Le Président de la République Emmanuel Macron s’est rendu à l’École Nationale de Police de Roubaix, le 14 septembre 2021, pour la clôture du Beauvau de la sécurité, en présence de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et Éric Dupond-Moretti, Garde des Sceaux, ministre de la Justice.

Lancé en février 2021, le Beauvau de la sécurité est l'occasion de moderniser la politique publique de sécurité au bénéfice des policiers, des gendarmes et de l'ensemble des Français. 

Cette concertation nationale a réuni syndicats, représentants des forces de l’ordre, élus, magistrats ou encore membres de la société civile.
 

Depuis 4 ans, beaucoup a été fait pour la sécurité des Français : 

➜ Un renforcement de l’arsenal de lutte contre le terrorisme :

  • Augmentation des moyens des services de renseignement avec 1 900 agents en plus et un budget doublé par rapport à 2015 ;
  • Création de la CNRLT - coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme ;
  • Promulgation de la loi sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme.

➜ Un effort sans précédent pour lutter contre le crime et garantir la sécurité au quotidien : 

  • Augmentation du budget de la mission sécurité de 1,7 milliard d’euros ;
  • Création de 10 000 postes de policiers et gendarmes supplémentaires ;
  • Investissements historiques dans l’équipement et l’immobilier.

➜ Une réponse à la violence contre les forces de l’ordre : 

  • Fin des remises de peine pour les auteurs de tel actes ;
  • Incrimination spécifique ;
  • Création de l'Observatoire pénal de suivi des violences. 

➜ Lutte contre la drogue : 

  • Création de l’office anti-stupéfiants. 

Et les résultats sont là :

➜ 36 attentats déjoués par les services de renseignement depuis 2017.

➜ Baisse d’un quart des cambriolages depuis 2017.

➜ Baisse de 20 % des vols de véhicules depuis 2017.

➜ Hausse des saisies de drogue en 2021 par rapport à 2020. 
 

« La sécurité est l'affaire de tous, c'est un bien commun. » - Le Président Emmanuel Macron

 

À l’occasion de la clôture du Beauvau de la sécurité, le Président a annoncé de nouvelles mesures pour penser la sécurité de demain : 

➜ Réécriture du code de procédure pénale pour simplifier les démarches ;

➜ Augmentation de 50 % de la durée de la formation continue pour les gendarmes et les policiers ;

➜ Présentation en conseil des ministres d’une loi de programmation pour les sécurités intérieures début 2022 ;

➜ Déploiement de la caméra embarquée dans les véhicules et de la caméra individuelle pour les agents ;

➜ Mise en œuvre de la plainte en ligne d’ici 2023 ;

➜ Doublement du nombre de gendarmes et policiers sur la voie publique sous 10 ans ;

➜ Contrôle plus strict et plus transparent de l’action de nos forces de l'ordre :

  • La plateforme de lutte contre les discriminations a été mise en place en février 2021 par le Défenseur des droits.
  • Les rapports de l’IGPN (Inspection générale de la Police nationale) et de l'IGGN (Inspection générale de la Gendarmerie nationale) seront désormais rendus publics.
  • Proposition de création d'une délégation de contrôle parlementaire des forces de l’ordre.

14 septembre 2021 - Seul le prononcé fait foi

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Discours du Président de la République en clôture du Beauvau de la sécurité.

Madame la défenseure des droits, 
messieurs les ministres, 
monsieur le maire, 
mesdames et messieurs les parlementaires, 
messieurs les préfets, 
monsieur le président du Conseil départemental, 
monsieur le président du Conseil régional, 
monsieur le président de la Métropole, 
mesdames et messieurs les maires, 
mesdames et messieurs les élus, 
madame la directrice, messieurs les directeurs, 
mesdames et messieurs les représentants des autorités judiciaires, 
mesdames et messieurs les représentants locaux, 
mesdames et messieurs les membres du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie,
mesdames et messieurs les policiers, gendarmes et personnels administratifs qui pour certains, suivez aussi cette prise de parole à distance, 
mesdames et messieurs, 

qu'un tel évènement sur la sécurité réunissent policiers, gendarmes, magistrats, élus, citoyens n'est pas si habituel. Et pourtant, ça devrait être une évidence. Une évidence, car la sécurité, je veux ici le dire très clairement pour chacune et chacun à travers la nation, n'est pas simplement le sujet de nos forces de sécurité intérieure. En effet, la sécurité est le devoir, la cause même de notre nation qui doit faire bloc. La sécurité est l'affaire de tous, une co-construction, un bien commun parce que la sécurité est la première de nos libertés, celle sans laquelle les autres sont mises à mal, fragilisées, parce que les Français attendent de nous collectivement, où que nous soyons, l'efficacité, la proximité, la réactivité, la responsabilité. 

C'est pour cela que j'ai décidé, en février dernier, de lancer le Beauvau de la sécurité. Vous en connaissez l’origine : l'intolérable combat que certains ont décidé de mener contre les forces de l'ordre comme s'il s'agissait d'un camp, oubliant ce faisant les principes mêmes de la République. Nos forces de l'ordre servent la loi, la République elle-même ; la confiance fragilisée entre une partie de nos concitoyens et ceux qui les protègent, les polémiques et attaques multiples, comme ces derniers jours ont encore pu l'illustrer, le sentiment aussi d'une perte de sens qui existe pour vous, policiers, gendarmes, vous qui gardez la paix. Nous avons voulu, avec ce travail en profondeur qui s'est déployé sur plusieurs mois et dans tout le pays, tout remettre à plat, associer les hauts gradés comme les jeunes recrues, les femmes et les hommes de terrain comme les administratifs, les élus comme les experts, les syndicats comme les journalistes, les citoyens, pour d'abord poser un diagnostic et ensuite élaborer des solutions nouvelles. 

Je tiens ici à remercier le ministre de l'Intérieur qui non seulement a saisi cette occasion unique, mais qui n'a pas ménagé sa peine au-delà des urgences et son quotidien en effet, pour, avec vous toutes et tous, conduire ces travaux, proposer, œuvrer pour agir. Tout cela en valait la peine, car le résultat est à la dimension des attentes et les propositions à la hauteur de l'espoir. Je le dis pour ceux qui avaient lancé cet exercice, et je le dis parce que ces propositions sont le fruit de votre travail. Ce Beauvau a d'abord permis de poser un diagnostic, de revenir sur les dernières années d'action pour assurer la sécurité des Français, le travail mené sous la houlette de Gérard COLLOMB, puis Christophe CASTANER et Laurent NUÑEZ et aujourd'hui Gérald DARMANIN et Marlène SCHIAPPA. Tout n'a pas été parfait, mais beaucoup a été fait. 

Nous avons commencé dès 2017 par renforcer l'arsenal de lutte contre le terrorisme avec l'augmentation des moyens des services de renseignement, renseignement territorial comme DGSI, qui ont vu leurs effectifs augmenter de 1 900 agents et leur budget doubler par rapport à 2015. Le directeur général ici présent le sait, ô combien, la direction n'a pas ménagé sa peine et à ses côtés, toutes les directions du ministère qui sont engagées dans cette lutte contre le terrorisme. Nous avons procédé à un engagement massif de la nation. Il est assumé, car il était nécessaire. En même temps, nous avons créé la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme. Nous posions le principe du « chef de filat » de la DGSI et promulguions la loi Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme qui a permis de sortir de l'état d'urgence sans désarmer nos services et la protection de nos concitoyens. Nous sommes aujourd'hui mieux armés juridiquement, techniquement, humainement, mais il nous faut continuer inlassablement ce travail, car la menace est là, qui s'adapte, se transforme constamment et c'est bien cette société de vigilance qu'il nous faut continuer de bâtir. Je veux, en cet instant aussi, avoir une pensée pour les victimes et les familles des attentats que la France a eu à subir en novembre 2015 et dont nous vivons aujourd'hui les procès. 

Nous avons aussi, dès 2017, engagé un effort sans précédent pour lutter contre le crime et garantir la sécurité au quotidien. Le budget de la mission sécurité du ministère a ainsi progressé depuis le début du quinquennat de 1,7 milliard d'euros. La création de 10 000 postes a été actée et achève de se déployer avec les sorties d'école actuelles, de même que des investissements historiques dans l'équipement et l'immobilier. Défendre la sécurité et les forces de sécurité intérieure, ça ne doit plus être des mots, mais bien des actes. Les actes, ce sont des choix budgétaires, ce sont des décisions, ce sont des actions, c'est ce qui s'est passé. France Relance a aussi permis d'accélérer encore ce mouvement. Fin 2021, plus de 700 casernes et commissariats auront été modernisés et 30 000 véhicules achetés. D'ici le printemps prochain, les deux tiers du parc automobile auront été changés, 11 000 véhicules encore dans les prochains mois grâce aux choix budgétaires que je confirmerai aujourd'hui, avec des véhicules qui, je crois, correspondent tout simplement aux besoins sur le terrain et aussi à la dignité attendue pour chacune et chacun. 

Les ministres, - je dis bien les ministres, car c'est le travail conjoint du ministre de l'Intérieur et du garde des Sceaux, sous l'autorité du Premier ministre, ont aussi agi pour répondre à la situation de violence subie par nos forces de l'ordre. Là aussi, des décisions claires et historiques ont été prises. La fin des remises de peine, pour les auteurs de tels actes. L'incrimination spécifique pour les auteurs d’actes contre nos forces de l’ordre qui vient d'être adoptée et promulguée il y a quelques semaines. Et enfin, l'Observatoire pénal de suivi de ces violences, qui était demandé depuis tant et tant d'années et qui a été confirmé et se met en place. C'est une réponse claire à une situation inadmissible. 

Nous avons enfin pris à bras le corps les fléaux des temps présents, la lutte contre la drogue avec la création de l’OFAST, une organisation nationale structurée, une coopération de tous les services, des déclinaisons locales et un travail à l'international pour démanteler les réseaux les plus profondément établis. Le combat contre la cybercriminalité, qui ne touche pas seulement les infrastructures les plus critiques, les institutions, les grandes entreprises, mais aussi les très petites entreprises, les simples citoyens. Un plan a été annoncé dès le printemps 2018 qui continue de se déployer. Tous ces moyens, toutes ces actions permettent d'abord de rappeler que nous n'avons pas simplement attendu la réflexion du Beauvau pour agir, ou les débats qui se nouent légitimement au gré de l'actualité, mais ont aussi conduit à des résultats qu'il convient de rappeler, car ils sont le fruit de votre travail. 

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Sur le front de la lutte antiterroriste, 36 attentats ont été déjoués par nos services de renseignement depuis 2017. En matière de délinquance, si les violences contre les personnes restent trop élevées, chacun constate les résultats obtenus par la police et la gendarmerie dans le champ de la protection des biens ; baisse d'un quart des cambriolages depuis 2017, soit 46 300 habitations cambriolées en moins ; baisse de 20 % de vols de véhicules en moins, soit 28 000 victimes de moins. Sur le front de la lutte contre la drogue que j'évoquais il y a un instant, nous progressons aussi de manière significative. Rien que pour le premier semestre de cette année, 37 % de saisies de cannabis, 91 % de saisies de cocaïne et 60 % de saisies d'héroïne en plus par rapport à 2020. 7 837 trafics démantelés, ce qui correspond à une hausse de 34 % ; 52 millions d’euros d'avoir criminels saisis. Ces résultats, c'est le fruit de votre travail et ils sont incontestables, factuels. Et vous les avez menés dans un contexte inédit où l'ensemble de nos forces de l'ordre ont été largement mobilisées. D'abord, dans un contexte de maintien de l'ordre inédit qui a demandé énormément de mobilisation, et ce depuis 2016. Ensuite, dans un contexte aussi de lutte contre l’immigration clandestine et les réseaux, inédite. Au moment où je vous parle, il y a en plus des moyens spécifiques qui sont déployés, du travail que fait la PAF chaque jour, de la mobilisation exceptionnelle que nous avons sur certains territoires ultramarins, il y a aujourd’hui 4 000 policiers et gendarmes aux frontières hexagonales pour lutter contre l'immigration clandestine. Il n'y en a jamais eu autant. Malgré tout cela, il y a les résultats que je viens d’évoquer. 

Ces résultats, ce sont les vôtres. Ce sont des victimes en moins, des vies qui s'améliorent. Et je sais combien, être policier et gendarme est un métier difficile, fait de risques, mais que vous avez choisi pour cela, pour avoir ces résultats, pour bâtir la vie tranquille. Et vous pouvez être fiers de cette action menée que je rappelle à l’instant parce que la République est fière de vous et de cela. Simplement, tout ne va pas bien non plus. Et donc, aussi vrai qu'il ne faut pas céder à la tyrannie des faits divers qui consisterait à dire que nos forces de l'ordre ne font rien, et que nous soyons constamment débordés - c'est faux ; et les chiffres que je viens de rappeler le montrent, il ne faut pas non plus considérer que tout va bien et que nous pourrions en rester là.

Ce que les échanges de Beauvau ont confirmé, ce que vous dites, ce que vous relatez chaque jour, c'est que ces statistiques ne disent pas tout de la violence latente qui, ces dernières années, s'est emparée de notre société. Vous êtes les premières et les premiers à la vivre. Nos concitoyens qui vivent dans les zones les plus difficiles et les plus exposées le disent avec vous. Les associations engagées le disent aussi, nos élus qui sont au front avec vous sur ces sujets le relaient. Ces statistiques ne disent pas tout, non, de ces faits divers de plus en plus sordides, parfois barbares même, qui endeuillent trop souvent l'actualité, ne disent pas tout, des coups et blessures, de violences intrafamiliales qui sont en croissance forte, de la délinquance numérique qui explosent. Et je n'évoque pas les quartiers qui, comme à Montpellier, Marseille où je me suis rendu récemment, voient des groupes chercher à prendre le pouvoir, à imposer leurs règles sans que jamais nous n'y cédions, mais qui reprennent parfois le terrain dès le lendemain ou le surlendemain. 

Face à ce retour de la violence, à cette transformation de la violence que nous voyons dans nos sociétés depuis plusieurs années et qui ne touche pas que la France, nous n'avons le droit à aucune complaisance. Nous ne devons céder ni au déni, ni à la facilité. Ne pas céder au déni parce qu'il serait évidemment inadmissible de dire qu’en quelque sorte, cette situation que je décris, ce serait simplement un sentiment, parce qu'il y aurait à côté de ça la réalité des chiffres. Les gens qui le vivent, vivent ces réalités. Il ne faudrait pas non plus considérer que c'est par une mesure miracle, un gadget et toujours des moyens supplémentaires - nous avons, je crois, fait ce qu'il convenait de faire et qui correspondait à des évaluations établies, mais que telle ou telle mesure permettrait de tout régler et de faire reculer la violence. La transformation est si profonde, cette violence qui prend de plus en plus de place dans nos sociétés du fait du numérique, de la montée, de l'habitude, de l'anonymat, d'une libération de la parole, de la structuration de certains réseaux, de la conjugaison parfois de phénomènes multiples, appellent au contraire de savoir prendre des décisions profondes, peut-être radicales, de changer nos habitudes, parfois, l'ordre établi, de répondre en quelque sorte, pas simplement à vos attentes, mais à vos propositions. 

Et donc ce que je suis venu vous annoncez ce matin, c’est une stratégie complète inspirée de vos travaux, préparée par votre ministre en coopération avec plusieurs membres du Gouvernement, en particulier le garde des Sceaux, mais qui cherche à répondre en profondeur à cette évolution. Avec d'abord, et ce sera le premier pilier, une réponse radicale sur deux sujets : la procédure pénale et le temps long. 

Réponse profonde et radicale parce que ce sont des sujets dont on parle depuis longtemps. Et mon souhait est de vous en parler pour que cela change. Nous avons commencé là aussi des progrès, mais nous devons, nous nous devons des changements radicaux. La procédure pénale d’abord. J’étais, je l’évoquais, à Marseille il y a une quinzaine de jours. Que voit-on quand on va dans un commissariat, une brigade de gendarmerie ? Des piles de papiers. A plusieurs reprises, je me suis rendu dans des tribunaux. Que voit-on ? Des piles de papiers. Le combat est le même. Le formalisme, la lourdeur des procédures est l’ennemi commun de nos forces de sécurité et de nos magistrats. Il prend du temps, du temps d’action, du temps de présence, du temps d’intelligence à déployer ailleurs. Et on croirait peut-être que c'est un détail, c'est tout l'inverse. Derrière ces piles de papiers, il y a du temps excessif qui est passé, des procès qui prennent trop de temps, des victimes qui sont menacées, parfois des délinquants en liberté. Derrière ces piles de papier, il y a trop souvent, pour vous les premiers, mais pour nous tous, les symptômes d'une impuissance que nos concitoyens voient. Alors là aussi, nous avons commencé d'agir avec des choses très concrètes qui sont en train de se déployer, ont commencé à être déployées. Les fameux rappels à la loi qui prenaient tant de temps pour une utilité que j'aurais la pudeur de ne pas rappeler ici. Nous bougeons. 180 000 rappels la loi que nos policiers chaque année avaient à faire sont ainsi supprimés. Simplification pour plus d'efficacité, en faisant un choix simple qui a été construit : pour certains faits, il faut lancer une procédure qui est plus qu’un rappel à la loi. Pour d'autres, il faut acter que c'est le de mininum, mais au moins aller au bout de la logique et ne pas rester dans cette hypocrisie qui vous prend du temps sans avoir quelque efficacité. 

La deuxième chose qui a commencé il y a maintenant un peu plus d'un an, et c'est un travail qui a commencé il y a trois ans, ce sont les amendes pénales forfaitaires. Ces fameuses amendes qui ont permis d'évoluer là aussi, de mettre fin à des procédures qui étaient trop longues et donc inefficaces. Et en matière de lutte contre les stups que j'évoquais, depuis septembre 2020, l'amende forfaitaire a permis d'avancer, je reviendrai sur les chiffres tout à l'heure, de simplifier les choses, mais de mener une vraie politique de pilonnage sur les points de stups établis, avec là aussi des résultats, en Seine-Saint-Denis, à Marseille et ailleurs. Quand cet instrument a été utilisé, et votre département en est également l'illustration, il produit des résultats. Dès ce mois d'octobre, nous procéderons à la même transformation pour répondre à deux phénomènes très concrets que nos élus connaissent bien : d'abord, l'occupation illicite par les gens du voyage de certains terrains. Il suffit de lire la presse quotidienne régionale pour savoir que nos procédures sont trop longues, que quand on arrive avec la procédure, requérir le concours de la force publique c'est parfois déjà trop tard. Mais qu’on ne fait pas mal là où ça fait vraiment mal, c'est le porte-monnaie, pardon d'être trivial et direct. Et donc on va faire gagner du temps à beaucoup de monde, on va alléger la procédure, mais on va permettre aussi de répondre à des situations inacceptables sur le terrain en ayant la même approche par les amendes pénales forfaitaires pour l'occupation illicite par les gens du voyage des terrains. Et nous allons faire la même chose pour un autre sujet qui hante la vie de nos concitoyens, de beaucoup d'associations et de beaucoup d'élus, les occupations illicites de halls d'immeuble. Sur ces sujets, nous allons là aussi procéder à la mise en place de cette même amende. Ça ne veut pas dire que nous changeons les garanties apportées par notre droit, cette amende est pénale, mais nous simplifions la procédure et nous permettons d'avancer et de répondre aux besoins de sécurité, et au besoin qui est le vôtre aussi, c'est-à-dire d'avoir un résultat tangible aux décisions que vous prenez sur le terrain et à la situation que vous pouvez constater. 

Nous avons engagé également la mise en place de la procédure pénale numérique, qui est une véritable révolution en termes d'organisation et de simplification et que nous continuerons de parachever. Ce travail a donc bien commencé avec des premiers résultats. Mais il est insuffisant. Nous devons aller beaucoup plus loin. Policiers, gendarmes, magistrats, vous continuez à vous épuiser à respecter des procédures, il faut bien le dire, qui sont quand même souvent hors d'âge où on multiplie les PV, où il y a un formalisme des auditions qui ne tient compte d'aucun moyen technologique actuel, d'aucune des formes de garanties qu'on utilise par ailleurs pour tout le reste de la vie publique et des sécurités qu'on sait maintenant apporter pour tant et tant d'actes, avec des textes qui sont aussi parfois contradictoires, et pendant ce temps, des délinquants qui, eux, jouent de nos lourdeurs et avancent. Nous ne pouvons plus laisser prospérer une telle situation. Le droit doit protéger les citoyens. 

Évidemment, tous les citoyens doivent être protégés. Il ne s'agit pas de sacrifier ce que sont les fondements de nos procédures parce qu'elles permettent de garantir aussi le droit des victimes comme ceux des inculpés. Mais pour autant, nul ne saurait accepter de rendre l'État impuissant. Le droit doit être au service de nos principes, jamais de l'inefficacité. C'est pourquoi, à court terme, fort de vos travaux et de ce qui a été mis en place, je demande au garde des Sceaux d'élaborer sous un mois un bilan des mesures de simplification engagées depuis le début du quinquennat et de faire des propositions pour améliorer rapidement le travail des enquêteurs, magistrats, et de l'ensemble des forces ; d'ici 3 mois, de proposer un complément de mesures très concrètes de simplification de nos procédures pénales. Mais le chantier est plus vaste, nous le savons bien, et il ne peut pas se faire en 3 ou 4 mois. Il faut être lucide et là, je vous dois l'honnêteté, on vous l'a tant promis. Et il faut bien aussi constater que les évolutions de la société conduisent parfois à alourdir ce qu'on voudrait même alléger. Et il se peut même que les dernières lois aient parfois contribué à alourdir certaines de ces procédures. Je l'ai bien en tête et je le vois comme vous. Donc c'est une remise à plat plus large qu'il nous faut faire au-delà de ces premiers travaux. C'est pourquoi, dans le cadre des États généraux de la justice qui vont s'ouvrir dans quelques semaines et qui sont intimement liés à ce Beauvau de la sécurité, car la mission régalienne a quelque chose d'inséparable, même si nos principes peuvent respecter chacun leur logique. Dans le cadre de ces États généraux de la justice, je souhaite que le garde puisse réunir parlementaires, magistrats, professeurs de droit, avocats, forces de l'ordre, pour repenser les grands équilibres de la procédure pénale et proposer une nouvelle écriture du Code. Je ne vais pas ici préempter les débats, mais il y a quelques éléments simples sur lesquels je demande que nous puissions avancer dans ce cadre. Une simplification drastique des cadres d'enquête. Qui peut encore comprendre la multiplication de ces cadres, entre la flagrance, l'enquête préliminaire et la multiplication des formalismes et parfois des répétitions. La généralisation des PV de synthèse pour les petits délits et le débat nécessaire sur l'utilisation aussi des nouveaux moyens qui sont offerts aux enquêteurs dans le cadre des procédures pour permettre d'éviter les saisines parfois longues, de longs entretiens qui ont pu être filmés ou suivis. Ces sujets sont tous extrêmement lourds, je ne le sous-estime pas, mais ils méritent mieux que des débats d'estrades parce que la cause est commune, parce que c'est du temps de policiers et de gendarmes, c'est du temps de magistrat, c'est du temps de personnels administratifs qui pourraient être beaucoup mieux utilisés si nous savions prendre chacun de ces sujets comme on doit les prendre. C'est ce que je demande donc dans le cadre de ces États généraux de faire pour compléter les mesures de court terme sur lesquelles je viens d'ores et déjà de m'engager. En quelque sorte, poursuivre sur la voie du pragmatisme parce que c'est ce qu'on doit, mieux que de la démagogie, des propos d'estrades ou des mesures magiques. Parce que j'ai la faiblesse de penser que s'il y avait une mesure magique, depuis tant d'années, elle aurait déjà été décidée. 

Le second changement radical que je veux ici engager concerne le temps dans lequel s'inscrit votre action. On dit souvent du ministère de l'Intérieur qu'il est le ministère de l’urgence. Monsieur le ministre, messieurs les directeurs et préfets, vous ne me démentirez pas. Vous répondez toujours présents quand l'imprévu est là avec force, quand tout semble s'effondrer, vous êtes les vigiles de la République. Mais le ministère de l'Intérieur a aussi besoin de temps long, de durée, d’inscription justement dans le temps et d'anticipation. Et je vous le dis avec beaucoup d'humilité, parce que j'ai vu aussi le temps que prennent les décisions. Quand je me suis engagé, au printemps 2017, à déployer 10 000 forces de police supplémentaires, beaucoup de gens, il y a encore 18 ou 24 mois, me disaient : « Ils sont où vos 10 000 policiers et gendarmes ? » Il faut les former, il faut les recruter, il faut faire passer les concours, les former. Cela prend du temps donc. Et donc on ne peut pas piloter une politique de sécurité à l'embardée, au volant, à l'émotion. Vous valez mieux que ça ; notre Nation vaut mieux que ça. Et il faut donc que nous ancrions nos stratégies dans le temps long en matière de moyens, de formations et d'engagement. 

Voilà pourquoi j'ai décidé que nous porterons une loi de programmation pour la sécurité intérieure et même pour les sécurités intérieures, car il s'agit de tout le champ d'action de la place Beauvau. Le but est de penser la police et la gendarmerie de 2030. Une police qui doit faire face aux nouvelles formes de délinquance qui pullulent dans l'espace numérique : le deal par messageries cryptées et les escroqueries digitales, la cybercriminalité. Une police qui doit se saisir des technologies numériques pour aller plus vite, enquêter plus efficacement. Une police qui doit être formée, équipée en fonction des nouvelles menaces qui pèsent sur la société : le terrorisme, mais aussi la violence débridée et les manifestations sporadiques, l'internationalisation du crime. Le champ n'a jamais été si vaste. Nous devons y répondre en regardant le temps long et en prenant des choix qui dureront et l'assumons. C'est pourquoi je demande au ministre de l'Intérieur de préparer l'élaboration de cette loi de programmation qui sera assortie des moyens nécessaires, que je souhaite voir présentée en Conseil des ministres au début de l'année 2022. Cette loi devra être la loi de modernisation numérique du ministère de l’Intérieur. Là aussi, nous avons besoin d'une véritable révolution des pratiques du quotidien, du suivi de l'action. Le ministre a montré ses compétences en la matière, lui qui a réussi la réforme de l'impôt à la source. Je compte donc sur vous, Monsieur le ministre, pour réussir le même virage au ministère de l'Intérieur, c’est-à-dire restructurer en profondeur cette action numérique ; elle est nécessaire. Par cette réécriture de la procédure pénale, par cette loi de programmation qui sera assortie de moyens, la Nation est donc aux côtés de sa police et de sa gendarmerie. Pas en mots, pas en bricolage, en profondeur, avec des choix clairs, des engagements concrets de court terme, de moyen terme, de long terme. Parce que la Nation est à vos côtés, et je vous le dis avec à la fois solennité, respect et affection. Écoutez toujours les critiques. Chacune et chacun d'entre nous doit le faire pour nous améliorer constamment. N'écoutez jamais les cris de haine, ils sont indignes. Les Français vous aiment. La Nation vous aime. En retour de l'effort historique que nous avons consenti et que nous engageons ce jour, je veux aussi, c'est pour moi le deuxième pilier de cette stratégie d'ensemble : fixer deux ambitions claires qui ne sont pas celles du ministère, mais qui sont les ambitions des Français. Les exigences, au fond, qui ont pu être exprimées dans le cadre des consultations largement menées. 

La première exigence est ambition, je l'ai parfois d'ailleurs dit en ces termes, je vous le répète, plus de bleus sur le terrain. Ce qu'attendent nos compatriotes, c'est en effet une présence accrue de policiers et de gendarmes sur la voie publique parce que c'est rassurant pour eux et dissuasif pour les délinquants. Alors nous avons déjà beaucoup fait en la matière. Nous avons créé des postes de policiers et de gendarmes. Nous avons embauché des personnels administratifs. Nous avons mis en place des terminaux numériques qui diminuent le temps au bureau, l'allégement aussi de certaines tâches. La fameuse création d'amendes forfaitaires qui, sur la seule consommation de stupéfiants où elle est en place depuis maintenant un an, a permis 100 000 amendes dressées 100 000 depuis le 1er septembre 2020. Tout cela a permis de déployer plus de temps utile. Et la logique engagée dès le début de mon mandat : police de sécurité du quotidien, dégager des fonctions inutiles, embaucher. Nous en avons les résultats d'ores et déjà aujourd'hui. Mais nous devons aller plus loin en sachant là aussi bousculer quelques tabous, quelques habitudes prises. Et je veux nous fixer un horizon : augmenter significativement, c'est-à-dire doubler sous 10 ans la présence des policiers et gendarmes sur la voie publique. 

Cet objectif, nous pouvons le tenir. Il faudra peut-être créer des postes ici ou là en fonction de ce que les travaux qui présideront à la LOPPSI permettront d'identifier. Mais nous avons la possibilité de dégager des marges de manœuvre par des réformes en profondeur et des exigences. Il faut dégager pour cela les policiers des tâches administratives en développant les missions des personnels administratifs. Il faut aussi réexaminer le temps de travail pour renforcer la capacité des unités de terrain. Les cycles horaires sont devenus illisibles. Je demande en la matière qu'un travail de fond soit engagé en lien avec les représentants des personnels pour que l'équilibre de vie des agents et la présence sur le terrain se conjuguent. Mais les cycles horaires ne correspondent plus aux besoins du terrain, à ce que vivent nos concitoyens et même à ce pourquoi vous vous êtes engagés, soyons clairs. C'est le fruit de discussions où il n'y avait pas assez de moyens, pas assez d'ambition, et où il fallait passer des mauvais compromis. Fini le temps des mauvais compromis. Il y a une ambition, on a commencé à mettre les moyens, on va aller au bout de cette logique. Avec les moyens, il doit aussi y avoir de l'exigence. Je demande que le ministre puisse conduire ces discussions sur les nouveaux cycles horaires pour que, d'ici au 1er janvier prochain, elles soient finalisées. Nous allons aussi revoir le système de mouvements de nomination. Là aussi, ça ne correspond plus aux besoins du terrain. Je vous parle en toute franchise. Je crois que nous le savons tous au fond. On ne peut plus, en effet, faire venir 100 personnels en renfort pendant une année, et l'année suivante, les laisser partir. C'est ce qui se passe aujourd'hui avec les mouvements tels qu’ils sont organisés. Les nominations doivent s'inscrire d'abord dans la durée, les mutations doivent se faire en fonction des besoins du terrain, tels qu’ils sont évalués par la hiérarchie, par l'analyse, en lien avec les élus, de ces besoins. Là aussi, je demande que le ministre puisse mener les discussions et qu'elles soient finalisées au 1er janvier prochain. J'ai conscience de l'exigence qu’il y a derrière ces réformes, mais elles sont nécessaires. 

La deuxième ambition et exigence, c'est de mieux prendre en charge les victimes. Nous avons là encore fait beaucoup, notamment pour mieux prendre en charge les femmes victimes de violences : la création du 3919, aujourd'hui accessible 24 heures sur 24 - et j'en remercie les équipes -, la formation de près de 90 000 policiers et gendarmes, la mise en place de guichets dédiés, le déploiement de 2 300 téléphones grave danger pour les victimes, la création de 123 postes d'intervenants sociaux supplémentaires. Nous devons nous inspirer de cette méthode pour mieux accompagner l’ensemble des victimes. Mais aujourd'hui, nous devons encore faire mieux pour, en quelque sorte, nous mettre au plus près des victimes et leur permettre d'avoir accès aux services du quotidien que d'autres services publics savent leur rendre. La police et la gendarmerie françaises doivent prendre le virage du service rendu aux citoyens. Pour ce faire, je souhaite que la plainte en ligne soit mise en œuvre dès 2023, et pas seulement la pré-plainte comme c'est le cas aujourd'hui. Je souhaite que dans ce cadre, un suivi soit possible pour les victimes, avec des référents à qui s'adresser au sein des forces de l'ordre et des applications numériques dédiées. C'est important pour les victimes, mais c'est important aussi pour les forces sur le terrain, pour vous tous et toutes, de pouvoir suivre les affaires et leur progression. Je souhaite qu'au-delà des femmes victimes de violences, toutes celles et tous ceux qui veulent porter plainte soient mieux accueillis, ce qui suppose tout à la fois de mieux former et continuer à mieux aménager nos commissariats et nos brigades. Voilà les deux exigences indispensables que nous devons aussi ensemble travailler et pour lesquelles nous devons avoir des résultats dans les prochains mois. 

Alors, s'il faut penser loin et si nous souhaitons ensemble avancer avec ces deux ambitions, je n'oublie pas pour autant les urgences que vous avez exprimées durant ce Beauvau. Je n'oublie pas votre quotidien fait de manque de moyens, d'agressions répétées, de défiance parfois insupportable. J'ai rappelé il y a quelques instants ce qui a déjà été fait pour répondre à ces violences, pour répondre aussi aux besoins sur le terrain. Mais au-delà, nous devons aller plus loin, prendre à bras le corps cette situation et continuer de nous engager. En 2022, le ministère de l'Intérieur verra ainsi son budget augmenter de près de 1,5 milliard d'euros, dont 500 millions d'euros pour la mise en œuvre des premières mesures du Beauvau de la sécurité. C'est sans précédent. 95% de ces mesures qui ressortent du Beauvau sont pour du matériel, de l'investissement, les conditions de travail. Je le dis, ça n'est que, extrêmement, marginalement, du catégoriel, une fois encore, parce que bien souvent ce qui avait été le parent pauvre pour vous, c'était cela : les conditions de travail, les voitures, la situation des bâtiments, tout ce qui faisait le quotidien. La performance, la dignité, le sens du métier. Et ça permettra d'abord d'investir dans l'humain à court terme qui, en matière de sécurité, est la base de tout. Nous le savons, nous sommes ici dans une école, merci de nous accueillir, Madame la directrice, mais ça commence à l'école et c'est tout au long de la carrière. La sécurité, c'est d'abord le travail de femmes et d'hommes. On donne plus de moyens, il y a plus de technique, il y a des technologies qui s'installent de plus en plus et ça continuera. Mais ce sont des femmes et des hommes qui s’engagent et qui croient dans cela, qui croient dans cette fonction. C'est ce que vous faites. Et donc, je dirais que trop longtemps, nous n'avons pas investi dans l'humain. 

J'ai d'abord entendu votre souhait légitime de bénéficier d'un temps plus long de formation et d'avoir une réponse plus adaptée en termes de formation. D'abord, et je dois dire que j'ai découvert cela à la lecture des travaux du Beauvau - je confesse, on apprend toujours - quand on passe un concours on attend 2 ans en moyenne pour rentrer dans l'école. Bon courage ! Les jeunes les plus motivés sont évidemment du coup ceux qui hésitent, parfois quand ils ont plusieurs concours, ils rejoignent d'autres administrations ou d'autres services. Tout le monde est perdant à ce jeu. Il nous faut nous fixer un objectif : six mois maximum entre l'obtention du concours et l’entrée dans l'école. C'est le maximum. C'est ce qui peut être accepté par un jeune et sa famille. Plus, on perd le sens, et surtout on tue toute attractivité. C'est aussi pour cela que nous avons décidé de mettre des moyens : l'Académie de police, je l'ai annoncée à Montpellier, dans laquelle passeront l'ensemble de nos forces de police en France, mais également des centres régionaux et centres spécialisés pour nos policiers et nos gendarmes pour compléter l'offre d'ores et déjà existante et répondre à la formation initiale dans les temps nécessaires et à la formation continue. 

Je pense aussi qu'il est nécessaire d'entendre ce qui ressort de vos travaux. La formation n'est pas assez longue et qualifiante. J'ai donc décidé, dès l'année prochaine, d'augmenter de 4 mois le temps de formation initiale des gardiens de la paix et de hausser de 50% la durée de la formation continue pour les gendarmes et les policiers. C'est indispensable. Ces temps de formation seront considérés comme du temps de travail à part entière, sanctuarisés par votre hiérarchie et valorisés financièrement comme tels. À chaque fois que nous avons eu des difficultés sur le terrain, nous le savons bien, c'est qu'il manquait du monde et c'est qu'il y avait des manques de formation face à telle ou telle situation. Est-ce qu'on peut reprocher à nos forces de l'ordre de ne pas avoir été formées sur telle ou telle situation ou d'avoir déployé des jeunes ou moins jeunes sur des situations auxquelles ils n'avaient pas été dûment préparés ? Nous y répondrons par cet engagement et ces moyens mis sur la formation. 

Cela permettra ensuite d'accéder aux demandes légitimes formulées durant ce Beauvau par les différents corps de métiers de la police et de la gendarmerie nationale. Ceux d’entre vous qui appartiennent aux forces de sécurité publique ont souligné durant les tables-rondes l'utilité des caméras piétons qui permettent en opération d'éviter tout dérapage des interpellés et qui, lorsqu'une interpellation se passe mal, sont des outils de levée de doutes. J'en suis profondément convaincu. C'est un outil qui dissuade et c'est un outil qui protège tout le monde. Nous n'avons rien à perdre avec la transparence en permanence, et c'est un outil qui permet aussi de recontextualiser les choses. Combien de fois, avons-nous vu des vidéos volées, sorties de tout contexte qui étaient mises par tel ou tel en ligne et qui devenaient soudainement un matériau journalistique, le fruit de tous les commentaires, sans qu'il y ait la possibilité de remettre dans ce contexte, dans son contexte, ce qui s'était passé ? Les caméras sont bonnes pour l'action, pour prévenir des violences, mais aussi dans la suite judiciaire qui sera donnée. Alors il faut déployer et là aussi, il faut former, parce qu'il faut bien encadrer l'utilisation de ces caméras pour qu'elles puissent ensuite être utilisées dans les procédures et nous connaissons toutes les contraintes. C'est pourquoi je vous confirme d'abord la finalisation du déploiement d'une caméra piéton par patrouille. Vous le savez, j'y crois. 15 000 ont déjà été déployées, 15 000 restent à déployer, elles le seront d'ailleurs dans les prochaines semaines, d'ici à octobre, l'ensemble des engagements pris en la matière de ces 30 000 caméras seront toutes déployées. C'est une véritable révolution. Je rassure aussi pour les plus experts que nous avons changé les contrats jadis passés et que pour ceux qui n'en ont pas encore bénéficié, il ne s'agit plus des formidables caméras qui marchaient 4 heures par jour. J'ai pu voir dans d'autres pays qu'il y avait des caméras qui marchaient tout le temps du service. C'est bien celles-ci qui sont déployées. Le contrat passé a été cassé. Nous avons passé de nouveaux marchés, et c’est bien une caméra qui correspond à vos besoins, qui est ainsi déployée. Mais ce vers quoi nous devons aller, d'ici à la fin 2022, c'est de permettre à ce que chaque fonctionnaire sur le terrain soit doté d'une caméra individuelle. Cet objectif, nous pouvons l’atteindre, nous allons l'atteindre, c'est l'engagement que nous devons nous donner à nous-mêmes. Je vous confirme également que nous allons engager le déploiement des caméras embarquées pour les véhicules, ce qui supposait un changement législatif. Celui-ci est en train de se parachever et la mesure pourrait être effective dès 2023. Le déploiement de ces caméras, d'ores et déjà pour les patrouilles, ensuite pour chacune et chacun d'entre vous, puis pour les véhicules, c'est une stratégie de dissuasion. C'est une stratégie de transparence. C'est une stratégie d'efficacité et de protection pour vous toutes et tous. Celle-ci est complétée par l'engagement aussi de nos élus. Je veux ici les remercier. Les collectivités territoriales se mobilisent aussi et continueront de le faire, en particulier pour les réseaux de vidéoprotection. Je tiens à saluer les contributions de l’AMF, des associations d’élus au Beauvau de la sécurité. Nos élus sont en première ligne et avec le déploiement des vidéoprotections, qui a continué de se renforcer, avec aussi le travail qui a été fait pour renforcer la coopération entre nos polices municipales et la police nationale, la Gendarmerie nationale et le travail de notre justice est indispensable et c'est là aussi un continuum auquel nous tenons. 

Vous avez aussi souvent fait part du manque d'attractivité des métiers pour la police judiciaire. Si je continue à parcourir et à cheminer à travers les différents métiers de la police et de la gendarmerie. Ce manque d'attractivité, nous le ressentons avec cruauté sur le terrain. Plusieurs départements, où la criminalité ne manque pas, où la délinquance est forte, ont un problème, c’est souvent le manque d’OPJ et donc la difficulté pour que les procédures avancent comme il se devrait. Je souhaite, comme l’a proposé le ministre, qu'un plan pour l'investigation soit lancé dès la fin de cette année. La formation d’OPJ sera intégrée à la formation initiale de tout policier et tout gendarme, ce qui permettra de participer aux premiers actes d'enquête et de fiabiliser ainsi les procédures. C'est un changement profond qui suppose un changement de notre code de procédure pénale qui, je le rappelle, faisait - et je parle sous le contrôle de nos directeurs - attendre au moins 3 ans tout jeune fonctionnaire pour pouvoir prétendre devenir OPJ. Chacun sera formé, ça ne veut pas dire que tout le monde réussira l'examen. Ça après, ça dépend de chacune et chacun. Mais ce sera dans la base de formation de tous, tous sans condition. Ce qui permettra une bien plus grande efficacité, une acculturation de tous, mais surtout, évidemment, une démultiplication de nos OPJ sur le terrain. C'est indispensable. Là aussi, ce travail sera poursuivi dans le cadre des Etats généraux de la justice, par aussi, tout le rapprochement entre la formation de nos forces de sécurité intérieure et des magistrats qui, je crois, est un axe important dont le Garde des Sceaux se saisira en lien avec le ministre de l'Intérieur. Une partie du personnel administratif agira par ailleurs comme des greffiers de police et de gendarmerie, ce qui permettra de dégager du temps aux enquêteurs spécialisés. C'est pour nos personnels administratifs et techniques la possibilité d'une évolution importante qui vient s'ajouter au plan de revalorisation d'ores et déjà annoncé. Je pense que c'est important et cela a du sens. Je le dis pour l'ensemble de nos personnels administratifs et techniques qui font partie de la famille police et de la famille gendarmerie à part entière, eux qui d’ailleurs, à Magnanville, à la préfecture de police ou à Rambouillet, ont payé ces dernières années un si lourd tribut.

Dans le domaine de l'ordre public, que les phénomènes nouveaux de ces dernières années que j'évoquais tout à l'heure, rapidement - Black-blocs, gilets jaunes, manifestations sporadiques -ont profondément bousculé et n'ont pas ménagé, les défis que le Beauvau a mis en avant sont nombreux. Là aussi, nous y répondrons. Après avoir repensé le schéma national de maintien de l'ordre, après avoir renforcé de 600 effectifs nos unités de forces mobiles - travail qui a permis de reconstituer 4 unités - nous allons créer en région parisienne un centre de formation dédié aux policiers comme aux gendarmes. Ce nouveau centre permettra de constituer un vivier pour créer de nouvelles compagnies de CRS et escadrons de gendarmerie mobile pour répondre aux besoins. 

Sur le sujet des relations entre forces de l'ordre et presse qui, là aussi, a été en particulier l'hiver dernier, fortement commenté, qui a été aussi discuté durant les tables rondes, et qui est un point important de la confiance entre la Nation et ses forces de sécurité : je souhaite que les propositions du rapport DELARUE retenues par le Premier ministre soient mises en œuvre dans les plus brefs délais. Ce rapport a fait un travail exhaustif, impartial. La nouvelle version du schéma national du maintien de l'ordre, qui sera présentée avant novembre, permettra ainsi de décliner les conclusions de ce rapport. Elle permettra de consacrer la place et le rôle des journalistes, mais d'imposer aussi à toutes les parties prenantes présentes dans une manifestation, ou à l'issue d'une manifestation, des règles qui vont avec ces situations exceptionnelles comme il se doit. Pas d'hypocrisie, pour personne. 

Dans le secteur de la police technique et scientifique, nos experts, qui indispensables à la résolution des enquêtes, sont reconnus comme les tous meilleurs du monde, verront leurs équipements être mis à niveau pour améliorer leur visibilité sur les lieux d'enquête et leur protection. L'ensemble des agents de la PTS, comme on l'appelle, bénéficiera par ailleurs d'un nouveau statut. C'est là aussi le fruit du travail et des concertations menés ces derniers mois. Enfin, par-delà les spécialités, durant ce Beauvau, beaucoup de choses très concrètes remontant du terrain ont été dites sur lesquelles nous allons agir. D'abord, la présence aussi sur le terrain de la hiérarchie. Beaucoup ont dit et partagé le fait qu’il fallait encourager davantage les promotions internes, mais il fallait qu'il y ait beaucoup plus de hiérarchie sur le terrain ; ce qui va avec le « plus de bleu » aussi dans nos rues. L'organisation des forces sera donc revue pour rehausser le taux d'encadrement et permettre un commandement 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. C’est indispensable. Je sais d'ailleurs l'engagement de tout le commandement, de la hiérarchie qui prônent pour aller en ce sens. C'est un travail de réorganisation collectif du travail. C'est aussi un engagement pour plus de promotion interne. Sur le modèle de ce qui a été expérimenté Outre-mer et dans 3 départements, des directions départementales de la police nationale seront créées dans chaque département. Ceci permettra de lutter contre la logique des silos et d'organiser pour que, là aussi, entre toutes les composantes, le travail se fasse de manière beaucoup plus simple.

J'ai entendu aussi les préoccupations qui remontaient sur l'image, sur l'uniforme désuet, inapproprié. Ceci, je ne le sous-estime pas, parce que c’est une question de fierté, de respect, ça va avec les locaux, la situation des conditions de travail au quotidien, avec le véhicule. J'ai vu la fierté dans les regards quand on a déployé les premiers véhicules et que vos directeurs départementaux, le directeur général ou le ministre étaient là. Ils changent, ils vont plus vite, ils sont plus confortables, mais surtout ils sont reconnus en ville, respectés. Il en est de même pour l'uniforme. Toutes les écoles de design et bac professionnel métiers de la mode de France ont été invitées au printemps 2021, à l'initiative de votre ministre, à proposer une modernisation de la tenue des policiers. Deux propositions ont été retenues et ont débouché après échange avec vos représentants, à un prototype de polo modernisé, d'un calot qui remplacera la casquette. Ces nouvelles pièces fabriquées en France seront mises en production et distribuées au premier trimestre 2022. Le ministre aura l'occasion, avec l’IGPN, de vous le présenter en détails et de déployer cela, mais cela participe de ce renouveau de la police française et de la considération qui vous est due. 

J'ai entendu aussi, lorsqu’il était dit chez nos policiers, nos gendarmes, que pour beaucoup de choses, bien souvent, il manquait de bras dans des situations d'urgence où l'engagement pourrait être peut-être mieux sollicité. C'est pourquoi, pour vous épauler dans vos missions, une réserve opérationnelle de la police sera créée, dotée de 30 000 réservistes. Quant à la réserve de la Gendarmerie nationale, qui, elle, existe déjà, elle accueillera 20 000 personnes supplémentaires. Création d'une réserve, donc, pour notre police, doublement dans le cadre de la LOPPSI de la réserve pour la gendarmerie. 

Je vous ai aussi entendu souligner que vous préfériez un contrôle plus strict et plus transparent de votre activité plutôt qu'une défiance généralisée et qu'un soupçon permanent. Soyons clairs, et là-dessus je tiens à le redire : quand on aime les forces de l'ordre, on ne leur passe pas tout. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai. Il n’y aurait pas d'un côté ceux qui défendent les forces de l'ordre en disant « dès qu'il y a un problème, on est du côté des forces de l'ordre », et de l'autre côté, dès qu’il y a un problème, ceux qui disent « moi, je suis du côté des citoyens, ce sont forcément les policiers et les gendarmes qui ont tort, il faut les massacrer médiatiquement ». C'est le débat auquel on assiste depuis tant d'années. Non. Dans la République, il y a des forces de l'ordre qui sont là pour servir la loi républicaine et elles méritent le soutien et la confiance, plus que ça, l'engagement de la Nation, ce que je vous dis depuis tout à l'heure. Avec la confiance, il y a l'exigence et je sais que c'est ce que vous portez. Quand il y a des fautes, elles doivent être sanctionnées. Quand il y a des problèmes, ils ont une réponse. Comme nous n'avons pas de sujet avec la transparence et le sens des responsabilités, on doit aller au bout. Mais sortons de cette espèce de fracas dans lesquels le débat médiatique nous enferme et qui en vient à affaiblir tout le monde et surtout la confiance légitime. Alors, je le dis d'abord pour celles et ceux qui l'ignorent : quand je regarde l’ensemble des agents publics, il n'y en a pas autant que vous qui font l'objet de sanctions, c'est que ça fonctionne. Quand je regarde la concentration des sanctions qu'il y a, dans la sphère des agents publics, on parle plutôt de votre ministère. Que la responsabilité s'exerce, avec la même efficacité partout, c'est ce à quoi je veillerai et je continuerai de veiller. Mais surtout, nous n'avons rien à craindre d'une transparence accrue et d'une plus grande vigilance dans le suivi de ce qui émerge. C'est pourquoi j'avais demandé, certains l'avaient mal pris, feignant de ne pas le comprendre. Vous nous dites qu'il y a des problèmes, mettons en place une plateforme qui permette de voir s'il y a des problèmes et où il se passe. Et s'il y en a, nous procéderons à des sanctions. C'est pourquoi la Défenseure des droits, que je remercie pour son engagement et son travail, a mis en place une plateforme de signalement des discriminations. Le 12 février dernier, elle a été créée, permettant de signaler toutes les discriminations et de répondre à des polémiques qui montaient sur le terrain. Cela a permis de faire remonter d’ailleurs toutes les discriminations. Ce dont on s’aperçoit, c’est qu’il y en a beaucoup trop : 7 564 appels recensés entre le 12 février et le 31 août. Il y en a beaucoup, beaucoup, beaucoup trop. Mais il y en a beaucoup en matière d’emploi, en matière de logement. Mais il y a 4% des appels qui concernent les forces de l’ordre et leur déontologie. 4%. Alors sur chacun de ces appels, j’ai demandé au ministre de veiller à ce qu’il y ait un travail qui soit fait pour comprendre ce qu’il y a derrière, mener les enquêtes internes et, si besoin était, les procédures. Mais ce chiffre permet d’objectiver une chose : il n’y a pas non plus des dizaines de milliers de problèmes sur ce sujet, ou alors il faut qu’on continue à appeler la plateforme. Mais au moins, nous avons un chiffre objectif qui est explicité par une autorité administrative indépendante. Cela démontre que les forces de l'ordre, dans leur immense majorité, font preuve de déontologie et de discernement. 

Comme je le disais, nous devons tendre à l'irréprochabilité et il y a parfois des problèmes. C'est vrai. Voilà pourquoi, pour répondre à cela, à l'exigence de nos concitoyens, je souhaite que nous avancions sur plusieurs sujets qui correspondent d'ailleurs à la maturité sur ces questions de déontologie et de contrôle interne, et qui est le pendant d'un plus grand investissement dans la formation que j'évoquais. C'est pourquoi les rapports de l’IGPN et de l’IGGN seront désormais rendus publics — transparence, toujours — et que les directeurs généraux chargés de prendre systématiquement une décision suite aux propositions de sanctions seront mobilisés. Sanctions qui peuvent aussi donner lieu à des réorganisations de service, et de le faire dans le mois qui suit leur publication. Sur ce sujet, je veux être clair : une inspection générale n'est pas une autorité administrative indépendante. J'y ai beaucoup réfléchi. Je pense que les inspections doivent avoir un statut à part au sein des directions, c'est légitime et cela va avec les personnes qui les dirigent. Mais elles doivent être un instrument pour les directeurs et directrices et pour les ministres pour œuvrer. Sinon, il n'y a plus de commandement. Je crois au commandement et à la responsabilité. Il doit y avoir du commandement donc il y a quelqu'un qui décide et qui nomme. Simplement, transparence des rapports et transparence sur le suivi de ces rapports qui devront donner lieu à des décisions claires, personnelles ou organisationnelles. Voilà pourquoi aussi je proposerai aux présidents des chambres parlementaires que, sur le modèle de la délégation parlementaire au renseignement, soit créée une instance de contrôle parlementaire des forces de l'ordre qui pourra procéder à l'évaluation de leurs actions. 

Soutien, investissements, exigence et transparence : je crois que c'est ce vers quoi nous devons continuer d'avancer sans crainte, mais pour réconforter, bâtir plus avant ce socle de confiance avec la Nation qui est indispensable. Mesdames et Messieurs, cette transformation d'ampleur que nous menons est bien sûr une transformation qui vise avant tout à améliorer la vie de nos compatriotes. C'est un mouvement profond qui doit permettre de reconquérir partout ces espaces de vie tranquille, ce droit à la vie tranquille. C'est ce que chaque Française et chaque Français souhaite. Je ne mésestime aucune difficulté, aucun problème, aucun coup du quotidien. Vous les connaissez comme moi, nous y faisons face. Mais nous devons continuer d'avancer vers cet horizon, à leur service. Mais c'est aussi une transformation et une ambition, je dirais, au service de votre engagement. Quand on décide d'être policier ou gendarme, on n’embrasse pas simplement une fonction ou un métier, on embrasse un engagement de vie. Je le dis encore une fois dans une école et en regardant nos plus jeunes. On le fait en sachant les risques qu’on prend sur le terrain. On le fait en engageant une famille qui va vivre avec ce risque toute la vie. On le fait avec des contraintes et des servitudes de chaque jour. Mais parce qu'on y croit. Pour moi, cette ambition, ce travail qui sort du Beauvau de la sécurité, c'est pour que nous soyons aussi collectivement à la hauteur des rêves et de l'engagement qui ont été et doivent rester les vôtres. Parce qu'une Nation a besoin de femmes et d'hommes qui croient dans cet engagement pour la vie calme et tranquille. Ne cédez rien à ce besoin de sens que vous avez de considération parce que c'est ce qui tient la République et ce qui est plus grand que nous. Chacune et chacun, vous servez quelque chose de plus grand que nous, qui est justement la force de la loi, sa force sans brutalité, au service de nos principes, de notre histoire, de ce que nous sommes, cet engagement et ce sens auquel vous tenez tant. C'est ce pourquoi nous nous battons parce que votre dévouement à la patrie nous oblige. C'est pourquoi, vous l'avez compris, aujourd'hui, en sortant de ce Beauvau de la sécurité, je voulais avec vous embrasser une ambition nouvelle, des chantiers nouveaux, mais aussi des exigences légitimes et le faire avec vous au service de nos concitoyens. 

« Pro Patria Vigilant ». « Pour la patrie, ils veillent ». C'est la force des policiers. Pour la patrie, l'honneur et le droit. C'est l'engagement des gendarmes. Au nom du peuple français. C'est la légitimité des magistrats. Parce que tous ensemble, nous sommes au service du peuple français. Parce que chacune et chacun d'entre vous porte une part de cette responsabilité. Je crois comme vous, dans un État qui protège et qui libère. Je crois comme vous, à une autorité qui n'a pas de qualificatif, parce qu'au fond, elle doit toujours être républicaine. 

Vive la Police nationale !
Vive la Gendarmerie nationale ! 
Vive la République et vive la France !
 

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