18 septembre 2018 - Seul le prononcé fait foi

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Transcription du discours sur la transformation du système de santé "Prendre soin de chacun" du Président de la République, Emmanuel Macron

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.

Elysée – Mardi 18 septembre 2018

Mes chers amis,

Merci d’être là aujourd'hui dans cette salle de l’Elysée et je crois qu’il y a bien longtemps que vos professions n’avaient pas été réunies à l’Elysée. J’ai souhaité le faire, certains diront du fait de mon long compagnonnage avec cette profession, mais surtout et avant tout pour vous témoigner ma gratitude à vous tous, étudiants, soignants, médecins hospitaliers, libéraux, chercheurs, universitaires, directeurs d’établissement ou d’organisme.

Votre travail, je le sais est aujourd'hui parfois malmené par des injonctions contradictoires, des réformes vécues comme permanente et je le sais aussi ce sont des impatiences, parfois des doutes qui peuvent vous animer.

Pourtant, et c’est une première réalité que je veux ici rappeler, grâce à vous et à vos efforts, notre système de santé reste notre force et notre fierté. C’est grâce à votre dévouement extrême que le système tient encore. D’ailleurs les Français, vos patients, vous le reconnaissent. Ils portent une très haute considération à l’ensemble des professionnels de santé. Et permettez-moi, ici, aujourd’hui, en leur nom, de vous remercier et de vous témoigner solennellement de notre reconnaissance républicaine.

Personne ne souhaite se faire soigner ailleurs qu’en France, beaucoup de nos voisins nous envient l’excellence de notre système de soins. Nous sommes attachés à notre modèle qui associe une médecine hospitalière, publique et privée, et une médecine libérale.

Grâce à ce modèle original, la France est ce pays où arrivé à l’âge de 60 ans, l’espérance de vie des Françaises et des Français se situe au 2ème rang des pays du monde. C’est en France que le reste à charge des ménages pour leur santé est le plus faible des pays du monde. Il atteint moins de 8 % en 2017. Et cela tient d’abord à un haut niveau de couverture par la Sécurité sociale et l’ensemble de celles et ceux qui couvrent ces risques qui constitue un acquis que j’entends préserver.

Mais, et c’est une seconde réalité, même si la satisfaction de soigner et de sauver est toujours présente au quotidien chez les soignants, le mal-être s’est désormais installé profondément. Evolution des conditions d’exercice des métiers, relation au malade souvent présentée comme « empêchée », sentiment de n’avoir pas le temps de faire l’essentiel, manque de perspectives d’évolution lorsque l’on est soignant en particulier à l’hôpital public. Tout cela, sont aussi des réalités.

Mon ambition est claire, je veux que ce qu’on appelle le système de santé soit l’un des piliers de l’Etat-providence du XXIème siècle, un système de santé qui prévienne et protège contre les risques de santé d’aujourd’hui et de demain, mais aussi un système de santé qui puisse accompagner les parcours de vie de chacun de nos concitoyens.

1958 a été un tournant car l’organisation des centres hospitaliers universitaires a permis de faire revenir l’excellence médicale du soin et de la recherche à l’hôpital, jusque-là surtout considéré comme un dispensaire. C’était un vrai changement d’approche. Aujourd’hui, c’est à nouveau à un changement de paradigme que nous devons œuvrer. Il sera d’ampleur équivalente pour s’adapter aux évolutions de la science et de notre société, aux nouvelles pathologies et besoins de soins des patients, aux enjeux de la recherche et de l’innovation, pour s’adapter à vos aspirations de soignants et recentrer notre système autour du patient.

Je voudrais vous dire aujourd’hui ma confiance dans notre capacité à réussir collectivement. Cela ne se fera pas en un jour mais, nous devons commencer dès maintenant et travailler ardemment même si cela doit durer 2 à 3 ans. Nous devons restructurer notre organisation pour les cinquante années à venir.

Pour ce faire quels constats partageons-nous ? Je le disais notre système de santé a des forces, mais il s’est considérablement fragilisé ces dernières décennies. Pourquoi ? Parce qu’il a été conçu pour une société où on ne vivait pas aussi vieux qu’aujourd'hui, il a été conçu pour traiter des pathologies aiguës et il a été conçu à une époque avec une offre de soins qui correspondait aux besoins de la société.

Et progressivement ces dernières années, plusieurs évolutions, certaines de notre fait, d’autres liées à l’évolution plus large de notre société, l’ont mis en tension.

D’abord nous avons pensé, et ça a été un dogme pendant plusieurs années, relativement œcuménique sur le plan politique qu'on pouvait réduire la dépense de santé en la régulant par l'offre. Donc on a pensé que raréfier le nombre de médecins, le nombre d'équipements, allait réduire le nombre de malades, ça n'a pas marché et les effets de décalage étant ce qu'ils sont, les décisions prises il y a parfois 20 ou 30 ans nous en vivons les pleines conséquences aujourd'hui. Et les corrections que, j'y reviendrai, nous pourrions apporter nous n'en aurons les pleins effets que dans 10 à 15 ans.

Ensuite la société a changé, précisément parce que notre système de santé a été efficace et donc on vit plus longtemps, plus longtemps en bonne santé et les pathologies que notre système a à traiter ne sont plus les mêmes. Ce sont de plus en plus des pathologies chroniques, c'est de plus en plus des pathologies liées au vieillissement d'une population et donc ce système de soins ainsi organisés n'est plus adapté à ces quelques évolutions que j'évoquais. Ce qui crée une tension en termes d'accès aux soins et on la voit chaque jour quand on est confronté aux difficultés de trouver un médecin traitant ou d'obtenir un rendez-vous dans des délais raisonnables qui est lié au fait que le nombre de consultations disponibles de médecins généralistes a baissé de 15 % en 15 ans, alors même que la population vieillissait, que l'accès aux spécialistes est devenu de plus en plus difficile, les spécialités ayant une grande hétérogénéité des unes entre les autres. Les cabinets médicaux comme les services d'urgence ou les établissements médico-sociaux sont à cet égard saturés.

Tensions ensuite en termes de conditions d'exercice des professionnels de santé dont beaucoup ont le sentiment de perdre le sens même de leur métier, de leur vocation en raison des contraintes administratives et financières qu'ils subissent. Et aussi parce que les nouvelles générations de médecins aspirent à des pratiques différentes et c'est une réalité que nous constatons chaque jour pour mieux concilier vie personnelle et professionnelle, ce qui peut conduire à créer là aussi des tensions d'offres sur les territoires.

Tension financière enfin liée aux défis du vieillissement, du développement des pathologies chroniques, aux coûts des innovations thérapeutiques qui mettent à l'épreuve notre capacité à préserver dans la durée notre modèle de santé solidaire auquel nos concitoyens sont fondamentalement attachés.

Toutes ces tensions n'ont pour autant rien d'inéluctable, rien, chez nos voisins, chez nous dans certains territoires des initiatives, des expérimentations locales parviennent à enclencher de nouvelles organisations et peuvent nous inspirer dès aujourd'hui.

Dans de nombreux territoires de notre pays on a déjà commencé à bouger, fort de ces constats et je regarde autour de nous plusieurs pays ont conduit des évolutions profondes qui ont permis de répondre à ces défis, sans drame, sans crise et sans renoncement aux valeurs de solidarité et aux exigences de qualité.

Ils n'y ont pas non plus répondu en dépensant plus mais, en s'organisant mieux, parce que notre système de santé ne souffre pas d'abord d'un problème de sous-financement, il pêche par un vrai handicap d'organisation, le modèle d'organisation n'est plus adapté ni à la demande, ni à l'offre de soins.

La France, quand je regarde les chiffres, consacre aujourd'hui à ses dépenses de santé une part considérable de sa richesse nationale, à peu près 11,5 % de son produit intérieur brut, ce qui nous situe au 3ème rang des pays de l'OCDE après les Etats-Unis et la Suisse et devant l'Allemagne, la Suède ou le Japon. Il n'est pas question de faire moins et j'y reviendrai là aussi, mais il n'est pas question non plus par facilité de dire, il suffirait de dépenser plus pour que tout aille mieux, ce serait faux.

Le vieillissement, la demande légitime de notre population, les innovations aussi bien en termes de médicaments que de dispositifs médicaux, créent de fait une dynamique de dépenses et c'est donc bien par une réorganisation collective que nous pouvons répondre aux défis que j'évoquais.

Soyons clairs si le budget global que nous consacrons à la santé est élevé, mais que tout le monde considère qu'il est insuffisant dans son quotidien, c'est définitivement que nos organisations de soins, nos modes d'allocation des ressources ne sont pas les bons. Ils ne sont pas adaptés en effet à l'évolution des pathologies plus complexes, plus chroniques qui nécessitent plus de coordinations entre professionnels et plus de prévention.

En effet notre système prévient mal et le constat est aujourd'hui établi. En France on soigne bien, mais on n'est pas forcément en meilleure santé que chez nos voisins, parce qu'on prévient moins bien que chez nombre de nos voisins, en particulier européens. Et ce faisant des pathologies plus lourdes et donc plus coûteuse s'installent et en miroir notre système souffre d'un trop grand nombre d'actes inutiles, d'une sur-médication parce que l'on arrive trop tard ou dans un système trop aveugle qui fait trop d'actes.

Notre système ensuite reste atomisé, cloisonné, déséquilibré, avec de trop nombreux professionnels de ville qui exercent encore de manière trop isolée, des établissements de santé trop souvent en concurrence les uns avec les autres, des secteurs de la ville et de l'hôpital qui ne se parlent pas assez, un virage ambulatoire devant conduire à soigner plus sans recours à l'hospitalisation qui peine encore à se concrétiser et des modes de rémunération qui incitent à la course à l'activité et à l'acte.

L'hôpital concentre ses dysfonctionnements et risque l'implosion sans transformation d'ensemble, car l'hôpital redevient dans les zones les plus tendues ou les plus en difficultés, un dispensaire accueillant toutes les urgences sanitaire et sociale, développant toujours plus d'activités pour survivre financièrement, alors qu'on lui demande au même moment de réaliser plus d'interventions de pointe, d'accentuer l'excellence de sa recherche clinique, de poursuivre les efforts en matière de formation et de faciliter les parcours de soins de ville.

L'hôpital s'est modernisé avec de nouvelles organisations, de nouveaux modes de financement mais aujourd'hui l'hôpital est au bout de ce qu'il peut faire pour pallier notre désorganisation collective et c'est particulièrement vrai pour ses services d'urgences.

Cette course à l'activité est devenue folle - or tout dans notre système y incite - parce qu'elle fait perdre le cap de la qualité. Et la situation est à cet égard absurde, on fait toujours plus dans certaines activités, dont la pertinence n'est pas toujours avérée, 30 % selon les évaluations d'actes coûteux ne servent à rien et on ne parvient pas à satisfaire la demande de soins de base en proximité. Et à force de faire de l'acte, on s'expose à faire toujours plus mais parfois mal. Par exemple pour tous les patients souffrant d'insuffisance cardiaque, on ré-hospitalise deux fois plus en France qu'au Royaume-Uni, 30 % de plus qu'en Suisse. Les patients comme les soignants subissent ce système que je viens de décrire et ses aberrations.

Nous leur devons, nous vous devons donc de casser ce cercle vicieux dans lequel nous nous sommes enfermés pour retrouver l'esprit qui a présidé à la construction de notre système de santé, avec un engagement de tous, pas l'hôpital d'un côté, les libéraux de l'autre et des patients qu'on oublierait au passage, non, en essayant de replacer l'ensemble des acteurs de ce système dans une approche de coopération qui permettra de répondre à ces défis.

Alors face à ce constat, quel est, quel doit être à mes yeux, la vision d'arrivée de ce système de santé ? C'est un système qui doit mieux prévenir, être centré sur le patient et sur la qualité du soin.

Mieux prévenir d'abord, je l'évoquais en citant en quelque sorte ce paradoxe français où on soigne très bien mais, on n'est pas en meilleure santé que chez les voisins parce qu'on prévient résolument moins bien. Dès les engagements que j'avais pu prendre devant nos concitoyens, j'avais appelé à une révolution de la prévention, qui ferait résolument passer notre système et vos pratiques d'une approche curative à une approche préventive.

La ministre, dont je salue ici l’engagement et le travail, chère Agnès BUZYN, mène ce combat depuis les premiers jours et au quotidien, avec des vaccins rendus obligatoires, qui n’ont pas manqué de lever certains débats, la lutte contre le tabac, le dépistage des cancers, la prise en charge à 100 % pour ne plus renoncer aux soins optiques, dentaires, auditifs, essentiels pour que notre état de santé ne se dégrade pas encore plus. Et la mise en place dès cette rentrée du service sanitaire.

40.000 étudiants en premier cycle de santé vont effectuer cette année leur service sanitaire pour enseigner les bonnes pratiques en matière de prévention, en priorité, en milieu scolaire, auprès des enfants et des jeunes qui en ont le plus besoin, dans les zones rurales ou dans les quartiers défavorisés, mais parce qu’aussi mieux formés à la prévention dès le départ, ils seront des professionnels de santé différents, et auront contribué à déployer plus d'actions de prévention dans ces territoires prioritaires.

Toutes les politiques publiques d'ailleurs sont concernées et tout le gouvernement doit être engagé derrière ce Plan priorité prévention adopté en mars dernier. Lorsque, il y a quelques jours, le Premier ministre et le ministre d'Etat présentent un Plan vélo, c'est dans le cadre aussi d’une politique de prévention et d'une amélioration de la santé de nos concitoyens. Lorsque le Parlement vote en deuxième lecture un texte de loi en matière d'alimentation et d'agriculture, c’est une politique de prévention qui vise à développer le bio, la qualité de l'alimentation, en particulier dans les cantines et la restauration collective.

Lorsqu'on interdit les néonicotinoïdes, c'est une politique de prévention et de santé, la tarification sociale dans les cantines ou le petit-déjeuner dans les écoles défavorisées présentés la semaine dernière dans le cadre du Plan pauvreté, c'est une stratégie de prévention en matière de santé. Et donc c'est cet esprit qui doit irriguer l'action du gouvernement comme des parlementaires dans les mois à venir pour poursuivre ce travail indispensable.

Le deuxième axe, c'est la qualité du système de soins au service du patient. Il faut en effet passer d'une approche quantitative et budgétaire d'offres de soins à une approche tournée vers le patient, par pragmatisme, si je puis dire, parce que nous l’avons constaté durant toutes ces dernières années, celui qui décide dans nos systèmes de santé, c’est le patient. Ça n’est ni le gouvernement ni celui qui rembourse ni même le médecin, c’est le patient qui choisit, ce qui, parfois, nous a conduits d’ailleurs à essayer de décider d’en haut des mesures ou des réorganisations, si le patient ne le décide pas lui-même, ne le comprend pas, ne le porte pas, elles ne sont pas efficaces.

Ce n’est pas à lui d’ailleurs de s’adapter au système, mais bien au système de s’adapter à ses besoins. Et c’est autour du patient que doit se construire la réponse des soignants, en proximité, et coordonnée en réseau. Aussi, la structuration des soins de proximité est la priorité des priorités. Car c’est de ce levier essentiel que dépendent beaucoup des réponses aux tensions que nous connaissons. La réponse à la demande de soins de la population, l’accélération du virage ambulatoire, l’allègement de la pression sur l’hôpital, l’amélioration des conditions d’exercice des professionnels de santé de la ville, tout cela tient, repose sur une meilleure structuration des soins de proximité.

Le système de santé demain, c’est un réseau de soins de proximité, dont font partie tous les professionnels de santé d’un territoire, quel que soit leur statut, et qui garantit à la population l’accès permanent à des soins programmés ou non programmés. Les soignants de ce réseau pourront être des hospitaliers, des libéraux, des médecins, des infirmiers, des sages-femmes, des pharmaciens, ce qui importe, c’est que chacun, à sa place avec son expertise, sa compétence, puisse intervenir au bon moment, de manière coordonnée avec ses collègues et en équipe.

Le patient, lui, doit toujours pouvoir accéder à un médecin traitant, à une réponse en urgence, à une expertise médicale spécialisée quand elle est nécessaire. Cette approche exige précisément d’arrêter d’opposer les hospitaliers et les libéraux, les généralistes et les spécialistes, les médecins aux autres professionnels de santé, et de construire un fonctionnement enfin collectif.

Demain, les soignants travailleront de plus en plus en ville, et en même temps, à l’hôpital. Et cette priorité aux soins de proximité doit se coordonner avec l’excellence de la recherche clinique, de l'innovation, de la formation et des technologies de pointe, la cible à mes yeux, c'est cet exercice collectif, décloisonné, coordonné.

Alors la stratégie de transformation à laquelle vous avez travaillé depuis le lancement des travaux par le Premier ministre, en février dernier, doit nous emmener vers cette cible, la ministre Agnès BUZYN aura l'occasion de détailler l'ensemble des mesures envisagées pour accompagner cette transformation. Elles sont nombreuses, car l'ensemble des professionnels est impliqué, mais je voudrais, ici, insister tout particulièrement sur trois orientations et séries de mesures qui jalonneront ce chemin de transformation.

La première orientation, c'est de construire le système autour du patient, et d'abord, tout simplement, de lui permettre d'avoir accès aux soins dont il a besoin. C'est la priorité des priorités, comme je l'évoquais en parlant de la cible que nous devons poursuivre. Et à ce titre, la priorité absolue, c'est de regagner du temps médical et soignant, disponible pour nos concitoyens. Pour commencer, il faut pouvoir être sûr qu'on forme bien et suffisamment de médecins, pour cela, on ne peut pas se satisfaire du système actuel, il a une absurdité qui est un problème pour nous toutes et tous, parce qu'elle est lisible pour tous nos concitoyens.

Aujourd'hui, c'est un gâchis qui concerne chaque année 25.000 étudiants, 25.000 étudiants qui, du jour au lendemain, passent d'excellents lycéens à celui ou celle qui échoue pour la première, deuxième ou troisième fois à la première année, au même moment où nos concitoyens souffrent de difficultés d'accès aux soins, au même moment où quand ils vont dans leur hôpital de proximité, ils s'aperçoivent bien que celui-ci ne fonctionne que parce qu'on a recours à des médecins vacataires, dont les modes de rémunération grèvent le même budget de l'hôpital, dans ce cercle vicieux que nous connaissons, et où on a 10 % de médecins diplômés à l'étranger.

Le système est absurde, et il nous faut donc le regarder en face. Au même moment, nos entreprises cherchent des talents en biotechnologie, dans les laboratoires de recherche et cherchent ces mêmes compétences, j’ai exprimé sur ce point ma conviction de longue date, et les ministres m'ont proposé une rénovation complète des études de santé, et notamment médicales. Le numerus clausus sera donc supprimé pour cesser d'entretenir une rareté artificielle, et pour nous permettre de former plus de médecins avec un mode de sélection rénové, et de renforcer la dimension qualitative et le niveau de formation des études de santé.

C’est ce travail que les ministres conduiront dans les prochains mois pour repenser, après les concertations indispensables, les études de médecine. Mais ne nous leurrons pas sur l'efficacité immédiate d'un tel dispositif, nous subissons aujourd'hui les conséquences de décisions prises, il y a plusieurs décennies, comme je l'évoquais, et nos décisions sur le numerus clausus auront un impact symétriquement dans 10 à 15 ans ; nous devons donc actionner tous les leviers aujourd'hui pour aller plus vite.

Il y a dès aujourd'hui des étudiants qui souhaitent rejoindre des études de médecine ou des études médicales après quelques années passées dans d'autres filières universitaires, en sciences, en biologie, où ils ont acquis des compétences similaires et complémentaires, on exige aujourd'hui trop souvent qu'ils s'inscrivent en première année et repassent par les fourches caudines du bachotage et des concours, ce qui, là aussi, est absurde.

Dès la rentrée 2020, il n'y aura plus de concours à la fin de la première année, c'est-à-dire plus de PACES, cet acronyme, synonyme d'échec pour tant de jeunes. Demain, tous les étudiants inscrits en licence, quelle que soit leur spécialité, pourront rejoindre en deuxième, troisième ou quatrième année le cursus de médecine, et les ministres détailleront justement toutes les formations aux métiers de la santé qui seront ainsi rénovés, pour favoriser les passerelles entre les métiers, les enseignements communs, la possibilité de poursuivre ou de reprendre une formation et de participer à des activités de recherche.

En valorisant et en évaluant aussi pleinement les compétences dont on a besoin en médecine, des compétences qui ont une dimension relationnelle parfois rédactionnelle, là où, il faut bien le dire, le système actuel, essentiellement à base de QCM, ne permet pas totalement de bien identifier ces compétences, qu'on identifie que bien plus tard dans le cursus, avec, là aussi, un gâchis certain.

A tous ceux qui pourraient voir dans cette réforme un renoncement à l'excellence tirée aujourd'hui du concours de fin de première année, je leur dis que ce parcours de formation restera sélectif, sera plus ouvert, plus vivant, attirera des profils plus variés et tout aussi excellents, et sera aussi fondé sur les principes que j'évoquais qui correspondent mieux à la réalité de la pratique médicale quotidienne.

Mais pour libérer du temps médical, pour avoir plus de consultations, plus de patients accueillis, les plus forts gains à court terme viennent donc d'une autre répartition des tâches, nous avons déjà permis que les vaccinations puissent se faire par les pharmaciens, nous devons continuer à décharger les médecins d'actes qui peuvent être faits par d'autres, un peu comme les orthoptistes ont permis de décharger des ophtalmologistes de certaines tâches ou les infirmières qui épaulent les généralistes pour les aider dans le dépistage, le suivi, l'éducation thérapeutique de leur maladie chronique.

Sur ce sujet, il y a une meilleure répartition des tâches et du temps entre les différents professionnels de santé. Et ce qui sera plus valorisant pour l'ensemble de ces dernières. Pour libérer davantage encore de temps médical et faire que les médecins puissent soigner plus et mieux, nous devons leur permettre d'être accompagnés par des professionnels qui effectuent pour eux des gestes simples, comme une prise de tension ou de température, qui préparent à la consultation, qui conseillent et suivent le parcours de patients, qui assument une partie des tâches administratives de gestion et de coordination ; cela va de pair avec une revalorisation de toutes les professions de santé –

(Bruit de verre cassé)

J’'espère qu'il n'y a pas de blessés – et du concours que chacun peut apporter dans le suivi médical du patient, sinon, c'est le bon moment et la bonne journée pour avoir un accident du travail. Tout va bien.

C'est dans cet esprit, et pour ce faire, que nous créerons des assistants médicaux, c'est-à-dire des professionnels qui assisteront les médecins, installés de longue date dans les pratiques médicales de nos voisins, ces personnels de santé accompagneront et déchargeront le médecin d'actes simples, concourant justement à la prise en charge du patient, ces postes seront financés auprès de tous les médecins, d'abord, les généralistes et les spécialistes, pour lesquels des difficultés d'accès aux soins sont identifiés, dès lors qu'ils exerceront de manière regroupée et s'engageront sur des objectifs et des résultats. Prise en charge de nouveaux patients, raccourcissement des délais d'attente, actions de prévention, consultations non programmées.

Alors combien financerons-nous d'assistants médicaux, de ces professionnels qui aideront nos médecins dans les prochaines années ? Autant qu'il en faudra pour accompagner ce mouvement dans tous les territoires, les premiers arriveront dans les quartiers prioritaires pour l'accès aux soins et dans les zones sous-denses, dès 2019. Les professionnels estiment qu'on pourrait gagner entre 15 et 20 % de temps médical avec une telle organisation, l'objectif du quinquennat doit être au moins d'en déployer 4.000. Ce qui représenterait un gain de temps médical équivalant à près de 2.000 médecins supplémentaires compte tenu de l'organisation actuelle, mais si le mouvement est là, si le besoin est là, nous en financerons autant que de besoin. Car c'est au cœur de la réorganisation de l'ensemble de ces professions, et c'est une évolution indispensable.

Nous devons enfin avoir une attention particulière pour les territoires les plus démunis, là où nous ne parvenons pas à remplacer nos médecins qui partent à la retraite, ces fameux déserts médicaux qui sont aujourd'hui une source d'anxiété pour nombre de nos concitoyens, pour leurs élus, de manière légitime, ces déserts médicaux ne sont pas que dans les campagnes, sur ce sujet, ne nous trompons pas, ils sont bien souvent dans les périphéries proches des grandes villes, dans les quartiers les plus difficiles, dans les zones en effet très rurales.

Et donc c'est une France multiple, mais c'est la France qui décroche démographiquement, c'est la France qui aujourd'hui ne parvient plus à attirer d'entreprises, qui ne parvient plus suffisamment à attirer de nouveaux médecins, cette partie de la France où la population vieillit, et où donc les besoins sont nouveaux, et avec le vieillissement de la population, le vieillissement de la démographie médicale, et où en même temps que les besoins continuent de croître, les médecins partent à la retraite et ne sont pas remplacés.

Le nombre de médecins retraités a doublé ces dix dernières années, les départs non remplacés se concentrent justement dans ces territoires les plus ruraux et dans les quartiers urbains difficiles.

Nous avons aujourd'hui près de 20 % de la population qui se situe dans ces territoires prioritaires pour l’accès aux soins que l’on appelle les zones sous-denses. Alors ce que je viens d’évoquer est une première réponse et c’est dans ces zones que nous allons favoriser la réorganisation des professionnels de santé et l’investissement dans ces assistants médicaux pour dégager du temps médical utile, les accompagner et aussi encourager ces pratiques, une forme d’organisation que les jeunes professionnels de santé plébiscitent. Mais nous devons aussi constater que l’impatience légitime est là.

Alors, nous connaissons tous par cœur ici le débat. Faut-il contraindre ? Ne faut-il pas contraindre ? Je l’ai déjà dit de longue date et ce long compagnonnage avec les professionnels de santé m’a instruit en la matière. La contrainte unilatérale venant d’en haut peut faire plaisir – je le conçois très bien – aux élus qui sont sur ces territoires et être une réponse immédiate qu’on propose à ses concitoyens : elle ne marchera pas. Elle ne marchera pas. L’un des problèmes aujourd'hui dans notre démographie médicale, c’est que de plus en plus de jeunes médecins ou moins jeunes qui ont été formés par le système arrêtent la pratique compte tenu de ces contraintes. C’est une réalité. Et donc, si on se met aujourd'hui à dire : « Nous allons totalement contraindre la cartographie en sortie des études de médecine », je pense que nous aurons énormément de mal à répondre à ce défi. En tout cas, ce serait une réponse fallacieuse, de tribune, donc je n'y crois pas.

Mais nous devons là aussi, et je demande à ce que les ministres s'en saisissent dans le cadre de la re-conception des études médicales et des études de santé, quand même réussir à traiter quelques aberrations où la territorialisation et les contraintes que nous posons au long du parcours des études ne correspond pas aux besoins que nous avons ensuite. Et je pense que sur ce sujet, nous avons collectivement beaucoup de progrès à faire et je pense qu'on peut améliorer le système sans parler de contraintes, en permettant plus de mobilité des étudiants, en évitant de concentrer les étudiants sur toutes les mêmes zones, en s'étonnant après que les étudiants qui ont été dans ces zones les plus métropolitaines n'aient pas forcément envie d'aller dans les zones les plus rurales ou les plus difficiles. Je ferme cette parenthèse.

Néanmoins, si nous ne parvenons pas à un moment à avoir un système qui collectivement organise mieux la répartition sur le territoire, il est évident que ces débats relatifs à la contrainte, à l’obligation d’installation, continueront de monter. Mais à court terme, je pense par cet esprit de confiance, d’action collective que nous pouvons avoir une réponse plus adaptée. D’abord en continuant à orienter et favoriser l’installation dans ces zones des professionnels de santé, en développant les structures – maison de santé, installation collective et l’accompagnement que j’évoquais à l’instant – mais également en finançant des postes sur un mode un peu innovant et correspondant, je pense, à ce que nous pouvons offrir.

Aussi, je souhaite que dès 2019, 400 postes supplémentaires de médecins généralistes à exercice partagés ville/hôpital puissent être financés et envoyés dans les territoires prioritaires, salariés par le centre hospitalier de proximité ou un centre de santé pour y proposer des consultations. Je fais le pari que cette mesure exceptionnelle sera attractive parce que nous constatons que les jeunes générations sont en demande d’un exercice collectif, parfois salarié plus important que précédemment. La Ministre conduira sous deux mois une négociation pour calibrer avec vous la dimension incitative de cette mesure qui doit être réelle pour être efficace et pour répondre à cette ambition et ce dispositif sera concentré sur les territoires les plus critiques.

C’est à la fois accompagner et accélérer le mouvement des maisons de santé mais c’est aussi commencer par la preuve à montrer cette porosité que nous devons organiser entre le système hospitalier et le système libéral en proposant des rémunérations attractives, un cadre d’organisation sur le terrain pour ces professionnels de santé plus adapté au choix contemporain. C’est donc le premier axe de cette transformation que je souhaitais ici rappeler et défendre : celui de permettre un meilleur accès aux soins dont le patient a besoin.

La deuxième orientation sur laquelle je veux aujourd'hui devant vous insister, c’est celle qui consiste à construire un système autour du patient en lui permettant d’être pris en charge dans un parcours de soins fluide et coordonné. Cette idée n’est pas nouvelle. Cela fait des années, pour ne pas dire des décennies, que nous en parlons. C’est celle qui a conduit à mettre en œuvre le médecin référent, le parcours de soins, à changer grâce à la coopération de l’ensemble des sociétés savante les modes d’organisation et de remboursement. Mais alors que les pathologies chroniques se développent, la coordination des différents spécialistes devient aujourd'hui incontournable de manière encore plus criante qu’hier et l’exercice coordonné doit devenir une référence.

On le sait très bien : un patient qui souffre de diabète doit avoir autour de lui une petite équipe avec son généraliste, son endocrinologue, son diététicien, son infirmière, son podologue, son ophtalmologue… C’est cette équipe qui doit partager l’information en temps réel, permettre l’optimisation du soin pour pouvoir l’accompagner et vivre dans les meilleures conditions. Ceci suppose d’abord et avant tout le déploiement de nouveaux outils numériques. Là aussi, j’ai le sentiment de parler devant vous d’une arlésienne. Ces outils, nous le savons, sont aujourd'hui insuffisants. Ils sont cloisonnés, ils laissent de côté les patients qui sont pourtant les premiers intéressés. J’irai même plus loin : rien ne sera possible sans une mise à jour radicale de l’architecture numérique. Elle est impérative pour coordonner les acteurs, pour personnaliser les soins, pour décharger les soignants de leurs tâches administratives, pour développer aussi l’intelligence artificielle et déployer de nouveaux traitements.

Nous devrons nous doter dans les trois prochaines années d’une véritable offre de services numériques qui permettent aux patients et aux professionnels de santé, justement qui les prennent en charge, de partager l’information médicale et de communiquer entre eux de manière totalement sécure, respectueuse évidemment à la fois du secret professionnel et de la confidentialité que chacun souhaite pour soi. Cela partira du dossier médical partagé que nous allons déployer au plan national en novembre prochain. Enfin. Mais cela doit aller beaucoup plus loin en dotant tous les assurés d’un espace numérique patient plus large, enrichi d’informations utiles et d’un bouquet de services et d’applications en santé. Il s’agira aussi de développer avec et pour les professionnels de santé des outils numériques territoriaux indispensables à la bonne coordination.

A l’heure de l’intelligence artificielle, ce que nous devons déployer-là c’est le système numérique qui permet à l’ensemble des professionnels de santé comme aux patients, les uns d’exercer leurs fonctions comme il se doit aujourd'hui et les autres de bénéficier de cette médecine personnalisée qui est en train d’advenir. Et ça n’est pas une mode, une lubie ou simplement un changement technique. Ce qui est en train d’advenir, c’est une révolution profonde de la pratique médicale. Nous devons donc la mettre au cœur du système et de sa re-conception en sachant, là aussi, que cette transformation permettra une meilleure répartition des tâches et permettra aux professionnels de santé de se concentrer sur les actes à valeur ajoutée bien davantage. Et je souhaite que dans le cadre de ces réorganisations et de cette stratégie, cet objectif d’une médecine personnalisée et de ces innovations soit placé au cœur pour l’intérêt précisément du patient.

La meilleure organisation passe aussi par une plus grande responsabilité des professionnels de santé dans l'organisation de la réponse aux besoins de santé de la population dans leurs territoires. Ces besoins, nous les connaissons. C'est la prise en charge de tout patient par un médecin traitant. C'est la réponse aux soins non programmés dans le cadre de la permanence des soins en journée. C'est le développement d'une offre structurée de télémédecine. C'est le suivi et la coordination des interventions autour des patients les plus complexes, notamment en sortie d'hospitalisation ou pour prévenir une hospitalisation, ou pour garantir le maintien à domicile de personnes fragiles et âgées. C'est le développement de programmes de prévention.

Nous connaissons tous ses besoins. Et pour répondre à ces vrais défis sur lesquels nous avons une obligation de résultat, il faut que tous les professionnels d'un territoire s'engagent, travaillent ensemble et portent une responsabilité collective vis-à-vis des patients et de la population. Le cadre de cet engagement sera la constitution de communautés professionnelles territoriales de santé qui doivent aussi faire le pont entre les établissements de santé, notamment les hôpitaux de proximité et avec le secteur médico-social. C’est permettre, inciter l'ensemble des professionnels d'un territoire à travailler ensemble et à s'organiser ensemble parce que c'est leur intérêt, là où nous voyons aujourd'hui sur le terrain dans trop de situations des stratégies en quelque sorte non coopératives, si je devais employer un terme pudique, qui sont corrigées comment ? Par des services qui sont mis en place et qui permettent de traiter, dans les zones les plus urbaines, les services d'urgences de nuit. Mais est-ce totalement satisfaisant ? Pas toujours. Ou qui conduisent à reporter la charge sur un acteur du système : l'hôpital et ses urgences avec les conditions et les risques que nous connaissons et la charge sur les établissements hospitaliers, et donc, un système où tout le monde, au fond, devient perdant.

Moi, je souhaite que nous puissions aujourd'hui, sur ces territoires pertinents, avoir une vraie coopération de l'ensemble des professionnels de santé au-delà des frontières de statut, de positionnement, et que l'ensemble de celles et ceux qui portent la bonne santé d'une population en soient coresponsables. Nous devrons faire que ces communautés professionnelles couvrent tous les territoires d'ici au 1er juillet 2021. Je fais confiance aux initiatives de terrain pour qu’elles se déploient en très grand nombre. Je ne veux pas faire de ces communautés professionnelles une espèce de système plaqué d'en haut qui devrait être du même modèle partout sur le territoire. Il y a plusieurs initiatives qui aujourd'hui ont déjà émergé. Il faut les encourager, il faut les développer. Elles n'auront sans doute pas la même forme selon les territoires. Ce qui est sûr, c'est que les gens doivent se parler, s'organiser ensemble autour du patient. Pour encourager chacune et chacun est pour faire que nous ayons ces communautés qui devront couvrir entre 20 000 et 100 000 patients d'ici à 2022, je veux précisément que l'exercice isolé devienne progressivement marginal, devienne l'aberration et puisse disparaître à l'horizon de janvier 2022.

Alors, je sais ce que ce type de propos peut nourrir comme réactions chez des professionnels de santé libéraux. Je sais aussi ce que sont les enjeux et les attentes et je vois aussi ce que sont les aspirations de la nouvelle génération. Je ne viens pas ici poser une obligation qu'il faudrait dire comme une contrainte assortie de je ne sais quelle sanction, mais je pose en revanche un principe que la loi devra affirmer, un objectif qui doit devenir une réalité et, pour cela, il faut s'en donner les moyens. Et à la contrainte, je veux privilégier l'incitation. Une incitation exigeante, orientée sur le résultat à atteindre. Nous nous engagerons ainsi à aider financièrement dans la durée sur 10 ans toutes les communautés professionnelles qui seront créées d'ici 18 mois.

Par ailleurs, pour les professionnels, certains éléments de rémunérations existantes et à venir devront être demain réservés à ceux qui s'inscrivent dans ce nouveau modèle de coopération. Je souhaite également proposer aux professionnels volontaires d'aller plus loin, plus vite, d'opter pour une rémunération qui passe complètement de l'acte à un forfait de prise en charge des populations sur leur territoire. C'est la logique dans laquelle nous devons nous engager et, plutôt que de contraindre, je veux que nous puissions fortement encourager ceux qui se mettront dans cette dynamique de manière proactive.

C’est donc sur cette base que je souhaite laisser se déployer les initiatives sur le territoire. Il appartiendra ensuite de définir, dans les futures négociations conventionnelles avec les professionnels de santé, les termes de ce nouveau pacte et je souhaite qu'ils y parviennent car une telle réforme est toujours plus forte quand elle procède d'un accord plutôt que d'une loi. Et je pense que c'est l'esprit de ce qui a été travaillé depuis le mois de février dernier et de la philosophie que je porte ici devant vous. Nous avons tous intérêt à œuvrer pour mettre en mouvement notre système de santé dans cette direction. A cet égard, il n'est plus possible non plus qu'en situation d'urgence le patient ne sache pas à qui s'adresser et que l'on finisse toujours, comme je le disais, à l'hôpital surchargeant des services qui devraient se concentrer sur les difficultés vitales.

Nous avons ici l'exemple le plus emblématique de nos dysfonctionnements et de la nécessité de repositionner l'hôpital à sa juste place. Nous devons inverser à cet égard cette spirale d'engorgement des services d'urgence hospitaliers qui accueillent nuit et jour des urgences vitales, mais aussi beaucoup de patients qui pourraient être pris en charge en consultation. On estime qu'au moins un passage aux urgences sur cinq relèverait d'une consultation de médecine générale ou parfois, d'ailleurs, ces mêmes actes pourraient être faits dans une structure plus légère : un plateau technique de radiologie, de suture ou d'analyses médicales, on le sait bien aussi. Mais pourquoi aujourd'hui se rend-on aux urgences quand on pourrait se rendre aux consultations ? Ça n’est pas par plaisir évidemment, mais presque par réflexe, comme une évidence que nous avons laissée s'installer ces dernières années et le plus souvent aussi pour une raison de disponibilité. C’est qu’on ne trouve plus de médecins hors de l'hôpital en fin de journée ou tôt le matin et parfois pour une raison financière : c'est qu'on n'a pas besoin de faire l'avance de frais.

Les urgences non vitales doivent donc pouvoir être prises en charge en ville par les professionnels organisés dans leur communauté professionnelle, en lien avec leur hôpital de proximité, ils devront s’organiser collectivement pour assurer une permanence de soins non programmés de jour, tous les jours jusqu’à 20h00.

Initialement, moi j’étais pour dire jusqu’à 22h00, mais on m’a dit que j’ouvrais une guerre absolument impossible si on disait jusqu’à 22h00, donc je suis raisonnable et j’ai dit 20h00, mais ce serait formidable si on pouvait trouver un accord jusqu’à 22h00 sincèrement. Parce que quand on regarde les chiffres des urgences, il y en a énormément entre 20h00 et 22h00, donc j’ai fait confiance à la ministre, au directeur de la CNAM, à l'ensemble des professionnels qui auront cette négociation à conduire, je suis persuadé qu'on peut trouver une solution intelligente jusqu'à 22h00. Mais j'ai dit jusqu'à 20h00 aujourd'hui.

Alors il est évident que les médecins seront rémunérés pour cela et qu'il faudra également organiser, comme à l'hôpital, l'avance de frais pour les patients donc il faut changer le système, je ne suis pas en train de dire qu’il faut pousser les gens à avoir avec la même organisation, les mêmes contraintes, cette permanence de soins. Je suis en train de vous dire que justement on va pousser les gens à mieux s'organiser, on va les accompagner financièrement, les aider à ce qu’ils soient mieux rémunérés quand ils s'organisent, qu’ils aient les assistants médicaux et pour ceux qui font la permanence de soins, qu’il y ait une vraie incitation et donc qu'on les aide là aussi dans leurs équipements et la rémunération.

Dans les territoires où la situation des urgences hospitalières est la plus critique, je souhaite vraiment que cette organisation des soins non programmés, comme on dit, et donc des urgences de villes, soit mise en œuvre au plus tard en 2020. En parallèle nous devons rendre les services d'urgence beaucoup plus réactifs aux urgences vitales. Notre système, on l'a vu, n'est pas toujours aussi efficient qu'il devrait l'être et ne garantit ni la qualité, ni la rapidité de prise en charge en tous points du territoire. Et là-dessus je veux avoir un mot pour toutes celles et ceux qui font tourner nos systèmes d'urgences, si nous avons eu des cas qui ont parfois défrayé la chronique, ça n'est pas leur faute, c'est la faute de notre organisation. S'ils n'étaient pas là jour et nuit pour déjà faire tourner le système, pour déjà assurer chaque jour l'excellence d'un système tel qu'il existe et le fait de pouvoir subir à la fois le stress extrême de celles et ceux qui se présentent aux urgences comme la qualité de ces soins, nous n'aurions même pas le luxe d'en parler.

Et donc ils sont les premières victimes de cette organisation aujourd'hui insatisfaisante, dont je veux avoir un mot pour toutes celles et ceux qui sont ou régulateurs, ou personnels soignant dans nos urgences, on les a parfois stigmatisé dans les débats récents, il appartiendra de définir des responsabilités, mais s'il y a une première responsabilité, c'est la nôtre, il ne faut pas se défausser sur tel ou tel.

Alors ce sujet est éminemment complexe, je sais que plusieurs travaux sont en cours sur en particulier le numéro unique d'appel d'urgences notamment, des propositions ont été faites par les représentants des urgentistes, des pompiers, des parlementaires et d'ici à la fin de l'année la décision sera prise sur la base des propositions qui seront faites dans les prochaines semaines par les ministres de la Santé et de l'Intérieur. Mais je suis bien conscient de l'importance de ce sujet et de la réorganisation à laquelle nous devons procéder sur ce point.

Enfin la troisième orientation que je voulais partager avec vous pour construire ce système autour du patient, c'est de lui garantir la qualité des soins, quel que soit l'endroit où il vit sur le territoire. Nous devons là-dessus sans tabou nous attaquer à la question de cette qualité des soins parce que c'est une hypocrisie de dire quelle est la même sur tout le territoire français. Une hypocrisie, on le sait bien, elle est liée à l'endroit où l'on vit, aux accidents qu'il y a pu avoir dans l'organisation de l'offre de soins, au réseau dont on dispose, aux passe-droits qu'on peut activer pour avoir accès le plus vite possible ou aux meilleurs professionnels et donc nous avons une manière bien française de traiter la problématique des files d'attente, c'est que nous avons organisé des passe-droits et des systèmes parallèles qui fonctionnent bien et pour celles et ceux qui sont les mieux placés dans le système, le rend viable mais qui pour le moins ne règle pas la situation d'une très large majorité de nos concitoyens.

Et là-dessus nous devons remettre les choses à l'endroit. Les hôpitaux et les cliniques de proximité doivent faire bien davantage de soins de proximité. Les établissements de pointe doivent se concentrer sur les soins de pointe et je sais d'ailleurs qu'une réflexion est engagée au sein de vos conférences sur l'avenir du modèle hospitalo-universitaire, la performance de la recherche et l'innovation en santé pour aboutir à des propositions d'ici vos assises de décembre qui coïncideront avec l'anniversaire des 60 ans de l'acte constitutif des CHU par les ordonnances dites Debré de décembre 1958. Mais pour le dire de manière concrète, je préfère qu'un patient subissent une opération lourde à 50 kms de chez lui, avec le plus haut niveau de qualité, s'il peut ensuite faire sa rééducation, son suivi postopératoire au plus près de chez, entouré de ses proches dans un établissement de proximité. Lui faire croire qu'il pourra avoir cette chirurgie de pointe dans son établissement de proximité est faux, faire croire que cet établissement de proximité parce qu'il est de proximité doit être fermé est aussi faux, parce qu'on en a besoin pour organiser justement cette offre au plus près du terrain.

Et donc à ce titre chaque hôpital devra se concentrer sur les soins pour lequel il est le plus pertinent. L'organisation des activités des établissements s'adaptera donc selon trois niveaux redéfinis, le soin de proximité avec la médecine, la gériatrie, la réadaptation, les soins non programmés ; les soins spécialisés avec la chirurgie, la maternité, la médecine spécialisée et les soins ultra spécialisés ou les plateaux techniques de pointe.

Pour les établissements publics cette gradation des activités continuera de s'organiser autour des groupements hospitaliers de territoires qu'il faut continuer à développer mais, je souhaite que cette répartition des activités de la proximité à l'ultra spécialité concerne aussi le secteur privé et que les établissements publics comme privés puissent ainsi développer des plateaux techniques partagés, s'associer dans le cadre d'un projet de santé de territoires pour répondre aux besoins des patients sans concurrence inutile et néfaste.

On a encore aujourd'hui trop de territoires où on bloque des projets d'installation d'équipements de pointe parce qu'il y a des jeux de concurrence entre le secteur public et le secteur privé, où on ne répond pas aux besoins, où on n'a pas la bonne organisation on pense qu'on va tout faire à tous les niveaux jusqu'au moment où ça casse et où on ferme totalement la structure de proximité.

Je crois que si on arrive à réorganiser les choses autour de cette gradation, de ces trois niveaux, et qu’on acte ce principe, nous pouvons utilement avancer dans une meilleure qualité de l’offre de soins. Ainsi, certaines activités médicales devront être renforcées en proximité quand d’autres devront se concentrer dans les établissements experts. Certaines activités devront fermer à certains endroits quand des plateaux techniques sous-utilisés deviennent dangereux ou que l’absence de médecin qualifié ne permet pas de les sécuriser. Mais ces structures-là pourront être réutilisées soit pour des services de proximité ou de premier niveau, soit pour du suivi postopératoire au plus près de la famille et pour décharger aussi des structures de pointe de la période postopératoire. Je ne souhaite pas qu’on ferme un service, un établissement pour des raisons financières mais je ne laisserai pas non plus ouvert un service dans lequel aucun d’entre vous n’enverrai ses enfants.

Je demande ainsi à la Ministre de la Santé, mais je sais que les concertations ont déjà commencé sur ce sujet, de définir un statut moderne et attractif pour les hôpitaux de proximité, ce qui doit être une priorité des prochains mois. Tous les établissements auront à se repositionner et seront concernés par cette transformation de l’offre, du plus petit hôpital local à la grande AP-HP, et ces travaux devront évidemment associer l’ensemble des acteurs, l’ensemble de l’offre de soins – médecine libérale, privée, secteurs associés au service public – et évidemment les élus locaux.

L’accès à la qualité des soins, c’est aussi s’attaquer plus fortement aux actes non pertinents et faire évoluer le mode de financement pour valoriser la qualité des parcours des patients. Je l'ai déjà dit, je veux que nous sortions d’une espèce de système qui a montré toutes ses limites, qui favorise la course à l'acte et l'activité, qu'incarne aujourd'hui la fameuse T2A, au profit d'un financement qui favorise la prévention, qui soutient la coopération entre les professionnels et qui remette la qualité comme premier objectif des prises en charge. Comme je m'y étais engagé, dès 2019 l'incitation financière à la qualité sera nettement augmentée dans les établissements hospitaliers. Elle passera d'une enveloppe de 60 millions d'euros aujourd'hui à 300 millions d'euros. De plus, dès 2019, nous amorcerons la bascule vers une proportion plus importante de financement à la qualité en créant un financement au forfait pour deux pathologies chroniques : le diabète et l'insuffisance rénale chronique en lieu et place de la tarification à l'activité.

D’ici à 2022, ce système de tarification plus incitative au parcours et à la qualité des soins sera devenu la composante principale du financement de la ville et de l'hôpital et nous en aurons fini avec la tarification uniquement centrée sur l'activité qu'il s'agisse de la T2A d'une part ou l'exclusivité du paiement à l'acte. Cet accès à la qualité des soins, c'est aussi enfin et surtout permettre au personnel soignant de retrouver un environnement de travail apaisé et une juste revalorisation de leur travail singulièrement à l'hôpital.

Le chemin sera long pour inverser le cercle vicieux que j'évoquais tout à l'heure. Cette transformation doit être accompagnée au plus près des équipes soignantes. L'hôpital, je l'ai dit à plusieurs reprises, est en première ligne des transformations du système de santé et a connu une pression budgétaire très forte ces dernières années.

Dans ce contexte il faut s'interroger de façon plus spécifique sur les conditions d'exercice des professionnels hospitaliers pour redonner du sens à leur mission, des perspectives à leur carrière. L'accompagnement des parcours des soignants, de leur projet professionnel doit devenir une réalité dans tous les hôpitaux. La gestion en particulier des deuxièmes parties de carrière doit devenir un moment privilégié. C'est vrai dans tous les univers professionnels, cela l'est encore plus pour les soignants.

Cela suppose de réinvestir le dialogue social sur les organisations du travail et le développement des compétences. Il s'agira aussi de mieux former les personnes qui acceptent des responsabilités, de reconnaître par des mesures d'intéressement les fonctions d'encadrement, de management qu'il soit médical ou soignant, qu'il concerne le président de la commission médicale d'établissement ou les cadres de santé de proximité.

Les professionnels de santé sur le terrain attendent un encadrement plus souple, plus aidant et attendent que nous donnions les moyens à cet encadrement de faire ce travail. A l'hôpital on peut former de bons médecins, de bons gestionnaires, on peut aussi former des managers et je sais que les représentants des directeurs et des médecins et de l'ensemble des cadres en sont convaincus. Des décisions seront ainsi prises pour valoriser et rémunérer de nouvelles pratiques dites avancées pour les infirmières, maillon essentiel de nos équipes soignantes. Cette forme moderne d'exercice permettant à des professionnels paramédicaux de se voir reconnaître des compétences relevant réglementairement des médecins, souhaitée depuis plus de 10 ans est enfin possible.

Une attention particulière sera réservée aux aides soignantes, dont le cadre de compétences et de formation sera actualisé, afin de mieux répondre aux réalités de leur exercice. Les conditions d'emploi en seconde partie de carrière feront l'objet d'une réflexion spécifique et je confirme qu'un effort indemnitaire sera mis en œuvre en particulier pour les aides soignantes qui exercent dans les EHPAD.

En termes d'organisation de l'hôpital les choses doivent aussi être plus claires, je veux redonner toute sa place au service, car c'est l'espace de référence des soignants et le lieu de la prise en charge des patients. Non pas pour restaurer des bastions cloisonnés, je ne veux surtout pas rentrer dans le débat beaucoup trop complexe pour moi entre les services et les pôles, dont j'ai compris que je ne parviendrais pas à en saisir la substantifique moelle, mais il s'agit au contraire de promouvoir un cadre favorisant le sentiment d'appartenance à un collectif organisé dont les missions, les objectifs, les procédures sont connues et partagée.

Au fond en écoutant beaucoup de personnels soignants à l'hôpital j'ai été frappé d'une chose, c'est qu’ils ont eu le sentiment d'être un peu dessaisis de l'évolution de l'hôpital durant ces dernières années et les dernières réformes. Dessaisis parce qu'on a peut-être regroupées en voulant créer des complémentarités entre services et éloigner les décisions au niveau le plus proche des patients, éloigner parce qu’on a créé une administration de gestion qui a parfois aussi éloigné ou déresponsabilisé des personnels de santé. Et puis parfois les personnels de santé se sont peut-être installés aussi dans cet esprit-là en considérant que si c'était comme ça, ils n’avaient plus à être les co-acteurs de l'évolution de l'hôpital. Et on a peut-être affaibli collectivement la force qui est que c'est un collectif soignant à qui on doit donner toute la reconnaissance et les responsabilités qui vont avec.

Et donc pour cela je veux remettre le médecin au cœur de la gouvernance. Il faut renforcer la participation des médecins au pilotage stratégique en associant mieux la CME aux décisions médicales, la CME doit peser dans les décisions à l'hôpital et pouvoir d'ailleurs prendre une part de décision propre. Responsabiliser les praticiens dans la mise en œuvre des décisions implique qu'ils s'en sentent partie prenante et à ce titre des représentants des communautés professionnelles de territoire intégreront le conseil de surveillance de leur centre hospitalier de proximité partenaires. Les groupements hospitaliers territoires seront dotés d'une véritable commission médicale d'établissement dont les compétences seront élargies, mais je souhaite aussi que les médecins et leurs représentants puissent prendre une part plus active dans les décisions directes des hôpitaux. Et je souhaite que la possibilité déjà ouverte aux praticiens hospitaliers et au PU-PH de diriger des hôpitaux se réalise pleinement à l'occasion des prochaines nominations et puisse être plus massive.

Il faudra aussi moderniser le statut de praticien hospitalier pour donner plus de souplesse dans l'évolution de carrière et dans la diversité des modes d'exercice. Là aussi il faut faire tomber les cloisons, un médecin doit pouvoir facilement passer d'un exercice en ville à un exercice à l'hôpital et réciproquement et surtout combiner les deux par un exercice mixte qui devrait devenir de plus en plus fréquent.

Au fond beaucoup de barrières qu'on a installées ces dernières décennies doivent tomber, on a progressivement installé la barrière consistant à limiter la pratique non directement hospitalière des praticiens hospitaliers ou des PU-PH. Le résultat des courses est là, que les directeurs d'hôpitaux ou chefs de service présent cette salle disent combien de postes sont à pourvoir. Il y a 30 ans, c'était inenvisageable, inenvisageable, des postes les plus prestigieux ne sont plus pourvus à l'hôpital parce que la capacité de s'organiser librement, de peser dans la décision, d'être justement rémunéré quand on regarde les compétiteurs du secteur privé, n'est plus là et donc nous devons y répondre par ces réorganisations, en termes de capacité à décider et participer à la décision, en termes de capacité à s'organiser en faisant aussi tomber la frontière avec l'organisation, avec la ville et le libéral.

A ce titre la diversité de l'existence de l'exercice médical n’est la plupart du temps ni valorisée, ni reconnue et il faut que l'ensemble des missions du praticien hospitalier, clinique, non clinique, managérial, institutionnel, recherche, enseignement, innovation soit reconnu statutairement et intégré dans les obligations de service. C'est le meilleur gage d'une implication durable dans le fonctionnement de l'institution hospitalière.

Et cette réorganisation autour de la qualité pour la qualité est d'autant plus indispensable qu'il s'agisse de l'hôpital comme des structures privées, que nous avons aujourd'hui une vraie révolution en termes d'innovation à conduire. Et que nous allons conduire là aussi dans nos choix budgétaires et industriels. Les prochaines années se feront en ayant une stratégie claire du médicament, qui a été annoncée en juillet dernier aux professionnels. Il faut leur donner de la visibilité, axer nos financements sur l'innovation mais nous pouvons devenir ou plutôt redevenir une grande terre d'innovation en médicaments. Si nous nous en donnons les moyens et nous pouvons là aussi le faire, nous avons tous les moyens de devenir un des champions de l'intelligence artificielle en médecine, des dispositifs médicaux à l'organisation du système de soins. Nous avons un avantage notre jacobinisme, la concentration dans les mêmes structures de toutes les informations de santé dans un cadre régulé, protecteur des intérêts individuels est une chance incomparable, seuls les Chinois qui sont moins respectueux des libertés individuelles ont une telle organisation centralisée. Quasiment aucun autre pays n'a cette capacité de croiser les données de santé des concitoyens à des fins thérapeutiques et dans un cadre totalement surveiller, c'est inédit. Nous avons de l'excellence de recherche dans les organismes CNRS, INSERM, dans nos CHU, dans les structures de recherche privée, dans les start-up de la biotechnologie, cette révolution nous devons aujourd'hui la saisir. Et elle rend encore plus impérieuse la transformation que j'évoquais de notre système autour de la qualité parce que c'est ce qui permettra à nos professionnels de santé aussi bien à l'hôpital que dans les structures privées et par ce partenariat que je veux refonder, de travailler ensemble et d'être les acteurs, aussi les coproducteurs de cette innovation collective.

Ça n'est pas d'un discours misérabiliste dont notre santé a besoin, c'est un discours d'ambition. Nous n'allons pas à revenir à 1958, nous avons à inventer les 50 prochaines années notre système de soins, avec des vraies forces que j'ai rappelées, des défis qu'il nous faut relever par l'intelligence collective et quelques décisions, mais nous avons à inventer un système de santé qui advient. Nous pouvons le faire si nous nous donnons ces moyens.

Alors certains sceptiques douteront peut-être et je terminerai sur ce point pour conclure, pourquoi réussirions-nous aujourd'hui ? D'abord parce qu’on est plus fort de ce qu'on n'a pas réussi et beaucoup de choses ont été tentées, peut-être de manière parcellaire, ont parfois bloqués, mais je crois qu'aujourd'hui nous sommes à un niveau de maturité du constat qui est évident. Nous sommes à un niveau de souffrance dans certains services, dans certaines parts de notre pays qui est réel et tangible. Et comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, moi je ne crois pas aux réponses uniquement curatives ou symptomatiques, je ne crois pas que la réponse à ce que nous vivons dans nombre de nos territoires soit simplement de dire, remettez de l'argent en plus, ne changez rien au système, il faut simplement de l'argent public, c'est le seul problème. C'est faux, c'est tout ce qu'on vient de se dire et je crois que la maturité de tous les acteurs, notre maturité collective, fait que nous pouvons aujourd'hui le faire et que c'est d'ailleurs un peu cette dynamique qui a toujours animé notre pays.

Je l'ai souvent dit, on me l'a parfois reproché, la France n'est pas un pays qui se reforme par petits pas, ce n'est pas sa culture politique sociale profonde. C'est un pays qui fait des grandes transformations, qui font de notre pays un pionnier, un leader dans tel ou tel secteur et qui ensuite quand les difficultés adviennent, s'enferme dans la certitude que la grande transformation fait 30 ans plus tôt était la bonne et qu'il a toujours raison, jusqu'à ce que l'évidence advienne. L'évidence est là.

Donc il ne s'agit pas de faire un énième petit pas et c'est bien pour ça que je pense que nous pouvons le faire et le réussir. Il s'agit de construire une transformation en profondeur qui va nous amener les uns et les autres à changer les réflexes, les habitudes et je crois que c'est ce que vous attendez de nous et au fond de vous-mêmes.

Nous savons où nous voulons aller et nous irons en investissant parce que nous pensons que cet horizon permettra justement de mieux prévenir, d'avoir une meilleure qualité de soins, d'avoir un système centré autour du patient.

Alors je m'étais engagé à un ONDAM, comme on dit, de 2,3 % pour le quinquennat, ce qui était un véritable effort, mais au prorata de ce qui est demandé aux collectivités territoriales et l'Etat, légitime, mais j'ai conscience que compte tenu de la transformation que nous évoquons, il nous faut investir aujourd'hui pour répondre à des problématiques de court terme que nous connaissons, qu'il s'agisse de la situation des hôpitaux en Outre-mer, de l'AP-HP, de l’AP-HM ou des établissements psychiatriques où nous savons, nous avons des situations d'urgence qui appelleront de toute façon là des mesures d'urgence. Mais nous avons aussi à financer dès l'année prochaine le recrutement des assistants médicaux, la constitution de ces communautés professionnelles, la rémunération des nouvelles infirmières de pratiques avancées et tout ce que je viens d'évoquer.

C’est pourquoi nous concentrerons une part supplémentaire du plan d’investissements d’avenir sur les sujets de santé et d’investissements de transformation et que nous avons décidé de pousser l’ONDAM à 2,5 % et donc d’investir 400 millions d’euros supplémentaires sur ces priorités pour l’année prochaine.

Au-delà de cet investissement, pour y arriver, un projet de loi sera nécessaire pour accompagner l’évolution des études de santé, de la gouvernance, des cadres d’exercice mixtes, des modes de financement et il sera à l’agenda de l’année 2019 pour que les innovations et les premières mesures puissent être commencées dès 2019 à travers le projet de loi de financement de la Sécurité sociale mais que l’ensemble de ce que nous avons évoqué puisse être pleinement déployé à partir de la fin 2019 et totalement dès le début de l’année 2020.

Ceci pour vous donner les jalons et les précisions mais au-delà de ce sujet, pour vous dire que ce défi, et je sais que vous n’êtes pas ici à convaincre, est un des défis essentiels pour notre nation. D’abord, parce que c’est ce qu’attendent nos concitoyens de nous. Lorsqu’on demande aux Françaises et aux Français ce qui leur importe le plus dans leur quotidien, la santé ressort toujours au premier chef. Ensuite, parce que c’est ce qu’on attend d’une grande nation et c’est ce que nous devons aussi bien aux patients qu’à celles et ceux qui ont dédié leur vie aux soins de l’autre.

Et donc pour toutes ces raisons, je souhaite que l’esprit dans lequel vous avez travaillé depuis le mois de février dernier de coopération et d’exigence, nous puissions le poursuivre dans les années qui viennent pour parvenir aux bons accords, aux bonnes transformations, simplement parce que je pense que c’est le bon moment, c’est l’heure et que nous en sommes capables.

Je vous remercie.

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