En marge de l'Assemblée générale des Nations unies, le Fonds mondial a déclaré avoir levé 14,2 milliards de dollars pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Dans son discours le Président Emmanuel Macron a annoncé que la France investira 300 millions d'euros supplémentaires sur 3 ans dans le Fonds mondial. Il s'est également engagé à poursuivre l'action en faveur d'une baisse du prix des médicaments.
 

Entre 2023 et 2025, la France a investi plus d'1,6 milliard d'euros dans la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

 


À New York, le Président de la République a rappelé avec force sa volonté de tenir l'objectif collectif d'un monde sans sida, tuberculose et paludisme pour 2030.

Revoir le discours du Président :

21 septembre 2022 - Seul le prononcé fait foi

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Discours du Président de la République

Emmanuel MACRON
Mesdames et messieurs les chefs d'État et de Gouvernement, mesdames et messieurs, en vos grades et qualités, comme on dit en France, pour vous éviter plein de formules, je suis très heureux de vous retrouver aujourd'hui et merci au président BIDEN d'organiser cette conférence de reconstitution du Fonds mondial. 

C'est en effet avec beaucoup d'émotion que je me tiens devant vous, trois ans après la conférence de reconstitution de Lyon et plus de vingt ans après que Kofi ANNAN et Jacques CHIRAC, dont je salue la mémoire, aient fait preuve de vision permettant la création du Fonds pour faire face aux ravages du VIH, de la tuberculose et du paludisme. 

Vingt ans plus tard, je veux ici le dire avec fierté, parce que nous sommes dans un monde complexe où le pessimisme pourrait s’installer, le Fonds a fait ses preuves. Le taux de mortalité de la tuberculose a chuté de 21 %, celui du paludisme de 26 %. Notre mobilisation a permis à la recherche médicale de se structurer, l’arrivée d’un traitement pour stopper la transmission du VIH par les personnes séropositives a été une réelle révolution : ce sont plus de 50 millions de vies qui ont été sauvées. Il y a des résultats. 

Je le dis devant nos jeunes générations qui, trop souvent, associent ces maladies au passé : ne détournons pas le regard parce que nous sommes très loin d'avoir gagné la bataille. La victoire contre les grandes pandémies est à notre portée, mais nous avons encore beaucoup à faire. 
38,4 millions de personnes vivent encore avec le sida et les infections du paludisme et de la tuberculose sont à la hausse en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique latine. Ces réalités, nous devons les regarder en face. Nous avons encore beaucoup à faire dans les années qui viennent. Et en 2030, nous devons tenir notre promesse : le VIH, le paludisme et la tuberculose doivent avoir disparu.

 En 2019 à Lyon, la conférence de reconstitution du Fonds se tenait dans un tout autre contexte. Je dois bien avouer, Monsieur le Président, il y avait plutôt des désengagements à l'époque, nous sortions d'un Fonds qui était d’à peu près 12,5 milliards. Il y avait beaucoup de doutes. Les États-Unis d'Amérique qui se désengageaient. 
Nous avions réussi collectivement à porter le Fonds à 14 milliards de dollars et la France avait porté sa contribution à 1,3 milliard d'euros. Grâce à vous tous ici présents, grâce aux ONG, aux activistes, à la jeunesse, qui avez mobilisé, qui nous avez beaucoup aidés, à tant de fondations ici présentes, je veux remercier l'engagement de Bill qui est une fois encore ici avec nous et qui n'a jamais cessé ce combat très concret avec beaucoup de professionnalisme. Merci Bill GATES. Nous avons tenu. 

Néanmoins durant les années qui viennent de s'écouler et Peter le sait ô combien, nous avons été ralentis par l'épidémie de Covid-19. Le Fonds a su rebondir en levant en urgence 4,4 milliards de dollars supplémentaires en 2021. Malgré cela, la Covid-19 a perturbé l'accès aux traitements et aux services de prévention. Les dépistages au VIH ont diminué de 22 % et l'épidémie a bouleversé des systèmes de santé qui étaient déjà très fragiles en Afrique, dans les pays les plus pauvres. 

De cette crise que nous venons de traverser et dont nous sommes en train collectivement de sortir avec encore beaucoup d'inégalités, nous pouvons tirer au moins deux leçons structurelles. D'abord, elle a démontré qu'une réponse efficace face à une pandémie qui ignore les frontières devait conjuguer toutes les dimensions de l'offre sanitaire : les diagnostics, le traitement, les vaccins, mais aussi les formations des personnels de santé, l'accès aux soins dans les zones reculées, le partage de l'innovation. Et donc, durant cette crise, nous avons été obligés en quelque sorte de travailler en système dans le cadre d'ACT-A, avec l'ensemble des grands fonds multilatéraux, publics et privés. Il faut absolument consolider cet acquis, si je puis dire, de la crise. 
La deuxième leçon de la crise sanitaire, c'est que nous ne pouvons reposer sur une architecture sanitaire mondiale à deux vitesses. Et je le dis ici très directement : quels que soient les milliards investis dans le Fonds mondial, notre efficacité pour lutter contre les grandes maladies ne tiendra pas sans les premières lignes de défense que sont les systèmes de santé primaires, qui sont les seuls à pouvoir surveiller, prévenir et contenir les risques épidémiques. Et donc, nous devons le redoubler de nos efforts bilatéraux et de la consolidation de ces systèmes de santé primaires dans les pays les plus vulnérables. 

C'est au nom de ces objectifs, au moment de reconstituer le Fonds mondial aujourd'hui, que la France a décidé de s'engager pleinement dans cet exercice de reconstitution à vos côtés. Je suis heureux de vous annoncer que nous allons décider de dédier au Fonds mondial 300 millions d'euros supplémentaires sur 3 ans, ce qui signifie que nous y investirons près d'1,6 milliard d'euros entre 2023 et 2025. 

Nous allons faire plus que cela sur les trois maladies. Nous allons aussi continuer notre lutte pour faire baisser le prix des médicaments, c’est le rôle de l’Organisation internationale d’achat de médicaments UNITAID dans laquelle nous investirons 250 millions d’euros sur 3 ans.
Je le dis ici parce que les deux engagements sont inséparables, les équipes du Fonds le savent très bien, cette contribution à UNITAID nous permettra de renforcer notre réponse contre les trois maladies et d’économiser près de six milliards de dollars sur les deux prochains cycles, ce qui est un outil crucial qui, je le rappelle, a déjà permis de faire baisser de 70 % le prix des médicaments contre le paludisme. C’est un engagement indissociable de celui à l'égard du Fonds. 
En ce sens, je souhaite qu'en 2025, la prochaine reconstitution du Fonds mondial se fasse d'ailleurs conjointement avec celle d'UNITAID parce que nous devons traiter ces outils de pair et ils sont absolument indissociables. Par cette augmentation, nous avons souhaité réaffirmer notre confiance au Fonds mondial mais avec quelques axes sur lesquels je veux conclure. 

Premièrement, nous devons insister sur la robustesse de nos systèmes de santé partout dans le monde, ce qui suppose d'investir massivement, rapidement, en tenant la cible des six milliards de dollars spécifiquement alloués à cet objectif et promis par le Fonds sur le prochain cycle. 

Deuxièmement, il est primordial de remettre les Etats au centre. À terme, nous devrions être extrêmement heureux qu'il n'y ait plus le Fonds parce que les Etats seront en capacité de mener ces stratégies. C'est ça notre objectif. Et donc, à terme, rappelons-nous que le Fonds doit disparaître et les pays où la maladie continue de sévir doivent pouvoir assurer leur souveraineté sanitaire. C'est ce vers quoi nous devons aller. C'est ce que veulent les pays les plus vulnérables.  Ce qui suppose de développer, en lien étroit avec le FMI, la Banque mondiale et toutes nos grandes instances, une stratégie efficace de mobilisation des ressources domestiques pour la santé. 

Troisièmement, la formation des personnels de santé. Je ne peux pas quitter ce pupitre sans insister là-dessus. C'est une brique essentielle de notre architecture de santé. Et trop longtemps, nous l'avons vu au moment du Covid, nous l'avons délaissé et je me réjouis que le Fonds lance une initiative stratégique axée sur la formation en Afrique de l'Ouest et centrale. C'est absolument clé et nous la soutiendrons activement. 

Quatrièmement, il nous faut soutenir la production locale. Beaucoup de pays africains qui se sont battus dans le cadre d'ACT-A ont développé la capacité à produire localement. Nous devons renforcer notre capacité à acheter ce qui est fait, en particulier sur le continent africain, pour consolider là aussi la souveraineté sanitaire du continent. Je le rappelle, au début de la pandémie de Covid, l'Afrique, c'est 20 % des besoins de vaccins. C'est 2 % de la production. Et donc, avec notre action, nous devons aussi consolider les achats de diagnostic de traitements de vaccins sur le sol africain. 

Cinquièmement, soutenir la stratégie d'UNITAID. Et enfin, cet exercice de reconstitution doit nous permettre de renforcer la lutte contre les inégalités de genre dans l'accès aux soins. Car les femmes qui subissent une nouvelle infection VIH toutes les deux minutes sont aujourd'hui les premières cibles de ces maladies et leur accompagnement au plus près du terrain doit être notre priorité.

Cet exercice de reconstitution sera également l'occasion de faire monter en puissance le programme qu'on appelle « l'initiative » en lui dédiant 20 % de notre contribution totale. Ce mécanisme, qui est porté par notre opérateur Expertise France, garantit l'accès des pays les plus vulnérables aux ressources du Fonds. Ce qui veut dire que très concrètement, dans les quarante pays que nous avons accompagnés, notre mécanisme permet de remédier aux problèmes d'absorption, d'assurer la coordination entre les différents acteurs locaux et de fournir une expertise technique qui est indispensable. 
Il faut maintenant que l'initiative puisse dédier une partie substantielle de ces ressources additionnelles, là aussi, à la formation des personnels de santé en lien avec l'Académie de la santé mondiale de l'Organisation mondiale de la santé car sans les femmes et les hommes de terrain, notre lutte est vaine. 

Voilà, au-delà des engagements que la France prend à nouveau pour le Fonds, les quelques engagements de méthode que je voulais que nous prenions collectivement parce qu'ils sont au moins aussi importants. 

Mais je veux conclure en vous disant que ce combat que nous menons tous ensemble est loin d'être terminé. L'épidémie nous a même parfois fait reculer dans certains territoires. On doit donc avancer deux fois plus vite. On doit redoubler d'énergie. Nous devons tirer toutes les leçons de méthode et de coopération de l'épidémie, et le contexte de guerre que nous sommes en train de vivre, nous ne pouvons pas nous réunir sans penser à nos amis Ukrainiennes et Ukrainiens dans ce moment-là. Mais tout en les aidant à gagner, tout en les aidant à résister, nous devons tout faire pour que notre monde ne se divise pas face à ce combat essentiel contre la pandémie. Beaucoup d'activistes et de jeunes qui sont là étaient là il y a trois ans à Lyon. Il y en a une qui n'est pas parmi nous. Elle a écrit une très belle lettre. C'est Amanda, une jeune Burundaise, qui est atteinte du VIH. Et elle a une formule qui est la plus percutante dont on doit se rappeler ici à New York aujourd'hui. Elle nous a juste dit il y a 3 ans : « N'oubliez pas que nous, jeunes Africains qui avons le VIH, notre vie a de la valeur ». Elle vaut beaucoup plus que tous les engagements qu'on prend. Elle nous oblige à gagner ce combat. À nous de faire et nous ne lâcherons rien. Je vous remercie. Merci à vous. Joe, je crois que je suis censé vous donner la parole. Merci beaucoup.

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