À l’occasion de la journée nationale et européenne en hommage aux victimes du terrorisme, ce vendredi 11 mars 2022, le Président de la République a présidé une cérémonie au Grand Trianon à Versailles, accompagné par Charles Michel, Président du Conseil Européen, et Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, et des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne. 

La date du 11 mars, choisie par l’Union européenne comme date de commémoration commune, fait référence à l’attentat commis à la gare d’Atocha (Madrid) le 11 mars 2004.

Annoncé il y a deux ans par le Président Emmanuel Macron, le projet de création d'un grand musée d’histoire et de société, le Musée-Mémorial du terrorisme, a désormais un lieu. À Suresnes, au Mont-Valérien, à quelques pas du mémorial de la France combattante, ce musée retracera 50 ans d’histoire des attentats en France et dans le monde et donnera une place centrale à la voix des victimes. Cet espace de souvenir et de recueillement sera aussi un lieu de culture, un lieu de pédagogie et de recherche, pour contribuer à une meilleure compréhension des causes, des formes et des évolutions du terrorisme.

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29 mars 2024 - Seul le prononcé fait foi

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DISCOURS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Mesdames et Messieurs les Chefs d’État et de Gouvernement, 
Monsieur le Président du Conseil européen, Madame la Présidente de la Commission européenne,
Monsieur le Président de la République,
Mesdames et Messieurs les ministres, 
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités, 
Chères associations,
Chères familles, 
Chères victimes,
Mesdames, Messieurs, 

Il y a 18 ans jour pour jour, le 11 mars 2004, quelque chose changeait à jamais dans l’esprit européen.
Ce jour-là, des voyageurs insouciants, des travailleurs impatients, des mères, des pères de famille qui venaient de déposer leurs enfants à l’école, sont tombés. 
Ce jour-là, l’Espagne était frappée en plein cœur. 
Ce jour-là, l’Europe connaissait l’attentat le plus meurtrier de son histoire alors.
Tant de vies fauchées par la folie destructrice et des milliers d’autres brisées à jamais, corps et esprit.

Je voudrais vous remercier aujourd’hui, dans le contexte qui est le nôtre, Mesdames, Messieurs les Présidents, Premiers ministres, d’être venus de partout en Europe pour faire corps, ici, avec les membres du gouvernement français, les parlementaires, les forces de sécurité intérieure, les magistrats, les secouristes, les associations, les familles qui sont à vos côtés, incarnant ce que le terrorisme fait vivre depuis tant d’années à nos pays.
Le vivre à côté de maires dont je retrouve ici le visage ami et dont les communes d’un seul coup, comme Madrid que j’évoquais, mais comme beaucoup d’autres, des capitales européennes, de villes et de villages de notre continent l’ont vécu. 
L’horreur qui advient. Brusquement. Dans le cadre le plus quotidien, le plus innocent, et qui fait basculer des vies.
Je retrouve ici les visages de plusieurs d'entre vous, croisés quelques minutes, quelques heures après l’horreur. 
Il y a dans le surgissement de l’horreur au cœur de notre quotidien, d’abord ces vies arrachées, l’épaisseur de ces vies et l'irréductible souffrance de leurs familles, de leurs proches, des blessés. 

Et il y a cette cause commune. 
Il y a ce qui nous lie profondément dans la bataille que nous menons tous contre le terrorisme sur notre continent. 
Le fait que nos assaillants voulaient à chaque fois la même chose : nous détruire, nous salir, corroder les liens qui nous tiennent ensemble, nous terroriser, oui, pour nous empêcher de vivre. 
Tuer cet art de vivre, celui de la liberté et de la fraternité. Cet art de penser, celui des Lumières.
Tuer cet art de gouverner, celui de l'État de droit et de la démocratie. 
Et cela, ils n’y sont pas parvenus. 
Ils tuent des enfants parce qu'ils incarnent l'avenir. 
Ils tuent la jeunesse, sur les terrasses, dans les salles de concerts, car elle est notre espoir. 
Ils tuent des Juifs pour cette seule raison qu'ils sont juifs, réveillant les pires heures de l'histoire de notre continent. 
Ils tuent des réfugiés.
Ils tuent des dessinateurs parce qu'ils caricaturent, brocardent, blasphèment, parce qu'ils aiguisent la liberté en affutant leurs crayons. 
Ils tuent des enseignants parce qu'ils transmettent notre histoire, nos valeurs, qu’ils apprennent à nos enfants à penser par eux-mêmes. 
Ils tuent des intellectuels parce qu’ils font rayonner les concepts, éclairent des faits, élucident les causes, alors qu’eux ne procèdent que dans l’obscurité de la pensée pétrifiée et de la raison soumise. 
Ils tuent des policiers parce qu’ils servent la loi et le droit, alors que la seule loi qu’eux reconnaissent est celle du plus violent. 
Ils tuent des soldats parce qu’ils servent notre pays, portent nos couleurs. 
Ils tuent des humanitaires sur notre sol comme sur le continent africain, au Proche et Moyen Orient où ils sont allés servir, cette défense de la cause humaine. 

Alors face à ces assauts, nous n’avons rien cédé. 
Dans tous nos pays, nous avons agi.
Nos services de renseignements, policiers, gendarmes, nos surveillants pénitentiaires, nos militaires, nos juges et procureurs anti-terroristes ont été organisés et renforcés, n’ont cessé d’œuvrer partout sur notre continent ; nous avons déjoué des attentats, démantelé des groupes qui, sur notre sol comme au Proche et Moyen Orient ou au Sahel, cherchaient à semer la terreur. 
Nous avons changé nos lois, pour protéger nos libertés et nos vies face au terrorisme partout où il cherche à prospérer.
Et nous avons jugé, et nous continuons de juger. 
Indispensable temps de la vérité et de l’apaisement.
Aussi pour que toutes les victimes du 13 novembre puissent voir en actes la justice leur être rendue, une salle spéciale leur a été créée au sein du Palais de justice, et je veux ici saluer tout particulièrement l’extraordinaire travail conduit depuis plusieurs mois, qui vient après d’autres, mais qui, par son caractère exceptionnel, marque aussi l’importance de la justice et de ce temps de vérité. 

Mais nous savons que tout cela ne suffit pas. 
Une lucidité nouvelle nous a permis de nommer le mal. 
Une vigilance accrue a fait de chacun de nous des relais d’attention quel que soit le lieu, quelle que soit l’heure. 
Nous savons qu’il faut combattre, qu'il faut déjouer, qu'il faut juger, mais qu'il nous faudra aussi constamment encore rester vigilants et éduquer. 
Éduquer, oui, parce que le terrorisme toujours prospère sur l'obscurantisme, sur des révisionnismes, sur la volonté d'oublier. 
Alors au-delà de tout, nous n’oublions pas. 
De chaque jour de désolation, nous faisons un temps de mémoire et d'amour en rappelant les noms, les visages, les rires, les mots. 
Nous pansons les blessés. 
Nous entourons les victimes et leurs familles. 

Je veux ici remercier tous ceux qui, aux côtés des pouvoirs publics, accomplissent depuis des années une œuvre remarquable de soutien aux victimes, à leurs proches, aux témoins de l'indicible. 
Grâce à ces associations, nous avons changé nos manières de faire. 
Nous avons repensé notre système d'aide aux victimes du terrorisme. 
Leurs droits sont désormais équivalents à ceux des victimes de guerre. 
Les orphelins deviennent pupilles de la Nation. 
Les blessés sont soutenus. 
Les conjoints endeuillés accompagnés, les familles épaulées. 
Nous sommes là et nous serons là.
Les semeurs de haine n’ont pas déraciné nos cœurs de cette fraternité, de cet humanisme qui nous tient unis, en Français, en Européens. 

La force du souvenir donc, celle aussi de vouloir comprendre. 
C'est pourquoi, j'ai voulu que soit créé en France un grand musée d'histoire et de société, le Musée-Mémorial du terrorisme, que j'avais annoncé au Trocadéro voilà deux ans.
Pour ne jamais oublier, mais pour éclairer et reconstruire. 
Car à toutes ces voix qui se sont tues, à toutes ces familles, à tous ces blessés, il faut une parole infaillible, une écriture indélébile, un lieu vivant. 
Je veux remercier l'historien Henry ROUSSO et son équipe qui en sont les maîtres d'œuvre passionnés. 
Ce musée a désormais son lieu à Suresnes, au Mont Valérien, à quelques pas du Mémorial de la France combattante, si chère au général De Gaulle. 
Cet espace de souvenir et de recueillement fera résonner la voix des victimes. 
Ce sera un lieu de culture et de création.
Un vivier de recherche aussi où toutes les disciplines - sciences humaines, sociales, cognitives - contribueront à une meilleure compréhension des causes, des formes, des évolutions du terrorisme. 
Sans jamais rien justifier, non. 
Sans jamais rien retrancher de la singularité de chaque vie fauchée, du destin de chaque victime.
Mais en permettant de mieux connaître, mieux comprendre, en nous donnant les moyens intellectuels, culturels, étatiques, ce faisant, de mieux prévenir, de mieux combattre, de ne rien oublier.
Car ce sont les lumières, toujours, qui dissipent l'obscurantisme.
Et notre Europe est cette réponse d'aujourd'hui et de demain. 
Alors que les terroristes cherchent l'assignation religieuse, régionale, sociale, identitaire, qu'ils veulent que nous nous repliions sous la violence et la peur, l'Europe, au contraire, prône l'émancipation, l'éducation, le droit, la démocratie, la construction du consensus permanent par la compréhension de toutes et tous, nous qui nous sommes si longtemps battus. 
C'est pourquoi, par nature, par héritage, par projet, l'Europe est un projet contre le terrorisme. 
Grâce à Europol, Eurojust, grâce aux équipes communes d'enquête, la coopération de nos services de police, de justice et de renseignement, devient chaque jour plus efficace et plus étroite. 
C'est pourquoi, aussi, par nature, par héritage, par projet, l'Europe continue à développer les droits des victimes, à alléger leur douleur en renforçant leur accompagnement psychologique dès les premiers instants d'un attentat, à faire converger les normes à travers les frontières, de l'évaluation des préjudices à la réparation et l'indemnisation. 

Le terrorisme cherche la division. L'Europe est union. 
Le terrorisme est un nihilisme, l'Europe est un humanisme. 
Le terrorisme est une pulsion de mort, notre Europe est un élan de vie. 
Le terrorisme est un système de guerre, notre Europe est un programme de paix. 

Il n'est pas de projet plus grand, plus beau, plus fort qu'il nous faille sans trêve continuer d'étayer. 

Pour leur mémoire et pour vous. 

Vive la République, vive la France et vive l'Europe ! 

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