions du cadre européen et en tirant d'ailleurs pleinement parti des atouts du mix énergétique français de manière à couvrir nos grandes plateformes industrielles d'ici la fin du quinquennat. Forts de ce qu'on a déjà fait, il faut maintenant accélérer et pouvoir aller beaucoup plus loin. 

Deuxième technologie sur laquelle je souhaite qu'on puisse planifier l'effort, c'est la capture et la séquestration du carbone pour sa réutilisation industrielle. La complémentarité de ces deux approches a d’ailleurs très bien été évoquée et beaucoup mieux que je ne le ferai. Des expérimentations sont menées sur la plateforme de Dunkerque avec des entreprises comme EQIOM ou Lhoist, lauréats français d'appels de la Commission européenne. Je pense qu’il est essentiel de préparer un déploiement de cette technologie à grande échelle, c'est la seule qui permet, vous l'avez très bien dit tout à l'heure, de décarboner des installations pour lesquelles aucune modification de méthode ou de fonctionnement n'est possible. C’est une complémentarité complète avec ce qu'on vient de rappeler. Je souhaite à cet égard que France 2030 puisse pleinement contribuer à cette stratégie, le faire vite car le temps de son déploiement sera très important. Je demande sur ce volet technologique que le Gouvernement, là aussi sous 6 mois, puisse vous présenter et prépare en intimité avec la recherche, les grands opérateurs publics et l'industrie, un plan sur ce sujet et débuter sa mise en œuvre pour justement l'intégrer pleinement dans les travaux de programmation de l'énergie. La programmation pluriannuelle doit pleinement intégrer cette solution technologique qui, d'ores et déjà, a commencé à être testée sur plusieurs sites. 

La troisième technologie critique, vous l'avez aussi évoquée, c'est la priorisation de la biomasse pour les usages qui n'ont pas d'alternatives, comme les industries qui ont des besoins de chaleur haute température difficilement substituables. Vous l'avez parfaitement rappelé, c'est également une troisième technologie qui est complémentaire des deux premières. C'est là aussi l'illustration de ces 3 objectifs que j'évoquais, un enjeu de souveraineté. La biomasse sera essentielle pour tenir notre objectif de neutralité carbone et il est très clair que nous ne pouvons pas remplacer notre dépendance au pétrole ou au gaz par une dépendance à de la biomasse importée, qui plus est, de l'autre bout du monde. Ce serait absurde d'autant plus que nous avons les capacités pour la bâtir. 

Ceci vient s'inscrire dans la stratégie que nous portons avec le ministre sur toute une approche forestière intégrée et de valorisation. Vous l’avez parfaitement rappelé tout à l'heure, là aussi, la complémentarité avec les différents usages en aval. 
Mais notre stratégie forestière doit intégrer cette approche biomasse. Au-delà, il nous faut progresser sur le stockage de la chaleur, l'optimisation des procédés chimiques et métallurgiques pour arriver à faire sauter les verrous. 
Evidemment, nous devons également penser les matériaux et les composés chimiques décarbonés de demain. Ce qui veut dire que sur tous ces sujets, pour aller plus loin, nous investirons dans la recherche avec le CEA, le CNRS, l’IPFEN, l’INRAE sur la forêt, pour bâtir là aussi sous 6 mois, dans le cadre de notre plan forestier, cette stratégie biomasse au sens large. 

En plus des montants déjà évoqués de France 2030 et de ces stratégies, nous compléterons les programmes qui ont déjà été lancés dans le cadre de la loi pluriannuelle pour la recherche. Nous compléterons ces derniers de 200 millions d'euros investis dans les trois prochaines années pour accélérer la recherche sur l'ensemble de ces technologies et la recherche fondamentale et appliquée dont nous avons besoin. 
Car plusieurs acteurs émergents de ces technologies de décarbonation ont besoin là aussi d’une accélération des programmes qui ont déjà commencé, qui ont été intensifiés il y a 3 ans mais sur lesquels il nous faut porter là aussi un effort supplémentaire. 

Voilà le premier axe à mes yeux de cette stratégie et des objectifs que nous devons nous donner à 6 mois. C'est une planification par technologie. Celle-ci doit être complétée ensuite par une planification par grande zone industrialo-portuaire. 
Il faut compléter cette approche par technologies d'une approche territorialisée. 

Les émissions de l'industrie sont concentrées autour de grandes zones industrielles qui sont des chances et des fiertés pour le pays et qui sont des éléments d'attractivité. Il faut pouvoir les valoriser, y compris par des mécanismes d'incitation fiscale. On a entendu le message du président et du maire tout à l'heure. Je le partage. Au demeurant, oserais-je rappeler que c'est exactement ce qui a été fait sur les communes qui accueillent des capacités, en particulier de production nucléaire. Ça fonctionne très bien. Et je peux vous dire que les habitants de communes qui abritent des centrales nucléaires savent très bien qu'il y a une centrale nucléaire et ils en ont un retour financier tangible. C'est ce qu'il faut qu'on fasse mieux avec d'autres sites productifs et avec le renouvelable. Cela fait partie d'ailleurs de la stratégie que nous avons lancée sur le renouvelable. 

Donc, il y a évidemment beaucoup d'émissions industrielles qui sont concentrées sur ces zones industrialo-portuaires, en particulier Dunkerque, Fos-sur-Mer, mais aussi l'axe Seine. Il y a beaucoup d'industries, mais ce sont des hubs industriels que nous voulons faire devenir des hubs verts et nous en avons la capacité en optimisant bien davantage encore leurs infrastructures et leurs ressources consommées. 
Donc, ce qu'il nous faut faire maintenant, c'est planifier l'ensemble des stratégies qui sont mises en place. Beaucoup ont déjà commencé. Il y a eu un énorme travail qui a été fait, par exemple, de Dunkerque au Havre jusqu'à Marseille, d'électrification des ports : un travail extrêmement important. Mais il nous faut maintenant aller beaucoup plus vite et déployer des synergies, des logiques d'économie circulaire, de traitement des déchets, d'électrification des ports, d'intermodalité, est donc l'un des enjeux clés pour toutes ces zones d'émission. 

C'est aussi au-delà de l'électrification des ports, de la connexion avec le ferroviaire et avec le fluvial, qui est un point absolument clé si on veut décarboner les transports, la mobilité, la capacité à acheminer, la capacité à connecter nos ports comme points d'accès avec soit les terminaux logistiques, soit les autres points de production. 
Donc, c'est vraiment une stratégie industrielle portuaire et fluviale que nous voulons déployer pour bâtir des synergies entre ce qui est déjà fait et avec les grands centres productifs et les grands centres chimiques et industriels que nous pouvons avoir et qui sont très dépendants de ces zones d'accès, de Feyzin à Donges en passant par Tavaux ou Chalampé. Tout ceci est une stratégie très intégrée qui commence dans ses épicentres industrialo-portuaires. 

Les travaux en cours sur Dunkerque, Fos-sur-Mer et l'Axe Seine vont être élargis à d'autres zones industrielles pour prévoir tous les raccordements, la disponibilité des technologies que j'ai pu évoquer sur chacune de ces zones, et le défi qui est le nôtre, là aussi, sous 6 mois, de finaliser des stratégies. 

Les ministres ont commencé à réunir d'ailleurs plusieurs des élus et cela a été fait plus largement. Pour certains de ces espaces, la stratégie consiste à bâtir une vraie planification de ces grandes zones industrialo-portuaires et fluviales pour investir, accompagner les collectivités locales et les industries qui sont d'ores et déjà présentes et celles qui souhaitent s'y développer. 
Sur ce volet, vous l'avez compris, il y aura donc également une planification de nos investissements publics, et une volonté d'aller plus loin. Cet effort prioritaire sur les grandes filières et les grands sites, évidemment, ne nous fera pas oublier le reste du tissu industriel, qui sera complété par un plan d'ampleur pour accompagner toutes les entreprises industrielles vers la transition écologique, en particulier les PME. 

C'est pourquoi l'Etat, avec ses opérateurs, l'ADEME, Bpifrance et tous ses partenaires, en particulier les consulaires, se donne pour objectif d'accompagner 26 000 PME et ETI industrielles d'ici 5 ans sur une stratégie complète. Sous 3 mois les ministres présenteront un plan détaillant cette approche pour nos PME. 

Enfin, pour réussir cette planification sur les grandes technologies, sur les sites et les différentes catégories, il nous faudra débloquer, si je puis m'exprimer ainsi, plusieurs leviers s'intégrant pleinement dans le cadre de la stratégie européenne et nationale. 

Le premier levier, ce sont les moyens. Je l'ai évoqué tout à l'heure en parlant du fait que l'Europe avait besoin d'investir beaucoup plus, mais nous allons également consolider des investissements. Je veux ici vous dire que nous sommes aussi prêts à en faire de nouveaux à vos côtés, parce que je considère que c'est indispensable, et je pense que c'est du bon investissement public compte tenu de l'effet de levier qu'il a sur les investissements privés et les choix qui sont faits par les acteurs lorsque nous décidons de les accompagner. 

J'ai déjà parlé des moyens sur l'hydrogène tout à l'heure. À cela s'ajoutent plus de 5 milliards d'euros au sein de France 2030 qui seront dédiés pour décarboner notre industrie. En plus du plan hydrogène que j'évoquais, il y aura ces 5 milliards d'euros qui ont vocation à réduire, déjà à sécuriser, si je puis dire, la réduction de 10 millions de tonnes de CO2 d'ici 2030. 

Qu'est-ce que je veux dire par là ? C'est que nous avons déjà en quelque sorte sécurisé la moitié de l'effort avec les projets qui ont été identifiés. Et que là-dessus, nous avons 5 milliards d'euros qui sont fléchés. 4 milliards d'euros sur les grands projets de décarbonation profonde, qui seront répartis sur les meilleurs projets, et qui sont pour certains déjà en phase d'instruction et lancés avant la fin de l'année. 

Le principal critère, ce sera celui du coût par tonne de CO2 évité, mais avec aussi une cohérence des projets avec les stratégies de décarbonation de filières et les dynamiques territoriales que je viens de présenter à l'instant. L'idée c'est de pouvoir finir les instructions et lancer tout ça à la fin de l'année. 4 milliards sur ces grands projets de décarbonation profonde et un milliard d'euros de cette enveloppe France 2030 qui sera consacrée au déploiement des technologies bas carbone ciblées vers des acteurs de taille plus modeste, donc certaines de ETI, mais aussi des PME ou des acteurs émergents avec des solutions plus innovantes, des technologies d'efficacité énergétique, technologies bas carbone nouvelles. 

D'ores et déjà, l'appel à projets Industrie Zéro Fossiles que nous avons lancé le 13 juillet, soit quelques jours après la première coupure du gazoduc Nord Stream, permet de soutenir des projets. Nous allons l'accélérer, donc le compléter. Ensuite, je vais être très clair avec vous, ces moyens sont nécessaires mais probablement pas suffisants. 

Je reprends les calculs. Aujourd'hui, nous avons au fond sécurisé 10 millions de tonnes de CO2 de réduction. C'est bien, mais compte tenu de ce que je disais tout à l'heure et ce qui était rappelé par le ministre, ce n'est pas assez pour viser la division par deux à 10 ans et la neutralité carbone à terme. Il faudra aller plus loin. D'abord sur certains des sites déjà engagés avec les technologies dont j'ai parlé qu’il faudra pousser. Ensuite en engageant de nouveaux acteurs dans la démarche. Et donc ce sont les plans à 6 mois qui vont nous permettre d'instruire, de lancer de nouveaux projets et d'aller au-delà de cette dynamique. C'est notre intérêt commun compte tenu des augmentations du prix du carbone qui arrivent et je pense que notre objectif doit être de le faire le plus vite possible. 

C'est pourquoi, compte tenu de ce qui sera identifié dans vos stratégies, et si des projets et des sites sont identifiés d'ici à 18 mois, si vous doublez vos efforts et si on arrive à passer au fonds des 10 millions de tonnes de CO2 évités à 20 millions instruits, nous doublerons les moyens consacrés à cet enjeu et passerons l'enveloppe de 5 à 10 milliards d'euros d'accompagnement public. Parce qu'on a des effets de levier qui sont massifs sur ces projets de décarbonation. Au fond, c'est la logique de ces contrats de transition écologique. 

Nous avons aujourd'hui décidé d'investir ces 5 millions d'euros. Nous avons d'ores et déjà des projets pré identifiés qui permettent de faire la moitié de notre taux d'effort de la décennie. Construisons désormais avec nos stratégies par technologie, par filière et par grand site. L'autre part de l'effort, si je puis dire du côté de l'industrie des porteurs de solutions, ce que je veux ici prendre comme engagement, c'est que nous serons au rendez-vous de cet effort et nous doublerons là aussi l'accompagnement aux financements publics. C'est l'esprit de ces contrats de transition écologique que je souhaite que nous puissions finaliser. 

Le deuxième levier que nous avons, c'est l'énergie décarbonée. Vous l'avez évoqué, je serai très rapide sur ce point. Nous avons un historique qui est avantageux. Nous avons une stratégie présentée en février dernier à Belfort, qui repose sur trois piliers : sobriété, déploiement accéléré du renouvelable, déploiement accéléré du nucléaire. Là aussi, une planification qui a été à lancé avec d’ores et déjà des concertations et des investissements qui ont commencé et des textes qui sont en train de passer à l’Assemblée pour aller beaucoup plus vite en termes de rythme. Nous allons maintenant déployer plus largement. 

C’est la seule stratégie qui, compte tenu des études que nous avons menées entre 2018 et fin 2020, nous permet de sécuriser notre énergie compétitive et peu carbonée. Elle nous permettra surtout de faire face au changement des usages et à l'électrification de nos différents modes de production et de transport. Donc cette stratégie c’est celle qui va nous permettre d’ici à 2040 de baisser de 30 % notre consommation en même temps d’électrifier à marche forcée et donc de produire 40 % de plus d’électricité que celle que nous avons aujourd’hui de manière sûre, décarbonée, compétitive. C'est une force. Cette stratégie, on la complétera des avancées réglementaires que nous défendons à Bruxelles, comme la réforme du marché de l'électricité sur laquelle je revenais tout à l'heure. 

Troisième levier, ce sont les talents. Vous l'avez aussi très bien dit tout à l'heure. C’est là aussi où j'ai besoin de vous et dans le cadre de vos approches par filière et par technologie, de pouvoir préciser les besoins mais de pouvoir les planifier avec vous. Pourquoi ? Parce que cela a été rappelé tout à l'heure. Nous avons 70 000 postes à pourvoir dans l'industrie. 

Nous avons, ces dernières années, réussi à recréer de l'emploi industriel. Donc, il n’y a aucune fatalité et nous allons continuer à mener les réformes en ce moment même. Notamment la réforme de l'Assurance chômage pour continuer à encourager le retour vers l'emploi productif. Parce que tous les secteurs que vous représentez ici : l'agroalimentaire, le secteur agricole, le bâtiment, l'industrie, la chimie, recrute. Les derniers chiffres de l'Insee ont encore montré d'ailleurs que l'emploi salarié continue de consolider les chiffres. Donc on a besoin de continuer à réformer notre système d'Assurance chômage. Ce sera le premier pilier. 

Le deuxième, ce sera France Travail, réforme qui nous permettra de simplifier l'accompagnement des demandeurs d'emploi outre tous les mécanismes qui existent, en associant mieux les employeurs par bassin d'emploi et d'avoir une stratégie où on a besoin de vous, parce qu'il nous faut une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences à l'échelle de nos régions et de nos bassins de vie et de travail. 

Là, le partenariat avec les régions et les métropoles sera absolument clé. Mais si on sait faire ce travail de programmation ensemble, on pourra cibler nos formations, mieux les évaluer et permettre d'accompagner nos demandeurs d'emploi qui sont parfois les plus loin du travail ou qui sont au chômage depuis le plus longtemps vers les offres disponibles.

Le levier, ce sera ensuite de consolider ce qu'on a fait tous ensemble sur l'apprentissage ces dernières années, qui est un vrai succès de tous vos secteurs, mais qu'on doit encore développer davantage parce qu'il y a du potentiel. Et puis évidemment de réussir la transformation de notre lycée professionnel qui est un point clé parce que tous les métiers qui sont les vôtres aujourd'hui, on a besoin de compétences et de talents. Il faut aller faire connaître ces métiers dès le collège, dans nos journées Avenir orientation qu'on va maintenant développer dès la cinquième, mais surtout nous aider à conduire cette réforme du lycée professionnel qui concerne un tiers de nos lycéens. Ceci doit nous permettre de mieux qualifier nos jeunes vers des métiers en tension aujourd'hui et surtout des besoins en compétences de demain. Ce qui n'est pas totalement le cas aujourd'hui quand on voit les sorties d'études soit en poursuite d'études, soit en accès à l'emploi. 

Donc c'est une réforme sur laquelle vous allez être profondément engagés, mais qui, en termes de gestion des compétences et des talents, est absolument clé pour réussi l'ensemble des réformes que nous évoquons. Ce qui veut dire que dans les planifications et les travaux à 6 mois que je souhaite, le levier talents doit être activé et on a besoin d'avoir une approche des besoins ainsi définie. 

Voilà ce que je voulais aujourd'hui partager avec vous. Au fond, je voulais ici partager un cadre de référence cohérent et tenir l'ensemble des besoins de la nation des premières échéances, avec un cap en termes de planification à la lumière des travaux faits ces derniers mois et des clauses de rendez-vous. Nous avons au fond un devoir d'ambition et de réussite pour le pays et notre continent. Nous aurons besoin de l'adapter de manière très régulière, compte tenu justement de l'innovation que nous portons. 

Alors, la prochaine étape, c'est donc la signature pour chacun des sites, dans un délai de 6 mois, d'un contrat de transition écologique précisant quand et comment nous allons réduire ensemble nos émissions. Et je dis ensemble parce que pour moi, ce contrat devra préciser les choix des technologies retenues, les investissements prévus, les aides que nous mettrons en place. C’est un travail que je demande aux ministres de l’Industrie et de l’Energie de piloter. 
La Première ministre, en charge de la planification écologique, garantira la signature de ces contrats à travers les conseils nationaux de l’industrie. C’est à 6 mois les grandes planifications sous l’autorité des ministres de la Transition et de l’Economie et de l’Industrie. 

Dès aujourd’hui, nous mettrons en ligne la carte de France des 50 sites avec les émissions passées, les progrès accomplis, les engagements pris et au fond, un suivi en transparence complet de notre stratégie collective de décarbonation. Il y aura donc ce rendez-vous à 6 mois. Il y aura un rendez-vous à un an qui nous permettra d'actualiser la stratégie qu’on commence aujourd'hui à bâtir. Il y aura une clause de revoyure à 18 mois pour qu'on regarde ensemble comment on accroît ces mécanismes d'accompagnement public que j'évoquais. Si nous sommes tous en capacité, ce que je souhaite, nous doublerons la mise, et donc, passerons de 10 à 20 millions de tonnes de CO2 évités à l'horizon de la décennie. 

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire. J'ai commencé par un cadre de référence. J'ai rappelé les urgences du moment sur lesquelles vous pouvez compter sur le gouvernement et moi-même pour nous battre et accompagner la capacité productive et industrielle française. Je crois que nous avons tous ensemble commencer à poser les jalons d'une stratégie collective. 

Cette stratégie, on ne peut la réussir qu'ensemble, avec le maximum d'ambition, avec beaucoup de lucidité, en étant conscients aussi de la compétition internationale. Donc, je compte sur vous, comme vous pouvez compter sur le gouvernement pour vous accompagner dans cette ambition collective pour notre industrie, pour la nation et pour le climat. 

Je vous remercie. 
 

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