L’académicien Marc Fumaroli, qui nous a quittés hier à l’âge de 88 ans, fut bien plus qu’un historien de la littérature : il était l’un de nos plus grands conteurs du passé, doublé d’un fervent apôtre de notre patrimoine culturel.

Grandissant sous le soleil de Fès, sa vocation lui apparut à douze ans, lorsqu’il explora la bibliothèque de sa mère institutrice, découvrit Corneille et Cervantès, et sut alors qu’il n’y aurait pas dans sa vie de plus grandes joies que celles de l’esprit, de plus grande mission que de les partager. Passé sur la rive d’en face, sous le ciel phocéen, il suivit avec passion des études de lettres, et fut bientôt accueilli dans le corps prestigieux de ses agrégés et de ses docteurs. 

Sa rigueur universitaire, sa rectitude d’historien, n’en firent jamais un sec greffier du passé ni un grammairien sévère : il resta toujours un promeneur émerveillé face aux trésors des siècles. Sa plume en décrivait les éclats avec une élégance naturelle, savait brosser les personnalités et les faire surgir toutes vives au fil des pages, Montaigne et La Fontaine, Jésus-Christ et Napoléon, Chateaubriand et Poussin.

Son époque de prédilection fut le XVIIe siècle, qu’il ressuscitait dans sa grandeur rationnelle, avec son humanisme savant et ses belles figures de penseurs dans la compagnie desquelles il s’est toute sa vie placé. Il y avait dans cet amoureux de la littérature, ce féru d’histoire, d’art et de philosophie, quelque chose de cette parenté mystérieuse qui unit par-delà les générations ceux qui savent faire jouer toutes les cordes des savoirs humains, les citoyens de cette République des lettres qu’avait rêvée Pétrarque et qu’il chanta à son tour dans l’un de ses livres.

De l’homme du XVIIe, il avait aussi la prose incisive, l’art du pamphlétiste dressé contre la superstition du tout numérique et l’utilitarisme du tout économique. Elitiste assumé, conservateur revendiqué, il fustigeait dans L’Etat culturel un certain dirigisme français qui ne lui semblait pas toujours profiter à l’excellence, et il persiflait dans Paris-New York et retour les dévoiements de l’art contemporain. 

Le concept de culture, il le soulignait, est une de ces hydres impossibles à circonscrire. Mais si le terme n’a sans doute jamais trouvé de définition satisfaisante, il trouve parfois des incarnations indiscutables. Marc Fumaroli en était une. Il avait tout lu, tout médité, tout pensé, et son érudition impressionnante, abreuvée plus que tout autre à la source gréco-romaine, fut un fertile terreau de réflexion. De transmission aussi, car il était animé par la passion d’enseigner : il fut professeur à l’université de Lille, à la Sorbonne, au CNRS, tint une chaire au Collège de France, prodigua son savoir à Columbia, Princeton, Chicago, partout ambassadeur de la France, de sa langue et de ses lettres. 

Le Président de la République salue un passeur de notre héritage qui célébra avec brio nos belles lettres et nos grands esprits. Il adresse aux académiciens, à ses proches, à ses élèves et ses lecteurs, ses condoléances émues.

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