Rafael Gomez Nieto, le dernier survivant de la Nueve – cette compagnie la 2e DB du général Leclerc presque entièrement composée de républicains espagnols – a succombé au coronavirus dans sa centième année.

Avec lui, c’est un pan de notre histoire française et européenne qui s’en va. Celui de la Guerre d’Espagne et de la Seconde Guerre mondiale, celui de l’odyssée des républicains espagnols engagés dans le combat pour abattre le joug nazi. Il s’est éteint à Strasbourg, la capitale alsacienne qu’il avait contribué à libérer un jour de novembre 1944.

Si c’est en France qu’il avait victorieusement combattu pour la liberté, c’est sous le soleil d’Andalousie que Rafael Gomez Nieto avait grandit, là aussi que s’était épanoui son amour de la République. Ce fils d’un militaire de carrière fut en effet élevé dans la passion des institutions républicaines. Aussi, lorsqu’éclate la Guerre civile espagnole, n’a-t-il aucune peine à choisir son camp : en 1938, il a 17 ans lorsqu’il participe à la grande bataille de l’Ebre. Avec la victoire des Franquistes, lui et sa famille franchissent les Pyrénées pour trouver refuge en France, comme beaucoup de républicains. Hélas, l’accueil qui leur fut réservé était indigne et le jeune homme se retrouve interné dans le camp de Saint-Cyprien.

Il parvient néanmoins à rallier l’Algérie où, après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, il s’engage dans les armées de la France Libre, rejoignant en 1943 la 9e compagnie du régiment de marche du Tchad, la « Nueve », incorporée à la 2ème DB de Leclerc. Il y retrouve de nombreux frères d’armes de la Guerre d’Espagne, qui étaient tout autant ses frères d’âme. Ces obstinés de la liberté étaient déterminés à déloger les oppressions en tout lieu, sur les terres de leur berceau espagnol, comme sous le soleil d’Afrique ou sous le ciel de Paris. Après avoir pris les armes contre Franco, ils luttaient contre Hitler ; après avoir ferraillé contre le fascisme, ils combattaient le nazisme. Leur épopée les mena d’Algérie en Angleterre et de la Normandie au « Nid d’Aigle » en passant par Paris et Strasbourg. Partout, ils ont semé la liberté.
Toujours en première ligne, toujours au contact, ces hommes formaient une compagnie de choc. Parce qu’ils connaissaient la guerre, avaient déjà éprouvé le feu et parce qu’en soldats de l’idéal, ils étaient prêts à tous les sacrifices. Sur son uniforme, Rafael Gomez Nieto arborait avec fierté la bannière de la République espagnole et conduisait ces véhicules qu’ils avaient baptisé « Guernica » ou « Don Quichotte ». Le 24 août 1944, ce sont quelques-uns de ces blindés aux surnoms espagnols qui pénétrèrent les premiers à Paris par la porte d’Italie et qui rejoignirent l’Hôtel-de-Ville. Ils furent l’avant-garde de l’armée de Liberté, la fine pointe des glorieuses troupes de Leclerc. Rafael Gómez Nieto connut l’ivresse de la Libération et du défilé sur les Champs-Elysées, les cris de la joie retrouvée et l’allégresse des temps nouveaux. 

La France n’oubliera pas son engagement et ses sacrifices. Elle lui restera, à lui et à tous ses camarades de combat, éternellement reconnaissante.

Le Président de la République salue ce héros de la liberté et adresse à ses proches ses condoléances les plus respectueuses.

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