Rika Zaraï, l’étoile de la chanson franco-israélienne, s’est éteinte hier. Chanteuse populaire par excellence, elle a jeté des ponts entre la France et Israël, et insufflait sa joie de part et d’autre de la Méditerranée.
Née à Jérusalem dans une famille de pionniers juifs, Rika Gozman, de son vrai nom, vit une jeunesse studieuse entre l’école et le conservatoire où elle décroche à 15 ans un premier prix de piano qui lui ouvre une voie toute tracée dans la musique classique. Pourtant, au cours de son service militaire, elle remplace au pied levé une chanteuse dans le premier rôle d’une comédie musicale. Le spectacle, qui rencontre un franc succès en casernes, est repris par un théâtre de Jérusalem et devient un grand succès en ville : la voilà propulsée sur le devant de la scène israélienne. Elle qui se destinait à être pianiste fait alors ses gammes de chanteuse populaire. De cafés-théâtres en cabarets, elle chante des classiques du répertoire en hébreu, mais adapte et interprète aussi des chansons de Brassens, Greco, Trenet ou Aznavour.
Portée par cet amour de la chanson française, attirée par les lumières de Paris, elle passe bientôt sur l’autre rive de la Méditerranée. Alors qu’elle ne parle pas encore un mot de français, elle se présente pleine d’espoir à Bruno Coquatrix et d’Eddie Barclay qui vont l’aider à se hisser sur la scène française.
Elle se produit dans de petits clubs le temps d’apprendre la langue : alors, les portes ou plutôt les rideaux des salles de concert s’ouvrent pour cette jeune femme qui a de l’énergie et de la détermination à revendre. Elle se produit à l’Olympia en première partie des concerts de Jacques Brel, se marie avec l’un de ses musiciens, Jean-Pierre Magnier, qui devient aussi son producteur, est enrôlée dans la grande tournée de Gilbert Bécaud, crée deux chansons écrites par Charles Aznavour, « Et pourtant » et « Le temps ». Sa carrière française est lancée.
A la toute fin des années 1960, son premier grand tube, « Casatschok », passe en boucle sur les stations de radio, inaugurant les années de son apogée que jalonne un chapelet de succès : « Alors je chante », « Sans chemise, sans pantalon », « Tournez Manèges » « Michael », « Balapapa » ou encore « Tante Agathe ». Cette fois, c’est son nom qui s’accroche en lettres rouges sur le fronton de l’Olympia. Elle, désormais, la vedette que les gens acclament et applaudissent. Elle, la battante qui a su se relever d’un terrible accident de voiture qui aurait dû la condamner à la paralysie et pu la pousser au désespoir. Pourtant, avec une rage de vivre hors-norme, Rika Zaraï va continuer à faire souffler sur les scènes et les ondes de France une bourrasque de bonne humeur, qui déchagrine les cœurs : ses chansons sont des invitations à la gaité, à la légèreté, à la danse, au voyage aussi. Car celle qui était une passeuse de culture française en Israël est également devenue une passeuse de culture hébraïque en France, interprétant dans la langue de Molière des chansons folkloriques en hébreu, popularisant dans le monde francophone des classiques du répertoire israélien avec des titres comme « Hava Nagila », « Yerushalaim shel zahav » ou « Hallelujah ». Aussi était-elle l’une des plus grandes ambassadrices de son pays natal en France, y infusant des rythmes, des couleurs et des sonorités venus des berges du Jourdain, tout en étant comme une émissaire de son pays d’adoption dans l’Etat hébreu, y faisant rayonner notre culture.
Les Français perdent une personnalité à laquelle ils s’étaient attachés au fil de ses albums, de ses concerts, de ses livres, comme de ses apparitions sur les plateaux télévisés ou ses participations aux Grosses Têtes. A sa famille, à ses proches, à tous ceux que ses chansons égayaient, le Président de la République et son épouse adressent leurs sincères condoléances.