La présidence française du Conseil de l’Union européenne porte l’ambition de faire avancer l’ensemble des initiatives européennes en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. En cette journée internationale des droits des femmes, un événement sur l’égalité professionnelle en Europe s’est tenu à l’Élysée.
 
Au cours de cet événement, les chefs et cheffes d’entreprises et les ministres présents ont participé à plusieurs échanges autour des solutions pour briser le plafond de verre dans les carrières professionnelles des femmes, ou encore autour des leviers pour renforcer leur pouvoir économique. Le Président de la République a ensuite pris la parole pour souligner l’agenda européen ambitieux des prochains mois en matière de droits des femmes.

Un certain nombre des entreprises présentes ont également signé une déclaration en faveur de l'égalité professionnelle dans laquelle elles s’engagent sur les 5 priorités suivantes : la fin des inégalités salariales, l’augmentation de la part des femmes au sein des instances dirigeantes, la sensibilisation et la formation aux biais inconscients dans le recrutement et la progression de carrière, la promotion d’un espace de travail sûr pour les femmes et la meilleure conciliation entre vies professionnelle et personnelle.

Signataires : Accenture (Irlande) ; Antolin (Espagne) ; AVL (Autriche) ; Bank of Valetta (Malte) ; Granit Bank (Hongrie) ; Novo Nordisk (Danemark) ; Publicis (France) ; Pain quotidien (Belgique) ; Podravka (Croatie) ; Purever (Portugal) ; RMS Mezzanine (République Tchèque) ; Salzburger Aluminium (Autriche) ; Start up KP (Slovaquie) ; Varis Lendava (Slovénie).

24 avril 2024 - Seul le prononcé fait foi

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Discours du Président de la République en clôture de l'événement sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en Europe.

Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames les députées,
Mesdames et messieurs,

Merci d’être là aujourd’hui. Je suis heureux d’être là aujourd’hui, je suis heureux de retrouver beaucoup de visages amis et engagés. J’aurais voulu passer plus de temps avec vous, mais les journées sont un peu chahutées à cause de la crise et du contexte que nous vivons aujourd’hui. Et je tenais à être là, pas simplement pour vous accueillir dans ce lieu, parce que le fait que cette réunion se tienne aujourd’hui, c’est aussi la manifestation du fait que le sujet que vous portez, que nous portons, est au cœur de la République et de notre engagement européen. Mais c’était aussi pour partager quelques convictions avec vous. 

Madame la ministre, vient de le dire, en effet, l’égalité femme-homme est la grande cause de ce quinquennat qui s’achève. Et nous souhaitons aussi la mettre au cœur de la présidence française de l'Union européenne. Alors, beaucoup de choses ont bougé, grâce à beaucoup d'acteurs ici présents, et je vous en remercie infiniment. Beaucoup de choses doivent encore continuer de bouger. Et je considère que le travail est loin d'être terminé. Ça ne veut pas dire qu'on n'a pas fait collectivement avancer les choses, il faut être simplement lucide : est-ce que l'égalité est obtenue ? Non. Donc, tout ce qu'on a à améliorer, il faut aller plus loin encore pour le faire, et nous devons désormais en faire une grande cause européenne. 

Je le dis dans un contexte où on le voit bien ces derniers mois, ces dernières années, il y a eu aussi des reculs qui ont été marqués sur le sujet de l'égalité femmes hommes sur notre continent, avec des atteintes graves à ces droits. Je pense en particulier, et vous avez dû l'évoquer, je sais que nos ministres le portent souvent, mais à l'avortement. Près de 50 ans après l'adoption de la loi Veil, nous avons encore sur notre continent des reculs qui sont inacceptables, et c'est pourquoi je plaide aussi pour que ce droit à disposer librement de son corps soit inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, parce ce que je pense que nous n'avons pas le droit de régresser sur ce sujet de l'égalité femmes hommes. Et donc, votre engagement aujourd'hui, ce que vous avez fait ici, à mes yeux, est très important parce qu'il faut toujours des avant-gardes dans la vie économique et sociale si on veut qu'ensuite ce soit suivi par les textes. Il est rare que les politiques prennent des textes qui, si je puis dire, précèdent les grands mouvements sociaux. Et donc, je veux tout particulièrement remercier la quinzaine d'entreprises européennes qui ont su s'organiser pour être là ce matin, remercier la douzaine d'entre elles qui ont signé, et remercié toutes les entrepreneuses et entrepreneurs, et dirigeantes et dirigeants qui sont là aujourd'hui pour continuer de s'engager et aller de l'avant. 

L’Europe doit rester un espace de progrès social, c’est ce que nous avons décidé de mettre au cœur de cette présidence. Et qu’il s’agisse de la lutte contre les violences, les droits sexuels et reproductifs, la vie de famille, l’égalité économique dans le monde du travail et bien sûr la représentativité politique, nous allons continuer d’avancer sur cet agenda avec aussi cette volonté de porter ce principe de la clause de nation européenne la plus favorisée, qui a été inspirée par cette idée de Gisèle HALIMI, qui consiste à aligner toujours par le haut chaque fois qu’un pays européen décide d’avancer sur tel et tel sujet. 

Alors j’évoquais Simone VEIL et pour moi, c'est évidemment une figure inspirante de ces six mois de présidence française du Conseil de l'Union européenne. Nous allons avancer ensemble sur beaucoup de sujets pour continuer à progresser sur, et mettre fin aux violences conjugales, aux violences contre les femmes, et je me félicite de la présentation aujourd'hui par Ursula VON DER LEYEN de propositions faites en ce sens. Nous avons aussi fait bouger beaucoup de choses ces dernières années en France. Il y a des nations qui ont su réagir plus tôt que nous. Je pense à l'Espagne, qui nous a d'ailleurs beaucoup inspiré sur ce sujet. Et donc ce combat va évidemment se poursuivre. La France jouera également pleinement son rôle pour avancer sur ce sujet. Nous avons fait de la lutte contre les violences, vous le savez, l'une des priorités de la grande cause nationale, et nous jouerons pleinement notre rôle pour lancer rapidement les négociations sur le texte au niveau européen proposé par la commissaire. 

Mais les entreprises que vous êtes aujourd'hui jouent aussi un rôle essentiel et nous voulons œuvrer en faveur du renforcement du pouvoir économique et financier des femmes européennes. Il y a deux leviers tout particulièrement sur lesquels je voulais revenir pour ce semestre qui, je le sais, ont été au cœur de vos échanges. Le premier, c'est celui de la meilleure représentation des femmes dans les instances dirigeantes des entreprises. Vous l'avez abordé ce matin, je vous entendais en venant, le rappeler, c'est continuer à briser les plafonds de verre, continuer à lever les tabous. Et très clairement, nous ne pouvons pas nous satisfaire qu'en Europe, on ait encore des conseils d'administration d'entreprises composés quasiment exclusivement d'hommes. Je connais votre engagement là aussi sur ce sujet et il nous faut passer à des règles européennes. 

Nous-même, nous avons bougé. Je salue les parlementaires ici présentes dans une proposition de loi éponyme, qui a fait bouger les choses en permettant de mettre des critères dans les comités d'entreprise au-dessus d'un certain seuil. Et c'est un vrai projet qui s'inspire d'ailleurs de ce qui avait bougé grâce à la loi dite Copé-Zimmermann, qui l'avait fait dans les conseils d'administration. Et donc, l'objectif de 30 % en 2027 et 40 % en 2030 est à cet égard un objectif qui s'inspire exactement de ce qui a été fait il y a quelques années et qui a marché - donc merci - et qu'on doit poursuivre au niveau des comités exécutifs parce qu'il n’y a pas de fatalité. Et si on ne met pas ces règles, les choses ne bougeront pas, et ensuite, toute la RH de l'entreprise et la progression n'adaptent pas en quelque sorte les choses et ne prend pas en compte le fait que la moitié de l'humanité est composée de femmes. Et comme j'entends encore trop souvent, certains nous dire, il ne s'agit pas de donner des droits à une minorité ou faire quelque politique que ce soit parce que j'ai parfois entendu ces réponses quand je défendais cette idée portée par nos parlementaires. Donc, 30 % en 2027, 40 % en 2030, c'est une étape qui est mise dans la loi. Évidemment, elle va permettre d'activer les choses. 

Je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin et la parité complète doit être véritablement notre objectif. C'est ce qu'on veut porter au niveau européen. Et je me félicite que les négociations sur ce sujet, qui étaient enlisées depuis plusieurs années à Bruxelles, aient pu reprendre activement sous cette présidence et j'espère que nous pourrons rapidement à cet égard avoir des résultats. En tout cas, nous nous mobilisons avec les membres du Gouvernement ici présents pour convaincre nos partenaires, il y avait un blocage qu'on avait bien identifié. Je pense que la nouvelle coalition permet de lever ce blocage. Et ce texte, qui était bloqué depuis maintenant bientôt 10 ans au niveau européen, doit pouvoir avancer. Et je veux ici vous dire que je suis plutôt optimiste. Donc nous allons avancer sur ce texte pour modifier justement les comités d'entreprise, la direction des entreprises et avancer justement sur ce sujet et réussir à faire passer au niveau européen ce que nous venons récemment de faire progresser au niveau français. 

Le deuxième levier dépasse les instances de direction pour toucher toutes les employées et agir sur l'élément essentiel de l'autonomisation qui est la rémunération. Là aussi, c’est un combat que nous avons mené en France, avec une loi en 2018 qui a permis de mettre en place un index des rémunérations, et on arrive au moment fatidique, puisque là, la transparence est faite et généralisée et nous sommes à l’année des sanctions. Mais cette loi avait prévu pour la première fois, pas simplement des obligations de moyens mais de résultats, et donc on va voir cette année, au deuxième semestre, celles et ceux qui sont au rendez-vous et les premières sanctions financières qui vont évidemment venir dire qui a réussi, qui n’a pas réussi, pour changer les comportements sur le sujet des inégalités salariales qui ne sont absolument plus justifiables. Ce biais que nous avons voulu pas simplement corriger mais supprimer en France, c’est évidemment celui aussi auquel on doit s’attaquer au niveau européen, à travail égal dans une même entreprise, rémunération égale. Ce qui paraît être une évidence ne l’est pas, et quand on fait le point en France et au niveau européen chaque année, on voit bien aujourd’hui les inégalités qui se poursuivent. Au niveau européen, cette dynamique va être poursuivie. C'est le sens des textes, là aussi, que nous allons porter, et du combat que nous allons mener sur ce deuxième levier extrêmement important. Des efforts au plan européen sur cette dynamique seront aussi conduits et renforcés à travers la directive sur la transparence salariale qui fera l'objet de négociations entre le Conseil représenté par la France et le Parlement européen, et qui constitue pour nous aussi une priorité, et qui permettra d'avancer sur ce sujet de manière très concrète pour entrer dans la technique légistique de l'avancée de ce sujet. 

Ces deux leviers, vous avez choisi de les activer progressivement dans vos propres structures en vous engageant aujourd'hui à lever ces verrous et à aller encore plus loin. Mais je voulais vous dire combien, en tout cas sur ces deux textes, nous allons nous engager très concrètement, parce que le semestre de présidence française peut être un semestre où on va avoir des accords politiques et on va déboucher sur les textes contraignants qui étaient attendus depuis tant d'années. En parallèle, nous allons, comme je le disais, lancer le combat sur des textes qui sont maintenant proposés et mis sur la table, par exemple par la Commission, sur la lutte contre les violences. L’idée, c'est d'avancer l'agenda sur absolument tous les sujets durant ce semestre de présidence française. 

Mais je voulais vous dire aussi que ce que vous avez signé ce matin, ce sur quoi vous êtes engagés, ce sur quoi le Forum aussi continue de s'engager, avance - et je vous remercie pour ce travail de leadership et l'engagement constant que vous portez, Madame la directrice générale - c’est d'aller plus loin et de montrer aussi comment les entreprises décident d'être exemplaires sur ce sujet. Il y a évidemment la responsabilité, les fonctions de responsabilité dans l'entreprise. Il y a évidemment l'égalité de rémunération. Mais il y a aussi l'organisation du temps, des sujets qui relèvent parfois de la négociation au sein de l'entreprise, l'organisation du temps de travail, le partage des tâches, la promotion de pratiques et la reconnaissance de pratiques que le législateur, sous la pression d'associations, et bien souvent d'ailleurs de femmes et d'hommes que je reconnais pour leurs engagements associatifs ici aussi, peuvent nous pousser à faire, mais qui ne fonctionnent que si les entreprises le font exister. Je pense particulièrement au congé parental. Vous avez été plusieurs à vous engager sur ce sujet. On a fait un mouvement qui était attendu en France et un changement qui s'est traduit l'été dernier par le doublement du congé parental pour les pères, et qui permet de mieux répartir les obligations, qui permet aussi de mieux élever les enfants et qui est à la fois un sujet de compatibilité des carrières au sein d'un couple - maintenant, il y a de plus en plus de biactifs - et de meilleure éducation de nos enfants. Le passage de 14 à 28 jours était un point important avec une période incompressible et obligatoire. Tout cela ne marche pleinement que si c'est accompagné par les entreprises et que si les entreprises décident proactivement de dire : « Nous, on veut pleinement utiliser ce que la loi nous donne. Nous, on veut que nos salariés puissent, quand ils sont pères de famille, prendre ces 28 jours, parce qu'on pense que c'est important, que ça contribue à l'égalité femmes-hommes, au partage des tâches et on pense que c'est du progrès social ». Sur tout un tas de sujets de compatibilité, de reconnaissance de cette égalité, c'est une fois encore le monde économique et social qui permet d'avancer plus fortement, de changer les représentations, d'utiliser les leviers que donne la loi ou d'aller beaucoup plus loin pour nous pousser à faire encore davantage ce qu'on devra continuer de faire. Donc je voulais vraiment vous remercier pour, là aussi, continuer à être à l'avant-garde. Pour moi, en signant aujourd'hui ce texte, vous nous permettez d'une part d'utiliser pleinement ce qui est parfois fait, d'autre part de continuer à mettre la pression, mais surtout de créer un standard européen au niveau de la vie des entreprises et de l'ensemble de leurs employés. C'est ça qui est très important. Parce que si on change cette réalité, si on l’européanise en s'inspirant des meilleures pratiques, de fait, on oblige les législateurs européens à s'aligner sur ce mouvement et à appliquer de fait la clause européenne la plus favorisée. Ce qui je pense est un élément de changement en profondeur. 

Voilà ce que je voulais vous dire à la fois sur notre présidence et puis sur l'importance de ce que vous avez fait ce matin. Je voulais finir par deux remarques. La première, j’ai retrouvé une citation de Simone DE BEAUVOIR, je la partage pour nous tous : « N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis et vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » C'est exactement ce que dans beaucoup de pays nous sommes en train de vivre. Dès qu'il y a des priorités qui s'imposent, des guerres, des crises, la tension religieuse, il y a toujours des responsables politiques et des responsables dans la société pour dire : on va devoir revenir sur ce point-là, il n'est finalement pas si important. C'est maintenant qu'il faut résister. Et plutôt l'inverse : c'est maintenant qu'il faut utiliser ces crises pour aller plus loin. Ces crises nous rappellent une chose : la fragilité et la vulnérabilité de nos démocraties, le retour de la guerre, l'interdépendance de nos sociétés que nous avons vécue à travers l'épidémie. Tout ça nous enseigne qu’il n'y a aucune société qui peut se permettre de se passer de la moitié de ce qu'elle est, et de la moitié de ce qu'est l'humanité. Il n'y a rien qui justifie une régression en matière de droit. Rien. Si ce n'est l'obscurantisme et son retour. Donc il nous faut dans ces temps-là nous battre encore plus fort, encore plus dur, et essayer d'utiliser ces crises pour bâtir les progrès d'aujourd'hui et de demain. 

La toute dernière remarque que je voulais partager avec vous, c'est que je crois à cette Europe féministe. Je crois à cette Europe féministe parce que je pense très sincèrement que le féminisme n'est pas l'affaire des femmes. Je pense que c'est aussi et peut-être surtout une affaire d'hommes parce que les règles qu'il faut bousculer, on doit les bousculer dans des enceintes où aujourd’hui trop souvent, on l’a dit, ce sont les hommes qui ont les responsabilités. Ce n’est pas une affaire qui concernerait simplement la moitié de nos sociétés, la moitié de nos systèmes politiques ou autres, parce que je crois à l’importance de pouvoir vivre ensemble. Je pense à l’importance de faire du féminisme une question pour toutes les citoyennes et tous les citoyens, et en particulier pour les dirigeants politiques, économiques. Je pense que c’est très important. Je ne crois pas à une société où on doit vivre dos à dos, où on doit en quelque sorte renvoyer chacun à son sexe. Je pense que l'altérité est formidablement enrichissante dans une société, mais je crois à l'universalisme de cette bataille pour le féminisme. Elle concerne toutes et tous, et elle est à cet égard existentiellement française et existentiellement européenne. Ces lieux sont là dans un pays où on a dit dès le début « citoyennes, citoyens », dans un pays où on a voulu, quand la révolution s'est faite, dire « les mêmes droits sont là et je ne veux pas savoir ce que tu penses, ce que tu et quelles sont tes difficultés. » Citoyennes, citoyens. Marianne est là pour nous le rappeler, mais Marianne est aussi européenne et je pense que cet universalisme est aussi un trésor, car il ne faut pas laisser enfermer dans un culturalisme ou dans un relativisme géographique ou civilisationnel la lutte toujours vive, active et essentielle pour les droits des femmes. Cette lutte, elle, est universelle et elle nous touche toutes et tous. 

Je ne serai pas plus long. Je voulais vous remercier d'avoir pris la peine d'être ce matin ici à l'Elysée, de vous engager, de continuer à vous battre. Il faudra continuer à se battre, dur effort. Mais merci de vos engagements de ce matin et vous pouvez compter sur la présidence française du conseil et de ce semestre. Merci beaucoup.

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