Fait partie du dossier : L'écologie, combat du siècle.

(Ré)écoutez le discours du Président Emmanuel Macron en séance d’ouverture du Sommet de l’Organisation des Nations Unies sur le climat :

23 septembre 2019 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Discours d’Emmanuel Macron lors de la Conférence Climat à l’Onu

Merci beaucoup.

Mesdames, Messieurs chers collègues,

Mesdames Messieurs les chefs d'État et de gouvernement,

Mesdames Messieurs les Ministres et chers amis.

Juste en quelques mots. D'abord j'ai été très frappé de l'émotion tout à l'heure lorsque quelques-uns des jeunes se sont exprimés. J'ai eu l'occasion d'échanger avec quelques autres.

Nous avons dans beaucoup de nos pays, chaque semaine, depuis des mois et des mois nos jeunesses qui s'expriment. Et je crois qu'elles disent une urgence absolue à laquelle nous ne saurions répondre ici en disant « tout va bien, regardez, on fait ce qu'il faut ». Et cette urgence absolue nous dit une chose, « vous n'allez pas assez vite. Même quand vous êtes conscient de ce qui ne va pas vous n'allez pas assez vite ». Elle nous dit aussi sans doute « vous ne nous associez pas suffisamment aux réponses que vous apportez » et donc j'en prends aussi ma part et je l'entends. Je crois qu'aucun responsable politique ne peut rester sourd à cette exigence de justice entre les générations.

Et je crois aujourd'hui que collectivement notre jeunesse, nos sociétés, nos entreprises, nos investisseurs, les chefs d'Etat et de gouvernement doivent réussir à reconstruire ce qui est une compréhension commune du monde, changer nos habitudes pour agir ensemble. Parce que sinon nous risquons d'avoir un dialogue de sourds pour longtemps entre la dénonciation à laquelle aucune action au fond ne suffit à répondre et de l'autre côté des listes d'actions qui ne sont jamais suffisantes et on se dirait à nous-mêmes « Regardez on a déjà bien travaillé ».

Le seul moyen d'avoir des sommets utiles, d'agir utilement avec nos sociétés et notre jeunesse c'est aussi d'échanger sur ce qu'on comprend, ce qu’on ne comprend pas, comment on essaie de transformer notre système collectif pour répondre à cet impératif de la lutte contre le réchauffement climatique et pour la biodiversité, et comment ensemble on arrive à construire des actions utiles. On a besoin de nos jeunesses dans nos pays pour nous dire d'aller plus vite. On a besoin de cette jeunesse pour nous aider à changer les choses, à réparer, à agir, à mettre plus de pression sur celles et ceux qui ne veulent pas bouger : États, financeurs, entreprises.

Dans ce cadre-là, ce que nous avons fait tous les trois durant ces derniers mois et sous le mandat du Secrétaire général des Nations Unies, c'est justement d'essayer d'avancer. Et je crois qu'il y a un agenda d'actions qui n'est pas dans la satisfaction de lui-même ou dans le contentement mais qui peut être un agenda d'action positif.

D'abord nous devons collectivement, chefs d'État et de gouvernement, changer la rapidité de nos réponses, rester dans l'accord de Paris et être pleinement en conformité avec ses objectifs. Premièrement, je me félicite aujourd'hui qu'on ait eu la bonne nouvelle de la ratification de l'Accord de Paris par la Russie. Formidable nouvelle. Ce n'était pas attendu il y a quelques mois. Ça montre que les choses progressent. Vous pouvez les applaudir.

Deuxième chose, si on veut agir et aller fort, il faut aller vers la neutralité carbone 2050. On a bâti cette coalition qui ne cesse de grandir avec le ralliement du Chili, du Japon, de l'Italie, au G7 de Biarritz, l'Inde qui a donné des signes très forts. Je sais que la Chine est en train de bouger et c'est un élément essentiel.

Dans ce cadre-là, l'Europe doit faire plus. Et donc dès 2020, l'Europe doit prendre des décisions très claires pour pouvoir exaucer les vœux de la nouvelle présidente, Ursula VON DER LEYEN, d'aller vers des réductions accrues de nos émissions à horizon 2030. Ce fameux moins 55% en 2030, il suppose que l'Europe prenne des décisions l'année prochaine d'aller plus vite et plus fort sur un ETS ambitieux, un prix du carbone minimum qu'on doit rehausser et un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières. C'est indispensable si l'Europe veut être à la hauteur de ce qu'elle se doit à elle-même.

Et dans ce cadre-là, la France prendra ses responsabilités. Nous avons d'ores et déjà arrêté toute nouvelle exploration d'hydrocarbures sur le sol français et les dernières centrales à charbon auront fermé leurs portes avant 2022. Maintenant le deuxième élément de cet agenda positif, c'est pour moi d'avoir un agenda commercial qui soit au service de l'agenda climatique. On croit, je crois, en tout cas à une très large majorité nous croyons à un monde ouvert, à un monde d'échanges, à un monde où précisément on fait du commerce, ce qui est vecteur de paix, ce qui a permis de sortir beaucoup de nos concitoyens de la pauvreté. Néanmoins aujourd'hui force est de constater que notre jeunesse, parfois nous-mêmes, ne comprenons plus rien au fonctionnement de ce monde. On veut collectivement reprendre le contrôle. On veut retrouver à la fois de la souveraineté au niveau régional, du contrôle de soi et du sens. Et donc on ne peut plus avoir un agenda commercial qui soit contraire à notre agenda climatique. Il nous faut dans nos échanges être cohérents. Je ne suis plus favorable à ce qu'il y ait aujourd'hui un renforcement ou de nouvelles ouvertures de négociations commerciales avec des pays qui sont en contradiction avec l'accord de Paris. Je pense que ce serait une hypocrisie profonde de tous les débats qu'on est en train d'avoir aujourd'hui et les jours précédents. Et nous devons bâtir, au moins au niveau européen - puisque c'est à ce niveau-là en tant que Français que je vous parle et qu'on a une action utile, - un agenda commercial qui vise le zéro carbone et la zéro déforestation importée. C'est indispensable. C'est un changement profond, c'est une vraie révolution, mais cela suppose de ne pas arrêter l'importation de certaines activités en totalité, mais de dire que quand on importe et que telle activité peut avoir une conséquence négative en termes de déforestation, il faut que ce soit compensé et que ce soit intégré. Sinon nous continuerons à avoir des beaux discours d’un côté et un agenda commercial qui fait exactement le contraire de l’autre. C'est un travail essentiel.

Et puis enfin sur le plan financier, il nous faut là aussi nous mettre en cohérence avec nos actions. Ce souci de cohérence, c'est d'arrêter de financer à l'extérieur des projets d'infrastructures carbonées. On ne peut pas dire ici qu’on on est pour lutter contre justement le réchauffement climatique, pour la biodiversité, et continuer, une fois revenu chez soi, à financer dans d'autres pays des infrastructures qui polluent, qui augmentent les émissions de CO2, et qui font exactement le contraire. Et donc, nous devons le faire nous-mêmes, chacun d'entre nous, dans nos agendas commerciaux et de financement, et nous avons sur ce point franchi une étape dans le cadre de l'« International Development Finance Club » où des engagements ont été pris et annoncés hier de financer mille milliards de dollars pour le climat à horizon 2025. C'est un premier geste. Donc on a encore du chemin mais c'est un premier élément. On va accélérer les investissements dans les énergies renouvelables, la poursuite du retrait du charbon, favoriser l'accès direct des pays du Sud aux financements internationaux. On a beaucoup de pays ici présents qui s'engagent dans cet agenda qui est absolument essentiel et auquel nous tenons beaucoup. Dans un instant le Premier ministre de la Jamaïque et l'émir du Qatar vont rendre compte de notre agenda et de notre mandat sur les 100 milliards qui doivent être mobilisés d'ici 2020, qui est absolument essentiel pour aider les pays en développement à rattraper, et pour avoir un agenda de justice climatique et de justice sociale et de vrai développement.

Je veux dire un tout dernier mot pour conclure. La priorité immédiate est le Fonds vert. La conférence de recapitalisation se tiendra à Paris dans un mois, le 24 et 25 octobre. Sa gouvernance a été réformée cet été pour plus d'efficacité et d'accessibilité. L'Allemagne, le Royaume-Uni, la France ont doublé leur contribution. La France mettra 1,5 milliard d'euros dans le fonds à 80% sous forme de dons. La Norvège a elle aussi doublé sa contribution. Hier, le Danemark et la Suède se sont joints aux pays qui doublent leur contribution. Les Pays-Bas l’ont augmentée. Nous sommes, au moment où je vous parle, à 7 milliards de dollars. La cible est d'atteindre 10 milliards de dollars pour aussi compenser le retrait américain. Il y aura peut-être une bonne nouvelle américaine, je l'espère, durant cette Assemblée générale. Mais j'appelle donc ici chacun d'entre vous pour qui ne l'a pas fait, à rehausser sa contribution au Fonds vert. Je sais que nos amis Japonais attendent beaucoup de cela aussi, il faut qu'ils fassent leurs annonces. Je sais que l'émir du Qatar a des grandes nouvelles à faire. Donc je compte chacun sur vous, des actes, des actes, des actes ! On ne peut pas laisser notre jeunesse passer tous les vendredis à manifester. On ne peut pas voir notre jeunesse dans l’état de souffrance parfois, d'émotions qu'on a vu tout à l'heure et simplement dire « on fait tout bien ». On est encore loin du compte, mais continuons à agir ensemble.

Merci.

Assemblée générale des Nations Unies : le point sur les enjeux

À consulter également

Voir tous les articles et dossiers