L’ancien résistant, peintre et illustrateur René Moreu nous a quittés. Son nom reste indissociable de celui des éditions jeunesse Vaillant et de livres pour enfants qui ont bercé des générations.
    
Fils d’un cafetier, René Moreu vit le jour à Nice au lendemain de la Première Guerre mondiale, une période qui compte parmi les plus riches heures de la presse écrite. Son histoire est jalonnée par de multiples journaux. Dans les imprimeries du Petit Marseillais où il entra comme apprenti, il découvrit ce monde d’encre et de papier qui allait devenir le sien. Lorsqu’en 1940 il fut réquisitionné pour les chantiers de jeunesse, il refusa l’enrôlement sur un navire garde-côtes et préféra basculer dans les réseaux de résistance du maquis camarguais. Là, il prit part à de multiples opérations clandestines, et mit ses connaissances techniques au service du bimensuel résistant Le Jeune patriote qui conspuait la collaboration, diffusait des nouvelles du front est, et galvanisait le courage des forces de l’ombre. 
Après les combats de la Libération de Paris, auxquels il participa, et la victoire des Alliés, René Moreu rejoignit en 1945 un autre journal résistant, La Marseillaise, puis prit la tête du nouvel hebdomadaire pour la jeunesse, Vaillant, dont l’équipe directrice comptait de nombreux anciens résistants communistes. 

D’un point de vue amoureux – il épousa la directrice des éditions – comme professionnel, le destin de René Moreu resta lié à celui de cette revue dont il devint le premier rédacteur en chef en 1945. À une époque où les journaux illustrés avaient encore mauvaise presse, étaient accusés de facilité voire de bêtise, le journal sut trouver un lectorat fidèle qui se passionna pour les aventures gaies et ludiques de ces héros humains ou animaux à qui il pouvait s’identifier, et accueillit les premiers bourgeons de la bande-dessinée française.

En 1950, René Moreu élargit l’offre des éditions Vaillant en créant deux journaux destinés aux très jeunes lecteurs. Il ne se contentait pas d’en être le rédacteur en chef, mais fournissait également de nombreuses histoires illustrées. À voir le trait énergique et les couleurs vives des aventures auxquelles il donnait vie, nul n’aurait pu se douter que chaque dessin était pour Moreu un triomphe sur la maladie, que chaque coup de pinceau luttait contre la cécité. Depuis ses 23 ans, il souffrait en effet d’une maladie dégénérative de la cornée qui le plongeait par période dans une semi-obscurité. Prouvant que le courage qui l’avait soutenu pendant ses années de résistant ne l’avait pas quitté, il combattit la fatalité, subit une dizaine d’opérations et s’acharna à dessiner.  

L’amélioration de sa vue permit l’épanouissement de sa carrière d’illustrateur jeunesse pour les plus grandes maisons d’éditions, de Nathan à Père Castor, et de donner libre cours à sa passion de toujours pour la peinture. Dans la mouvance de l’art brut, il développa un style unique, inventant des paysages fantastiques qui ne ressemblaient à nul autre. Ses « Jardins noirs » dévoilent des floraisons singulières, semblables à une mosaïque de cellules colorées, ses « Pictogrammes » écrivent un monde imaginaire à demi abstrait sabré de coulures sombres, tandis que ses séries de collages, où des éléments naturels s’entremêlent à de menus objets confinent à la sculpture. 

Homme de convictions, il privilégia toujours les publications de la presse communiste : après les éditions Vaillant, René Moreu fut maquettiste pour le Miroir du cyclisme puis pour l'Almanach de L'Humanité durant près de vingt ans, avant de prendre sa retraite du monde des journaux et de se retirer dans son atelier de Vayrac, dans le Lot, pour se dédier totalement à son art.

Le Président de la République salue l’engagement de l’homme et le talent de l’artiste. Il adresse ses condoléances émues à sa famille, à ses proches et à tous ceux dont l’enfance a été égayée par ses illustrations. 

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