Le chant de son violon avait ému le XXe siècle. Le virtuose israélien Ivry Gitlis nous a quittés en cette veille de Noël après nous avoir fait toute sa vie le don de sa passion et de son talent. 

Rien ne prédestinait ce fils d’un meunier d’Haïfa à devenir l’un des plus grands violonistes de son temps : sans aucun exemple familial, il réclama à cinq ans un violon que ses proches étonnés lui offrirent en se cotisant. Dès ses premières leçons, ses maîtres décelèrent le prodige sous le débutant. A sept ans, il donna son premier concert. A dix, il partit à Paris poursuivre son apprentissage sous la férule des plus grands professeurs, puis à Londres où il allait bientôt entrer à l’orchestre philarmonique. 

Enfant, il avait traversé la Méditerranée ; jeune homme, il franchit l’Atlantique. Car après l’Europe, c’est l’Amérique qui lui ouvrit ses bras et ses salles de concert. Un des impresarios majeurs de l’époque, Sol Hurok, le prit sous son aile et l’aida à déployer pleinement les siennes. 

Ivry Gitlis devint alors l’un des interprètes les plus réclamés par le public et les plus acclamés par la critique. Il faisait danser son archet avec une audace à part, dans un style expressionniste qui n’appartenait qu’à lui, et avec une inventivité qui défiait la rectitude technique pour éclairer chaque morceau d’un nouveau jour. Ses flamboyantes interprétations des concertos d’Alban Berg, Igor Stravinsky ou Béla Bartók firent date : elles sont toujours des références absolues. Surtout, Ivry Gitlis avait le génie de l’émotion : sur les cordes de son violon, il savait moduler tour à tour les cris du cœur et les chuchotements de l’âme. Aussi l’enfant d’Haïfa fut-il sacré roi du Stradivarius.

Premier violoniste israélien à pousser le rideau de fer pour jouer en URSS, Ivry Gitlis ne connaissait aucune frontière : il traversait le monde, enjambait les époques et les styles, transgressait les codes et les modes. Cet anticonformiste passait avec une aisance folle des trésors du répertoire classique aux partitions des grandes stars du rock ou de la variété, des Rolling Stones à Barbara, et s’aventurait régulièrement sur les terres de la musique tzigane et du jazz. 

Quand il n’était pas en tournée, c’est à Paris qu’il résidait le plus souvent. Dans notre capitale comme à travers le monde, il jouait dans les salles les plus prestigieuses mais aussi dans les casernes, les usines, les prisons ou les hôpitaux, dans des festivals qu’il fonda et anima longtemps comme à Vence, Menton ou Saint-André-de-Cubzac. Il exerçait aussi son art sur les ondes de radio, les plateaux de télévision et les studios de cinéma : de la BBC aux films de François Truffaut en passant par l’émission de Jaques Chancel, « Le Grand Echiquier ». 

Faire entrer la musique partout et attirer à elle tous les publics : c’était son apostolat et il l’accomplit toute sa vie avec une énergie infatigable et une passion contagieuse.  

Le Président de la République et son épouse saluent une grande âme de la musique. À sa famille, ses proches et aux mélomanes du monde, ils adressent leurs sincères condoléances.

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