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10 juin 2021 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse du Président de la République en amont des Sommets du G7 et de l’OTAN - Propos liminaires

Heureux vous retrouver aujourd'hui à l'Elysée pour cette conférence de presse avant plusieurs rendez-vous internationaux importants. Je vais peut-être prendre quelques instants pour essayer de partager avec vous quelques convictions et quelques messages, puis je répondrai à toutes les questions que vous vous posez. 
Nous sortons progressivement et je dis ça avec beaucoup d'humilité et de prudence d'une période de pandémie extrêmement sévère dans notre pays, sur le continent et partout dans le monde qui a testé notre capacité collective à réagir et coopérer et nous allons avec en particulier la nouvelle administration américaine avoir l'occasion de premier sommet, en particulier le sommet du G7 présidé par le Royaume-Uni, puis un sommet de l'OTAN. Ceci intervient quelques semaines après le Sommet sur le financement des économies africaines que nous avons tenu à Paris. Ces échéances sont pour moi à la fois l'occasion de faire redémarrer la coopération internationale sur les grands sujets et de faire fonctionner plusieurs engagements et causes sur lesquelles la France a investi beaucoup depuis 4 ans et des moments aussi de clarification sur des sujets importants. Je voudrais concentrer mon propos autour de 4 priorités qui ont sans doute structuré pour beaucoup notre politique internationale durant ces dernières années. 

D'abord, le multilatéralisme efficace à travers les causes et engagements, qu'il s'agisse du climat, de la santé, de l'égalité, du numérique ou de la fiscalité. Le deuxième axe, c'est celui de la souveraineté européenne. Le troisième, c'est celui d'une nouvelle relation avec le continent africain. Et le quatrième, c'est celui de la gestion de crises régionales qui s'est, depuis ces dernières années, concentrée autour de la lutte contre le terrorisme, la défense de nos valeurs et le respect de la souveraineté de l'ensemble des Etats. Je crois pouvoir dire que la période actuelle va permettre d’obtenir des résultats sur chacun de ces axes et aussi invite à des clarifications utiles. 

Premier point sur lequel je voulais revenir, c'est celui du multilatéralisme efficace. Nous l'avons souvent défendu. Durant les 4 dernières années, les pays européens ont défendu, soutenu en quelque sorte garanti ce multilatéralisme efficace, alors que les Etats-Unis d'Amérique avaient décidé de quitter les accords de Paris et renoncé à la coopération dans beaucoup de domaines. 

Nous avons porté ensemble et la France y a joué son rôle avec plusieurs initiatives et opérations, la défense de ce multilatéralisme. Et il me semble que nous en avons posé des jalons importants lors du G7 de Biarritz. Sur les sujets de santé, de climat, d'égalité sur chacun des points. Biarritz avait posé des ambitions, des volontés et la synthèse pourra vous en être refournie, qui sont en train de trouver des aboutissements concrets durant ces dernières semaines et des derniers mois et pour certaines, vont se parachever à l'occasion de ce G7. Et donc, pour moi, c'est vraiment le moment, je dirais, du retour de la coopération pour permettre à ce multilatéralisme efficace de pleinement fonctionner. Je vais essayer de revenir sur chacune de ces thématiques. 

La première est celle de la santé. Évidemment, la pandémie a testé notre crédibilité en la matière. Alors, nous n'avons pas attendu celle-ci pour défendre ce multilatéralisme. Je rappelle entre autres que nous avions, là aussi, posé la volonté de renforcer le cadre multilatéral en matière de santé à Biarritz que nous avions à ce moment-là souligné l'importance de financer l'OMS et les cadres multilatéraux et que quelques semaines plus tard, nous avons tenu à Lyon la conférence de financement du Forum mondial qui permet justement la vaccination et la lutte contre les grandes pandémies, en particulier sur le continent africain. Nous avions tenu nos engagements là où, à ce moment-là, beaucoup d'autres avaient réduit et donc qu'il s'agisse de Lyon à l'automne 2019, de notre G7, nous avons ensuite poursuivi ce multilatéralisme en matière de santé dès le début de la crise sanitaire et à mes yeux, l'initiative la plus importante des derniers mois a été l'initiative dite ACT-A. Nous l'avons bâtie avec les Africains. Nous l'avons défendue et portée dans le cadre du G20 et nous avons construit une initiative dont l'objectif était de permettre de donner la capacité aux pays les plus pauvres, en particulier à l'Afrique, de résister à l'épidémie avec des tests, des diagnostics, des traitements et des vaccins avec l'engagement de renforcer les systèmes primaires et avec l'engagement, justement, de les financer. Je reviendrai sur chacun de ces points. ACT-A a poursuivi son chemin et a permis de structurer l’initiative Covax, ce don de vaccins, et cela en quelque sorte, arrive à un moment de vérité lors de ce G7. C'est pourquoi, sur les questions de santé, ce G7 est un moment de réengagement collectif et de clarification. 

D'abord, il nous faut définir une cible. On échange sur les sujets de vaccins, beaucoup d'objectifs et je me méfie des objectifs quand il s'agit d'additionner des milliards sans calendrier précis et résultats à atteindre. Et je dois dire que les échanges que j'ai pu avoir avec les Etats, en particulier africains, puisque je pense que ce sont les Etats récipiendaires qui sont les mieux à même de qualifier les objectifs que nous devons nous donner, m'ont convaincu qu'il nous faut viser avant tout une cible de pourcentage de la population à vacciner. Et c’est l'Agence de crises africaines CDC Africa a ainsi défini 60 % d'Africains à vacciner d'ici la fin du premier trimestre 2022, avec un objectif de 40 % pour fin de l'année 2021. C'est un objectif rehaussé par rapport à celui que nous nous étions engagés à voir dans le cadre de Covax, qui est le véhicule par lequel la communauté internationale, justement, s'était engagée à fournir ces vaccins, qui n'était que de 20 %. Je pense que c'est le bon objectif et c'est celui que nous devons endosser dans le cadre de ce G7. La France est prête à y prendre toute sa part. Nous avons, comme vous le savez d'ores et déjà, commencé à donner des doses. Nous nous sommes engagés pour cette année et donc d'ici fin 2021, à donner 30 millions de doses. Comme les Allemands se sont engagés à donner 30 millions de doses à date, ce qui permet à l'Union européenne d'avoir au moins l'objectif de 100 millions. Je pense qu'il nous faut, en fonction justement des accords, revoir ces objectifs nationaux et régionaux pour pouvoir les caler sur ces objectifs de vaccination. Et ce que je veux que la France endosse à due proportion de sa quote-part, c'est cet objectif de 40 % de vacciner en fin d’année et 60 % à la fin du premier trimestre prochain. Mais d'ores et déjà, nous avons effectué à date plus de 800 000 transferts de doses via Covax et 1,7 million seront faits à la fin du mois alloué à 14 pays africains. Ce dont je parle là, ce ne sont pas des engagements. Ce sont des livraisons déjà effectuées et je pense que c'est important de les rappeler, 800 000 doses déjà effectuées via Covax par la France et 1,7 million à la fin du mois. Je me réjouis que les Etats-Unis rejoignent pleinement l'initiative et s'engagent dans cette direction. A court terme, ça c'est l'objectif, 40 % en fin d'année, 60 % fin du premier trimestre 2022 de vaccination. 

Comment y parvenir ? À très court terme, pour moi, la priorité doit continuer à être le don de doses. C'est la voie que nous avons décidé de suivre. C'est celle que je veux que nous puissions accroître dans le cadre des discussions des prochains jours. Et c'est celle qui me paraît la plus efficace et la plus juste. Pour la permettre et la renforcer, il nous faut aussi lever toutes les restrictions à l'exportation. Et le G7 doit permettre de lever tous ces obstacles. Nous le savons, il y a eu des interdictions d'export de plusieurs pays membres du G7 qui ont bloqué la production dans d'autres pays et parfois bloqué la production dans des pays à revenu intermédiaire, essentiel pour la production de vaccins à destination des pays les plus pauvres. Je ne prends qu'un seul exemple, l'Inde. L'Inde et en particulier le Serum Institute of India, a été bloqué dans sa production par les restrictions à l'export d'ingrédients nécessaires à la production de ces vaccins qui venaient de certaines économies du G7. Il faut absolument les lever à la fois pour que l'Inde puisse produire davantage pour elles-mêmes et pour très rapidement fournir tout particulièrement aux Africains qui sont très dépendants de sa production. 

Ensuite, nos mécanismes ne sont pas aujourd'hui uniquement faits de dons de doses. D'autres veulent racheter des doses. Certains veulent aussi produire pour donner. Ce sera le cœur de la stratégie américaine. Toutes les stratégies sont évidemment bonnes à partir du moment où elles permettent d'atteindre notre objectif de vaccination et de couverture des populations, conformément à l'objectif de l'Organisation mondiale de la santé. Mais nous allons défendre un point qui me paraît essentiel sur cette affaire, c'est la transparence. Aujourd'hui, il n'y a pas de prix de référence pour le mécanisme Covax comme pour les doses qui sont rachetées par celui ci comme vis-à-vis des pays récipiendaires. La transparence des prix est un élément essentiel en termes de justice et d'efficacité. Aujourd'hui, nous ne savons pas à combien Covax achète les doses aux laboratoires pharmaceutiques. Ce faisant, les États africains, qui, à juste titre, ont décidé aussi de compléter ces initiatives par des achats propres, achètent bien souvent deux à trois fois le prix que nous payons, nous, Etats les plus riches. C'est une injustice complète qu'il faut ici corriger. Nous devons obtenir non pas la transparence des prix pour les contrats qui lient les laboratoires avec les États les plus riches ou la communauté internationale, cela relève du droit des affaires et nous voulons le respecter. Mais pour les mécanismes de solidarité, il faut une transparence des prix qui permettra d’avoir des prix de référence pour les États les plus pauvres pour leurs achats. 

Vient ensuite la question de la propriété intellectuelle. Et elle va jalonner en effet le parcours de notre efficacité. Pourquoi ? Parce que je pense qu’il nous faut dès maintenant nous organiser, j’en parlais hier avec les ONG les plus investies sur ce sujet, pour permettre aussi aux pays les plus pauvres et à revenus intermédiaires de produire pour eux-mêmes. A très court terme, il nous faut donner et produire pour donner, mais il faut au plus vite permettre aux économies qui le peuvent de produire pour elles-mêmes, et en particulier pour l’Afrique. Je crois que c’est un sujet de considération mais c’est aussi un sujet d’efficacité collective. Aujourd’hui, l’Afrique représente environ 20% en termes de vaccins. Elle n’a la capacité de production que pour 1% des vaccins. 

C’est cet objectif que j’avais mis au cœur du déplacement fait il y a quelques semaines, en particulier en Afrique du Sud après le déplacement au Rwanda. Et nous avons d’ailleurs mené une initiative qui va exactement en ce sens, conjointement avec l'Allemagne, les Etats-Unis d'Amérique et la Banque mondiale à travers la SFI. Ce qu'il nous faut donc faire, c'est accélérer les transferts de technologie et la mise en capacité de tous les pays qui le peuvent dans les régions les plus pauvres ou à revenus intermédiaires pour produire. Ça ne pourra pas couvrir les besoins dans les six mois qui viennent. Mais dans les 12-18 mois qui viennent, nous pouvons commencer sur la base de capacités existantes à produire. Et surtout, c'est ce qui nous permettra de construire notre résilience pour les pandémies à venir. Nul ne sait dire les besoins que nous aurons dans le temps pour faire face au Covid-19 parce que personne ne sait dire les besoins en termes de rappel que nous aurons. Mais à coup sûr, nous aurons d'autres pandémies et nous avons, on le sait bien, d'autres vaccins à produire. Sur ce sujet, nous devons nous engager à l'Organisation mondiale de la santé, à l'Organisation mondiale du commerce pour garantir que la propriété intellectuelle ne sera jamais un obstacle à l'accès aux vaccins. Et pour moi, c'est le principe qui doit régir nos travaux. La propriété intellectuelle ne doit jamais bloquer ces transferts de technologie et la capacité à produire. C'est pourquoi nous avons décidé de mettre sur la table avec l'Afrique du Sud pour ce G7 une proposition aussi permettant de travailler à une dérogation limitée dans le temps et dans l'espace de cette propriété intellectuelle. Nous défendons la juste rémunération de l'innovation et le respect de la propriété intellectuelle. Il n'y a pas de grande innovation s'il n'y a pas une juste rétribution de la propriété intellectuelle. Mais la nature des profits qui sont faits aujourd'hui et leur magnitude justifient que, pour les pays qui le peuvent, dans des cas délimités et durant le pic de l'épidémie, nous réfléchissions, nous avancions et travaillions à ces dérogations en termes de propriété intellectuelle qui permettront d'accélérer le transfert de propriété et la production. C'est une proposition initiale de l'Inde et de l'Afrique du Sud que nous avons retravaillée, que nous souhaitons encore travailler avec l’OMS, l'OMC, nos partenaires. Mais j'espère qu'elle permettra justement un accord lors de ce G7. Dans ce cadre-là, et pour compléter notre réponse sur ce sujet, nous défendons également à court terme l'idée que le don de doses fait par les États doit être complété par un don de doses des laboratoires pharmaceutiques. 

En effet, je veux ici rappeler que, par le passé, nous avons défini collectivement de tels engagements pour le secteur privé. Nous avons su, en particulier lors de l'épidémie de H1N1, définir des objectifs de dons de doses par les laboratoires avec un engagement à donner 10% des doses vendues par ailleurs. C'était ce que l'on a appelé le Pandemic Influenza Preparedness Framework qui avait été adopté à la 64e Assemblée mondiale de la santé. Cet objectif nous semble particulièrement pertinent. Nous vivons évidemment une crise internationale. Les Etats, avec l'argent de nos concitoyens, de nos contribuables partout dans le monde, ont massivement financé la recherche, l'accélération de la recherche, l'achat de doses pour nous-mêmes, l'achat de doses pour permettre de donner. Il est légitime que l'industrie pharmaceutique contribue de manière proportionnée, sur la base de ce cadre déjà existant, à cette solidarité. Voilà sur le sujet de la santé les principales attentes et les objectifs que la France défendra qui permettent de compléter ACT-A et d’aller plus loin, donner, produire pour donner et permettre aux pays les plus pauvres et à revenus intermédiaires qui le peuvent de produire pour eux-mêmes. 

Le deuxième grand sujet c’est évidemment le climat. Sur ce point, les derniers mois ont été marqués par le retour des Etats-Unis d’Amérique et je crois que c’est la décision évidemment la plus structurante pour notre agenda international. Durant 4 ans, l’Europe, en partenariat avec la Chine a préservé le cadre de l’accord de Paris. Le retour des Etats-Unis d’Amérique marque une avancée évidemment très structurante qui nous permet de conforter ce cadre même s’il nous reste énormément de travail et l’objectif est maintenant un objectif de mise en œuvre et d’accélération de cette mise en œuvre. L’Union européenne a pris en la matière ces derniers mois, là aussi, des objectifs extrêmement forts en rehaussant ses engagements pour 2030,- 55% d'émissions, et en endossant la neutralité carbone pour 2050. Au mois d'avril dernier, les Etats-Unis d'Amérique ont donné leurs propres engagements et donc c'est sur ce cadre que nous allons nous réunir lors de ce G7 pour préparer le rendez-vous important de la COP 26 de Glasgow. Avec quelques points auxquels nous tenons tout particulièrement, au-delà évidemment de ces objectifs et maintenant de la mise en œuvre à la fois des régulations, de tarification du carbone et des investissements que chaque espace géographique va devoir faire, il nous faudra évidemment avancer sur la finance climat. Je pense que le G7 est un cadre adapté, et en particulier à la méthodologie et aux standards en matière de finance climatique et nous, nous défendons l'idée d'avoir une standardisation ad hoc en utilisant en particulier l'OCDE. Mais je pense que les Européens ont un rôle important à jouer en la matière. Et là où nous avons délégué historiquement les normes comptables aux Anglo-Saxons, je pense que notre rôle historique est d'endosser la création de normes morales pour notre capitalisme, qu'il s'agisse de normes environnementales ou sociales. C'est un agenda que je défends depuis le début de mon mandat, que j'avais présenté à Davos, il y a maintenant un peu plus de 3 ans et qui se met progressivement en œuvre avec en particulier ce sujet de normalisation. C'est ce que nous avons en particulier défendu à travers TCFD et nous allons faire la même chose aussi sur la biodiversité. L'autre point, évidemment, c'est justement cet agenda de biodiversité. Nous avons la COP 15 de Kunming en fin d'année. Nous aurons l'UICN à Marseille en septembre et nous souhaitons, ancrée dans le cadre du G7, la lutte justement pour préserver la biodiversité qui est complètement jumelle de notre combat contre le dérèglement climatique. C'est le suivi à cet égard de l'OPS biodiversité qui s'est tenue ici même en début d'année. 

Troisième grand sujet sur lequel le multilatéralisme efficace avance et sera consacré lors de ce G7, c'est la régulation du numérique. Ce sujet, et nous aurons l'occasion à coup sûr d'en reparler, est essentiel pour nos démocraties. Nous avons vu ces dernières années le dérèglement des esprits à l'œuvre sur le numérique. Je vous le rappelle, au printemps 2017, nous avons — tout début de l'été 2017 — lancé une initiative pour lutter contre les contenus terroristes en ligne avec, à l'époque, la première ministre Theresa MAY. Nous avons dans un premier temps, aussi fou que cela puisse paraître aujourd'hui, largement échoué. Et au nom de la défense de la liberté d'expression, nous avions été renvoyés en quelque sorte dans nos propres terrains de jeu. Les choses ont avancé malheureusement. Et après le terrible attentat de Christchurch, en Nouvelle Zélande, au printemps 2019, nous avons tenu ici même à l'Elysée, en mai 2019, une réunion appelée l'appel de Christchurch qui a permis de réunir plusieurs gouvernements et grandes industries de la technologie et des réseaux sociaux pour mettre en place un premier cadre innovant, dans lequel nous nous sommes engagés au retrait en une heure de contenus terroristes ou prônant le terrorisme, mais aussi dans une méthode de coopération entre les Etats et les acteurs du numérique. Cette méthode a eu des résultats. Nous avons eu des résultats concrets parce que toutes les plateformes qui l'ont signées s'y sont conformées. J'en veux pour preuve ce que d'ailleurs la France a eu à vivre à l'automne dernier, lorsque nous avons eu à subir des attentats. Ce sont les plateformes qui nous les ont signalés et qui ont retiré ces contenus en premier, dans l’heure. Surtout, l'Europe est venue compléter cette avancée puisque nous avons passé des textes juridiquement contraignants qui maintenant mettent dans notre droit l'obligation de retirer en une heure ces contenus terroristes. Il nous faut maintenant aller plus loin à deux égards. 

Le premier, c'est d'élargir les pays membres de cet appel. Et à ce titre, en mai dernier, nous avons eu une avancée substantielle puisque les Etats-Unis d'Amérique ont acté leur décision de rejoindre l'appel de Christchurch. Ce qui, évidemment, compte tenu du nombre d'entreprises présentes sur le sol américain et incorporées aux Etats-Unis d'Amérique, est un élément transformant et je m'en réjouis. 

La deuxième chose, c'est d'avancer pour créer le cadre qui permettra, aussi efficacement que nous l'avons fait pour le terrorisme, de lutter contre tous les discours de haine en ligne : discours racistes, discours antisémites et tous les discours aussi de harcèlement. Vous savez que nous avons poursuivi en franco-français cet agenda, et nous allons le poursuivre jusqu’au bout. Nous souhaitons le poursuivre au niveau européen à travers les directives qui ont été proposées en fin d’année dernière par la Commission, qui sont le fruit de cet agenda de Christchurch. Nous souhaitons aussi que dans le cadre international, il y ait un engagement du G7 à aller dans cette direction. C’est ce que nous portons pour véritablement avoir un multilatéralisme efficace en termes de régulation de l’Internet et de ses contenus. C’est la seule condition pour avoir un cadre efficace que nous porterons ensuite en G20 qui permet de lutter contre un ensauvagement des esprits, et de la communication, et donc un ensauvagement de notre nouvel ordre public mondial. Les algorithmes sont en particulier un élément essentiel que nous devons viser dans ces régulations. C’est à la fois un cadre coopératif avec ces réseaux et ces grands groupes, ces grandes plateformes, mais nous avançons aussi toujours en même temps sur un cadre plus contraignant puisque nous passons des législations nationales et européennes pour le compléter. Cette initiative est la clé pour éviter - nous pourrons y revenir si vous le souhaitez dans les questions - une fragmentation de l’Internet mondial. Parce que ce qu’il se joue c’est notre capacité à réguler l’internet mondial. Le risque sinon étant que des régulations de fait s’imposent à nous qui soient structurées autour des préférences chinoises d’une part, et des préférences américaines de l’autre. Ce pour quoi nous nous battons là, c’est défendre nos valeurs, celles qui sont précisément au cœur du multilatéralisme et de l’universalisme, bâti dans la deuxième moitié du 20ème siècle. 

Quatrième sujet essentiel de ce multilatéralisme efficace qui est presque la poursuite de ce que je viens de dire, c'est la fiscalité internationale. Vous le savez, depuis quatre ans, la France se bat pour que nous corrigions une injustice profonde de notre organisation internationale. Le fait que des grands groupes qui font des surprofits, parce qu'ils arrivent à optimiser grâce à la numérisation de leur activité en particulier, ne payent pas leur juste part d'impôts. C'est inexplicable pour nos contribuables et nos concitoyens. C'est injuste pour nos entreprises, en particulier les PME ou les TPE qui, elles, payent l'impôt alors qu'elles sont parfois sur le même secteur. Cet agenda, nous l'avons porté. Nous nous sommes battus pour, à l'OCDE d'abord. Et cet agenda, quel que soit le travail remarquable que l’OCDE et ses équipes ont mené depuis le début, et je veux ici les saluer, a été bloqué par l'administration américaine durant les quatre dernières années. Nous avons ensuite décidé de le porter au niveau européen. Et il a lui-même en quelque sorte attendu les avancées de l'OCDE. Et donc à quelques Etats membres, nous avons décidé de mettre en œuvre nos taxes numériques pour aller de l'avant, ce qu'a fait la France et ce qu'elle a assumé. Et au moment où nous sommes en train de vivre une avancée, je veux ici quand même redire le rôle que nous avons joué, et surtout le rôle que certains secteurs économiques français ont joué, qui ont été en quelque sorte les victimes des représailles. Et au moment où nous sommes en train d'enregistrer une victoire pour cette taxe internationale, j'ai une pensée pour nos viticulteurs et beaucoup d'entreprises parfois modestes qui, durant les deux dernières années, ont payé les sanctions de la rétorsion américaine parce que nous avions mis en place une taxe numérique. C'est comme ça que ça s'est passé, ne l'oublions pas. Il y a eu des gens pour être contre. Il y a eu des gens pour avancer cachés. Je me félicite que nous n'ayons pas avancé cachés, pour ce qui nous concerne, et que certains secteurs économiques en ont payé le prix. Et je les en remercie parce qu'ils ont été en quelque sorte les victimes collatérales de notre sens des responsabilités. C'est pourquoi il est, je dirais évident, que nous attendons maintenant uniquement la date que nous aurons toutes les assurances pour que de telles taxes ne réémergent pas. 

Je crois qu'il n'y a plus de sens à une conflictualité commerciale puisque nous sommes tous d'accord et que nous allons enfin pouvoir mettre en place cette juste taxation qui se construit autour de deux piliers, comme vous le savez, l'un qui permet de taxer les surprofits et donc en particulier ceux des grands groupes du numérique, et le deuxième qui permet de mettre en place un impôt minimal d'au moins 15%, ce qui évite l'optimisation fiscale pour les grands groupes. Les derniers détails techniques viendront dans les semaines qui viennent, mais c'est pour l'économie française quelque chose qui tournera rond entre 5 et 10 milliards d'euros sans doute, et pour les économies européennes quelque chose qui tournera autour de 50 milliards d'euros. Et donc vous voyez l'importance de ces avancées qui seront réelles autour de 2025. Donc il ne faut pas mollir, mais la justice fiscale permet aussi d'avoir plus d'efficacité et, en quelque sorte, d'alléger la charge d'autres contribuables. Cet accord a été consacré au niveau des ministres des finances du G7. Nous allons l’endosser au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement. Début juillet, il sera porté dans le cadre du G20. Et il sera parachevé dans un cadre inclusif qui est celui de 139 Etats pilotés par l’OCDE. Parce qu’évidemment une telle taxation est efficace s’il n’y pas la moindre fuite de paradis fiscaux qui se tiennent hors de ce cadre. Mais ce faisant, nous allons parachever un travail qui a commencé depuis la crise financière de 2008-2010 et qui avait permis de mettre fin au secret bancaire puis de mettre fin aux mécanismes d’évasion fiscale par érosion des bases fiscales. Donc c’est une avancée massive pour une mondialisation plus efficace et plus juste. 

Dernier point en matière de multilatéralisme efficace, c’est justement la lutte contre les inégalités. La pandémie a fortement accru ces inégalités et donc nous devons nous engager pour là aussi renforcer nos propres investissements en la matière. La France, comme vous le savez, est en train de voter une trajectoire qui réhausse son aide publique au développement à très court terme de 0,5%, 0,55% de notre production nationale et nous le porterons ensuite à 0,7%, mettant fin, ce faisant, à plus d'une décade de décrue ou stabilisation de notre aide publique au développement. Et au cœur de cette lutte contre les inégalités, nous souhaitons porter, comme nous le faisons là aussi depuis quatre ans, la lutte contre les inégalités de genre. Nous l'avions mis au cœur du G7 de Biarritz, et le G7 de Biarritz a permis des avancées concrètes. Je veux en citer deux : le mécanisme de financement pour l'entrepreneuriat féminin, que nous avions lancé à Biarritz, dit AFAWA, porté par la Banque africaine de développement et Angélique KIDJO, a permis de lever 1 milliard d'euros de financements pour des projets d'entrepreneuriat féminin partout en Afrique. De la même manière, nous avions lancé le bouquet législatif poussant chacun des Etats membres à prendre des législations, comme d'ailleurs nous sommes en train de le faire. Nous l'avons fait en France. Il a permis d'avancer dans plus de 14 pays partenaires pour prendre des législations favorables à l'égalité femmes - hommes, qu'il s'agisse d'égalité salariale ou d'égalité statutaire. 

Nous souhaitons poursuivre évidemment ces avancées à l'occasion de ce G7, en particulier nous prendrons des engagements pour le refinancement du Partenariat mondial pour l'éducation que nous avions coprésidé il y a maintenant trois ans avec le Sénégal pour la conférence de refinancement et nous flécherons 50% du financement pour l'éducation des jeunes filles. Je le dis parce que c'est un combat que nous menons là aussi depuis le début avec quelques autres, mais en matière de lutte contre les inégalités, l'investissement dans l'éducation des jeunes filles, tout particulièrement sur le continent africain, est essentiel. Elle a reculé ces derniers mois à cause de la pandémie et à cause des conflits qui se passent dans toute la région. Nous accroitrons notre engagement en le fléchant sur l'éducation des jeunes filles. L'autre point, c'est évidemment que nous préparons le travail à destination du forum “Génération Égalité” que nous coprésidons avec le Mexique et ONU Femmes et qui se tiendra ici même dans les derniers jours de juin et les premiers jours de juillet, et qui permettra là aussi, 25 ans après Pékin, de nous battre pour préserver les droits des femmes partout dans le monde, et y compris dans des régions qui sont les plus proches de notre pays où ces droits sont bien souvent menacés, qu'il s'agisse du droit des femmes à disposer de leur corps ou qu'il s'agisse simplement de droit à avoir une juste place dans la société. Aux confins de l'Europe, ces droits sont aujourd'hui remis en cause et ce rendez vous sera absolument essentiel à cet égard. Voilà le principal et le premier point sur lequel je voulais revenir, ce sommet du G7, comme vous le voyez, point d'orgue en quelque sorte des derniers mois, c’est pour nous, grâce au retour de l'administration américaine qui partage l'essentiel de nos convictions, grâce aussi au travail que nous avons fait ces quatre dernières années, la possibilité d'avoir des vrais résultats en complément de tout ce que nous avons poursuivi ces derniers temps. 

Le deuxième grand axe, et je serai beaucoup plus rapide, qui est pour moi au cœur de ces jours à venir, c'est celui de la souveraineté européenne. Vous m’avez souvent entendu défendre ce concept auquel je crois profondément, celle d'une Union européenne qui a besoin de construire le cadre de son autonomie stratégique en matière économique, industrielle, technologique, de valeurs militaires. Nous avons un solide bilan à cet égard ces dernières années : une Europe de la défense a avancé comme elle n'avançait plus depuis les années 50, des coopérations renforcées, un Fonds européen de défense, des projets communs en particulier franco-allemands que nous avons élargis à quelques autres partenaires qui, ces dernières semaines, ont connu des avancées massives. Nous avons réussi à présider un réveil en termes de souveraineté technologique sur la 5G, mais aussi sur les composants essentiels, avec une Commission qui porte beaucoup plus cet agenda et en particulier sur le plan, d’ailleurs, du numérique, les directives DMA/DSA et nous avons bâti une souveraineté économique et financière durant la crise inédite, en particulier grâce à l'initiative germano-française de mai 2020 puis au sommet de juillet qui a permis de bâtir une capacité d'endettement commune et un plan d'investissement inédit. 

Et cela, nous, nous arrivons à ce G7 et ce sommet de l'OTAN avec tout cet héritage et pour moi le premier objectif, c'est que nos partenaires reconnaissent cette nouvelle donne européenne et que nous sachions bâtir un nouveau partenariat avec les Etats-Unis d'Amérique. Partenariat de valeur, alliance sur certains sujets, mais aussi partenariat lucide qui consiste à dire que notre voisinage, c'est à nous de le gérer parce que nous avons aussi appris de l'histoire collectivement et de tout particulièrement l'histoire des 20 dernières années. Et c'est dans cet esprit que j'aborde, justement, ce G7 est ce sommet de l'OTAN. Je me félicite du réengagement américain dans le concert des nations et dans ce multilatéralisme coopératif. Et pour moi, la clé, c'est que les Européens restent unis. Et attentif à leur souveraineté commune et que nous puissions avoir aussi notre voie, communauté de valeurs, mais indépendance quand il s'agit de notre stratégie à l'égard de la Chine. Indépendance quand il s'agit de notre stratégie à l'égard de nos voisins, qu'il s'agisse de la Russie ou de la Turquie. Responsabilité quand il s'agit de gérer nos voisinages, les Balkans, la Méditerranée, le continent africain. 

À ce titre, 3 choses sont à mes yeux essentielles pour le sommet de l'OTAN qui vient. Le premier, c'est que précisément, ces efforts de consolidation soient respectés dans le dialogue et que l'autonomie stratégique capacitaire des Européens soit reconnue. La France a, en 2020, investi 2 % de son produit intérieur brut dans sa défense des sujets militaires. La deuxième chose, c'est que nous mettions en œuvre le rapport des Sages. Là aussi, l’esprit de responsabilité et de continuité. Je faisais le suivi du G7 de Biarritz de l'été 2019. Il faut faire le suivi du sommet de 2019 et en quelque sorte de cette sonnette d'alarme que j'avais tirée au sujet de l'OTAN. Il y a eu un rapport des Sages. Qu'est-ce qu'il dit ? L'OTAN doit clarifier ses valeurs communes. L’OTAN doit bâtir une règle de conduite entre alliés et l'OTAN doit clarifier son concept. Il sera scandé par le travail de boussole stratégique sous présidence française de l'Union européenne, puis, quelques mois plus tard, la clarification et la finalisation du concept otanien par l'ensemble de ses membres. Je pense que ce rendez-vous lundi prochain doit être l'occasion justement de consacrer cet agenda, l’avancer le fait que l'OTAN doit bien clarifier quel est son rôle et sa stratégie à cet égard et surtout, ancrer cet apport du rapport des Sages, c'est-à-dire les règles de conduite entre Etats membres. Et le troisième point qui me paraît très important dans ce contexte, c'est que nous assumions, nous, Européens, d'être les acteurs de la maîtrise des armements sur notre sol. Je pense que c'est un sujet essentiel pour les mois et les années qui viennent. Le traité FNI ayant été dénoncé par les Etats-Unis d'Amérique en 2019 non respecté par la Russie. Nous ne pouvons pas accepter de revenir à une grammaire qui serait celle de la guerre froide. L'Europe n'est pas simplement un objet ou un territoire de la répartition des influences. Nous sommes un sujet de la géopolitique internationale et nous devons l'assumer. Les Européens ont donc à décider pour eux-mêmes de la maîtrise des armements qui les concerne. La France, en tant que puissance dotée membres permanents du Conseil de sécurité et qui assume d'être une puissance dotée et qui a investi dans la composante nucléaire, entend bien porter, justement, ses valeurs, sa place dans ce dialogue. 

Troisième axe des prochains jours, c'est cette nouvelle relation avec l'Afrique et le New Deal avec l’Afrique. Je serai très rapide sur ce point, mais il m'importe parce qu'il est aussi le fil rouge de ce que nous faisons depuis le début du discours de Ouagadougou du G7 présidé par la France, où nous avons, pour la première fois associé, les Etats africains à la construction de notre propre agenda. Ils étaient partie prenante de ce G7 jusqu'à ACT-A que nous avons bâti avec les Africains et aux initiatives pour le vaccin que nous construisons ensemble. J'arriverai à ce G7 avec la même conviction. Là aussi, les Africains ont à être partie prenante des ambitions que la communauté internationale a à leur égard. Et c'est essentiel. C'est pour ça que pour les vaccins, je considère que nous devons prendre les objectifs de l'Union africaine et de l'Afrique et nous devons avancer sur cet agenda avec eux. Le cœur, au-delà de ce que j'ai déjà dit en matière de santé, de ce que nous voulons porter pour l'Afrique est en matière de financement des économies africaines et de faire le suivi du sommet de Paris. Pourquoi ? Parce que si l'Afrique a vécu un choc sanitaire comme nous tous, elle a vécu un choc économique d'une ampleur inédite. Les fermetures d'économies, la fermeture du commerce international, les restrictions ont un impact sur le continent africain sans égal par rapport aux nôtres, et les économies africaines n'ont évidemment pas nos capacités budgétaires. Mais elles n'ont pas non plus nos instruments monétaires. Tous les grands espaces économiques du monde ont joué avec une politique monétaire extrêmement accommodante durant cette période. La Chine avec son propre système, les Etats-Unis avec la Fed et la zone euro avec la BCE. L'Afrique n'a pas eu ces mécanismes et donc les besoins de financement créés par la crise Covid sont au bas mot de 290 milliards de dollars entre aujourd'hui et 2025. Et je dis bien au bas mot. Ce n'est pas qu'un esprit de solidarité, c'est un devoir aussi d'efficacité, comme pour le vaccin. L'Afrique est le continent le plus jeune du monde. 70 % de sa population a moins de 25 ans. C'est un continent qui, chaque année, accroît sa part dans la population internationale. Il représentera d'ici 2050, au bas mot, un quart de celle-ci, de cette population sur toute sa jeunesse. Si nous laissons l'Afrique face à ses besoins de financement, nous prendrions la même responsabilité que nos alliés ont prise au sortir de la Deuxième Guerre mondiale en laissant l'Europe face à ses dettes. C'est un élément de lucidité de la communauté internationale, et en particulier des Européens, dans le moment où nous parlons d'aider l'Afrique, de l'aider pour elle-même et de l'aider pour nous-mêmes, parce que nous devons changer cette relation, ne plus avoir une relation de défiance, de sécurité, de migration subie, mais permettre aux économies africaines de bâtir l'avenir de leur jeunesse en leur redonnant les leviers pour se faire. 

À très court terme, ceci passe par un investissement massif dans les économies du continent africain. Nous avons plaidé depuis novembre de l'année dernière, lors du Forum mondial de Paris pour la paix, pour une émission exceptionnelle de droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international. Qu'est-ce que c'est ? C'est une augmentation de capital du Fonds monétaire international qui, en quelque sorte, vaut création monétaire pour les économies qui en sont actionnaires. L'administration américaine nouvelle a soutenu ce projet. Nous sommes, nous avons donc bâti un accord pour avoir 650 milliards de droits de tirage spéciaux. Résultat historique. Si les clés de répartition du FMI sont mécaniquement appliquées, ceux-ci ne représentent que 33 milliards pour l'Afrique, dont 24 milliards pour l'Afrique subsaharienne, c'est-à-dire un dixième du besoin. Pour ce faire, il nous faut, nous, pays les plus riches, réallouer nos droits de tirage spéciaux pour les leur reverser. C'est là que se joue la solidarité. La France s'est engagée lors du sommet de Paris à le faire pour qu'il y ait au moins 100 milliards qui aillent vers les Africains. La vérité, c'est qu'il nous faudrait viser 150. Nous ferons le maximum pour avoir ce consensus. Cela suppose que nous ayons l'accord évidemment des Etats-Unis d'Amérique et la décision du Congrès et du reste de nos partenaires européens. Le rendez-vous du G7 doit permettre d'obtenir cet accord historique avec comme objectif d'avoir au moins 100 milliards de droits de tirage spéciaux qui vont vers l'Afrique. C'est un début essentiel. Ce mécanisme devrait être complété par un accord pour vendre aussi une partie de nos réserves d'or et financer ses investissements. Pourquoi ? Parce que les réserves d'or du FMI ont augmenté en valeur au bénéfice de la crise. Parce que l'or a été une valeur refuge. Utilisons ce surprofit pour justement le donner aux pays les plus pauvres, en particulier africains, qui en ont aujourd'hui besoin. Pas dans 20 ou 30 ans, aujourd'hui. 

Troisième point nous devons aussi œuvrer pour permettre aux banques régionales africaines d'utiliser ces droits de tirage spéciaux, ce qui leur permettra d'avoir un effet de levier et d'être des vrais partenaires de leur développement. Nous défendons le fait que l'Union africaine, la Banque africaine de développement, les autres banques régionales puissent bénéficier de ces droits de tirage spéciaux et les utiliser pour faire davantage de dons et prêts à leurs économies. Enfin, nous portons de compléter cette initiative par deux éléments. Le premier, un investissement massif du secteur privé. C'est pour cela que nous avons lancé l'Alliance justement pour l'entrepreneuriat et l'investissement privé, en lien avec la SFI, filiale du Groupe Banque mondiale, et d'autre part, par la reconstruction du cadre budgétaire et financier international du FMI et de la Banque mondiale. Les règles aujourd'hui de déficit, de suivi du déficit et de réformes du FMI doivent être retravaillées en partenariat avec les États récipiendaires. Là aussi, par respect et par cohérence, toutes les économies du monde ont revu leurs dogmes budgétaires, nous-mêmes Européens, avons levé les contraintes que nous nous étions imposées à nous-mêmes il y a près de 30 ans. Pourquoi continuer à imposer le même cadre aux économies africaines alors que leur défi est encore plus grand que le nôtre compte tenu de leur réalité démographique ? Il faut repenser ce cadre et accepter, en tant qu'économie du G7, de porter cette action. Enfin, et je m'arrêterai sur ce point, la gestion des crises, je ne les couvrirai pas toutes et je répondrai à vos questions pour toutes celles que je n'aurai pas évoquées. Mais nous parlons de gestion des crises. Je veux là aussi poursuivre et conclure sur l'Afrique. La gestion des crises, pour ce qui nous concerne depuis 4 ans, a consisté à suivre quelques fils rouges. 

D'abord, nous engager partout où il fallait lutter contre le terrorisme international, et en particulier le terrorisme islamiste. Parce que nous avons été touchés sur notre sol et parce qu'ils déstabilisent des régions voisines et amies. Le Proche et Moyen-Orient, depuis trop d'années, avec la question, évidemment, de notre implication dans le cadre de la coalition en zone irako 
syrienne, mais aussi avec le dossier iranien et d'autre part l'Afrique, puisque l'épicentre aujourd'hui du terrorisme international s'est déplacé en Afrique durant les deux dernières années. 
Deuxième principe qui nous a toujours guidé, c'est de défendre nos valeurs. Et là aussi, partout d'intervenir devrait pour que les valeurs que nous défendons dans le cadre international soient promues, défendues, respectées. 

Le troisième principe, c'est de respecter la souveraineté des Etats. C'est une grammaire à laquelle, je crois, vous m'avez aussi souvent entendu dire et je ne pense pas qu'on puisse se substituer à un peuple souverain pour construire son bien à la place de lui-même. On peut influencer, on peut œuvrer, on peut durcir avec les Gouvernements. Je ne crois pas à une politique qui consiste à se substituer à lui. C'est d'ailleurs ainsi que nous avons constamment œuvré au Proche et Moyen-Orient comme en Afrique. En la matière, comme vous le savez, la France s'est engagée depuis maintenant un peu plus de 8 ans au Sahel après l'intervention salutaire décidée par le Président François Hollande au Mali, qui a permis de sauver Bamako et de stopper la déstabilisation de l'Etat malien à la demande de celui-ci et de la Cédéao, nous nous sommes ensuite installés à la demande des Etats souverains de la région et de la Cédéao, dans une opération dite Barkhane de longue durée qui a structuré la protection de ces Etats contre le terrorisme justement islamiste dans toute la région, la menace contre leur souveraineté étatique. 

Beaucoup de nos soldats sont tombés. Et en vous disant ça, j'ai une pensée profonde pour eux, pour leur famille, parce que nous leur devons la cohérence, la poursuite de la mission jusqu'au bout et la clarté à l'égard de nos missions. J'ai eu l'occasion de repréciser le cadre de notre intervention lors du sommet de Pau au début de l'année 2020, de faire le suivi de celui-ci au début de cette année à N'Djaména. Et nous arrivons aujourd'hui à un moment qui impose de mettre en œuvre ce que j'avais commencé à définir à Pau, ce que nous avions conçu en fin d'année dernière et que je n'avais partagé avec nos partenaires parce que le temps est venu. La poursuite de notre engagement au Sahel ne se fera pas à cadre constant. Nous allons, avec nos partenaires engagés à nos côtés, mais aussi avec les pays de la région, parce que j'ai toujours eu ce souci de les associer et de travailler avec eux, tirer les enseignements de ce qui a fonctionné, notamment les évolutions que nous avions impulsées justement à Pau, puis à N'Djamena. Mais tirer aussi les enseignements de ce qui n'a pas fonctionné. La présence durable dans le cadre d'opérations extérieures de la France ne peut pas se substituer au retour de l'Etat et des services de l'Etat, à la stabilité politique et au choix des Etats souverains. Nous ne pouvons pas sécuriser des zones qui retombent dans l'anomie parce que des États décident de ne pas prendre leurs responsabilités. C'est impossible, ou alors c'est un travail sans fin. 

C'est pourquoi, à l'issue de consultations que nous conduirons avec nos partenaires, en particulier nos partenaires américains qui jouent un rôle essentiel depuis le début et je veux ici les en remercier, et nos partenaires européens, qui sont aussi à nos côtés, en particulier dans le cadre de l’EUTM, nous amorcerons une transformation profonde de notre présence militaire au Sahel, dont les modalités et le calendrier seront précisés dans les semaines à venir et je le ferai d'ici à la fin du mois de juin, mais je vais initier ce travail dès les jours prochains. Cette transformation se traduira par un changement de modèle. Il impliquera le passage à un nouveau cadre c'est-à-dire la fin de l'opération Barkhane en tant qu’opération extérieure pour permettre une opération d'appui, de soutien et de coopération aux armées des pays de la région qui le souhaitent et de la mise en œuvre d'une opération militaire et d'une alliance internationale associant les Etats de la région et tous nos partenaires strictement concentrés sur la lutte contre le terrorisme. Ce nouveau cadre préservera nos engagements auprès de nos partenaires engagés à nos côtés dans la force Takuba et dans l'opération EUTM qui devront poursuivre leur montée en puissance. EUTM sera un des éléments de la formation de toutes les armées partenaires et Takuba sera le pilier de cette force de lutte contre le terrorisme. Les armées françaises en seront évidemment la colonne vertébrale, mais elles seront complétées par les forces spéciales des armées de la région partenaires qui le souhaiteront et le pourront, et évidemment par les forces spéciales de nos partenaires européens. Beaucoup d'entre eux s'étant déjà engagés à nos côtés dans ce cadre. Ces évolutions, nous allons les travailler dans les prochaines semaines et elles seront présentées dans le cadre de la Coalition pour le Sahel que nous avons mise en place lors du sommet de N'Djaména et qui se réunira justement très prochainement et j'aurai à les présenter dans le détail à la fin du mois de juin. Voilà les quelques éléments que je souhaitais partager avec vous avant maintenant de répondre à toutes vos questions. 

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