Acteur, cinéaste, producteur de films et de documentaires, Jacques Perrin était à la fois un bijou et un orfèvre du cinéma français. Il s’est éteint ce jeudi à Paris, là où il était né il y a quatre-vingts ans, au terme d’une vie toute dédiée à son art.  

Cette passion était le seul héritage qu’il reçut de sa famille modeste mais riche de son amour du théâtre. Fils d’un régisseur à la Comédie-Française et souffleur au TNP de Jean Vilar, et d’une comédienne premier prix du conservatoire de Lyon, il grandit dans un cocon de velours rouge, bercé de tirades. Si l’adolescence lui ouvrit d’autres chemins – pensionnaire loin de ses parents, mousse sur un chalutier, commis, télétypiste –, il se rendit bientôt à l’évidence de sa propre vocation de comédien. Le Conservatoire d’art dramatique de Paris lui ouvrit grand ses portes et le propulsa rapidement sur les planches du théâtre Édouard VII dans une pièce intitulée L’Année du bac, comme par une malice de l’existence envers celui qui avait choisi de ne jamais le passer, préférant les leçons de la scène à celles du lycée. 

Son visage d’ange soucieux attira rapidement l’attention, d’abord celle des cinéastes transalpins, qui lui offrirent son premier grand rôle aux côtés de Claudia Cardinale avec La ragazza con la valigia de Valerio Zurlini, long-métrage emblématique du néo-réalisme italien, puis très vite celle de leurs plus grands homologues français : Clouzot, Schoendoerffer, Costa-Gavras.

À l’orée des années 70, il est appelé par Jacques Demy pour interpréter dans Les Demoiselles de Rochefort ce marin en mal de muse, cet artiste en quête d’idéal qu’il n’a jamais cessé d’être. Blondeur ingénue et ritournelle rêveuse, le personnage de Maxence fait vibrer tout une génération d’une émotion qui se mêle à l’esprit du temps, et dont son interprète, avec son éternelle modestie, est le premier surpris. Demy récidive trois années plus tard, et sacre définitivement Perrin en prince, uni à la princesse Catherine Deneuve dans Peau d’Âne.

Envers et contre tous, il passa derrière la caméra en 1969 pour produire Z de Costa-Gavras, dont le triomphe fut à la mesure du scepticisme qui avait entouré sa genèse. État de siège (1973) et Section spéciale (1975) suivront, toujours produits par un Perrin qui ne se priva jamais de revenir à l’affiche, faisant de ces allers-retours une de ses marques de fabrique. Sous l’objectif de Pierre Schoendoerffer, il fut ainsi abonné aux rôles-titres, interprétant le Crabe-tambour dans le film éponyme sorti en 1977, ainsi que le héros de L’honneur d’un capitaine en 1982. Cet infatigable touche-à-tout avait plus récemment produit Les Choristes (2004) et tournait encore il y a peu pour le thriller Goliath, sorti en salles il y a quelques semaines.

D’acteur et producteur, il devint aussi réalisateur : sa curiosité universelle fit de lui le pionnier des documentaires naturalistes de grande ampleur, véritables fresques écologiques qui nécessitaient des années de recherches scientifiques associées à une créativité technique immense, dont il ne manquait pas : pour Le peuple migrateur (2001), ses caméras prennent leur envol, dans Océans (2010), elles fendent les flots, rappelant chaque fois aux spectateurs tant la splendeur de la nature que sa fragilité face aux dégradations qui la menacent. 

Le Président de la République et son épouse saluent le départ d’une fierté du cinéma français, dont la disparition laissera un grand vide. Ils adressent leurs condoléances attristées à son épouse, à ses enfants, ainsi qu’à toute la famille du septième art et à tous ceux que Jacques Perrin a enchantés et émus à travers les années. 

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