Il était le maître du théâtre français. Le comédien, metteur en scène et professeur d’art dramatique Jean-Laurent Cochet, qui a succombé dans la nuit à la pandémie du coronavirus, était le père spirituel et la figure tutélaire de nos plus grands acteurs.
Né en 1935 aux portes de Paris, à Romainville, le jeune garçon rêve très tôt de théâtre devant les colonnes Morris de la capitale, avec ses affiches hautes en couleur et ses noms de vedettes en grosses lettres. A seulement quatre ans, il a la révélation foudroyante de sa vocation, de celles qui se déclarent très tôt et scellent un destin : il se jure alors qu’il entrera à la Comédie Française et devient un enfant du paradis, souvent perché le soir aux plus hauts balcons des théâtres.
Le jeune homme ne trahit pas le petit garçon. A 20 ans, après des années déjà de lectures passionnées des grands textes et d’assiduités éblouies sur les sièges de velours cramoisi, il prend un peu plus sûrement le chemin de la scène en entrant au Conservatoire où il se forme sous la férule de Béatrix Dussane, de Maurice Escande et de René Simon, immenses pédagogues dont il retiendra les leçons par cœur au sens le plus fort, c’est-à-dire par amour. Avec deux premiers prix décernés à l’unanimité, les portes du Français s’ouvrent toute grandes à lui et, en quelques années seulement, il y fait un tour de l’homme en quatre-vingt rôles.
Mais, dès le milieu des années 1960, il quitte ce navire pour explorer les âmes depuis de nouveaux ponts, ceux des Théâtres de l’Ambigu, d’Edouard VII ou d’Hébertot. En ogre des planches, il signera plus de 150 mises en scènes, incarnera près de 300 personnages, montant et jouant des pièces de Molière et de Musset, de Beaumarchais et de Marivaux, de Feydeau et de Guitry, prenant toujours pour boussole son propre goût plutôt que la dernière vogue.
Peu après avoir quitté le Français, il fonde aussi sa propre école, le fameux cours Cochet où se pressent rapidement tous les jeunes aspirants aux feux de la rampe. Il s’y révèle comme un formidable façonneur de talents : de Gérard Depardieu à Fabrice Luchini, en passant par Richard Berry, Emmanuelle Béart, Carole Bouquet, Isabelle Huppert ou encore Daniel Auteuil, les plus grands noms de la scène et des écrans sont passés par ses classes.
Il avait fait de son cours un vivier de jeunes espoirs et de grandes promesses. Ses enseignements étaient énoncés comme des maximes et reçus comme des oracles. A ses ouailles admiratives et reconnaissantes, il insufflait la passion de la belle langue, le respect des grands textes et le goût du labeur. Car lui qui ne croyait guère au génie préférait la composition à l’inspiration, la recherche à la spontanéité, arguant que rien n’est plus besogneux et construit que le naturel au théâtre.
Jean-Laurent Cochet se voulait avant tout le serviteur des grands auteurs, pratiquant avec autant d’humilité que de talent un « effacement éclatant ». C’est cette éthique, plus encore que des techniques, qu’il transmettait à ses élèves en leur inculquant une exigence d’approfondissement perpétuel des textes, ces partitions de mots qu’il apprenait si bien à faire sonner et vibrer.
Le Président de la République et son épouse saluent ce gardien des grandes œuvres du théâtre français, et adressent leurs condoléances émues à sa famille, ses amis, ainsi que tous ses anciens élèves.
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