Au Trocadéro à Paris, cérémonie de la première Journée nationale d'hommage aux victimes du terrorisme :
Les victimes du terrorisme sont au cœur de notre fraternité nationale et de notre mémoire.
Le 19 septembre 2018, le Président de la République s’était engagé à ce que soit organisée une Journée nationale d’hommage en leur mémoire. Le 11 mars. C’est aujourd’hui la première. La date du 11 mars fait référence à l’attentat commis à la gare d’Atocha à Madrid en 2004. Cette journée d’hommage est profondément européenne et internationale. Unis dans l’épreuve, unis dans la mémoire.
Souvenons-nous des victimes du terrorisme. Pensons à leurs familles, à toutes celles et ceux qui ont été blessés dans leur chair, ainsi qu’aux héros qui sont intervenus au péril de leur vie. N’oublions jamais.
Le discours du Président de la République :
11 mars 2020 - Seul le prononcé fait foi
DISCOURS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE A L'OCCASION DE LA PREMIÈRE JOURNÉE NATIONALE D'HOMMAGE AUX VICTIMES DU TERRORISME
Sire, Majesté, Mesdames et Messieurs, chères familles, chères associations.
Sire, merci d’être là parmi nous aujourd’hui. Merci d’avoir rappelé le lien indéfectible entre nos nations, nos peuples, d'avoir rappelé aussi que cette journée européenne, que nos associations ont choisie aussi pour en faire la journée nationale, trace ce lien avec Madrid.
Ils espéraient nous diviser, ils n'ont fait que nous unir. Ils voulaient semer la peur, ils n'ont récolté que notre détermination. Ils cherchaient à nier la valeur même de l'existence humaine, ils n'ont réussi qu'à décupler l'envie de vivre de femmes, d'hommes fiers d'être libres, fiers d'être Français, fiers d'être Européens, l'envie de tous ces enfants venus cet après-midi accrocher un mot, une pensée, au fond un espoir à l'arbre de la paix en souvenir de celles et ceux qui sont tombés.
Cette première cérémonie d'hommage national aux victimes du terrorisme est une réponse à tous ceux qui ont versé le sang sur le sol de la France, sur les terres d'Europe, partout dans le monde, un avertissement aux groupes qui ourdissent encore des projets de terreur, une promesse d'unité, de souvenir, d'action. L'unité d'abord et toujours, l'unité de l'Europe, dont témoigne la présence à Paris de Sa Majesté le Roi d'Espagne et de Monsieur le Commissaire européen à la Justice, l'unité de la nation française rassemblée dans sa diversité sur cette place du Trocadéro, dans nos préfectures et dans nos ambassades. Tous sont là cet après-midi, les policiers et les gendarmes intervenus sur des scènes de guerre avec leur seule arme de service, les sapeurs-pompiers et les services de secours qui ont soigné et sauvé sous le feu des balles, les militaires de l'opération Sentinelle qui n'ont reculé devant aucun danger pour protéger, les secouristes, les soignants, les associations déjà, les passants qui ont aidé, secouru, les préfets, les magistrats antiterroristes intervenus dès les premiers instants avec pour seule arme la loi et le droit. Tous. Tous sont là pour dire : s'il le fallait, qu'ils recommenceraient. Tous. Et à côté d'eux, tous les élus, la maire de Paris et tous les maires de France qui ont eu à vivre ces attentats. Le courage de toutes celles et ceux qui sont alors intervenus. Leur courage n'était pas en effet le sursaut de l'instant. C'était l'élan citoyen de femmes et d'hommes prêts à donner leur vie pour leurs compatriotes. C'est cela, une nation, une chaîne fraternelle, une chaîne solidaire, pouvoir compter les uns sur les autres. Et aujourd'hui, la nation entoure les familles, les proches de ceux qui sont tombés, de toute son affection.
Grâce à l'action de la délégation interministérielle, les droits des victimes du terrorisme sont désormais équivalents à ceux des victimes de guerre. Les enfants orphelins deviennent des pupilles de la nation. Ils sont pris sous l'aile protectrice de la République. Les conjoints endeuillés sont soutenus. Les blessés bénéficient d'une prise en charge spécifique. Et quel que soit le pays d'origine des victimes, les familles de tous ceux qui sont morts sur le sol de France sont accompagnées. Je veux ici remercier l'ensemble des associations pour leur inlassable combat, et l'ensemble des fonctionnaires, des élus et des représentants de la nation pour les avoir suivis.
Se souvenir. Se souvenir sans relâche, ensemble. Assassinats de masse, attentats suicides : les terroristes tuent de manière aveugle. Ils cherchent à supprimer jusqu'aux traces même des existences fauchées. À tous les projets d'oubli et d'effacement, la nation résistera. Nous dirons les noms, nous nous souviendrons des visages, le sourire juvénile de Sandrine qu’a figé pour jamais l’explosion du RER B, le regard franc d’Imad sous ce béret rouge qui faisait son honneur et symbolisait son engagement au service de la France, les joues de Myriam qui n’atteindra jamais ses 9 ans parce que le terrorisme islamiste l’attendait à la sortie de l’école. Nous retracerons les vies, nous dirons leur singularité. Celle d’André, enfant de déportés qui survécut une première fois à la haine aveugle avant de lui succomber 30 ans plus tard rue des Rosiers dans la blancheur d’une journée d’août. Celle de Kamal, venu d’Afghanistan pour vivre en France, y fonder une famille, y monter un garage, tombé devant sa femme et ses 3 enfants sur les pavés de Strasbourg. Nous rappellerons sans cesse le son de toutes les voix, les éclats de rire, les accents mais aussi les talents, les espoirs et les rêves. Et par les témoignages, par les cérémonies, par la médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme que nous avons créée nous honorerons ensemble toutes ces victimes. Au-delà du souvenir, par-delà les générations, nous ferons mémoire de ceux qui sont tombés.
Cette cérémonie, qui doit tant à l’engagement des associations de victimes, que je veux à nouveau saluer, se tiendra chaque année dans une ville différente pour permettre à toute la nation de veiller ses enfants assassinés. Le projet de création d’un Mémorial du terrorisme en France sera mené à son terme pour se rappeler, pour se recueillir, pour faire histoire aussi. Analyser les évolutions, les causes, les racines du terrorisme, lutter contre les ferments de haine. Des propositions ont été formulées qu'il est temps désormais de concrétiser. Sur la base du rapport remis au Premier ministre, une mission sera confiée à l'historien Henry ROUSSO pour déterminer le lieu ainsi que le projet scientifique et culturel de ce musée unique au monde qui opposera à la barbarie et à la force mortifère de l'oubli la lumière vitale de la mémoire et de la connaissance. Agir enfin avec une détermination de tous les instants parce que la République vous le doit, parce que tous les Français le doivent aux familles et aux proches de ceux qui sont tombés.
Depuis que les attentats ont endeuillé le sol de France à Montauban, à Toulouse, à Paris, à Vincennes, à Saint-Quentin-Fallavier, à Saint-Denis, à Magnanville, à Nice, à Saint-Etienne-du-Rouvray, à Marseille, à Carcassonne, à Trèbes, à Strasbourg, la lutte antiterroriste a changé d'échelle. Je veux saluer l'engagement, le travail du président SARKOZY et du président HOLLANDE qui ont eu à vivre eux aussi ces morsures du terrorisme durant leur quinquennat.
La France n'a cessé de s'engager, de combattre. L'Europe aussi s'engage aux avant-postes. Europol, Eurojust, les équipes communes d'enquête, le registre judiciaire : il existe désormais une lutte antiterroriste européenne à la hauteur de la coopération qui permit à l'Espagne et à la France de mettre à bas l’ETA il y a quelques années. La France assume toute sa part dans ce cadre européen et au-delà. Sur les théâtres extérieurs, nos forces armées affrontent d'âpres combats. Au Sahel, avec nos partenaires du G5, nous investissons les zones contestées par les djihadistes et leur portons des coups rudes. Au Levant, au sein de la coalition internationale, nous avons défait le califat territorial de l'Etat islamique et nous continuons la lutte contre ses éléments résiduels. Sur notre sol, les moyens humains, matériels, juridiques du renseignement et des forces de sécurité ont été considérablement renforcés sans jamais renoncer à l'État de droit, sans jamais tomber dans le piège de l'arbitraire tendu par nos ennemis. Et c'est la nation rassemblée qui, dans la sérénité des lois de la République, fait chaque jour œuvre de vigilance.
Face à la menace, mes chers amis, nous ne renoncerons à rien. Ni à déclamer les mots universels de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ni à interpréter l'Ode à l'amour, cet hymne magnifique à la tolérance et au respect, ni à réciter la prose poétique de CAMUS et à nous battre contre la bêtise qui, disait-il, insiste toujours. Nous ne renoncerons à rien, surtout pas à rire, surtout pas à chanter, surtout pas à penser, surtout pas à aimer. Nous ne renoncerons pas aux terrasses, aux salles de concert, aux fêtes de soirs d'été. Nous ne renoncerons pas à la liberté, à la liberté de croire ou de ne pas croire, à la liberté de penser, de dire, de dessiner, de blasphémer. Nous ne renoncerons pas à l'égalité entre les femmes et les hommes, entre tous les citoyens, à cette civilité qui nous fait. Nous ne renoncerons pas à la fraternité. Nous ne renoncerons à rien car nos enfants, nos amis, nos concitoyens sont tombés pour cela. Nous ne renoncerons à aucune des valeurs de la République ni à cet esprit de résistance qui fait la République si grande, la France si forte.
Je suis fier d'être parmi vous ce jour, fier de notre peuple si résilient dans les temps d'épreuve qui, toujours, dans les secousses de l'histoire, sait se tenir debout, uni, lui-même.
Vive la République, vive la France !
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