Antoine Rufenacht, l’ancien maire du Havre qui avait su métamorphoser sa ville, est décédé aujourd’hui à l’âge de 81 ans, après une vie ardente au service de la cité portuaire et de la République française.
Né au Havre, à l’orée de la Seconde Guerre mondiale, il n’eut de cesse sa vie durant de chérir cette ville qui l’avait vu naître et grandir, puis entreprendre et gouverner. Passé par les bancs de Sciences-Po et de l’ENA, Antoine Rufenacht n’oublia pas de revenir ensuite sur ses terres pour prodiguer à sa ville et sa région les talents que ces grandes écoles avaient en lui aiguisés.
Il reçut son premier mandat en 1973 lorsqu’il fut élu conseiller général de la Seine-Maritime et demeura fidèle au poste pendant 18 ans. Il fut aussi élu député par trois fois, et passa un temps des bancs de l’hémicycle aux rangs du Gouvernement comme Secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, puis auprès du ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat lorsque Raymond Barre était à Matignon.
Mais les coulisses gouvernementales et les tractations interministérielles ne passionnèrent guère ce jeune homme assoiffé d’action, de terrain et de contacts. Il retourna dans sa région, prit les rênes de la société Armor, et s’engagea corps et âme dans la vie politique locale. Si, depuis 1973, la mairie du Havre lui échappait, il décrocha en 1992 la Présidence de la région Haute-Normandie. Et Antoine Rufenacht était un persévérant. A sa quatrième tentative, en 1995, ce n’est pas de guerre lasse mais de haute lutte qu’il parvint à ravir la mairie du Havre aux mains des communistes qui en avaient fait leur bastion depuis trois décennies. Ce fut le début d’une longue histoire de confiance avec les Havrais.
Durant 15 ans, il fut le capitaine de cet équipage qui lui confia par trois fois son gouvernail. A sa barre, il sut gonfler les voiles de cette caravelle urbaine d’un nouveau souffle pour lui donner l’élan d’un nouveau départ. Il lança de grands travaux, initia la réhabilitation des quartiers, et inaugura Port 2000 qui fit de l'estuaire de la Seine un centre névralgique du trafic conteneurisé en Europe. Il sut tout à la fois conserver et bâtir : il fit classer le centre-ville au Patrimoine mondiale de l’Unesco et surgir de terre les rocades routières et un tramway, les médiathèques et un nouveau stade, le casino et le musée Malraux. Il ouvrit grand la « Porte Océane » sur le XXIe siècle.
Lui, l’homme fort de la droite normande, composa un attelage de choc avec le champion de la droite corrézienne et parisienne. Directeur de campagne de Jacques Chirac en 2002, il porta son candidat jusqu’au Palais de l’Elysée avant de décliner tous les postes que le nouveau Président lui proposa pour s’en retourner à sa ville tant aimée. Car il avait accompli cette mission par conviction et non par intérêt, du moins pas pour son intérêt propre mais pour ce qu’il estimait être l’intérêt général. Il y avait du Cincinnatus en Antoine Rufenacht.
Consulté comme un sage par Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy, il était de ces hommes politiques chevronnés que les Présidents écoutaient religieusement.
En 2010, après un demi-siècle d’engagement politique, il avait transmis son écharpe d’édile comme on passe un flambeau à son dauphin qu’il considérait comme un fils. C’était Edouard Philippe, qui avait été à si bonne école sous la férule de ce grand serviteur de l’Etat qu’après avoir poursuivi la transformation de la ville avec talent pendant sept ans, il fut trois ans durant un grand Premier ministre de la République française.
Le Président présente ses sincères condoléances à tous les membres de la famille de sang comme de la famille d’idées d’Antoine Rufenacht, à tous les Havrais et particulièrement au premier d’entre eux, Edouard Philippe, qui perd aujourd’hui un maître et un ami.