Michel Aumont, géant du théâtre et figure incontournable du cinéma, s’est éteint à l’âge de 82 ans. Sa disparition laisse sur nos scènes et nos écrans un vide immense. 

Il avait reçu la passion du théâtre en héritage. Fils de la comédienne Hélène Gerber et d’un régisseur administratif du « Français », cet enfant de la balle n’a jamais douté de sa vocation. Après avoir fait ses classes au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, il fut immédiatement engagé comme pensionnaire à la Comédie-Française, en 1956. Il n’avait pas encore 20 ans. Nommé sociétaire en 1965, puis sociétaire honoraire en 1994, il jouait encore en 2015 sur d’autres scènes parisiennes, à près de 80 ans. S’il aimait tant le théâtre, s’il ne l’a jamais quitté, c’est que tout lui paraissait plus beau, plus fort, plus profond et plus vrai sur les planches. La scène, c’était pour lui une promesse, chaque soir renouvelée, de se réinventer et de vivre en grand.

Aussi à l’aise dans le répertoire classique que dans le théâtre contemporain, Michel Aumont avait la passion de servir les grands auteurs : Molière et Shakespeare, Diderot et Marivaux, Feydeau et Labiche, Ionesco et Beckett, Sartre et Pinter. Il aimait réinterpréter les anciens et défricher les nouveaux. Les fidèles de la « Maison de Molière » se souviennent de ses affinités électives avec certains rôles : il triompha dans Richard III de Shakespeare, fit resplendir le Macbett d’Ionesco de son talent comique et il avait fait d’Harpagon un fidèle compagnon de route en jouant L’Avare plus de 200 fois avec une énergie toujours intacte. 

Dans les années 1970, Michel Aumont était aussi apparu sur nos écrans, petits et grands, et par là même dans la vie de tous les Français. A la télévision, il participa à de nombreuses adaptations filmées de grands classiques du répertoire théâtral et tourna dans des séries à succès comme Les Dames de la côte. Au cinéma, il a tourné avec bon nombre des grands réalisateurs de sa génération, de Claude Zidi à Claude Lelouch en passant par Claude Chabrol, mais aussi Francis Veber, Jean-Jacques Annaud ou encore Bertrand Tavernier. S’il jouait surtout des seconds rôles, la finesse de ses compositions étaient de celles qui donnent aux films leur épaisseur et leur densité. Il excellait à incarner des personnages faussement évidents car il savait faire passer sur son visage, dans sa voix et dans ses gestes les ombres de l’inconfort et de l’inquiétude, les accents du doute et l’étoffe du mystère. Il fut ainsi un mémorable père de famille, engoncé dans ses habitudes et les bienséances, dans Un dimanche à la campagne de Bertrand Tavernier, l’inoubliable conseiller de François Pignon dans Le Placard ou encore un drôle de chef du protocole dans Palais Royal ! de Valérie Lemercier. Comme à la scène, il existait si fort à l’écran, dégageait une telle présence, habitait si puissamment ses personnages que, même à l’ombre des premiers rôles, il brillait toujours. 

Il avait une « gueule » et une voix, de l’élégance et du charisme. Il pouvait tour à tour être émouvant et drôle, grave et léger, pénétrant ou naïf. Avec sa palette de jeu, il était à l’aise dans tous les registres et savait tout jouer. 

Il aura ainsi brûlé les planches et crevé l’écran pendant 60 ans, sans relâche. Le théâtre et le cinéma français perdent aujourd’hui l’une de ces hautes figures qui font leur grandeur. 

Le Président de la République adresse à son épouse et à tous ses proches ainsi qu’au monde du théâtre et du cinéma français ses plus sincères condoléances.

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