Claude Sempère, l’une des hautes figures du grand reportage français, nous a quittés.

Ce journaliste qui officiait depuis près de trente ans pour le journal télévisé de France 2 et pour son émission « Envoyé Spécial » était un héritier de l’esprit « Cinq colonnes à la une », l’émission qui avait institué le magazine de grands reportages à la télévision française.

Les voix de ses collègues n’en formaient plus qu’une hier pour saluer sa rectitude morale, la rigueur de ses investigations, la précision de ses commentaires, mais aussi l’immense empathie avec laquelle il interrogeait les femmes et les hommes qui étaient les victimes, les témoins ou les héros des événements souvent tragiques qu’il avait la charge de rapporter à ses concitoyens.

Lui qui fut si souvent dépêché sur les théâtres de grandes catastrophes ne s’était jamais départi de sa sensibilité face à leurs cortèges de drames humains. Ses confrères se rappellent tous de ce direct, au lendemain de la tragédie de Furiani, où l’effondrement d’une tribune du stade coûta la vie de dix-huit personnes et en blessa plus de deux mille autres. Sur place au moment des faits, il en faisait le récit avec le même souci de précision qu’il mettait à toute chose mais eut bientôt les yeux embués de larmes et la voix étranglée par l’émotion.

Ses talents d’investigation et d’écriture lui venaient en partie de cette forme suprême d’attention aux autres, d’écoute, de compassion qu’on appelle l’humanité. C’était l’élan premier de son travail. Ces qualités lui valurent d’être couronné du prestigieux prix Albert Londres en 1997 pour un reportage sur la Corse, l’un de ses sujets d’expertise.

Ce grand reporter a arpenté le monde entier pour informer les Français, jusque dans ses confins les plus écartés, jusque dans ses zones de conflit les plus dangereuses, mais il ne réservait pas exclusivement ses grands formats au lointain ou au terrible : il savait que le grand reportage se trouve aussi au coin de la rue. Il aimait y braquer une caméra et y tendre un micro, très conscient que ce que nous croyons familier est souvent méconnu, et que le proche, le quotidien fourmille en réalité d’objets de curiosité et de sujets d’étonnement qu’une forme de myopie au réel offusque souvent.

Il avait été si reconnaissant à Marcel Trillat d’avoir guidé ses premiers pas télévisuels qu’il se distinguait également par ce souci constant de distiller ses trucs et astuces aux journalistes débutants, leur donnant entre autres ce conseil qu’il appliquait toujours lui-même de soigner ses accroches et ses chutes comme ces grands artistes qui mettent toujours un soin particulier dans leurs entrées et leurs sorties de scène. Il avait la passion de l’ouvrage bien fait, du mot bien choisi, de l’angle bien trouvé, de la formule patiemment ciselée. Mais surtout, il exerçait son métier comme on remplit une mission ou un devoir, ayant conservé intacte, toute sa carrière, cette haute conscience de la tâche démocratique qui lui incombait.

Le Président de la République salue le parcours de cet homme qui, au fil de ses reportages, était devenu une figure familière et l’une des grandes voix des informations françaises. Il adresse ses condoléances respectueuses à sa famille, ses proches et tous ses collègues.

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